facebook

 

Mivy décoiffe,
car il a été conçu par un chauve !

m'écrire : a   adresse : https://www.mivy.fr/



mercredi, 23-Oct-2013
Pour réagir, ou s'abonner à la liste de diffusion :


Pour naviguer, cliquez sur le nez
historique => journal 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020, 2021 2022 2023
trefle
 

Israël-Palestine : « La guerre de l’eau n’aura pas lieu »

samedi 27 juillet 2013
par le Professeur émérite Gilbert Benhayoun, Université d’Aix-Marseille, président du groupe d’Aix (1ère partie)


Le groupe d’Aix, présidé par Gilbert Benhayoun comprend des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des politiques. Son premier document, en 2004, proposait une feuille de route économique, depuis de nombreux documents ont été réalisés, sur toutes les grandes questions, notamment le statut de Jérusalem ou le dossier des réfugiés, chaque fois des réponses sont apportées. C’est dire s’il est important de mettre en avant les travaux de ce groupe alors qu’il est de nouveau question de paix entre Israël et la Palestine, que des négociations pourraient débuter le mardi 30. Nous nous faisons l’écho, à partir d’aujourd’hui, d’une réflexion sur un dossier sensible, l’eau. Alors que le pessimisme est souvent de rigueur, Gilbert Benhayoun et le groupe d’Aix avance : « La thèse que nous voulons défendre est que la guerre de l’eau n’aura pas lieu »
.(*)

Entre Israël et ses voisins proches, la Jordanie, la Syrie et l’Autorité palestinienne, le problème de l’eau est grave mais ne sera pas, dans un avenir proche, à l’origine d’un conflit armé. La situation actuelle, qui se caractérise par un partage des eaux, en particulier des aquifères de Cisjordanie, très en défaveur des Palestiniens, peut trouver des solutions acceptables pour les deux parties. Plus qu’une donnée immuable et physique, il s’agit d’un problème politique qui pourra se résoudre dans le cadre d’un accord futur négocié entre Israël et ses voisins, même si le contexte de rareté des ressources aquifères ne peut que s’amplifier au fil du temps.

La situation actuelle est depuis peu caractérisée par un paradoxe lorsqu’on examine la situation de l’eau en Israël. Alors que le pays se situe dans une des régions les moins pourvues en eau dans le monde et qu’il y a quelques années à peine des campagnes de sensibilisation à la télévision avaient pour objectif d’inciter la population à économiser l’eau, l’ancien ministre israélien de l’énergie et de l’eau, Uzi Landau, annonçait fièrement que la crise de l’eau en Israël était finie, et que le pays était, et serait à l’avenir, à l’abri d’un stress hydrique.

Au même moment le ministre palestinien de l’eau, Shaddad Attili, se plaignait, à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, en mars dernier, que les Israéliens empêchaient les Palestiniens de creuser de nouveaux puits. Il rendait ainsi responsable l’occupation israélienne du problème du déficit en eau de la population palestinienne.

Les relations entre les deux parties, malgré l’existence d’un accord (Oslo II-1995) qui les lie, malgré le fait, fondamental du point de vue palestinien, que l’accord reconnaît explicitement les droits palestiniens sur l’eau, et malgré une coopération technique qui se développe sur le terrain, restent tendues. Les Palestiniens reprochent aux Israéliens, de ne pas mettre en pratique ce qu’ils se sont engagés à faire, et les Israéliens leur reprochent leur mauvaise gestion de l’eau et leur réticence à exploiter les ressources de l’aquifère oriental.

Après avoir présenté la situation actuelle (I), nous examinerons ce qui alimente les divergences de position (2), et quelle type de négociation les deux parties peuvent et doivent mettre en place et à quelles conditions, d’une part, et d’autre part quel devrait être le contenu d’un accord durable dans l’intérêt des deux parties (3).

1. Le contexte.
1.1 Le système de l’eau en Cisjordanie et à Gaza se caractérise par une grande vulnérabilité, une gestion fragmentée, une dépendance croissante vis-à-vis des Israéliens et de l’aide internationale et une efficience faible.

