Le Liban, protectorat français depuis 1922, a obtenu son indépendance du Général de Gaulle le 22 novembre 1943. La fuite des pétainistes devant les Anglais en juillet 41, avait donné de grands espoirs aux nationalistes libanais, et la France Libre était mal placée pour soutenir une domination violente. Le Liban à peine créé, dès 1947, s'est joint aux autres pays arabes contre les sionistes. Il a voté contre le partage de la Palestine en 1947, et a détaché des soldats pour soutenir le combat des Palestiniens. Cette position m'a semblé incompréhensible, je savais que le Liban faisait partie jadis de la Syrie turque, avec une forte population chrétienne. C'était pour protéger ces gens contre les agressions coutumières des musulmans que la France avait décidé de créer Le Liban, en amputant la Syrie d'une grande partie de sa façade maritime. Il faut bien avoir en tête que les états-nations actuels sont très récents dans la région. Il y a à peine un siècle, il n'existait ni Liban ni Syrie ni Palestine, ni Israël, ni Jordanie, mais uniquement des provinces turques arabophones aux contours fluctuants, sans frontière, où chaque pièce du patchwork des populations vivait en communautés, toutes soumises à la houlette lointaine du Sultan. Pour les sionistes, comme pour moi-même, le Liban, état multiculturel, ne pouvait que voir d'un bon oeil un autre état voisin multiculturel échapper à l'emprise totalitaire de l'islam . Or il n'en a rien été. Le Liban s'est engagé dans la lutte arabe et encore aujourd'hui, ses dirigeants qualifient systématiquement d'ennemi leur voisin du sud, en méprisant ses appels répétés à vivre en paix. Cette situation s'explique par le communautarisme du Liban. Depuis toujours, les chrétiens ont regardé vers l'Occident et les musulmans vers l'Orient. Pour cela, dès 1943 un pacte national, non écrit fut conclu par Bichara Al Khouri, président chrétien de la République et Riad Al Sol premier ministre sunnite :
Le tandem divergeant pour couple en instance de divorce, dessiné par Carelman dans son catalogue des objets introuvables aurait pu être le symbole du nouvel état. Il existait avant 1948 d'excellentes relations libano-palestiniennes. Naturellement les pays étaient proches : mêmes ethnies, mêmes religions, même langue, même histoire, et une voie ferrée reliant Beyrouth à Jaffa servait d'épine dorsale au brassage humain de la côte méditerranéenne. Les sionistes avaient provoqué un développement économique en Palestine, ce qui avait attiré de la main d'oeuvre libanaise. De nombreux mariages ont eu lieu entre Libanais et Palestiniens. Beyrouth était une ville où il faisait bon vivre et attirait les touristes. Il était Nice pour les Palestiniens fortunés. La communauté juive libanaise assez peu nombreuse, vivait sans problème particulier, elle était une des nombreuses minorités qui colorait le paysage oriental. Georges Corm explique ainsi l'intervention libanaise au côté des Palestiniens en 1948 : «Les premiers à s’alarmer du côté arabe, dès le début du XXe siècle, furent les chrétiens de Palestine, du Liban et de Syrie : ils sentirent la menace que faisait planer sur leur propre sort l’avènement d’un tel Etat, fondé sur le monopole d’une communauté alimentée par un apport démographique étranger à la région : les Juifs ashkénazes fuyant les persécutions en Russie et en Europe orientale. Aux yeux des communautés chrétiennes orientales, l’entreprise sioniste, appuyée par les puissances coloniales européennes, ne manquerait pas de ressembler aux croisades, et donc mettrait en péril les bonnes relations séculaires entre chrétiens et musulmans du Proche-Orient. Par ailleurs, un tel succès pourrait amener certains, dans les communautés chrétiennes locales, à vouloir jouir du même droit que les Juifs venus d’outre-mer à un Etat communautaire chrétien.» Les bonnes relations séculaires sont à relativiser, Abd El Kader n'a-t-il pas eu la légion d'honneur car il avait protégé des chrétiens de Syrie en 1860 ? (à la tête de ses guerriers algériens, il parcourt Damas et contribue à sauver des milliers de personnes en les arrachant aux émeutiers et en les plaçant sous sa protection) Le massacre des Arméniens n'a-t-il donc jamais existé ? Georges Korm ne s'est-il jamais interrogé sur les raisons qui ont poussé la France à détacher le Liban de la Syrie ? |
