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Voir article de synthèse :
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Boualem Sansal,
Ecrivain algérien francophone
Je suis allé à Jérusalem... et j'en suis revenu riche et heureux
Publication: 24/05/2012 06:00
http://www.huffingtonpost.fr/boualem-sansal/je-suis-alle-a-jerusalem_b_1539894.html
Chers frères, chers amis, d'Algérie, de Palestine, d'Israël et d'ailleurs,
Je vous écris ces quelques lignes pour vous donner de mes nouvelles. Peut-être êtes-vous inquiets à mon sujet. Je suis un homme simple, vous le savez, un écrivain qui n'a jamais prétendu à autre chose qu'au bonheur de vous raconter des histoires, de ces "histoires à ne pas dire" comme disait mon ami le cinéaste Jean-Pierre Lledo, mais voilà, des gens ont décidé de s'immiscer dans nos relations de fraternité et d'amitié et de faire de moi un objet de scandale à vos yeux.
Rendez-vous compte, ils m'accusent rien moins que de haute trahison envers la nation arabe et le monde musulman en leur entier. Ça veut dire ce que ça veut dire, qu'il n'y aura même pas de procès. Ces gens sont du Hamas, des gens dangereux et calculateurs, ils ont pris en otage le pauvre peuple de Gaza et le rançonnent jour après jour depuis des années, dans cette sorte de huis clos obscur que leur assure le blocus israélien, et maintenant ils viennent nous dicter, à nous qui essayons par tous les moyens de nous libérer, ce que nous devons penser, dire et faire; il y en a d'autres aussi, des anonymes, des individus aigris et fielleux, fermés à tout, qui relaient la haine comme ils peuvent à travers le Net. C'est par eux, par leur communiqué vengeur et leurs insultes à la ronde, que vous avez appris mon voyage et je viens là vous le confirmer pour qu'il n'y ait aucun trouble dans votre esprit et que les choses soient nettes entre nous : JE SUIS ALLE EN ISRAEL.
Quel voyage, mes aïeux, et quel accueil! Pardonnez-moi de ne pas vous l'avoir annoncé moi-même avant de partir, mais vous comprenez, il fallait de la discrétion, Israël n'est pas une destination touristique pour les Arabes, encore que... ceux et pas des moindres qui m'ont précédé dans ce pays du lait et du miel l'ont fait en catimini, voire avec de faux noms ou des passeports d'emprunt, comme en son temps cette brave madame Khalida Toumi, alors opposante fervente au régime policier et intégriste d'Alger, de nos jours son brillantissime ministre de la Culture, une tête pensante de choc très engagée dans la chasse aux traîtres, aux apostats et autres harkis. C'est à elle en particulier que les Algériens doivent chaque jour de tant vivre d'ennui et de rage dans leur beau pays. Ses douaniers ne m'auraient jamais laissé sortir si je m'étais présenté à leur poste avec un billet d'avion Alger/Tel-Aviv sans escale dans une main et dans l'autre un visa israélien tout frais collé sur mon beau passeport vert. Auraient-ils poussé jusqu'à me gazer, je me le demande. J'ai fait autrement et la ruse a payé, j'ai pris la route par la France, muni d'un visa israélien volant récupéré à Paris, rue Rabelais, au saut d'un taxi, grâce à quoi me voilà aujourd'hui en possession de mille et une histoires à ne pas dire que je me promets de vous raconter en détail dans un prochain livre, si Dieu nous prête vie.
Je vous parlerai d'Israël et des Israéliens comme on peut les voir avec ses propres yeux, sur place, sans intermédiaires, loin de toute doctrine, et qu'on est assuré de n'avoir à subir au retour aucun test de vérité. Le fait est que dans ce monde-ci il n'y a pas un autre pays et un autre peuple comme eux. Moi, ça me rassure et me fascine que chacun de nous soit unique. L'unique agace, c'est vrai, mais on est porté à le chérir, car le perdre est tellement irrémédiable.
Je vous parlerai aussi de Jérusalem, Al-Qods. Comme il me semble l'avoir ressenti, ce lieu n'est pas vraiment une ville et ses habitants ne sont pas vraiment des habitants, il y a de l'irréalité dans l'air et des certitudes d'un genre inconnu sur terre. Dans la vieille ville multimillénaire, il est simplement inutile de chercher à comprendre, tout est songe et magie, on côtoie les Prophètes, les plus grands, et les rois les plus majestueux, on les questionne, on leur parle comme à des copains de quartier, Abraham, David, Salomon, Marie, Jésus et Mahomet le dernier de la lignée, et Saladin le preux chevalier, que le salut soit sur eux, on passe d'un mystère à l'autre sans transition, on se meut dans les millénaires et le paradoxe sous un ciel uniformément blanc et un soleil toujours ardent. Le présent et ses nouveautés paraissent si éphémères qu'on n'y pense bientôt plus. S'il est un voyage céleste en ce monde, c'est ici qu'il commence. Et d'ailleurs n'est-ce pas là que le Christ a fait son Ascension au ciel, et Mahomet son Mi'râj sur son destrier Bouraq, guidé par l'ange Gabriel?
