l'Arche de Zoé

mercredi, 14/11/07

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L'affaire de l'Arche de Zoé met en évidence les relations ambiguës entre anciens colonisés et colonisateurs, les luttes d'influences sur le continent africain, et le douloureux problème de l'adoption en France. Les accusés ont marché malgré eux sur un piano et certains se bouchent les oreilles !

Pour lire les documents de référence :
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Nous avons appris, par les médias, que la police ou l'armée Tchadienne était intervenue sur l'aéroport d'Abéché, et avait empêché un avion de décoller. Dans cet avion 103 enfants en partance pour la France avec les membres d'une association non gouvernementale "l'Arche de Zoé".

Les faits

L'Affaire a fait grand bruit, le président de la république du Tchad, Idriss Deby a porté des accusations particulièrement violentes, dans lequel il dénonçait pèle mêle l'association d'enlèvement d'enfants pour alimenter des réseaux pédophiles ou pour des dons d'organes, il a même évoqué la possibilité que l'on ait voulu les enlever pour les convertir au christianisme. La télévision a montré des images assez violentes de la police tchadienne empêchant les humanitaires français de s'exprimer. Le président Idris Deby a aussi annoncé que les coupables seraient condamnés aux travaux forcés à perpétuités, et que les pilotes et hôtesses de l'air seraient aussi jugés et punis.

En France, des familles d'accueil attendaient les enfants, elles avaient payé entre 2800 et 6000 €. Ces enfants étaient en principe des orphelins du Darfour. Tout de suite, les parents ont pris la défense de l'association, alors que la secrétaire d'Etat aux droits de l'homme Rama Yade accablait l'Arche de Zoé. J'ai été surpris et fâché par cette information, ma sympathie est allé spontanément vers l'association, surtout que nous avions vu comment les Tchadiens les empêchaient de parler aux journalistes. (ci contre photo parue dans Le Parisien du 7/11 et prise par Philippe de Poulpiquet). Nous avons entendu des proches, y compris l'ex- épouse divorcée d'un humanitaire se porter garant de la moralité de l'équipe.

Nous craignions un scénario à la Libyenne. Il faut avoir en mémoire les moeurs douteuses du Colonel Mouammar Kadhafi, un voisin particulièrement encombrant du Tchad. Il avait jugé bon d'accuser des infirmières bulgares d'avoir empoisonné les enfants d'un hôpital en leur injectant volontairement le sida. Il aura fallu toute la diplomatie occidentale, une grosse somme d'argent et des promesses de contrats juteux pour que le Colonel Kadhafi accepte de les libérer.

 

Mais rapidement des pressions ont eu lieu sur Idriss Deby, qui possède beaucoup moins de pétrole que la Libye, et qui a un besoin indispensable de l'armée française pour protéger son pouvoir contre les tentatives innombrables de déstabilisation dont il est l'objet.
Le président Sarkozy, venant de divorcer, n'a pu envoyer en ambassadeur Cécilia, sa charmante épouse, il s'est dérangé en personne, et au cours d'une visite de deux heures (douche comprise), il a réussi faire libérer l'équipage espagnol qu'il a ramené personnellement sains et sauf à Madrid. Quant aux membres de l'association, Nicolas Sarkozy a demandé qu'ils soient jugés en France.

 

Les membres de l'association seront jugés au Tchad pour enlèvement de mineur et escroquerie, les 21 inculpés risquent entre cinq et vingt ans de travaux forcés. Le gouvernement français a essayé de plaider pour leur jugement en France, mais cela froisse la susceptibilité nationale tchadienne, et il est peu probable que le gouvernement tchadien cède sur ce point, car il est soumis à la pression de son opinion, et on assiste régulièrement à des manifestations anti-françaises à N'djaména..

L'accusation :

 
Les faits sont graves :

Les membres de l'association prétendaient sauver des vies menacées en offrant un refuge en France à des orphelins du Darfour abandonnés de tous et en danger de mort.
Les enfants évacués disposeront d’un dossier administratif comportant les documents suivants :
- Documents officiels attestant de la situation d’orphelin, sans famille connue,
- Documents officiels attestant de la situation de péril imminent et justifiant l’évacuation d’urgence d’une zone de guerre etc...