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L'exode d'une importante communauté palestinienne vers le Liban a commencé dès 1947, et s'est prolongée pendant plusieurs années. D'abord les riches sont partis, puis les moyens, puis des pauvres au fur et à mesure que la défaite arabe devenait évidente. Lentement leur accueil s'est dégradé. Les derniers arrivés venaient de villages frontaliers, "évacués" en 1949 par la jeune armée israélienne pour "sécuriser" sa frontière nord. Submergés, les libanais ont fini par regrouper les palestiniens les moins fortunés dans des "camps de réfugiés", dans l'attente d'un éventuel retour. La fermeture de la frontière israélo-palestinienne a été vécue comme un véritable drame, par les palestiniens et les Sud-Libanais. Je me souviens qu'en 1982, lorsque le président Béchir Gemayel avait signé une paix avec Israël (rompant ainsi le pacte national), la frontière israélo-libanaise avait été ouverte : on l'appelait "la bonne frontière". Des libanais revenaient travailler de l'autre côté de la frontière, des arabes ont alors déposé une requête auprès de la cour suprême d'Israël, en disant : « Laissez nous rentrer dans nos villages à la frontière libanaise, les motifs de sécurité ne sont plus valables vu qu'il y a la paix. ». On sait que les anti-occidentaux ont fait assassiner Bechir Gemayel et que la situation a été «normalisée» ... c'est à dire que le Liban a rejoint la ligue arabe, en ruinant les espoirs des villageois palestiniens frontaliers. Cette petite lucarne a laissé entrevoir qu'une autre histoire, plus heureuse, aurait été possible avec les mêmes acteurs. Imaginons qu'il y ait eu la paix, des populations amies, arabes et étrangères, auraient cotoyées les populations juives, l'israélien et le palestinien moyen aurait compris qu'être arabe ou juif et ami n'est pas incompatible. Cela aurait rejailli sur l'image des arabes israéliens, qui auraient été mieux dans leurs baskets en jouant la carte nationale. Et si les relations humaines de tous les jours avaient été bonnes, le conflit de fonds aurait été plus facile à résoudre. La méfiance et l'hyper-sécurité créent ou aggravent les conflits. Celui dont on se méfie sans raison se sent humilié et à postériori justifie souvent la méfiance qui était sans objet à priori.
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Diaspora, et poids des chrétiens Aujourd'hui, le Liban est loin du puissant empire antique qui a fondé Carthage près de Tunis, c'est un des plus petits pays du Proche Orient, à peine trois millions et demi d'habitants, mais une diaspora deux fois plus nombreuse. Soit une population un peu plus faible que la population juive, mais avec une diaspora relativement plus importante.
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Le lecteur remarquera que la frontière israélienne est peuplée de Sunnites, de Chiites, ou de chrétiens selon les cartes ! |
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Un pays patchwork, où les zones de populations se mélangent dans des contours incertains. Les guerres ont probablement occasionné bien des mini nettoyages ethniques au fil des ans. Les chrétiens qui représentaient la moitié du pays en 1932, n'en représentaient plus que le quart en 1985, et ce pourcentage a dû encore baisser en raison de l'immigration. 1.370.000 personnes auraient quitté le Liban, entre 1975 et 1996, dont 60 à 70 % de chrétiens (822.000 chrétiens et 548.000 musulmans sont partis). Simultanément, la Syrie a encouragé l'arrivée massive de travailleurs immigrés syriens et la croissance démographique des musulmans est toujours supérieure à celle des chrétiens. Ceux qui partent le font d'abord pour des raisons économiques, et sont plutôt diplômés, mais l'intolérance explique aussi certaines fuites.
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La marginalisation des Palestiniens
Le Liban n'a pas intégré les Palestiniens car vu leur nombre, il aurait modifié l'équilibre démographique et donc changé le point trois du pacte national de 1948. Les Palestiniens vivent souvent concentrés dans des villes ou des quartiers de ville, dont Nahr al Bared avec ses 40 000 habitants est un exemple. Faute de consensus national, des autorités libanaises n'ont pu ni gouverner cette minorité ni l'intégrer à la nation, elles ont laissé se créer des mini états dans l'État. La Syrie et les mouvements dits terroristes trouvent naturellement dans ces villes de non-droit des milices prêtes à recevoir leurs armes et à s'engager à leur côté. Avant 1982, les Palestiniens faisaient la loi à frontière israélienne, aujourd'hui c'est le Hezbollah, et le gouvernement libanais ne gouverne toujours pas. En 1982, Israël avait demandé à l'armée libanaise de désarmer des villes palestiniennes, dont Sabra et Chatila. Devant son refus, il avait proposé à une milice libanaise de le faire, et on a vu le résultat dramatique. L'engagement libanais pour la cause palestinienne s'est souvent traduit par la misère des Palestiniens et l'insécurité des Libanais. Aujourd'hui, l'équilibre est rompu. Les Palestiniens sont sous la botte, mais la révolte couve et le Hezbollah est plus puissant que l'État. Fouad Siniora, chef du gouvernement s'était rendu compte en mai 2008 que l'aéroport de Beyrouth était espionné et contrôlé par un agent du Hezbollah Wafiq Choucair qui n'obéissait que très peu aux ordres du Sérail. Des caméras