On se demande quel phénomène tient le tout en ordre, dans une grande modernité au demeurant puisqu'aussi bien Jérusalem est une vraie capitale avec des rues propres, des trottoirs pavés, des maisons solides, des voitures dynamiques, des hôtels et des restaurants attirants, des arbres bien coiffés, et tellement de touristes de tous les pays... sauf des pays arabes, les seuls au monde à ne pas venir ou pouvoir venir visiter leur berceau, ce lieu magique où sont nées leurs religions, la chrétienne aussi bien que la musulmane.
Ce sont finalement les Israéliens arabes et juifs qui en profitent, ils les voient tous les jours, toute l'année, matin et soir, sans apparemment jamais se lasser de leur mystère. On ne peut pas dénombrer les touristes dans ces labyrinthes, ils sont trop nombreux, plus que les autochtones, et la plupart se comportent comme s'ils étaient aussi des pèlerins venus de loin. Ils vont en groupes compacts pénétrés qui se croisent sans se mêler, les Anglais, les Hindous, les Japonais, les Chinois, les Français, les Hollandais, les Ethiopiens, les Brésiliens, etc, menés par d'infatigables guides, assermentés sans doute, qui jour après jour, dans toutes les langues de la création, racontent aux foules médusées la légende des siècles.
Là, si on tend bien l'oreille, on comprend vraiment ce qu'est une cité céleste et terrestre à la fois, et pourquoi tous veulent la posséder et mourir pour elle. Quand on veut l'éternité, on se tue pour l'avoir, c'est bête mais on peut le comprendre. Je me suis moi-même senti tout autre, écrasé par le poids de mes propres questions, moi le seul de la bande qui ait touché de ses mains les trois lieux saints de la Cité éternelle: le Kotel (le Mur des Lamentations), le Saint-Sépulcre et le Dôme du Rocher. En tant que juifs ou chrétiens, mes compagnons, les autres écrivains du festival, ne pouvaient pas accéder à l'Esplanade des Mosquées, le troisième lieu saint de l'islam où s'élèvent le Dôme du Rocher, Qûbat as-Sakhrah, rutilant dans ses couleurs azur, et l'imposante mosquée al-Aqsa, Haram al-Sharif, ils furent repoussés sans hésitation par l'agent du Waqf, gestionnaire des lieux, assisté de deux policiers israéliens chargés de garder l'entrée de l'Esplanade et la préserver de tout contact non halal.
Moi je suis passé grâce à mon passeport, il stipule que je suis Algérien et par déduction il dit que je suis musulman. Je n'ai pas démenti, au contraire, j'ai récité un verset coranique tiré de mes souvenirs d'enfance, ce qui a carrément stupéfié le gardien, c'était la première fois de sa vie qu'il voyait un Algérien, il croyait qu'à part l'émir Abd-el-Kader, ils étaient tous un peu sépharades, un peu athées, un peu autre chose. C'est amusant, mon petit passeport vert m'a ouvert la frontière des Lieux Saints plus vite qu'il ne m'ouvre la frontière Schengen en Europe où la simple vue d'un passeport vert réveille aussitôt l'ulcère des douaniers.
Voilà, je vous le dis franchement, de ce voyage Je suis revenu heureux et comblé. J'ai toujours eu la conviction que faire n'était pas le plus difficile, c'est de se mettre en condition d'être prêt à commencer à le faire. La révolution est là, dans l'idée intime qu'on est enfin prêt à bouger, à changer soi-même pour changer le monde. Le premier pas est bien plus que le dernier qui nous fait toucher le but. Je me disais aussi que la paix était avant tout une affaire d'hommes, elle est trop grave pour la laisser entre les mains des gouvernements et encore moins des partis. Eux parlent de territoires, de sécurité, d'argent, de conditions, de garanties, ils signent des papiers, font des cérémonies, hissent des drapeaux, préparent des plans B, les hommes ne font rien de tout cela, ils font ce que font les hommes, ils vont au café, au restaurant, ils s'assoient autour du feu, se rassemblent dans un stade, se retrouvent dans un festival, dans une plage et partagent de bons moments, ils mêlent leurs émotions et à la fin ils se font la promesse de se revoir. "A demain", "A bientôt", "L'an prochain, à Jérusalem", dit-on. C'est ce que nous avons fait à Jérusalem. Des hommes et des femmes de plusieurs pays, des écrivains, se sont rassemblés dans un festival de littérature pour parler de leurs livres, de leurs sentiments devant la douleur du monde, de choses et d'autres aussi et en particulier de ce qui met les hommes en condition de pouvoir un jour commencer à faire la paix, et à la fin nous nous sommes promis de nous revoir, de nous écrire au moins.
Je ne me souviens pas que durant ces cinq jours et cinq nuits passés à Jérusalem (avec au troisième jour un aller-retour rapide à Tel-Aviv pour partager une belle soirée avec nos amis de l'institut français), nous ayons une seule fois parlé de la guerre. L'aurions-nous oubliée, avons-nous seulement évité d'en parler ou aurions-nous fait comme si cette époque était révolue et qu'il était venu l'heure de parler de la paix et de l'avenir? Sans doute, on ne peut pas parler à la fois de la guerre et de la paix, l'un exclut l'autre. J'ai beaucoup regretté cependant qu'il n'y ait pas eu un Palestinien parmi nous. Car après tout, la paix est à faire entre Israéliens et Palestiniens. Moi, je ne suis en guerre ni avec l'un ni avec l'autre, et je ne le suis pas parce que je les aime tous les deux, de la même manière, comme des frères depuis les origines du monde. Je serais comblé si un jour prochain, j'étais invité à Ramallah, avec des auteurs israéliens aussi, c'est un bel endroit pour parler de la paix et de ce fameux premier pas qui permet d'y aller.
