Beith Shemesh évolue lentement, et moi aussi, cette fois, je suis venu pour accueillir le roi David, David Haï, mon dernier petit fils. Comme l'an dernier, j'ai retrouvé les traces de la ville antique au milieu des épines, la vieille ville, qui remonte au moins à 1950, et Ramath Beith Shémesh la ville nouvelle habitée par des religieux, dont un pourcentage important d'Américains. Les fins d'après- midi d'automne offrant un peu de fraîcheur, j'ai eu l'occasion, pendant la fête de Roch Hachana de faire un tour à la campagne.Ce qui est étonnant, dès qu'on s'éloigne un peu de la ville, c'est le bruit : pas une voiture, la ville bruisse comme une cour d'école primaire, avec, de temps à autre, le ronronnement d'un générateur électrique ultra puissant se mettant en branle. La nature laisse deviner des traces montrant que jadis, la région était très peuplée. La nuit, on entend depuis la ville le hurlement des chacals, mais de jour, j'ai vu deux splendides gazelles fuir à toute vitesse. Cet espace non cultivé sert de pâturage aux moutons et aux chèvres de bergers bédouins, on en voit de temps en temps avec leur caddie au supermarché, et ils laissent des traces dans la nature : des paquets de cigarettes sans un mot d'hébreu, ou des boîtes de jus de fruits fabriqués à Ramallah, preuve que la barrière de sécurité n'est pas si hermétique que ça. La ville grandit sans cesse, l'urbanisme impose de recouvrir tous les immeubles de pierres de Jerusalem, ce qui donne à cette banlieue éloignée de la capitale son cachet de mini ville sainte. Il existe des usines de pierres de Jérusalem, elles sont broyées, reconstituées et moulées. Cette technique économique et innovante permet d'assurer couleur et harmonie à la ville en lui permettant de vieillir en beauté sans avoir à subir de ravalements.On construit de plus en plus de nouvelles synagogues. Contrairement aux mosquées et aux églises, les synagogues n'ont ni clocher, ni minaret, elles n'écrasent pas les maisons aux alentours. Un samedi soir, en faisant le tour d'une seule place, j'en ai dénombré quatre très belles. Deux offices supplémentaires étaient célébrés l'un dans un préfabriqué et l'autre au premier étage d'une école. Une synagogue se payait même le luxe d'avoir deux prières en même temps, une dedans, et une dehors, devant la porte. Chaque habitant trouve donc la communauté de son choix, car les rites sont innombrables, ils tiennent compte de la géographie d'origine, ou de l'école de pensée. La plupart suivent des rites achkenazes d'Europe de l'Est plus ou moins adaptés aux coutumes américaines, d'autres ceux d'Afrique du Nord, ou du monde arabe, Irak ou Yemen par exemple . Il n'y a rien pour ceux préféreraient un judaïsme plus libéral. Cela ne suffit pas à tout le monde : certains chefs de famille coupent leur salon en deux, pour faire une «Shule» chez eux, et comme ils ne réussissent pas toujours à avoir le « minyan » ils interpellent les passants, en leur faisant croire qu'ils en ont pour cinq minutes, alors que la prière peut durer une heure ! Le passé est-européen reste présent dans les références traditionnelles, cette affiche publicitaire pour un marchand de "souccah", montre, en illustration un village où l'on voit le clocher de l'église. Peu probable que la scène se passe près de Beith Shemesh ! Plus étonnant, j'ai vu un beau "Hassid, avec une lévite jaune d'or rayée de noir laissant voir en dessous un pantalon trois-quarts qui lui-même dominait de grandes chaussettes blanches régnant sur des chaussures noires vernies. Au sommet de la pyramide, un magnifique Streimel sur une tête barbue comme il se doit. En me rapprochant, j'ai pu entendre le personnage parler à son ami : il était probablement français ! Il semble que la contrainte religieuse se desserre un peu, à Ramath Beith Shemesh, en effet les supermarchés du coin n'exigent plus une tenue «décente» pour ces dames qui peuvent sans problèmes entrer en pantalon. (Pour le bikini je ne sais pas ! !). J'ai remarqué aussi une présence plus visible de chiens dans la ville, or ces animaux ont rarement leur place dans les familles nombreuses orthodoxes.
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L'arrivée de David 'Haï Je suis reparti à Beith Shémesh suite à l' affectueuse pression de mes enfants, qui attendaient un nouveau bébé. David-Haï est né à l'hôpital Hadassah Ein Kerem, à 30 km de Beith Shemesh où pourtant naissent énormément d'enfant. Ultra moderne, l'hôpital est géré très sérieusement. Le système de santé israélien est un mixe, public-privé et ignore les déficits, ce résultat est obtenu par une grande rigueur. Les jeunes mères sont priées d'arriver à la dernière minute, sinon on les renvoie à la maison, et le séjour hospitalier atteint royalement deux jours, après.... il faut se débrouiller. Les médecins sont chiches en jours de congé maladie et en médicaments, cependant la qualité est là, vu qu'Israël est fier d'y soigner quelques grands malades venus parfois de pays officiellement hostiles. Le personnel comme les malades représente toute la population de Jérusalem, on y voit donc beaucoup de Juifs orthodoxes et d'Arabes. Toutefois, il est plus facile d'être une jeune maman à Ramath Beith Shemesh qu'à Toulouse, grâce à un système de solidarité très efficace. Les mères de Beith Shemesh préparent aussi longtemps qu'il le faut les repas de la jeune maman. C'est un cadeau de la part des voisines et amies, le système est bien rodé, mais le plus dur est de trouver du monde pour livrer à domicile. C'est ainsi que nous avons pu goûter les spécialités de toutes sortes de familles, parfois nord-africaines et appréciées parfois américaines et un peu surprenantes, parfois vraiment israélien alors très naturelles et étonnante pour un palais français. La jeune maman a offert une boite de chocolat à tous les voisins, mais, il y avait beaucoup de donateurs anonymes, j'espère qu'ils apprendront vite le français pour pouvoir lire Mivy et savoir que nous les remercions de tout coeur. |
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J'ai eu l'occasion de faire deux excursions à Jérusalem. le Musée d'Israël est en pleins travaux, inutile d'y mettre les pieds avant 2010. On y voit quand même une maquette de la ville de Jérusalem il y a 2000 ans.
