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Référendum en Turquie


Samedi, 29-Avr-2017
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Revue de presse ici
Le président turc modifie par référendum la constitution afin de mieux concentrer les pouvoirs entre ses mains. Il a gagné de justesse. Il espère avoir les mains libres pour au moins sept ans, afin de parfaire l'islamisation de la société. Mais sa politique nuit aux intérêts stratégiques de la Turquie dont la croissance s'essouffle. Pour devenir un potentat oriental, il faut un régime corrompu, autoritaire s'appuyant sur la religion. Erdogan est sur la bonne piste.
 

Le président Recep Tayyip Erdoğan a de la suite dans les idées, lentement, il verrouille la société et prend le contrôle des leviers du pouvoir, après avoir brisé la résistance laïque des militaires en profitant d'un coup d'État bien opportun, après avoir licencié les juges qui le gênaient, après avoir fait fermer les télévisions et autres médias d'opposition, il a lancé un référendum pour modifier la constitution.                                                               .

La réforme constitutionnelle

La nouvelle constitution supprime le poste de premier ministre, mais le président peut nommer ou révoquer un ou plusieurs vice présidents. Les élections présidentielles et des députés auront lieu simultanément pour une durée de cinq ans. Le président ne pourra pas exercer que deux mandats au maximum.
Le parlement ne pourra plus proposer des "motion de censure", c'est à dire renverser le gouvernement, par contre il pourra poser des questions écrites et orales ou diligenter des enquêtes parlementaires.
L'âge minimum pour être élu passe de 25 à 18 ans et aucun candidat ne peut avoir le moindre lien avec l'armée.
La nouvelle constitution permet au président d'intervenir directeur dans le fonctionnement de la justice. Le chef de l'État choisira ainsi directement ou indirectement six membres du Haut conseil des juges et procureurs (HSYK), chargé de nommer et destituer le personnel du système judiciaire. Le Parlement en choisira sept. Les tribunaux militaires seront supprimés.

 « Si Dieu le veut, le système présidentiel mettra fin à l'ère des coalitions », a plaidé, le premier ministre Binali Yildirim.

Une campagne unilatérale et des soupçons de fraude

Le gouvernement turc n'a jamais tenté d'assurer l'équité dans les budgets de campagne, et s'est réservé la part du lion. Des opposants ont parlé d'un rapport de un à cent !  Une mission de l'OSCE et du Conseil de l'Europe, a estimé que «le référendum s'est déroulé sur un terrain inégal et [que] les deux camps en campagne n'ont pas bénéficié des mêmes opportunités».

Les élections ont eu lieu dans un climat de peur, Erdogan avait arrêté 45000 opposants, et licencié 130 000 fonctionnaires, 150 journalistes sont en prisons et 160 médias (journaux, télévisions) ont été fermé. 500 000 Kurdes ont été déplacés par la guerre civile qui sévit dans l'Est du pays, ils n'ont pas eu la possibilité de voter.

Des inquiétudes sur la décision polémique du YSK : «Des modifications tardives dans la procédure de comptage [des voix] ont supprimé un important garde-fou.» Le CHP , principale force de l'opposition, a annoncé qu'il allait demander un nouveau décompte de la moitié des bulletins en dénonçant des « actes illégaux ». La controverse porte sur un million et demi de bulletins de vote non tamponnés par les scrutateurs présents dans les bureaux. La commission européenne a émis des doutes et a demandé l'autorisation d'enquêter, mais le gouvernement turc a rejeté catégoriquement cette prétention.

 

 

Un succès à minima pour Erdogan

Malgré les soupçons de fraude, et la campagne électorale à sens unique, le président turc n'a obtenu que 51,5 % des voix. Sa majorité est donc inférieure à 1,4 million de voix, les décomptes contestés dépassent largement ce chiffre

Référundum 2010  En Rouge : ont voté majoritairement "Non"

Référundum 2017  En Rouge : ont voté majoritairement "Non"

Ces cartes montrent qu'entre 2010 et 2017 les zones acquises au président Erdogan, ont reculées dans le Kurdistan (à l'Est) et que le président a perdu la province d'Istanbul et d'Ankara. La Turquie d'Erdogan est bien l'Anatolie intérieure, la façade autour de la mer Égée, les zones touristiques près d'Antalya, la Turquie d'Europe lui sont traditionnellement hostile.