Je fais une mention spéciale à propos de David Grossman, ce monument de la littérature israélienne et mondiale. J'ai trouvé formidable que deux écrivains comme nous, deux hommes honorés par le même prix, le Friedenspreis des Deutschen Buchhandels, le prix de la Paix des libraires allemands, à une année d'intervalle, lui en 2010, moi en 2011, se retrouvent ensemble en 2012 pour parler de la paix dans cette ville, Jérusalem, Al-Qods, où cohabitent juifs et arabes, où les trois religions du Livre se partagent le cœur des hommes. Notre rencontre serait-elle le début d'un vaste rassemblement d'écrivains pour la paix? Ce miracle verra-t-il le jour en 2013?
Souvent le hasard se fait malicieux pour nous dire des choses qui précisément ne doivent rien au hasard.
Quelque part sur le chemin du retour, entre Jérusalem et Alger.
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Boualem Sansal privé du Prix du roman arabe
LE MONDE | 15.06.2012 à 15h05
Par Hélé Béji, écrivaine, (tuisienne) membre du jury du Prix du roman arabe
Boualem Sansal a obtenu cette année le Prix du roman arabe. Or, à la suite de son voyage en Israël du 13 au 17 mai pour la troisième édition du Festival international des écrivains à Jérusalem, dont il était l'invité d'honneur, le Conseil des ambassadeurs arabes qui ont créé ce prix à Paris a pris la décision, contre l'avis du jury, de ne pas le lui attribuer le 6 juin.
Boualem Sansal porte en lui cette chose rare en littérature : une puissance littéraire enveloppée d'une suavité qui vous pénètre d'un charme poignant et persiste en vous, pour toujours. Ecrivain algérien, ses personnages ne sont que les facettes de son être sensitif et doux, des êtres traversés du malheur de l'histoire, du frisson de pitié pour la condition humaine, livrée à l'abandon des siens, de ses proches, de leurs Etats qui ne leur ont pas rendu le miracle d'exister, dans un pays qu'on vénère plus que tout.
Dans les romans de Boualem Sansal, la noblesse de l'algérianité s'élève vers la patrie de tous les hommes avec une intensité tragique qui ne renonce pas à la beauté d'une terre où brille encore le lancinant instinct de joie dans le regard ouvert du chagrin. Les membres du jury du Prix du roman arabe, en couronnant cette année Rue Darwin (Gallimard, 2011), ce livre où le héros marche vers les mystères de sa naissance en compagnie de son lecteur, ébloui et déchiré, ont su ce qu'ils couronnaient : la réconciliation éperdue avec les hommes, tous les hommes.
C'est ce livre primé que Boualem Sansal est allé défendre en Israël, celui où la femme est célébrée dans le tourment de sa condition, sous le sourire lumineux d'un écrivain tout pénétré de sa passion spirituelle pour les sacrifiées, les héroïques, les surhumaines créatures, dont il est à la fois le fils et l'auteur, l'orphelin, le chevalier servant et le père rédempteur. Cette faculté viscérale qu'a Boualem Sansal de chanter la condition féminine, et à travers elle tout ce qui dans l'homme est voué à l'artificielle cruauté de l'ordre social, à la destruction de l'enfance, au massacre de l'innocence, vaut pour tous les peuples.
Le peuple chez Boualem Sansal n'est pas une chose d'Etat, il est le fond flamboyant qui dévoile la bêtise belliqueuse des puissants, il est l'humble visage de ceux que la guerre religieuse ou raciale transforme en traîtres ou martyrs, il est le coeur serré du romancier qui embrasse ses personnages souffrants avec la vénération qu'il voue pareillement aux Arabes, aux Juifs, aux Palestiniens, aux Israéliens, aux Algériens, aux Tunisiens, à tous ceux qui n'acceptent pas que leur soit retiré le bien le plus pur de leur long supplice historique : la paix.
C'est la paix qui voltige comme une caresse consolante dans le style de Boualem Sansal, dans le labeur lucide de sa prose enluminée, dans sa quête où palpite l'aile de son insoumission.
Et, ce prix de la paix, on voudrait aujourd'hui le lui enlever ? A quel titre ? Au nom de quelle guerre ? De quelle haine ? De quelle peur ? De quelle religion ? De quelle raison d'Etat ? Les voyages que fait Boualem Sansal dans n'importe quel pays du monde sont le même voyage intérieur de celui qui va chercher au fond des tragédies brûlantes la braise cachée où les frères humains se reconnaissent, celle qui survivra, celle de la réconciliation et du pardon.
Et il faudrait lui retirer cette promesse d'avenir, il faudrait se priver de ce présage poétique fulgurant que la paix sera le fin mot de toute cette histoire, que la paix adviendra quoi qu'il arrive ? Non. Personne ne peut accepter que la paix, ce pain délicieux dont Boualem Sensal rompt la croûte avec nous et les autres, cette saveur de paix qui descend dans notre gorge avec un sanglot quand nous le lisons, nous soit ôtée de la bouche. Non. Ce pain humain de la paix nourricière, ce pain pacifique et bon, l'écrivain en sème le champ plantureux dont les épis font bruire dans ses pages le parfum de leur moisson claire.
