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Simone Veil, une femme debout
Simone Veil en avril 2005. Photo Bruno Charoy pour Libération
Rescapée de la Shoah, européenne convaincue, l'ancienne ministre de la Santé, qui fit voter la légalisation de l'avortement, est décédée à l'âge de 89 ans.
Simone Veil, une femme debout
Une image ou plutôt des images de Simone Veil.
Ses yeux, éblouissants, bleus comme le ciel.
Ses colères qui explosaient, aussi brutales qu'inattendues.
Son émotion à l'Assemblée quand des députés l'injuriaient lors de la loi sur l'IVG en 1974.
Ou encore cette silhouette si fragile qui lui ressemblait si peu, là, debout, immobile, entraînée par son mari, le regard dévoré par la maladie.
Elle était là, pour saluer les manifestants qui défilaient contre le Mariage pour tous : ce fut l'une de ses dernières sorties publiques. Simone Veil, ce sont des mots, aussi, qu'elle nous tenait en 1995, il y a plus de vingt ans : alors ministre des Affaires sociales du gouvernement Balladur ; elle était en voyage officiel à Beyrouth. « Vous savez, malgré un destin difficile, je suis, je reste toujours optimiste. La vie m'a appris qu'avec le temps, le progrès l'emporte toujours. C'est long, c'est lent, mais en définitive, je fais confiance.»
Propos apparemment banals, propos qui pourraient paraître naïfs s'ils venaient de quelqu'un d'autre. Simone Veil est ainsi. Par un curieux hasard du calendrier, Simone Veil s'était trouvée quelques jours plus tôt à Auschwitz où elle dirigeait la délégation française aux cérémonies de commémoration de la libération du camp. Un camp où elle-même a été déportée. « Aujourd'hui, nous disait-elle, je ne suis pas émue. Il n'y a plus la boue, il n'y a plus le froid. Il n'y a plus surtout cette odeur. Le camp, c'était une odeur, tout le temps. »
Ce 26 janvier 1995, il faisait froid, un vent glacial. Dans le haut du camp de Birkenau, beaucoup de monde. Une quarantaine de délégations étrangères. Simone Veil avait pris le bras de son fils qui l'accompagnait aux cérémonies. Et tous les deux s'étaient dirigés vers un des baraquements, marron et gris. Elle y est restée quelques minutes. « C'est celui-là le baraquement où j'étais, nous dira-t-elle un peu plus tard. J'en suis sûre, avec ma sœur et ma mère, juste en bas du crématoire. A l'intérieur, ça n'a pas changé ; les deux endroits pour la kapo et la sous-kapo. Un poêle. Et puis au fond, tout du long, les couches de bois où on dormait, entassées. Je voulais les lui montrer.» Elle a ajouté : «Pendant toute la cérémonie de commémoration, il y avait quelque chose qui m'intriguait. J'ai eu, toute la matinée, comme tout le monde, un peu froid aux pieds, alors qu'il ne faisait pourtant pas très froid. Et je me demandais comment on avait pu résister à tant de froid. Jusqu'à -30°… Je n'arrive pas à me souvenir comment on faisait. On n'avait rien. Est-ce qu'on se mettait du papier sur le corps ? Ou bien des vieux sacs de plâtre ? Pendant toute la cérémonie, j'essayais de m'en souvenir, et je n'arrivais pas.»
Simone Veil est dans le présent, toujours. Femme exceptionnelle, adorée des Français, à l'image si pure. Simone Veil la déportée, Simone Veil la combattante de l'IVG, Simone Veil l'Européenne. Toujours la même. Un roc. Elle disait encore : «Je crois, toujours, que cela sert à quelque chose de se battre. Et quoi qu'on dise, l'humanité, aujourd'hui, est plus supportable qu'hier.» Et ajoutant : «On me reproche d'être autoritaire. Mais les regrets que j'ai, c'est de ne pas m'être battu assez sur tel ou tel sujet.»
En février 1987, à Paris. Photo Micheline Pelletier. Gamma
L'enfance et la déportation
Sa vie ? C'est celle d'une famille du siècle dernier. Une famille, car on ne peut comprendre le saisissant parcours de cette femme hors pair, si on laisse de côté sa mère, son enfance heureuse, cette vie forte et belle.
Sa mère Yvonne qui ressemblait «à Greta Garbo», «une femme exceptionnelle». Son père, André Jacob, est un brillant architecte, prix de Rome. C'est une famille bourgeoise, aisée. Ils vivent tous à Nice.