En réalités, selon Marc Garmirian, journaliste à l'agence CAPA qui les accompagnait, Ils étaient sur le point d'enlever à leurs parents des enfants tchadiens. Aidés par des notables locaux, ils sont allés dans les villages chercher des orphelins, sans se préoccuper de savoir s'il étaient orphelin de père, de mère ou des deux. Ils auraient proposé des places gratuites à l'orphelinat d'Abéché en promettant que là bas, les enfants apprendraient le français et le Coran. Mais ils auraient caché à tous que les enfants seraient définitivement arrachés à leur famille. Le voyage aurait été un secret jalousement gardé, ni le personnel, (100 personnes travaillant pour l'association) ni les autorités tchadiennes n'auraient été mis au courant.

Vis à vis des familles françaises, il n'y a pas eu davantage de bonne foi, : « Les enfants évacués seront des enfants âgés de 5 ans maximum, formellement identifiés comme orphelins par les communautés locales et/ou par les ONG procédant à leur évacuation. Il est entendu que le mot «orphelin » implique « orphelin de père et de mère, sans famille directe ou connue, susceptible de les prendre en charge ».
Une fois à l’abri des dangers de leur pays d’origine, ils pourront formuler, par l’intermédiaire d’un tuteur légal, une demande de droit d’asile.» écrit le site internet de l'association. Or les enfants avaient jusqu'à 12 ans, très peu venaient du Darfour, et les vrais orphelins étaient très rares. Les enfants ont été trouvé en bonne santé mais maquillés avec des pansements cachant de fausses blessures de guerre.



 
La défense

On peut dire que les membres de l'association sont désintéressés, les sommes demandées, environ 2500 € par enfant, est loin d'être excessive. La simple location de l'avion a coûté plus de 1000 € par passager, sans compter le carburant, ni les salaires de l'équipe à bord. Il y avait sur place plus de 100 collaborateurs, et qui peut croire que la collaboration de dignitaires locaux ait été gratuite ?
Ceux qui ont adopté à l'étranger savent qu'il faut compter très souvent plus de 20 000 € pour un enfant.

Comme le décrit Jeune Afrique, il est bien difficile d'identifier ces enfants, il faut connaître la grande famille africaine, où souvent les enfants sont de père inconnu, et les enfants sont les enfants de tout le village, aimé par tous. Dans de telles conditions que veut vraiment dire orphelin ?

Dans le site de l'association il n'est nullement question d'adoption, uniquement de protéger des enfants en péril, et la procédure pour qu'ils obtiennent le droit d'asile en France.

Aucun élément ne permet de supposer une exploitation des enfants à des buts sexuels, voir de trafic d'organe. Il ne s'agit pas non plus de sauver des âmes musulmanes pour en faire de bons chrétiens.

On ne sait pas pourquoi l'Arche de Zoé n'a pas fréquenté les camps de réfugiés du Darfour, on dit qu'il y a plus de 200 000 réfugiés au Tchad. Voulaient-ils sauver quelques uns de la misère ? Beaucoup d'africains, nullement persécutés, mais désespérés de misère meurent en essayant de rejoindre l'Europe sur des coquilles de noix. Faut-il lier l'hostilité à leur égard à la volonté de la droite nationaliste de réduire au maximum le nombre d'immigrant venus du Sud ?

Il y a beaucoup de questions et peu de réponses.

Pascale, sur son blog lance un vibrant plaidoyer sur l'innocence des humanitaires de l'Arche de Zoé

 

 

 
Le contexte néo-colonial

Cette affaire révèle un double comportement, du côté des humanitaires de l'Arche de Zoé. Ils proclament leur certitude de faire le bien au profit des populations indigènes. Ces dernières sont infantilisées, on exploite leur ignorance de la société moderne pour les tromper, et on fait le bien des enfants en les arrachant à leur culture de sauvage. C'est un peu ce que certains ont reproché au Docteur Schweitzer qui en son temps était passé pour un saint, malgré un mépris pour ceux qu'il considérait comme des sauvages, mais qu'il soignait quand même.

D'un autre côté on a affaire à un tyran local qui n'a aucun scrupule, il n'hésite pas à employer des enfants dans son armée «Le gouvernement tchadien manque à sa promesse de retirer les enfants soldats de ses forces armées. Le Conseil de sécurité devrait exiger du gouvernement tchadien et de ses forces alliées qu’ils mettent fin au recrutement d’enfants et qu’ils relâchent ceux qui sont déjà intégrés dans les rangs ». écrit Peter Takirambudde, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch (le 16/7/2007) »
Idriss Déby a récemment eu la douleur de perdre son fils, assassiné à Paris, probablement par le milieu, il avait été condamné en 2006 pour trafic de drogue.