Et ce bout de pain si tendre, si fragile, nous le jetterions au lieu de le conserver comme un trésor qu'aucun prix sans doute ne vaut, mais qu'aucun prix ne peut profaner après l'avoir consacré ? Non. Ce petit bout de prix, de pain, de paix pétri de nos lectures infimes, nous ne le laisserons pas s'effriter dans les poubelles comme un morceau rassis, car il est fabriqué de ce grain gonflé du fleuve de vie qui coule secrètement dans les veines de chacun, même ennemis, et dont l'écorce de haine se broie sous la meule magique de Boualem Sansal en une mie fondante qu'on partage les yeux brillants.
Oui, nous remettrons ce prix, lecteurs sans vanité, à la noblesse de l'écrivain. J'eusse souhaité que les ambassadeurs arabes qui ont eu le mérite de créer cette distinction il y a quatre ans, afin d'honorer leur culture dans ses oeuvres vivantes, nous suivent dans notre décision. J'eusse souhaité qu'ils déclarent à Boualem Sansal, même sous l'uniforme obligé de leurs raisons d'Etat :
"Nous déplorons, nous condamnons ton voyage en Israël, nous nous révoltons contre tes propos qui nous blessent le coeur, car nous aussi en avons un ; nous nous sentons offensés par tes paroles, par ton insolence intellectuelle qui nous heurte, par ta dissidence avec notre cause, qui nous inflige une peine cuisante.
Cependant, malgré la gravité de notre dissension, nous tenons à te décerner ce prix, envers et contre tout, car nous portons en nous l'antique vertu de la magnanimité. Nous te l'attribuons pour te prouver que la paix que tu prêches nous est aussi chère qu'à toi. Sauf que, n'étant pas des écrivains, seulement des consciences engagées dans l'opacité d'un rude combat, nous la cherchons avec d'autres moyens que les tiens, ceux de nos Etats imparfaits pour lesquels nous nous sommes engagés parce que nous y croyons.
Ta patrie à toi, si apparemment éloignée de nos tâches ingrates, est pourtant celle-là même de l'humanité que nous défendons, dont nos diplomaties ne sont que masques officiels de nos vrais sentiments de justice. Mais, malgré notre colère et notre tristesse, nous te remettrons ce prix, car nous te reconnaissons comme l'un des nôtres, un ambassadeur, mais d'une autre sorte, vêtu d'un habit surhaussé de beauté et liberté.
Notre étoffe n'est pas différente, mais alourdie de l'armure de la nécessité, de la mission à laquelle nous avons prêté serment par conviction. Oui, nous te décernons le prix car ton livre bouleversant nous émeut par-delà nos fonctions de soldats empêtrés dans une guerre qui n'est que l'âpre et cruelle accoucheuse de paix. Nous te couronnons, car ton message tremble dans la petite lumière pâle et juste que nous fixons de nos yeux éclaboussés de drames."
Voilà comment, peut-être, les ambassadeurs arabes, soulevés de nouvelles révolutions, auraient pu parler à leur écrivain le plus distingué. Voilà comment, meurtris mais altiers, ils auraient offert à Boualem Sansal, avec une âme stoïque, le prix de leur foi dans une réconciliation future des Israéliens et des Palestiniens. Qui sait ?
Il n'est peut-être pas trop tard, il n'est jamais trop tard.
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Hélé Béji est l'auteure de "Nous, décolonisés" (Arlea, 2008) et d'"Islam Pride. Derrière le voile" (Gallimard, 2011).
Hélé Béji, écrivaine, membre du jury du Prix du roman arabe . |
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http://passouline.blog.lemonde.fr/2012/06/15/rififi-au-prix-du-roman-arabe/
15 juin 2012
Rififi au Prix du roman arabe par Pierre Assouline
Jurés littéraires, gardez-vous des mécènes ! Ils sont le problème et la solution. Soit vous vous passez d’eux, vous faites vœu de pauvreté et vous décernez votre prix en nature au bistro du coin ; soit vous les sollicitez, et vous vous retrouvez dans un pays exotique à votre prix sonnant et trébuchant dans un palace. La différence ? L’indépendance. Un jour ou l’autre, vous en éprouverez les dures réalités, avec leur lot de rumeurs et polémiques. C’est le cas depuis quelques jours des jurés du Prix du roman arabe. Décerné au romancier algérien Boualem Sansal pour Rue Darwin (Gallimard), il n’a pas pu lui être remis comme prévu, à la suite de pressions relevant davantage de la politique que du poétique.
Ce prix est né en 2008 d’une constatation de Vénus Khoury-Ghata, attachante personnalité parisienne des lettres arabes, elle-même récemment couronnée du Goncourt de la poésie : comme ses amies du prix Femina ne lisaient décidemment pas de littérature arabe traduite en français, ni même celle d’auteurs arabes écrivant directement en français, elle eut l’idée de lancer un prix pour pallier cette carence. Son entregent dans le milieu littéraire étant aussi légendaire que ses pâtisseries orientales, elle eut vite fait de monter un jury avec des membres de l’Académie française et du Femina, des critiques et des écrivains. Puis elle trouva un mécénat généreux auprès du Conseil des ambassadeurs arabes à Paris, et le partenariat de l’Institut du monde arabe (IMA). Au fil des ans, le prestige des lauréats donna du crédit aux prix : Elias Khoury, Gamal Ghitany, Rachid Boudjedra… Jusqu’à la dernière réunion, tout allait bien. Le scrutin était assez serré. Le livre de Boualem Sansal l’emporta. On se doutait bien que cela ne plairait pas à un diplomate au moins, l’ambassadeur d’Algérie, mais c’était sans importance. La nouvelle fut annoncée au lauréat, qui vit à Boumerdès (ex-Rocher noir, près d’Alger), alors qu’il était sur le départ. Il n’en fut pas moins heureux et flatté. Quelques uns le furent moins lorsqu’ils découvrirent peu après, dans de violents articles parus dans la presse arabe, qu’il s’était rendu en Israël à l’invitation de son éditeur et d’un festival littéraire israélien à Jérusalem (il s'en explique ici).