La vulnérabilité.
Trois critères permettent de l’apprécier : le minimum par habitant (entre 50 et 100 litres d’eau potable par jour, le budget consacré à l’eau qui ne doit pas dépasser 3% du budget des familles. Et enfin l’eau disponible ne doit pas se situer à plus de 1 kilomètre et à moins de 30 minutes du domicile.
Pour la Banque mondiale, en Cisjordanie, la dotation journalière en 2010, non compris l’agriculture, ne serait que de 102 litres par habitant, ce qui constituerait le minimum vital défini par l’Organisation Mondiale de la Santé. Si on tient compte des pertes, la dotation annuelle réellement consommée n’est que de 73 litres par habitant. Par ailleurs, la part des dépenses d’eau représentent 8% du budget des ménages.

La gestion de l’eau est fragmentée.
Elle est fragmentée à trois niveaux, administratif, territoriale et en termes de responsabilité.
c Sur le plan administratif, l’Autorité palestinienne de l’eau qui devrait être l’organe de gestion centralisée, ne gère en fait qu’une part faible des ressources, 18%.
b Gaza et la Cisjordanie, constituent deux entités séparées, et cette partition entrave le développement administratif et économique.
a La responsabilité du système est éclatée entre les Palestiniens, les Israéliens, qui, par divers canaux, contrôlent les ressources hydriques de la Cisjordanie et enfin, l’aide internationale. Les Palestiniens, à travers l’aide reçue de l’étranger sont dépendants, non seulement sur le plan financier, mais aussi parce que « les décisions prises par les donateurs étrangers se révèlent capitales car elles modèlent l’aménagement des Territoires palestiniens ». Cette situation de dépendance est aggravée par celle, plus directe, vis-à-vis des Israéliens.

La dépendance par rapport à Israël s’accroît.
Deux types de ressources alimentent les Palestiniens en eau : les ressources locales et celles qui sont achetées à l’établissement israélien Mekorot. De ces deux ressources ce sont celles achetées à Mekorot qui ont le plus rapidement augmenté, traduisant ainsi une plus grande dépendance palestinienne pour leur approvisionnement en eau par rapport à l’administration israélienne, ce qui, pour la Banque mondiale(1) est « exactement à l’opposé des aspirations palestiniennes à une plus grande autonomie et à une autosuffisance ». De 2004 à 2010 le taux de croissance annuel moyen des achats à l’établissement israélien est plus de quatre fois (2.52%) supérieur à celui des ressources locales (0.61%).

Le fonctionnement du système est défaillant. 
L’état des réseaux est mauvais ce qui se traduit par un taux de perte important à cause des fuites dans les réseaux de distribution et des débordements des réserves de stockage. La collecte et le traitement des eaux usées sont également très mal assurés. Pour la Banque mondiale, cette situation alarmante s’explique, d’une part, par l’échec dans le développement des ressources en eau dû à un trop faible investissement et, d’autre part, par une très mauvaise gestion de l’eau.
Les investissements en infrastructures sont très insuffisants, et les décisions d’investissement doivent obtenir l’aval du Comité mixte israélo-palestinien, et seulement un tiers des projets présentés entre 2001 et 2008 ont pu être réalisés. L’asymétrie fondamentale qui caractérise les relations entre Israéliens et Palestiniens, en termes« de pouvoir, de capacité d’information et d’intérêts (…) nuit au développement d’une approche consensuelle afin de résoudre les conflits liés à la gestion de l’eau » (Banque mondiale).

1.2 Le système de l’eau en Israël se caractérise par un recours croissant aux ressources non conventionnelles, une gestion efficace et le développement de la technologie.En 2009 la production totale d’eau en Israël était de 1 849 millions m3 et la consommation globale de 1 811 millions m3. Si la production a permis de couvrir les besoins, c’est grâce à la production de ressources non conventionnelles obtenues par dessalement d’eau de mer et des eaux saumâtres ainsi que par le traitement et la réutilisation des eaux usées. En 2011 le total des ressources renouvelables naturelles est de 1 170 millions m3, alors que la consommation totale est de 2 030 millions m3, aussi le déficit, soit 870 millions m3, représente près de 43% de la consommation totale. A nouveau, ces chiffres indiquent bien pourquoi Israël a décidé d’avoir recours à des solutions lui permettant d’accroître l’offre, mais aussi d’agir sur la demande et la structure des prix.