Des européens sans scrupule se conduisant en pays conquis, et un tyran africain, tout le symbole de la misère de l'Afrique d'aujourd'hui.

Les prisons là bas ne sont pas tout à fait aux normes européennes, les détenus dorment à vingt par cellules à même le sol. Toutefois les tchadiens n'ont pas osé enfermer les français dans de telles conditions. Le Tchad veut les juger, mais les traite quand même comme des européens, il reste donc quelque chose du colonialisme, même quand la souveraineté nationale est chatouilleuse.

 


Le contexte international

Cet événement se passe dans le contexte de la crise du Darfour, le président Idriss Deby est un Zaghawa, il est originaire des montagnes qui sont à cheval sur la frontière entre le Tchad et le Soudan, en plein Darfour. Tous les enfants récupérés par les humanitaires étaient de cette même ethnie.

Or le président Deby par pragmatisme tente d'améliorer ses relations avec Khartoum, et la majorité de la population Zaghawa fournit des troupes aux rebelles du Darfour. Certaines complicités Tchadiennes avec les gens de l'Arche de Zoé, selon Monique Mas, journaliste à RFI (Spécialiste de l'Afrique et de la Palestine) s'expliquerait par des luttes intestines dans le but de déstabiliser le président Idriss Deby.
Je vous recommande de cliquer sur l'image RFI, et de lire l'article de Monique Mas.

La Libye a tenté à plusieurs reprise d'étendre son influence, voir franchement sa domination sur le Nord du Tchad, rappelez vous l'article paru ici même sur le Darfour. Pour intervenir au Soudan, il fallait bien passer par le Tchad. Or au Soudan il y a du pétrole. Donc il fallait arrêter Kadhafi, pour l'empêcher de s'emparer du magot. Ce qui explique une présence militaire de 1100 soldats français, stationnés au Tchad en vertu des accords de coopération entre les deux pays.

L’armée française fournit notamment au Tchad un soutien logistique dans les domaines sanitaires et du renseignement. Débutée en 1986, l’opération Épervier - nom de l’opération militaire au Tchad - a permis la mise en place d’un pont aérien pour soutenir les ONG à l' Est du pays ainsi que l’AMIS (Mission de l’Union africaine au Soudan).

Il y a du pétrole !

La présence française est d'autant plus d'actualité qu'on vient de trouver du pétrole au Tchad. Un oléoduc a été inauguré en 2003 il rejoint les champs pétrolifères du Tchad de Doba au nouveau port de Kribi au Sud du Cameroun.

Le 26 août 2006, les sociétés Chevron et Pétronas sont chassées du jour au lendemain, seul restent Exxon et l'État Tchadien pour profiter de la manne pétrolière, mais le nouveau consortium ne donne pas totalement satisfaction au président Déby " le Tchad, qui produit de 160 à 170 000 barils par jours sur le champ pétrolifère de Doba, n’a touché depuis 2003 « qu’une broutille de 588 millions de dollars ». Le consortium aurait généré un chiffre d’affaires de cinq milliards de dollars pour deux milliards d’investissement." Or les Chinois ne sont pas loin, ils sont au Soudan, ils ont de grands besoins de pétrole et de plus en plus d'argent, la tentation est bien grande tandis que Total et la France regrettent probablement de n'avoir pas cru en son temps aux richesses du pays.

Dans un tel contexte, vous comprendrez facilement pourquoi Nicolas Sarkozy s'est précipité à Djaména, il ne fallait à aucun prix que l'affaire s'envenime, et que les Chinois ne remplacent les Français au Tchad, et par contagion en Afrique Centrale. C'est donc pour rassurer la susceptibilité du président Deby qu'il est parti, et pour le rassurer complètement il a du mettre en balance la présence militaire française.

Si les militaires français s'en vont, les frères Zaghawa ou les cousins libyens auront vite fait de trouver un autre Déby pour le Tchad. Alors, devant de tels arguments, le président Déby a décidé de ne pas se fâcher avec la France, et de laisser le président Sarkozy s'envoler avec les pilotes et hôtesses de l'air espagnoles qui manifestement n'y étaient pour rien. Tout le monde n'avait pas les arguments de Kadhafi.

 
L'humanitaire dans tout cela ?

Si les relations franco tchadiennes sortiront indemnes de ce scandale, les risques sont ailleurs.

Les Organisations Non Gouvernementales sont désormais en danger. La méfiance s'installe, ce qui aura et a probablement déjà des conséquences par exemple lors de campagnes de vaccination. Les islamistes, les russes et les chinois vont en profiter pour discréditer l'assistance donc la présence occidentale.