Qu’il y avait donné des conférences, participé à des débats et répondu à des interviews avec le franc-parler, le courage et l’indépendance d’esprit qui le caractérisent, qu’il s’agisse de critiquer le régime algérien et le sort fait aux Palestiniens dans les territoires occupés, ou de dénoncer « le fascisme islamiste ».
Comme l’avait fait avant lui en 1999 un membre du jury, Tahar Ben Jelloun.
Aussi Elias Sanbar, ambassadeur de la Palestine à l’Unesco mais également poète et traducteur, et à ce titre membre du jury, fit-il aussitôt pression pour que le prix du Roman Arabe soit retiré à Sansal (ce qu'il dément aujourd'hui) . Il n’avait pas soutenu son livre mais Les Plumes du syrien d’origine kurde Salim Barakat publié par leur éditeur commun Actes Sud. Il mobilisa ses pairs du Conseil des ambassadeurs arabes.
Scandalisés par le fait que Boualem Sansal ait osé serrer la main d’Israéliens et parlé avec eux chez eux, ce que le Hamas et le Hezbollah ont jugé « criminel » (alors que Sanbar fait partie, lui, de ceux qui rencontrent régulièrement des intellectuels israéliens, ce qui rend sa position d'autant plus étrange), ils convinrent donc de le « désinviter », de reporter la cérémonie prévue le 6 juin à l’IMA en prétextant « les événements actuels dans le monde arabe » et de faire voter à nouveau le jury. L’un de ses membres, Olivier Poivre d’Arvor, directeur de France-Culture lança aussitôt l’alerte en faisant savoir publiquement dans Libération qu’il démissionnait en signe de protestation. L’affaire était lancée. Impossible de l’étouffer, d'autant que Rue Darwin venait d'être également couronné du Prix du Roman-News.
Il y eut beaucoup de téléphonages entre jurés. Mardi dans l’après-midi, une réunion de crise se tint au domicile de Vénus Khoury-Ghata. Plusieurs écrivains (Paula Jacques, Hélé Béji, Robert Solé), partisans comme l’ensemble du jury de ne modifier en rien un vote qui s’était voulu strictement littéraire, se trouvaient à ses côtés face à Elias Sanbar, Mona Al Husseini, conseillère auprès de l’ambassade de Jordanie (qui entretient des relations diplomatiques avec Israël, un comble !) et au directeur de la Ligue arabe à Paris, représentant les mécènes.
Ce fut houleux. Des cris mais pas de coups. A la sortie, ils se séparèrent courtoisement mais pour toujours. Toute autre réaction eut entrainé en son sein une cascade de démissions. « Aller en Israël, ce n’est tout de même pas aller en enfer ! s’indigne Vénus Khoury-Ghata. On n’a pas à subir de tels diktats. On a sauvé l’honneur et tant pis si on se retrouve mendiants et orgueilleux ». Albert Cossery eut apprécié. Boualem Sansal apprécie déjà : « Mais quel nom aura ce prix? Ne sera-t-il pas perçu comme un camouflet aux ambassadeurs arabes? Moi, je suis preneur de toute décision prise par le Jury, lui seul compte pour moi ». Celui-ci a donc repris sa liberté et lui remettra bien son prix pour Rue Darwin jeudi prochain lors d’un cocktail dans les salons de son éditeur Gallimard. Mais pas le chèque de 10 000 euros. Il est prévu d’y inviter des écrivains, des poètes et des critiques. Pas de diplomates.
("Boualem Sansal" photo Passou; "Le même la semaine dernière dans un débat à Jérusalem" photo D.R.). |
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Réponse d’Elias Sanbar à Pierre Assouline
15 Juin 2012
http://blogs.mediapart.fr/blog/les-invites-de-mediapart/150612/reponse-delias-sanbar-pierre-assouline
Pauvre Pierre Assouline
Pris à partie de façon indigne et infamante par Pierre Assouline dans les colonnes du Monde des Livres du 15 juin 2012, soucieux de mettre les choses au point dans les plus brefs délais, sans attendre la parution dans une semaine du supplément Livres du Monde, j’ai décidé d’exercer mon droit de réponse dans les pages de Mediapart.
Ainsi, selon Monsieur Assouline, réagissant à la visite de Boualem Sansal en Israël au lendemain de son obtention du Prix du roman arabe, j’aurai « été d’autant plus véhément » que je n’avais pas soutenu le roman primé. Partant de cette première « invention », j’y reviens plus bas, Pierre Assouline passe à sa théorie de la conspiration montée et menée par mes soins : « Il mobilisa ses pairs du Conseil des ambassadeurs arabes. Egalement scandalisés par le fait que Boualem Sansal a osé serrer la main d’Israéliens (…), ils convinrent donc de le « désinviter », de reporter la cérémonie [de remise du prix] et de faire voter à nouveau le jury. »
Le lecteur notera l’usage du « Il » et des « Ils », et appréciera les dons d’insinuation dont fait preuve Monsieur Assouline qui aurait décidément fait un bon témoin à charge aux procès de Prague. Mais ce n’est pas tout.