La production d’eau de mer dessalée (millions de m3)
Année Quantité Année Quantité
2004 0 2010 280
2005 36 2011 305
2006 100 2012 405
2007 130 2013 505
2008 145 2014 605
2009 160 2020 750

En 2013 cette ressource représentera 72% de la consommation domestique, et en 2020, elle comptera pour 37,7% des ressources, et si on y ajoute la quantité d’eau saumâtre dessalée, la proportion passera à 41,2%.

Projection des ressources en eau en 2020 (millions m3 et %)
2008 2020
Ressources
naturelles
675 80% 1 170 58.8%
Eau dessalée 170 20% 820 41.2%
Total ressources 845 100% 1 990 100%

La volonté des pouvoirs publics d’accroître l’offre à partir du dessalement est liée, en grande partie, au fait que le coût de production du m3 d’eau dessalée a fortement diminué ces dernières années passant de 1$ il y a quelques années, à 0,61$ pour le dessalement de l’eau de mer.

Le management de l’eau et la technologie.
Le traitement de l’eau est aussi un marché en expansion, source de création de valeur. On estime que le marché mondial des technologies liées à l’eau représente un potentiel de plus de 500 milliards de dollars, équivalent à celui des industries pharmaceutiques, et supérieures à celles des télécommunications ou des semi-conducteurs. Et, à cet égard, Israël occupe une place remarquable en matière de recherche-développement et du management de l’eau. Dans le domaine agricole Israël a fait un effort particulier en réussissant à réduire la consommation d’eau qui est passée de 8700 m3 à l’hectare en 1975 à 5500 m3 en 2002, soit une réduction de 37%, alors que, dans la même période la valeur de la production agricole a été multipliée par 12. Cependant, et même si le recours aux solutions technologiques est très encourageant, la solution à long terme passe aussi, et peut-être surtout, par une modification des habitudes de consommation plus que par une volonté de s’en tenir à des solutions qui recherchent à accroître l’offre en s’appuyant sur la technologie et sur le secteur privé. Il est possible par des campagnes de sensibilisation et par des politiques de prix plus incitatives à économiser l’eau de réduire la consommation globale de 20%.

En conclusion, Israël doit, d’une part, équilibrer l’offre et la demande, et d’autre part assurer le contrôle des ressources dont il dispose. Aussi, pour des raisons sécuritaires, le pays a toujours cherché à contrôler les ressources en eau en provenance, soit du lac de Tibériade, soit des aquifères de Cisjordanie, estimant, pour ces derniers, que les Palestiniens, par leur comportement, risquaient de nuire à l’approvisionnement en eau du pays. La surexploitation des nappes, par le creusement de puits non autorisés par le Comité mixte israélo-palestinien, risque d’accroître le taux de salinité de l’eau qui s’écoule en Israël, et il y a toujours un risque de sabotage.

1.3. Le déséquilibre.
Les relations entre les deux parties sont déséquilibrées du fait qu’Israël occupe une position dominante, militaire, politique et économique. En 2005 le revenu par habitant israélien (21 900$) est 18 fois supérieur à celui des Palestiniens (1230$) (2), cette très grande différence explique que la consommation d’eau soit, en Israël supérieure à celle des palestiniens. La consommation d’eau potable par habitant (y compris les colons) est, pour la Banque mondiale, plus de quatre fois supérieure en Israël(3).

Enfin le déséquilibre est manifeste lorsqu’on compare la gestion de l’eau. Elle est centralisée en Israël et fragmentée en Palestine.

La comparaison des ressources en eau disponible pour les Israéliens et les Palestiniens n’est pas aisée, dans la mesure où les chiffres fournis par la Banque mondiale, qui à priori est considérée comme neutre, sont contestés par les Israéliens.

Selon l’estimation choisie dans le tableau suivant, il apparaît qu’un israélien consomme par jour, soit 4,4 fois plus qu’un habitant de Cisjordanie, soit 6,7 fois plus si on intègre dans la consommation l’eau obtenue par dessalement et après traitement et réutilisation des eaux usées. Pour les Israéliens, dans un rapport en forme de réponse à celui de la Banque mondiale, la comparaison ne doit porter que sur la consommation d’eau potable naturelle, donc non compris les ressources non conventionnelles, telles l’eau obtenue par dessalement, ainsi que par retraitement des eaux usées. Selon les données israéliennes la consommation par habitant qui était en 1967 six fois supérieure à celle des Palestiniens ne serait plus supérieure que de 70% en 2006

La polémique sur les chiffres risque à nouveau d’être relancée par les dernières données fournies par la Banque mondiale[4], pour qui la consommation par habitant en Cisjordanie ne serait plus que 97 litres par jour, soit une diminution de 21% par rapport à 2007. De plus, la BM ajoute qu’un quart des habitants consomme moins de 50 litres par jour.