En 1924, le père a décidé de s'installer sur la Méditerranée, convaincu que le marché immobilier lui offrirait plus de perspectives. Et sa femme a beau adorer Paris, elle l'a suivi. Simone Veil dit garder un souvenir «délicieux» de sa toute enfance. «Je suis beaucoup moins douce, beaucoup moins conciliante, beaucoup moins facile que maman», précisait-elle. «Maman n'a pas travaillé, sous la pression de mon père et malgré des études de chimie qui la passionnaient. Elle ne pensait jamais à elle, abandonnant l'idée d'une vie personnelle pour tout donner à ses enfants, à son mari.» Quatre enfants en l'espace de cinq ans. Simone, est la dernière, la plus jeune, la plus insoumise. Et l'aînée Madeleine, quatre ans de plus, a toujours eu pour mission de remplacer sa mère quand celle-ci n'était pas là. Simone est une enfant, rebelle, aimante, heureuse comme tout. «Un jour j'ai demandé à mon père si cela l'ennuyait si j'épousais un non juif, il m'avait dit que j'épouserais qui je veux.» Elle aimait ce père, qui était aussi autoritaire. «Je n'aimais pas l'idée qu'il impose ses goûts à maman, ce sentiment de dépendance cela m'exaspérait !»
Chez eux, la religion n'existait pas vraiment, c'était une vieille famille juive installée en France depuis des générations. Et c'est une famille où tout bascule à l'orée de la vie. Simone n'a que 16 ans lorsqu'elle est arrêtée avec sa mère et Milou, sa sœur Denise étant déportée à Ravensbruck comme résistante. C'est Jean d'Ormesson qui raconte cette scène, lorsqu'il tient le discours de récipiendaire de Simone Veil à l'Académie française, en mars 2010. «Le 29 mars 44, vous passez à Nice les épreuves du baccalauréat, avancées de trois mois par crainte d'un débarquement allié dans le sud de la France. Le lendemain 30 mars, en deux endroits différents, par un effroyable concours de circonstances, votre mère, votre sœur Milou, votre frère Jean et vous-mêmes êtes arrêtés par les Allemands.» Après avoir transité huit jours, le 15 avril 1944, Simone Veil, sa sœur et leur mère arrivent sur la rampe d'accès du camp d'Auschwitz-Birkenau. Elle a 16 ans, elle est belle comme tout, de longs cheveux noirs. «Un voisin de calvaire lui conseille immédiatement de dire qu'elle a 18 ans. La nuit même de cette arrivée, selon la règle du camp, elle s'appellera désormais Sarah et sur son bras est tatoué le numéro 78651», raconte Jean d'Ormesson qui poursuit : «En janvier 45, l'avancée des troupes soviétiques fait que son groupe est envoyé à Dora, après un voyage effroyable, puis le groupe se rend à Bergen-Belsen. Sa mère, épuisée, mourra du typhus le 13 mars, et un mois plus tard, soit un an presque jour pour jour, les troupes anglaises entrent à Bergen-Belsen.» Sa beauté, dira Simone Veil, l'a protégée. «J'ai été protégée par une femme kapo, qui m'a dit : tu es trop jolie pour mourir ici, et elle m'a envoyé avec ma mère et ma sœur, dans un camp voisin au régime moins dur.» C'est sa mère, toujours sa mère, qui la soutenait. «Je ne sais comment elle a trouvé la force de faire la marche de 70 km dans la neige, dévastée, malade d'un typhus… Le sens moral, je crois que c'est ce qui était le plus important pour mes parents.»
La rencontre avec Antoine
A peine de retour, c'est la vie qui reprend, comme un courant d'eau que l'on ne peut arrêter. Quoiqu'il arrive, Simone Veil est debout. Ses parents sont morts, son frère aussi. Elle commence Sciences Po. Antoine Veil ? C'est une rencontre, scellée dans l'ombre de la rue Saint-Guillaume où ils font tous les deux Sciences Po «en copiant un peu l'un sur l'autre». Ils sont amoureux, très amoureux. Et leur union démarre sous des auspices un brin bourgeois. Mariage à 19 et 20 ans, enfant l'année suivante. Et entre eux, la répartition des tâches est alors classique ; à lui les responsabilités professionnelles, à elle les fourneaux. Simone veut pourtant travailler, « le legs le plus important que ma mère m'ait confié», glisse-t-elle.
Antoine refuse. Dans un portrait à Libération, il raconte : «J'appartiens à une génération macho où les bourgeoises convenables restaient à la maison.» Simone veut être avocate. «Pas question», lui dit Antoine. A force de prises de bec et de disputes, elle décroche l'autorisation de devenir magistrate : «Ça correspondait plus à la vision du monde d'Antoine», commentera-t-elle. Quand on aborde cette époque, Simone Veil lève les yeux au ciel et lâche, avec tendresse : «J'ai dû me battre.»