transmettaient les allées et venues des principaux dirigeants aux responsables chiites, ce qui pouvait le cas échéant faciliter une élimination, (la triste expérience libanaise montre que cette peur était fondée). Une rapide démonstration de force a tout remis en ordre. C'est le Hezbollah qui fait la loi, les autres dirigeants tentent de limiter les dégâts en se concentrant sur l'essentiel : maintenir l'unité du pays en attendant un éventuel sursaut national qui provoquerait le divorce entre l'Iran et les chiites libanais. Le dogme de l'ennemi israélien fait partie de cette stratégie. C'est dans ce cadre qu'on peut lire et comprendre l'ordre du jour donné par le nouveau commandant de l'armée libanaise : le général Jean Kahwagi. L'ordre du jour de l'armée du 22 novembre 2008 L'ordre du jour de l'armée, du 22 novembre 2008 est un document passionnant à éplucher, c'est la résultante de longs compromis pour refonder un nouveau pacte national, pour remplacer celui de 1948 compte tenu des rapports de force actuel. « L’Armée est une institution nationale s’engageant aux lois et règles en vigueur. Son dogme, définissant l’ennemi ainsi que l’ami, est clair et enraciné. Parmi les ennemis, figure en premier lieu Israël, puis le terrorisme et toute personne essayant de porter atteinte à la sécurité et à la stabilité. Quant aux frères et amis, ce ne sont autre que les pays arabes et les états qui oeuvrent à aider le Liban pour qu’il jouisse de paix, de stabilité et de prospérité. » «Le Terrorisme», vous avez bien lu n'est jamais commandé par des états arabes, cela fait partie du dogme. La Syrie est au dessus de tout soupçon. Face à la Syrie, le communiqué use de diplomatie, sans toutefois désavouer complètement le mouvement du 14 mars : « L'armée est allée au devant des manifestations populaires qui ont eu lieu suite au crime du siècle qui a coûté la vie au Président Rafic Hariri et ses compagnons et ce dès le 14/2/2005, au vide militaire suite au retrait des forces arabes syriennes du Liban le 26/4/2005 » Le général fait ici allusion à l'assassinat le 14 février 2005 de Rafik Hariri qui a entraîné le retrait de l'Armée syrienne le 26 avril 2005. Entre temps une puissante manifestation des «pro-Syriens» le 4 avril, avait entrainée une autre encore plus impotante des «anti-Syriens» le 14 avril 2005. Le départ des Syriens avait entraîné le redéploiement de l'armée libanaise dans certains secteurs : ceux que le Hezbollah n'avait pas juger utile de dominer. «... L’Armée libanaise, connue par son interactivité avec autrui, continue à accepter les aides militaires afin de renforcer ses capacités militaires. Or, ces aides ne pourront en aucun lieu définir la politique de l’Armée et n’affecteront jamais sa performance. » |
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Le communiqué décrit une histoire du Liban fantaisiste, par exemple la guerre menée par Israël contre le Hezbollah, est décrite ainsi :
« La terre, la mer et l’air du Liban furent bombardés dans une opération de destruction systématique de son infrastructure, tout en visant intentionnellement les citoyens dans leurs foyers, leurs lieux de travail, ainsi qu’en se déplaçant. L’agression a visé ainsi les postes de l’Armée dans tout le pays ; plusieurs massacres barbares ont eu lieu, notamment au régiment indépendant des travaux à Jamhour, aux postes de Wajh el Hajar et El Abdeh, qui font partie des forces de mer dans le Nord ; 49 martyrs sont tombés et un grand nombre de blessés. C’est alors que le sang des martyrs, des enfants, des femmes, des vieux, des héros de la Résistance et des militaires courageux s’est écoulé pour constituer la base solide sur laquelle sera fondée le futur de la Patrie. Lors de cette guerre, l’Armée était dans la scène de confrontation en train de refléter l’image de la Patrie résistante : ses unités ont exécuté leur rôle défensif dans les lieux de leur déploiement, avec toutes les capacités disponibles : elles ont confronté les avions de l’ennemi et ont anéanti les tentatives de débarquement et d’infiltration, tout en poursuivant à exécuter leurs missions de sécurité et de développement, prêtes à réprimer toute discorde interne. » Le communiqué se félicite du déploiement de l'armée nationale au Sud du Pays après plus de trente ans d'absence, toutefois, il n'explique pas pourquoi ni comment ce résultat a été obtenu. Merci qui ? ? Aujourd'hui, le Hezbollah est entré au gouvernement, les élites Libanaises sont en diaspora et la souveraineté du pays est mise à mal par des pays "frères" que le dogme qualifie d'amis. Pourtant, le bon sens voudrait que le Liban s'éloigne des conflits régionaux, intègre sa population palestinienne et redevienne le pont entre l'Orient et l'Occident qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être.
Michel Lévy |
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