A Gaza, la dotation journalière est supérieure, 152 litres par jour en moyenne, mais le taux de salinité est tel que l’eau est impropre à la consommation.

Gilbert Benhayoun

(*) le titre et le propos introductif sont de la rédaction
(1)Banque mondiale, "Mekorot water has become an increasingly important substitute for Palestinian controlled resources », (p.39) in “West Bank and Gaza. Assessment of Restrictions on Palestinian Water Sector Development”. Report n° 47657-GZ, April 2009.
(2) En 2010, d’après les chiffres de l’OCDE et de la Banque mondiale, le PIB par habitant en Israël est en 2010 de 28 510 $. Le revenu par habitant palestinien est soit d’environ 1500 $ per capita, soit 2100 $ si on intègre l’aide internationale.
(3) Banque mondiale, West Bank and Gaza. Assessment of Restrictions on Palestinian Water Sector Development, Sector Note, avril 2009.
(4) Banque mondiale, "Towards Economic Sustainability of a Future Palestinian State : Promoting Private Sector – Led Growth", avril 2012, pp. 101-102

 

 

2 ième partie

 

Oslo II 1995.

L’accord Oslo II. Le 28 septembre 1995 à Washington est signé l’accord Intérimaire sur la Cisjordanie et Gaza dont l’article 40 de l’annexe III porte sur les questions de l’eau et des eaux d’égout pour une période de cinq ans, devait faire l’objet d’un accord définitif à l’issue de la période intérimaire.

Or, compte tenu des événements sur le terrain, de la difficulté à mener à leur terme les négociations sur le statut final, l’accord définitif n’a, jusqu’à maintenant, pas été signé. Pourtant, les parties ont décidé, d’un commun accord, que les dispositions qui concernent la question fondamentale, l’eau, devaient se poursuivre, indépendamment des difficultés sur le terrain. Cet accord est un tournant pour les deux parties, en particulier pour les Palestiniens, car c’est la première fois que, sur le plan des principes, et formellement, Israël reconnait aux Palestiniens un droit sur l’eau en Cisjordanie. Il s’agit d’un pas important que les Palestiniens rappellent sans cesse. Cependant, la reconnaissance effective de ces droits, leur contenu et leur application sont reportés à l’issue de la période intérimaire.

Le texte précise, dans son point 4, que la partie israélienne devra transférer à la partie palestinienne, les pouvoirs et les responsabilités dans le domaine de l’eau et des eaux usées, en Cisjordanie. Cependant, ce transfert de compétences comporte des limites. D’une part, le transfert ne pourra en aucun cas concerner les implantations israéliennes de Cisjordanie, et, d’autre part, la question de la propriété des infrastructures de l’eau et du traitement des eaux usées est reportée à la signature de l’accord final.

Pour les israéliens, l’accord doit être le résultat d’une négociation bilatérale sans référence explicite à un texte, considéré par eux comme extérieur. Il doit, selon eux, être le produit d’une négociation ne concernant que les deux parties, à l’exclusion de l’intervention d’un parti tiers ou de référence à un texte extérieur à la négociation, fut-il issu des Nations-Unies. A l’inverse, les Palestiniens n’ont de cesse de rappeler que leurs revendications sont légitimées par des textes reconnus par la communauté internationale.

Enfin, l’accord arrête la répartition de l’eau des aquifères de Cisjordanie (tableau ci-dessous). Les Israéliens obtiennent la plus grande partie des ressources de l’aquifère ouest, le plus important, qui fournit une eau de grande qualité, une grande partie des réserves de cet aquifère se situant en zone israélienne. Les ressources de l’aquifère oriental sont en majorité affectées aux Palestiniens. Au total, 78% des ressources de l’aquifère de la montagne reviennent aux Israéliens, alors que la recharge naturelle (679 millions m3) se trouve, selon l’accord Oslo II, pour 90% en Cisjordanie (614 millions m3) et pour 10% en Israël (65 millions m3).