Antoine Veil ajoutera, bon prince : «Je suis un macho qui s'est soigné, un macho guéri, j'ai complètement changé.»
Après lui avoir donné trois fils, Simone a donc la permission de devenir magistrate. Elle occupe un poste de haut fonctionnaire dans l'administration pénitentiaire au ministère de la Justice, où elle s'occupe des affaires judiciaires, qu'elle délaisse en 1964 pour les affaires civiles. En 1970, elle devient secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
Mais c'est toujours Antoine qui est la personnalité publique, la plus voyante. Il milite, elle non. Et si dans le couple, l'un doit faire une carrière politique, c'est bien Antoine, et non Simone, qui devra la mener. Par un concours de circonstances, tout va permuter. Simone Veil est repérée puis promue par Valéry Giscard d'Estaing comme ministre de la Santé, sur les conseils de Jacques Chirac.
Antoine Veil, alors conseiller de Paris, accepte. Et se replie sur le monde des affaires. «Quand j'ai vu qu'elle allait évoluer en Formule 1, je suis retourné au fond de la classe. Je ne voulais pas jouer les Poulidor», reconnaissait-il avec humour. «J'ai quand même fait de la politique à travers le club Vauban, un club de réflexion.»
Le combat pour le droit à l'avortement
La voilà donc au gouvernement, en 1974. Giscard est président, mais elle n'a pas voté pour lui. Chirac ? Elle apprécie l'homme, mais pas le politique, et pourtant elle devient sa ministre de la Santé. Simone, la rebelle, est ravie de ce pied de nez inattendu, mais elle pense que «ça ne durera que quelques semaines», le temps de «balancer une énorme gaffe».
En fait de gaffe, elle ne tarde pas à faire ses preuves et «perce»,comme dira son mari, sur un thème qui marquera sa vie. C'était, en effet, une promesse du candidat Giscard : dépénaliser l'avortement, et a priori ce devait être au garde des Sceaux de défendre le projet. Mais Jean Lecanuet y est défavorable. Et c'est la ministre de la Santé qui monte à la tribune. Un combat pénible où elle subira les pires injures d'une droite antisémite, mais un combat aussi magnifique qui marquera les esprits. «Si j'en ressens de la fierté ? Non, mais je ressens une grande satisfaction, parce que c'était important pour les femmes, et parce que ce problème me tenait à cœur depuis longtemps», dira-t-elle plus tard. Et aujourd'hui encore, elle avoue sa surprise : «La constance de la reconnaissance à mon égard pour cette loi m'étonne toujours, et je continue de penser que la loi Neuwirth autorisant la pilule est beaucoup plus importante.»
Bien sûr, dans ce combat législatif, il y a eu cette forte image, revue mille fois où elle avait le visage perdu dans les mains, et tout le monde ajoutant qu'elle pleurait : «Eh bien non, nous dira-t-elle, je n'ai pas le souvenir d'avoir pleuré, il devait être 3 heures du matin, mon geste indique que j'étais fatiguée mais je ne pleurais pas.» Puis : «La dernière nuit du débat, Jacques Chirac a souhaité venir à l'Assemblée pour me soutenir. Je lui ai dit que ce n'était pas la peine. A 3h30, le texte était voté par 284 voix contre 189.
Je suis rentrée chez moi en traversant la place du Palais Bourbon, où des égreneurs de chapelets m'attendaient pour me couvrir d'insultes, et à la maison j'ai trouvé une énorme gerbe de fleurs.»
Simone Veil avait gagné. «Vous êtes féministe ?», lui demandera la journaliste Annick Cojean, pour expliquer ce combat : «Je ne suis pas une militante dans l'âme, mais je me sens féministe, très solidaire des femmes quelles qu'elles soient… Je me sens plus en sécurité avec des femmes, peut-être est-ce dû à la déportation ? Au camp, leur aide était désintéressée, généreuse, pas celle des hommes. Et la résistance du sexe dit faible y était aussi plus grande.»
Simone Veil se rend aux urnes en Fiat 500, le 10 Juin 1979. Photo Philippe Ledru. AKG-Images
L'Europe
Dans les années 70 et 80, pointe, alors, son deuxième défi : participer à l'idéal européen qui commence à prendre forme. «Au cours du XXesiècle, dira-t-elle souvent, l'Europe a entraîné à deux reprises le monde entier dans la guerre. Elle doit désormais incarner la paix.»