Le complot continuant, j’aurai avec une fonctionnaire de l’ambassade de Jordanie, organisé la défense de la position des ambassadeurs des pays arabes et ce lors d’une réunion « houleuse », avec force « cris mais pas de coups ».
Rejetant ce tissu de mensonges, soucieux au plus haut point de l’opinion de mes amis, de ceux aussi, très nombreux, qui ont déjà eu l’occasion de m’entendre parler du conflit israélo-palestinien et de mon combat pour une réconciliation fondée sur l’égalité et le respect mutuel, je tiens ici à rétablir les vérités suivantes.
- Je n’ai pas attendu Boualem Sansal et encore moins Pierre Assouline pour nouer des contacts avec des Israéliens épris d’une paix juste, au premier rang desquels d’ailleurs David Grossman que Boualem a rencontré à Jérusalem ou A. B. Yehoshua ou Zeev Sternhell et tant d’autres. A cet égard, je rappellerai au pseudo-néophyte Pierre Assouline, que je fus l’un des premiers participants aux contacts secrets entre Israéliens et Palestiniens dans les années quatre-vingt, puis l’un de chefs des délégations palestiniennes aux pourparlers de paix après Madrid… Et il faut être d’une insondable ignorance ou mauvaise foi, je laisse à Pierre Assouline le choix de l’épithète ajoutant qu’il pourrait opter pour les deux réunies, pour oser parler de ma « véhémence » contre un écrivain qui « aurait osé serrer la main d’un Israélien »…
-par ailleurs, autre hic, il se fait qu’en mission à l’étranger, je n’ai pas été présent à la réunion du jury et n’ai donc pas participé au vote à l’issue duquel le prix fut décerné à Boualem Sansal. Pierre Assouline semble m’y avoir vu défendant un autre ouvrage…
J’en viens maintenant à la réunion convoquée par le Directeur du bureau de la Ligue arabe et l’ambassadeur de la Jordanie en France, rencontre à laquelle j’ai effectivement participé, au cours de laquelle les deux ambassadeurs expliquèrent que les Etats arabes étant encore en guerre avec Israël, le conseil de leurs ambassadeurs ne pouvait plus s’associer au Prix décerné à Boualem Sansal. De leur côté, les membres présents du jury décidèrent alors de rédiger un communiqué confirmant le prix et annonçant la fin de leur relation avec le Conseil des ambassadeurs. Il est vrai que la discussion fut animée, mais de là à insinuer que les coups furent évités de justesse… De toutes façons, durant cette réunion, j’ai agi en tant que membre du jury, à aucun moment comme le représentant de la Palestine à l’UNESCO. Et c’est à ce titre que je me suis associé à la décision du jury et que j'ai signé avec les autres membres le communiqué annonçant la démission et la rupture.
- Quelques mots pour finir destinés à Boualem Sansal que je connais et qui me connaît. Je n’ai eu aucun problème à te voir aller à la rencontre de David Grossman. Comment en aurais-je eu quand je rencontre quotidiennement des Israéliens sans parler des très nombreux débats publics menés avec le même David Grossman… Connaissant ton respect de la liberté d’opinion, je me dois de te préciser deux choses. Il est vrai que j’ai préféré le roman de Salim Barakat au tien. C’est mon droit de lecteur, tout comme il est vrai que je suis en total désaccord avec toi quant à ton affirmation – je me reporte là à un passage filmé de ton entretien avec Antoine Perraud dans Mediapart – qu’il n’y a pas eu et qu’il n’y a pas d’entreprise coloniale en Palestine. C’est également mon droit, de Palestinien cette fois.
J’espère que les choses sont ainsi éclaircies et que ce pauvre Pierre Assouline aura la sagesse de s’abstenir de se chercher un Palestinien contre lequel déverser sa mauvaise foi, la prochaine fois qu’il sera pris par l’irrésistible besoin de manifester son profond pathos.
Elias Sanbar
Paris, le 15 juin 2012. |
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http://www.liberation.fr/culture/2012/07/18/boualem-sansal-don-pour-don_834254
Boualem Sansal, don pour don
Un donateur anonyme vient d’attribuer à l’écrivain algérien la somme de 10 000 euros, qu’il a choisi de remettre à une association.
Par ALEXANDRA SCHWARTZBROD
L’affaire Boualem Sansal connaît un épilogue heureux. Comme un conte oriental. Contredisant le refus des ambassadeurs arabes de décerner leur prix au grand écrivain algérien et de verser les 15 000 euros associés. Un mystérieux donateur suisse lui a donné 10 000 euros en compensation. Considérant que ce geste est «si grandiose qu’on ne peut accepter qu’il soit terni par des questions d’argent» et qu’ «accepter cette prime, ce serait dédouaner ces messieurs les ambassadeurs arabes à Paris», Sansal a décidé de reverser cette somme à l’association Un cœur pour la paix, qui regroupe des médecins français, palestiniens et israéliens œuvrant à soigner les enfants palestiniens de Cisjordanie et Gaza malades du cœur.