Accord d’Oslo II - millions m3 (%)
Aquifère Israël Palestine Total
Ouest 340 (94) 22 (6) 362 (100)
Nord-Est 103 (71) 42 (29) 145 (100)
Oriental 40 (35) 74,5 (65) 114,5 (100)
Total 483 (78) 138.5 (22) 621.5 (100)

A ces dotations il est prévu que les Palestiniens recevront 70 à 80 millions m3 supplémentaires pour assurer leurs « besoins futurs », soit 50/58% de plus par rapport à la dotation initiale. Cependant, il n’est pas spécifié sur quels critères ce montant a été déterminé ni à quelle échéance les Palestiniens pourront disposer de ce supplément. Sur ce point, le texte est ambigu dans la mesure où ces « omissions » pouvant ultérieurement être source de désaccords. Sur cette dotation de 70/80 millions m3, 28,6 millions m3 pourront être utilisées par les Palestiniens durant la période intérimaire (Cette dotation se répartit entre la Cisjordanie (23.6 millions m3) et la Bande de Gaza (5millions m3), 23,6 millions m3en Cisjordanie, dont la majeure partie devra être issue de l’aquifère Oriental, et 5 millions m3 à Gaza. Ce surplus représente une dotation supplémentaire de 20% pour couvrir les nouveaux besoins pendant les cinq années de la période intérimaire.

Le texte de l’accord insiste sur la reconnaissance par les deux parties de la nécessité d’accroître les ressources, soit en ayant recours à celles de l’aquifère oriental, soit en développant les ressources non conventionnelles, comme le dessalement et/ou le traitement et la réutilisation des eaux usées.

L’accord (points 11 à 14 de l’article 40) prévoit également la mise en place d’un Comité Mixte de l’Eau (Joint Water Committee), qui sera chargé de toutes les questions concernant l’eau et l’assainissement. Ce Comité devra développer toutes formes de coopération entre les deux parties, de l’échange d’informations à la résolution des conflits. Le point 14 est important car il précise que toutes les décisions devront être adoptées par consensus, y compris celles qui concernent l’ordre du jour. Cette disposition revient à accorder aux deux parties la possibilité d’user d’un droit de veto.

Les difficultés de la mise en œuvre de l’accord Oslo II. Les reproches.

Il existe un paradoxe intéressant car révélateur de la complexité du problème à résoudre.

D’une part, les attitudes des deux parties sont faites de reproches réciproques, de rejet de la responsabilité de la situation, par exemple à Gaza, sur l’autre partie, et sur la difficulté de trouver des solutions acceptées par les uns et par les autres. Et pourtant, d’autre part, la coopération technique sur le terrain existe bel et bien et s’est maintenue depuis 1995.

La Commission mixte, créé par les accords d’Oslo II a toujours fonctionné, même lorsque les négociations étaient bloquées et malgré les difficultés rencontrées lors de l’opération israélienne militaire à Gaza. Il n’empêche que, malgré les attitudes coopératives sur le terrain, la méfiance est forte et elle est partagée. Il n’est pas possible, pour l’expliquer, d’invoquer le déficit des ressources qui s’accroît d’année en année, aggravé par les conséquences de la forte variabilité des pluies. L’explication, vient, selon nous des attitudes adoptées par les Israéliens et les Palestiniens.

Les premiers ont développé une méfiance basée sur la volonté de préserver, à tout prix, les acquis en matière d’accès aux ressources des aquifères. La sécurité, concept qui domine la pensée stratégique des israéliens (security first) les incite à ne poser le problème de l’eau qu’en termes techniques, refusant la référence aux accords internationaux, telle la Convention de New York de 1997, qu’Israël n’a d’ailleurs pas ratifiée, et minorant les aspects politiques qui pourraient présider à la redéfinition des accords d’Oslo II. On peut évoquer, les concernant, une attitude « d’hydro-sécurité ».