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L'après midi, nous sommes allés nous recueillir devant "Le Mur". Le rabbinat d'Israël est le patron des lieux, il ne reconnaît pas la vision réformée ou "conservatives" du judaïsme, même si elle est majoritaires aux USA. Ces mouvements admettent un mixité rejetée par le judaïsme orthodoxe. Il y a donc une séparation stricte des hommes et des femmes. Les femmes n'ont qu'un espace réduit où elles s'entassent tandis que ces messieurs ont tout l'espace pour eux. A l'origine elles avaient le tiers du la surface visible, mais depuis, on a construit la "rampe des maghrébins", qui leur a pris la moitié de leur espace réservé. En sortant de l'esplanade, nous avons pris un escalier qui nous a amenés dans le quartier musulman, et nous sommes rapidement tombés dans une impasse, limitée par un porche largement ouvert, laissant voir une grande surface libre, mais gardée par deux soldats débonnaires qui nous en ont clairement interdit l'accès. Nous nous trouvions devant l'entrée des mosquées. En faisant demi tour, notre attention, a été attirée par marchand de jus de grenade fraîche, mais il nous a servi sans sourire, et au moment de l'addition, nous avons deviné tout le mal qu'il pensait des touristes ! ! toutes les vitrines étaient cadenassées, la rue était sinistre et vide, et nous ne nous en étions pas rendu compte ! Nous avons traversé toute la ville vieille arabe, jusqu'à la porte de Jaffa, une succession de souks très animés, et de zones plus calmes, Vers l'Est, il y a beaucoup d'habitants, et les marchands vendent de l'utilitaire, alimentation, habits, hi fi etc... En se rapprochant de la porte de Jaffa, les magasins changent lentement, on voit des souvenirs et objets d'art chrétiens mêlé à des pacotilles imitant des objets cultuels juifs, puis on en vois de vrais, et la part d'objets à thème juif augmente au fur et à mesure que nous nous rapprochions de la porte de Jaffa. Nous sommes retournés une autre fois à Jérusalem, dans la partie Ouest, et avons traversé le quartier "Gueoula", de ces deux promenades, je préfère vous laisser une galerie de photos, pour vous aider à en découvrir l'ambiance. Dans ces photos, il y a une intruse qui n'est pas prise à Jérusalem, devinez laquelle ? |
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Nous nous sommes aussi promenés à Tel Aviv, et nous avons vu un marché artisanal, digne de ce que trouvons en France, quelques produits du pays, mais surtout des artistes vendant directement leur production, puis parallèlement à ce marché, un véritable souk oriental, qui ressemblait un peu au souk arabe, mais avec une population différente. De ces trois promenades, Tel Aviv, et les villes arabe et juive de Jérusalem, j'ai retenu l'impression de patchwork, les diverses communautés se côtoient en général dans la bonne humeur, mais les écarts culturels sont énormes. Le jour de Yom Kippour, des incidents dramatiques se sont déroulés à Acco (St Jean d'Acre), (voir "le journal"), un jeune arabe provocateur a déclenché des troubles inter communautaires violents avec incendies volontaires de voitures et de maison. La police a été efficace et a réussit à limiter les dégâts ne faisant pas usage de ses armes, et en mettant au trou un nombre équivalent de Juifs et d' Arabes. Ces incidents montrent que le conflit n'est pas un simple problème de frontière, mais bien la coexistence difficile entre deux peuples. Lors de mon départ en retraite, des collègues m'ont offert «Le choc des civilisations» de Samuel Huntington. J'en ai déduit qu'en Israël on est sur une ligne de fracture. Je partage globalement la vision de l'auteur, et je sens bien que Tel Aviv et probablement Beyrouth, sont des villes acquises à l'Occident, mais elles représentent de moins un moins des arrière-pays de plus en plus religieux . La tradition juive est orientale; comme la langue, elle rejette certaines valeurs fondamentales de l'occident. Par exemple, en Occident on rend à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu, pour l'Orient, César doit obéir à Dieu, pour l'Extrême Orient, César est Dieu. En Occident, l'individualisme est une valeur fondamentale, les hommes naissent libres et égaux, dans le monde islamique, la famille, et le clan font la loi. Le judaïsme se base sur le libre arbitre de l'individu, mais l'homme ne se conçoit pas hors de sa communauté. Il n'est jamais seul. Des notions comme la laïcité à la française sont incompréhensibles pour les Israéliens, en hébreu laïque veut dire athée. Bercé dans le monde occidental certains éléments, tout naturels pour les Israéliens m'irritent, et alors je me pose la question civilisationnelle, mes normes sont-elles universelles ? Michel Lévy |
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