Bêtise.
La responsable de l’association, Muriel Haïm, (dont Libération a fait le portrait en avril), a appris la bonne nouvelle la semaine dernière. «Le financement de notre association est très difficile, car opérer un enfant du cœur coûte 14 000 euros, un coût pris en charge pour moitié par l’hôpital Hadassah en Israël, moitié par nous grâce à différents donateurs. Ces 10 000 euros vont donc nous permettre d’opérer au moins un enfant palestinien, confie-t-elle. Quand la générosité et le courage se mobilisent contre la bêtise et l’exclusion, tout redevient possible.»
Parce qu’il s’était rendu au festival international des écrivains de Jérusalem, l’auteur algérien Boualem Sansal s’est trouvé privé, en mai, par le conseil des ambassadeurs arabes en France, du prix du Roman arabe qu’il venait de recevoir pour son dernier ouvrage, Rue Darwin. Le Hamas avait assimilé la présence de l’écrivain en Israël à un acte de trahison».
Cette histoire avait indigné nombre d’intellectuels, à commencer par les principaux membres du prix, ceux-là mêmes qui ont voulu récompenser Sansal pour la qualité de son dernier livre, mais aussi pour son courage et ses prises de risque (il n’hésite pas à critiquer ouvertement le pouvoir algérien et lutte sans relâche pour la liberté d’expression dans son pays). Les jurés, à commencer par le directeur de France Culture, Olivier Poivre d’Arvor (Libération du 10 juin), ont protesté contre la décision du conseil des ambassadeurs arabes en rompant avec lui, puis en décidant de remettre le prix à l’auteur de Rue Darwin. C’est ainsi que, le 21 juin, Sansal a été récompensé chez son éditeur… d’une cordiale poignée de main. Honorifique bien sûr.
Qui est ce généreux donateur prêt à se substituer aux ambassadeurs arabes ? On ne le saura peut-être jamais. Il est suisse, ne vit pas dans le besoin, et ne tient pas à se faire de la pub. «Il ne fait pas partie du milieu de la littérature, a confié un de ses proches. Il aime beaucoup les livres de Boualem Sansal, notamment le Village de l’Allemand. Quand il a vu qu’on voulait le priver de ce prix, ça l’a rendu furieux, il a eu le sentiment d’une injustice !»
Elan.
Un collectif d’écrivains est en train de se constituer autour d’auteurs et d’éditeurs de Gallimard, la maison mère de Sansal (Jean-Marie Laclavetine, Shmuel-Thierry Meyer, Jean Mattern…) pour représenter le donateur anonyme et remettre une seconde fois son prix à Boualem Sansal, mais de façon sonnante et trébuchante cette fois, sans doute début septembre, en pleine rentrée littéraire. Les ambassadeurs arabes s’en mordront sûrement les doigts. Par leur geste, non assumé de surcroît (ils ont pris le prétexte des «événements actuels dans le monde arabe» pour annuler la remise du prix), ils n’auront fait que renforcer l’élan de solidarité autour de l’écrivain et remettre un coup de projecteur sur son roman, dont le héros n’a pas de mots assez durs pour «les fouettards d’Allah» qui ont envahi le monde populaire de son enfance algéroise, la rue Darwin.. |
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«Je ne suis pas en guerre contre Israël»
Boualem Sansal sort par le haut de la polémique qui l’a privé du prix du Roman arabe, suite à sa présence, mi-mai, dans un festival à Jérusalem :
Par ALEXANDRA SCHWARTZBROD
L’écrivain algérien Boualem Sansal, privé du prix du Roman arabe et des 15 000 euros qui devaient récompenser son livre Rue Darwin (Gallimard) pour s’être rendu en Israël, va remettre le don de 10 000 euros fait par un mécène suisse en compensation à une association soignant des enfants palestiniens. Joint hier par téléphone, il s’explique sur son geste.
Pourquoi céder ce don tombé du ciel à l’association Un cœur pour la paix ?
Un de mes amis m’a fait découvrir il y a quelques semaines cette association, qui rassemble des médecins français, palestiniens et israéliens. J’ai vu qu’elle faisait des choses formidables. Du coup, l’idée m’est venue de lui donner cette somme, qu’il était inenvisageable que je touche. J’ai bien pensé en faire profiter une association algérienne mais la seule que je connaisse, Djazaïrouna, qui s’occupe des victimes du terrorisme, islamiste mais aussi militaire (sans que ce soit réellement dit, bien sûr), est très critiquée, car elle dérange le régime. Du coup, elle est déchirée par des tas de conflits internes qui l’empêchent de bien fonctionner. J’avais peur que cet argent parte en fumée.
Vous ne connaissez donc pas le donateur ?
Je pense qu’il va se manifester en septembre, il est prévu une cérémonie pour me remettre le prix.
Selon les informations que nous venons d’avoir, il tient à rester anonyme jusqu’au bout…
Vous me faites un plaisir énorme en m’apprenant cela. Je disais hier à ma femme que ce serait encore plus formidable, encore plus généreux, qu’il préfère rester anonyme !
Vous n’imaginiez pas que votre voyage en Israël allait entraîner de telles réactions ?