A l’inverse, les Palestiniens se placent sur le plan du droit, ce qui traduit en fait une manière d’affirmer le caractère national de leur revendication. Aussi à l’hydro-sécurité des Israéliens ils réagissent par ce qu’on pourrait nommer « l’hydro-nationalisme ». Ils sont renforcés dans leur conviction qu’il faut poser le problème d’abord en termes politiques, puis, la reconnaissance de leurs droits étant acquise, il sera possible d’aborder ensuite les aspects techniques du partage des ressources. Cette attitude, constante, depuis des années a été renforcée depuis peu par deux facteurs : la difficulté d’obtenir une reconnaissance formelle de la communauté internationale d’un statut d’Etat et le fait que les négociations israélo-palestiniennes traînent en longueur et ne paraissent pas pouvoir aboutir dans un délai assez bref.

Les tentatives effectuées par l’Autorité palestinienne auprès des Nations-Unies en septembre 2011, pour obtenir un vote en faveur de la reconnaissance d’un Etat Palestinien, qui ne se voit pas opposer le veto d’un des membres permanents du Conseil de Sécurité, n’ont, en mars 2012, pas encore abouti. Par ailleurs, les négociations israélo-palestiniennes, qui devraient en principe aboutir à une solution de deux Etats pour deux peuples, sont dans l’impasse. Pour les Palestiniens, les Israéliens semblent se satisfaire du statu quo et cherchent à gérer le conflit plutôt qu’à le résoudre. Aussi, accepter, de leur part, de ne négocier essentiellement que les aspects techniques d’un accord sur l’eau leur semble trahir leur désir de créer un Etat indépendant et souverain qui aura toute autorité sur ses ressources en eau. Le fait que les accords d’Oslo II, (art 40), reconnaissent explicitement les droits des Palestiniens, leur parait aller dans la bonne direction, mais l’application de cette reconnaissance dans les faits, faisant défaut, ils estiment être lésés et souhaitent, en conséquence, une renégociation de l’accord, dit intérimaire, dont il faut rappeler qu’il avait été signé pour une période limitée.

Cette opposition s’est clairement exprimée lors de la Conférence sur l’environnement durable qui s’est tenue à Ashdod en Israël le 13 décembre 2011 (S. Udasin, “Erdan, PA agree : Increase Water Cooperation”, Jerusalem Post, 14 décembre 2011.1). Pour le ministre israélien de la Protection de l’Environnement, Gilad Erdan, il faudrait traiter la question sous l’angle des « besoins » plutôt que sous l’angle des « droits », affirmant ainsi la volonté des Israéliens de vouloir traiter la question de l’eau en dehors du conflit, alors qu’au contraire, pour le ministre palestinien de l’eau Shaddad Attili, il est impossible de déconnecter les deux aspects.

Le ministre israélien ajoute que son pays est prêt à partager son savoir-faire avec ses voisins, « l’eau, dit-il, peut et doit être la base de la coopération ». Il fait également remarquer que la dotation d’eau qu’Israël reverse aux Palestiniens, soit 51,8 millions de m3 est très supérieure à celle à laquelle Israël s’était engagé à reverser, aux termes des accords d’Oslo II, qui est de 31 millions de m3.

A cela, le ministre palestinien, répond qu’en fait la dotation initiale était, dès le départ, très largement inférieure à leurs besoins. Et, au souhait de renforcer les liens de coopération exprimés par les Israéliens, il répond que la mise en œuvre de la coopération n’est pas simple, car elle suppose un degré d’égalité entre les parties qui ne doivent être ni dans la situation « d’occupées » ni dans celle « d’occupantes ».
L’asymétrie de pouvoir et de détention des sources d’information rendent la coopération plus difficile à développer. Malgré ces réserves, le ministre palestinien considère que celle-ci doit, tout de même, se poursuivre et même se renforcer sur le terrain, car si la population palestinienne, affirme-t-il, considère le conflit de l’eau comme un conflit politique, il est néanmoins d’accord avec le ministre israélien lorsqu’il s’agit de renforcer la coopération. Cette attitude peut paraître ambigüe, elle n’est qu’un des reflets de la complexité de ce conflit.

La critique de la mise en œuvre de l’accord vient surtout des Palestiniens, mais aussi de la Banque mondiale. Elle porte à la fois sur le partage des ressources, jugées inégales et sur la manière dont a fonctionné le Comité mixte de l’eau (Joint Water Committee). Mais, en même temps que les reproches palestiniens vont se faire de plus en plus précis, les Israéliens vont eux aussi dresser un catalogue de récriminations.

Gilbert Benhayoun