C'est un combat qui lui colle à la peau : l'Europe. A la demande de Valéry Giscard d'Estaing, alors président, elle conduit la liste Union pour la démocratie française (UDF) aux élections européennes de 1979, les premières au suffrage universel. Et en juillet 1979, elle accède à la présidence du premier parlement européen. Au début de l'année 1982, elle est sollicitée pour briguer un second mandat, mais ne bénéficiant pas du soutien des députés RPR, elle retire sa candidature. «Nous vivions dans les balbutiements d'une Europe enthousiasmante», racontera Jacques Delors, élu en même temps qu'elle au Parlement européen. «Simone Veil, pendant sa présidence, a fait preuve d'une qualité rare : le discernement.»
Simone Veil n'est pas une intellectuelle, ni une oratrice hors pair. Parfois même, elle peut ennuyer, parlant plat. Mais on l'écoute. C'est elle, car c'est toujours une position qu'elle tient, une attitude qu'elle impose. Sur l'IVG comme sur l'Europe, elle convainc. Elle n'impose pas par ses mots, mais par sa présence. Elle est là, comme un roc, comme une preuve que l'on peut résister aux vents mauvais et aux marées qui engloutissent un temps la terre. Elle est là. Avec son caractère entier, parfois de mauvaise foi, toujours direct, capable de sermonner vertement un journaliste pour la bêtise de ses propos. «Mon premier réflexe est toujours de dire non»,reconnaît-elle. Il n'empêche, elle est un visage. Et une attitude. Simone Veil est, alors, très présente. Elle aime aussi être mondaine, on la voit souvent sortir souvent aux soirées de gala. Elle reconnaît avoir un caractère difficile, les idées tenaces, la rancune aussi. Ainsi contre François Bayrou qu'elle a toujours méprisé, détestant le rôle de petit marquis qu'il a eu lors de sa campagne européenne, où il était son directeur de campagne. «Il est capable d'énoncer avec la même assurance une chose et son contraire, uniquement préoccupé de son propre avenir.»
C'est ainsi, Simone Veil aime, ou déteste, sans partage ni nuance. «Quand Simone a décidé de quelque chose, on peut venir avec tout un bataillon, on ne la fera pas changer d'avis», témoigne Marek Halter. Simone Veil trouve, ainsi, tout à fait inexacte l'analyse d'Hannah Arendt sur le procès Eichmann. Elle va trouver «insoutenable»,«inimaginable», et «injuste» la proposition de Sarkozy, en 2008, qui veut que tout enfant de CM2 se voie confier la mémoire d'un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah.
Mais c'est la même qui, dans les années 90, alors que le sida faisait des ravages dans les services hospitaliers, se fait simple bénévole, à l'hôpital Broussais, où elle participe à la consultation de nuit. Présente, toujours présente. Simone Veil a gagné le doit d'être inclassable. Elle se prendra d'affection pour Rachida Dati, «une perle». De Sarkozy, elle dira toujours : «Je lui garde amitié et confiance», disant aimer son «tempérament de combattant». Toutefois, cela ne l'empêchera pas de critiquer l'annonce de la création d'un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale par le candidat de l'UMP, préférant un ministère «de l'Immigration et de l'Intégration».
Il n'empêche, elle lui restera fidèle : «Ce qui compte pour moi, c'est que les gens soient fiables et qu'ils aient du cœur.» En mars 1998, elle est nommée au Conseil Constitutionnel, jusqu'en mars 2007. On l'entend peu, mais elle sortira de son devoir de réserve en 2005, «pour appeler à voter oui au référendum sur la Constitution européenne». Toujours l'Europe.
Les honneurs
Puis peu à peu, elle quitte la vie publique. Mais jamais complètement. Elle est une icône, la personnalité politique préférée des français. Le 11 janvier 2008, le président de la République, Nicolas Sarkozy, annonce qu'il l'a chargée de «mener un grand débat national pour définir les nouveaux principes fondamentaux nécessaires à notre temps, les inscrire dans le préambule de la Constitution», nommant la «diversité»qui «ne peut pas se faire sur une base ethnique». Elle multiplie les rôles honorifiques, mais la Shoah est toujours présente dans sa vie de femme publique. De 2000 à 2007, elle préside la Fondation pour la mémoire de la Shoah, dont elle est par la suite présidente d'honneur. Les honneurs ne lui déplaisent pas. Le 1er janvier 2009, elle est promue directement à la distinction de Grand officier de la Légion d'honneur. Puis élue à l'Académie française en 2010. Elle continue. Et le 25 novembre 2012, elle prend symboliquement la première carte adhérente de l'UDI, ce nouveau parti centriste, une carte au nom de Simone Veil.