Si, je me doutais que ça se finirait comme ça. J’étais même prêt à envoyer un mail au conseil des ambassadeurs arabes pour lui dire que j’étais allé en Israël, le prévenir avant qu’il ne fasse un communiqué et que ça crée toute une histoire, susceptible de heurter l’opinion. J’en ai parlé à un ami, qui me l’a déconseillé, je ne l’ai donc pas fait. De tous les côtés, j’avais reçu des mises en garde : d’Algérie, des pays arabes et même d’Israël. On me disait de bien réfléchir avant d’entreprendre ce voyage, que je risquais d’être récupéré, instrumentalisé, que j’allais recevoir des menaces de mort. Moi, je ne suis pas en guerre contre Israël. Il faut qu’on travaille tous à la paix : politiques, intellectuels, étudiants… C’est pour ça que j’ai tenu à y aller. Pour montrer qu’il faut avant tout dialoguer, échanger.
Qu’avez-vous ressenti en apprenant la décision du conseil des ambassadeurs arabes ?
Cela m’a déçu. Je me suis dit : voilà, ils représentent des Etats et ils sont à leur image. Cela jette une suspicion sur ce prix accordé depuis 2008. Il me sanctionne pour être allé en Israël ? Mais les pays qu’il représente ne sont pas en guerre contre Israël… Certains ont même des relations plus ou moins assumées avec Israël !
Et en Algérie, vous n’avez pas eu de problèmes ?
Depuis cet épisode, ma situation s’y est considérablement dégradée. Il a fait ressortir chez certains dirigeants et intellectuels une sorte de haine primitive, viscérale, très inquiétante. Comme si le fait d’être allé en Israël était le péché suprême. En revanche, en Kabylie, seule région qui continue à résister, je suis quasi un héros national ! Ils me considèrent comme un rebelle, un résistant !
Vous ne craignez pas pour votre vie ?
Vous savez, on a traversé une guerre civile au cours de laquelle on pouvait être battu, tué dix fois par jour. On est fataliste. Tout cela m’inquiète, bien sûr, mais ça va. De toute façon, je ne peux pas avoir plus de problèmes qu’aujourd’hui.
Vous n’avez pas envie d’aller vivre ailleurs ?
Tous les jours, je me dis que ce serait formidable. Vivre enfin dans la tranquillité. Mais je ne peux pas supporter l’idée d’abandonner l’Algérie à ceux qui nous gouvernent, qui l’ont pillée, détruite. Il faut leur arracher ce pays des mains et les traduire en justice.
Vous travaillez à un nouveau roman ?
Non, le dernier, Rue Darwin, est sorti il y a moins d’un an. Je suis très occupé par un immense projet. En Israël, j’ai rencontré David Grossman, et je me suis dit que ce serait formidable d’organiser un grand rassemblement des écrivains pour la paix. J’ai lancé l’idée fin mai sur le site du Huffington Post et, depuis, c’est un déluge international ! Le Conseil de l’Europe est prêt à organiser l’opération. On est en train de faire la liste du noyau dur de ce rassemblement, qui sera annoncé début octobre à Strasbourg, où le Conseil de l’Europe organise le premier Forum mondial de la démocratie..
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Le berbérisme avait Kateb Yacine, l'Autonomie aurait-elle Boualem Sansal?
Boualem Sansal n'est pas un kabyle. Il est né dans un petit village des monts de l’Ouarsenis mais il est d'origine rifaine (Maroc). Kateb Yacine n'était pas un kabyle non plus, mais un chaoui.
"Comme Kateb Yacine, Boualem Sansal n’est pas aimé dans son pays" a écrit Amine Zaoui dans Liberté. Ses oeuvres sont souvent censurées en Algérie, notamment Le village de l'allemand, un roman traduit en 16 langues. Son obtention du très prestigieux Prix de la paix des libraires allemands au mois d'octobre 2011 a été mieux médiatisée par la presse française et allemande que par la presse algérienne.
Comme Kateb Yacine Boualem Sansal est un grand ami de la Kabylie et des causes kabyles. Le premier était une icone du mouvement berbériste, porté, principalement et pendant de longues années, par la seule Kabylie.
La cause autonomiste kabyle semble avoir trouvé son Kateb Yacine depuis quelques temps. En effet, Boualem Sansal ne finit pas d'exprimer son adhésion au projet pour l'autonomie de la Kabylie.
Le 22 janvier 2012, nous apprend tamurt.info, il a été invité par la très efficace association Amitié Allemagne-Kabylie, à l'occasion du nouvel an amazigh 2962, afin d'animer une conférence sur la Kabylie.
Ce grand écrivain n'a pas mâché ses mots. Pour lui " Le pouvoir a compris que le grand danger pour lui ce n’est pas les Français, ni les Allemands, ni les Américains, ni les Russes, mais les Kabyles " Il ajoute plus loin : "J’ai une mentalité de révolutionnaire et c’est pour cela que j’ai rejoins les militants du M.A.K. Et nous allons nous battre pour cet objectif. Nous avons décrété notre autonomie et on va s’organiser pour. Le pouvoir est très désarçonné par cette situation."
Il conclut en disant qu'une Kabylie autonome est un rêve pour lui et qu'il souhaite "qu’elle entrainera l’autonomie de toutes les régions du pays pour une rénovation et une reconstruction autour de leur identité berbère dans ses différentes dimensions".
Vive la Kabylie autonome !
PS: Vous pouvez lire la totalité de la conférence de Boualem Sansal sur tamurt. Excusez les dizaines de coquilles commises lors de la transcription !
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