Le vote des turcs de l'étranger est paradoxal

Le régime turc a envoyé des ministres pour motiver la diaspora, afin qu'elle soutienne le président Erdogan, les turcs sont particulièrement nombreux en Allemagne,

Pays
Oui
Oui(%)
Non
Non (%)
total 
Total Outremer
831 208
59.09%
575 365
40.91%
1 406 573
Allemagne
412 149
63.07%
241 353
36.93%
653 502
France
91 266
64.85%
49 475
35.15%
140 741
Pays Bas
82 672
70.94%
33 871
29.06%
116 543
Frontière 
52 961
54.17%
44 816
45.83%
97 777
Belgique
54 083
74.98%
18 044
25.02%
72 127
Autriche
38 215
73.23%
13 972
26.77%
52 187
Suisse
19 181
38.08%
31 193
61.92%
50 374
Chypre Nord
19 225
45.18%
23 324
54.82%
42 549
Royaume Uni
7 177
20.26%
28 247
79.79%
35 424
États-Unis
5 296
16.20%
27 397
83.80%
32 693
Canada
3 247
27.92%
8 384
72.08%
11 631
Danemark
6 604
60.63%
4 288
39.37%
10 892
Luxembourg
5 987
62.86%
3 538
37.14%
9 525
Suède
4 367
47.09%
4 902
52.91%
9 269
Arabie Saoudite
4 475
55.06%
3 653
44.94%
8 128

On reste perplexe devant le vote des turcs d'Allemagne, Autriche, France et Bénélux. Comme les tuninisiens, ces gens qui vivent dans une démocratie occidentale votent pour des islamistes, ceux là même qu'ils ont fuit !  Ce vote est peut-être aussi un vote de défiance contre les pays bas et le Danemark qui n'avaient pas autorisé Mevlut Cavusoglu ministre des affaires étrangères à venir soutenir le PRésident Erdogan auprès de la minorité turque du pays.

La tension reste très vive entre la Turquie et l'Europe, en particulier l'Allemagne.
Interrogé lors d'un débat organisé par l'hebdomadaire Der Spiegel pour savoir si le président turc Recep Tayyip Erdogan tentait avec cette réforme d'instaurer "une autocratie, voire une dictature" dans son pays, M. Schäuble ministre allemand des finances, a répondu: "On peut lire en effet comme cela ce projet de constitution".

L'ambiguïté des relations entre la population allemande et turque s'est aggravée avec l'arrivée des réfugiés syriens, accueillis en grand nombre en raison de la faiblesse démographique de la République Fédérale. Il semble bien que le vote des germano-turc soit un vote de défiance face au pays où ils vivent pour des raisons économiques.

Par ailleurs, d'aucun accusent la Turquie de vouloir diriger l'islam européen, et le président Erdogan de placer ses hommes à la tête des institutions islamiques, en France, par exemple,   le franco-turc Ahmet Ogras, actuel vice-président du Conseil Français du Culte musulman (CFCM) et président du Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF), s'apprête à devenir le président du CFCM, donc de l'instance suprême de l'islam de France, en succession du Marocain Anouar Kbibech.

 

La position extérieure de la Turquie se dégrade.

Le Président Turc rêvait de devenir l'unificateur de l'islam sunnite, de redonner sa place aux Ottomans, d'où sa politique grandiose et théâtrale, son immense palais, et son activisme en politique étrangère. La Turquie avait rompu bruyamment avec Israël, ayant compris qu'être le fer de lance de la croisade anti-sioniste était le meilleur levier pour conquérir le coeur des arabes. Erdoğan soutenait les opposants à Assad, qu'elle tentait de déstabiliser afin de remplacer un pouvoir Allaouite allié des chiites par un gouvernement sunnite qui lui serait plus favorable. Erdoğan n'hésitait pas non plus à braver l'occident, en s'opposant aux actions militaires de l'OTAN à partir de son territoire, il soutenait aussi la résistance musulmane face à l'impérialisme Russe.  C'était affronter bien des ennemis en même temps.

Toutefois un des objectifs prioritaires du nouveau sultan reste de vaincre militairement la rébellion Kurde, et sous couvert de lutter contre l'Etat Islamique, la Turquie attaquait de son mieux les forces Kurdes. Elle a même franchit la frontière, et a tenté de libérer un territoire syrien avec l'aide de milices arabes sunnites afin de tenter de prendre Raqa au bord de l'Euphrate, ce succès empêcherait définitivement les Kurdes de contrôler tout le nord de la Syrie.  L'administration américaine a rejeté le plan turc et prié l'armée Ottomane de retourner chez elle. Elle l'a fait de mauvaise grâce, et continue de temps en temps à bombarder les soldats Kurdes en Syrie ou en Irak, faisant de nombreuses victimes.