Dans ce contexte les associations d'aide aux victimes de la guerre civile qui est si cruelle au Darfour ont tenu à se démarquer de l'opération, tout en demandant qu'on ne juge pas avant de savoir.

Par contre ceux qui luttent contre l'influence françaises et occidentale en Afrique exploitent cet événement par exemple, Quibla.net le quotidien on-line francophone et multilingue pour les Musulmans libres et actifs et leurs alliés, ou le Réseau Voltaire tentent de nous persuader que Nicolas Sarkozy est responsable de ces événements. On a pas encore oser accuser Israël, mais on y est presque !

Au Soudan, Omar El Bechir dresse son peuple contre les témoins occidentaux, il craint toujours les témoins qui pourraient raconter avec quelle sauvagerie il réprime les révoltes au Darfour. Ces mouvements anti-occidentaux ont toutes les chances d'être secrètement encouragés en sous main par les Russes, les Chinois, ou (et) les islamistes.

Le réseau Voltaire qui semble proche des renseignements russes, réfute le génocide au Darfour, et soutien les pires accusations contre Nicolas Sarkozy, appelé Sarkösy pour souligner ses origines partiellement étrangères.

 

Et l'adoption dans tout cela ?

Les premières victimes de l'Arche de Zoé, sont les familles qui souhaitaient recueillir un enfant, elles ont perdu les fonds investis, et sont très déçues dans leur besoin d'idéal, d'amour ou de fraternité. Et au delà, c'est toute l'adoption en Afrique qui est momentanément suspectée. Le Congo a décidé dès le premier jour d'interdire l'adoption. On parle déjà en France d'un durcissement des contrôles et des conditions nécessaires pour adopter. Nous avons l'habitude avec le président Sarkozy d'une réponse répressive à chaque fait divers, si cela ne règle pas le problème, cela calme l'opinion et donne l'impression qu'une action est entreprise !

Pourtant les chiffres sont là, en France, 25 000 parents attendent un enfant, 8000 nouveaux agréments sont accordés chaque année, on observe entre 4 et 5000 adoptions par an, et parmi elles un quart seulement trouve un enfant français. En 2003 on a adopté 702 enfants français de moins de deux ans, et nous n'avons aucune raison de penser que ce chiffre ait fortement évolué depuis cette date.

10 % seulement des besoins sont couverts, pour les autres c'est la débrouille, le désespoir, les voyages exotiques, la corruption, et la porte ouverte à bien des abus dont l'Arche de Zoé semble être un exemple.

Reprocherait-on à un aveugle de désirer voir ?

Face à ce problème, et à la pénurie évidente d'enfants à adopter, on culpabilise les familles, on a pris l'habitude d'accuser ceux qui ont des revendications, (les «privilégiés»). C'est une bonne technique pour essayer de les obliger à y renoncer en les délégitimant.

Dans notre société le foetus n'ayant pas de valeur marchande est très souvent gaspillé. Ainsi, on "jette" le feotus non désiré, même si cette décision est souvent un drame personnel, devant la loi, c'est un acte médical, et rien que cela. Par contre, il est condamnable de laisser grandir un foetus non désiré dans le but de le donner ou de le vendre. Qui pense aux malheureuses familles qui donneraient n'importe quoi pour avoir un enfant ?

On a autorisé l'avortement avant les mères porteuses. Même si lentement les mentalités et la jurisprudence commencent à évoluer, aujourd'hui celui qui veut un enfant alors que la nature lui a refusé cette faveur est un présumé coupable. On lui accordera le privilège de l'adoption après de nombreux test et examens, à condition qu'il soit suffisamment persévérant et riche.
Les services sociaux assurent un contrôle suspicieux, rigoureux et dispendieux sur ceux les suspects qui souhaitent ou qui ont adopté un enfant, alors qu'ils n'ont pas le temps de contrôler les parents naturels, même s'ils ont un lourd présent d'alcoolique, de violence, ou de troubles sexuels.

On peut aussi s'étonner de l'impossibilité d'adoption partielle. Certains enfants non adoptables sont confiés à la DASS, et on les retrouve plus tard systématiquement devant les tribunaux. Faute d'amour dans leur jeunesse, ils rejettent la société. Vu qu'on admet les familles recomposées, pourquoi une adoption romprait-elle définitivement le lien avec la famille naturelle ?

N'y a-t-il pas un certain désordre ?

Michel Lévy

 

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