Un avion Russe abattu et Poutine s'est fâché si sérieusement qu' Erdoğan a du présenter ses excuses. Depuis, la Turquie se garde bien de provoquer son puissant voisin.

Vis à vis de l'Europe l'image turque s'est terriblement dégradée, plus personne ne veut de la Turquie dans la communauté Européenne, toutefois beaucoup d'entreprises y ont installé des usines pour profiter de la main d'œuvre bon marché. La Turquie tient à ces relations économiques, et fait pression pour que la communauté européenne ne se mêle pas de ses affaires. Pour cela, elle dispose d'un arme redoutable. Des millions de réfugiés syriens sont hébergés chez elle, financés par la CEE qui ne veut à aucun prix les voir débarquer chez elle. Erdogan joue au maître chanteur, et a obtenu le droit pour les voyageurs turcs de se déplacer sans visas partout en Europe, en échange, il s'engage à garder chez lui les réfugiés syriens.

La Turquie a beaucoup à perdre à une rupture avec Israël, Israël a un pouvoir de nuisance en armant la rebelion Kurde, le tourisme israélien compte beaucoup dans les stations balnéaires de la mer Égée, Israël est un bon client de l'économie turque, aussi bien pour les produits manufacturés que pour ses compagnies aériennes, en effet les israéliens transitent en masse par la Turquie pour rejoindre des pays plus ou moins hostiles. L'armée turque elle même s'est beaucoup approvisionné en Israël, et les pièces de rechange manquent cruellement. Aussi Erdogan a t-il fait les efforts nécessaires pour aboutir à une nomalisation à minima.

Que va changer la victoire étriquée au référundum ?

Erdoğan a donc deux ans avant sa réélection, et s'il gagne cinq ans de pouvoir, et dix au maximum. Pendant son règne, il contrôle la justice, et pourra continuer exclure de tous les rouages de l'état les laïques et ceux qui ne lui semblent pas fidèles. Il modifiera l'éducation pour inculquer ses valeurs à la population, et empèchera les idées laïques de se développer dans le pays. Vu la croissance démographique, son emprunte décuplée par le clergé sera décisive.

Il  n'est pas encore un vrai dictateur, car il maintient des élections, peut être un peu truquées mais libres quand même, les résultats sont loin d'être comparables aux référendums des dictatures traditionnelles, où 98 % des gens approuvent le guide. Toutefois ses moeurs sont fascisantes et ne laissent guère de doute sur la direction vers laquelle il compte aller.

D'ailleurs à peine les résultats connus, les constestations étouffées juridiquement par une justice aux ordres, Erdogan a continue,   le 26 avril, la Turquie avait arrêté plus de 1.000 personnes et suspendu plus de 9.100 policiers dans le cadre d'une nouvelle purge contre ceux qui sont présentés comme des partisans du prédicateur réfugié aux Etats-Unis Fethullah Gulen, le 30 avril, il a licencié 4000 fonctionnaires supplémentaires dont beaucoup travaillaient au ministrère de la justice. Il a aussi interdit les émissions de TV de rencontre sentimentales car contraires aux bonnes moeurs islamiques... on se pose des questions sur les "bonnes moeurs islamiques" surtout quand on sait que les "crimes d'honneur" sont multiples dans ce pays, et ce sont les adeptes de ces crimes qui sont au pouvoir.

Il est probable toutefois que la croissance turque qui avait été exceptionnellement bonne, va s'assagir, augmentant le nombre de contestataires. Un ordre imposé par les juges, l'armée et la police est moins solide que celui basé sur un consensus démocratique de la société civile.
Or les investisseurs redoutent les aléas révolutionnaires. Il est peu probable qu'ils se précipitent dans une Turquie en voie d'islamisation.
L'islam se montre trop souvent incompatible avec le progrès économique et social

Avec une croissance économique moins forte et un nombre d'opposants croissant, le président Turc aura de plus en plus de mal à gouverner son pays à moins que l'islamisation réussissent à lui fournir des troupes massives de supporter endoctrinés suffissantes pour étouffer les partisans d'une Turquie moderne et dynamique, mais on sent bien que qu'en fermant le jeu démocratique, en emprisonnant ses opposants, il ouvre la porte à la violence.
N'a-t-il pas dit un jour : "La démocratie, c'est comme le tramway, on descend quand on est arrivé" ?

On peut difficilement être optimiste, le risque de guerre civile augmente tous les jours.

Michel Lévy