Ces dernières années, son regard, peu à peu, va disparaître. Vide, comme absent. Elle est malade, de cette maladie que l'on dit du XXIe siècle. Terrible, et cela lui va si mal. Elle qui aime tant sortir, parler, elle ne peut ni l'un ni l'autre. Son visage se fige. Elle continue, pourtant, à voir régulièrement, sa vieille amie de camp, Marceline Loridan-Ivens.
En avril 2013, son mari meurt dans la nuit à 86 ans… «C'était un couple exceptionnel, raconte celle-ci. Vous savez les vieux couples, soit ils deviennent aigris, soit exceptionnels. A sa mort, Simone se retrouve si seule.» Marceline Loridan-Ivens a un an de plus que Simone. «On a été dans le même train, puis au camp, on dormait face à face, dans le bloc 9. J'étais là quand la kapo lui a dit : "Toi, tu es trop belle pour mourir."» Puis : «Dans le monde d'aujourd'hui, elle a pris des risques.» Elle raconte, encore, ses retrouvailles avec Simone : «Je l'ai retrouvée, par hasard, dans une rue de Paris, en 1956, elle promenait deux enfants. On se voyait, se téléphonait souvent, on se s'est jamais perdues de vue. Elle a toujours été avec moi très protectrice.» Simone ? «Son image est plus forte que les médias, le mythe est plus fort. C'est vrai, aujourd'hui, c'est injuste de la voir comme elle est, malade.» Puis : «Mais vous savez il faut lutter pour garder son humanité.»
Lire :
Simone Veil, un Destin, par Maurice Szafran, Flammarion, 1994
Une vie, par Simone Veil, Stock, 200
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| Marceline Loridan-Ivens, compagne de détention de Simone Veil au camp d'Auschwitz-Birkenau : « Elle pouvait être désobéissante »
Source : interview parue dans "Elle"
Marceline Loridan-Ivens et Simone Veil © Abaca
ELLE. Pour vous, qui était Simone Veil ?
Marceline Loridan-Ivens. Simone était ma jumelle contradictoire, on partageait la même violence, la même colère, la même manière d'être "arrabiata", chacune dans un choix de fonctionnement différent. Elle vivait sur un droit de réserve. Elle était conforme et elle ne l'était pas, elle pouvait être désobéissante. C'était une personnalité forte, puissante. Elle était très dure, moi aussi. J'ai lutté contre ça. Comme elle avait droit à l'autorité, elle s'en est servie pour ses combats. Sur certains points elle avait des idées irrévocables, l'amitié pour ses anciennes compagnes de déportation était sans faille. Ensemble, on ne parlait que de "ça". On en riait ou on en pleurait. Mon numéro est le 78750, le sien 78651, on n'était pas loin quand on faisait la queue ! Nous étions marquées au fer rouge, à vie, par cette violence sans précédent. Des actes auxquels nous avions assistés, des actes que nous commettions aussi, parfois, on n'était pas des anges.
ELLE. Quel est votre souvenir le plus marquant ?
Marceline Loridan-Ivens. Une chose extraordinaire : nous étions en rang par cinq à Birkenau quand cette femme que j'appelais "Le Diable noir", une déportée polonaise, sous-chef de camp, a dit à Simone "tu es trop belle pour mourir ici". Simone l'a regardée et lui a répondu : "Je ne suis pas seule, je suis avec ma mère et ma soeur". Elle a relevé leurs numéros. Ça m'a fait un petit sentiment bizarre, vous savez, penser qu'elle allait être sauvée et en même temps, que je la perdais... Elles ont été déplacées dans un autre camp à 8 km de là, où ça ne sentait plus l'odeur de chair brûlée, où on ne voyait plus les flammes.
« IL NE FAUT PAS LES SÉPARER, ILS S'AIMAIENT TROP. »
ELLE. Comment la déportation a t'elle influencé ses combats futurs ?
Marceline Loridan-Ivens. Les camps ont été une sorte d'université. Cela nous a fait comprendre la violence qui est en nous, la violence qui nous tombait dessus. Le sadisme des hommes, les agressions sexuelles, la perte de notre intimité, la découverte du corps de nos mères. Imaginez : nous n'avions jamais vu le corps de nos mères, des corps affectés par les grossesses, la maladie etc. Tout cela a sans aucun doute façonné sa manière de voir : l'IVG, l'Europe... Simone n'avait qu'une peur, que ça recommence, le négationnisme la terrifiait.
ELLE. Que pensez-vous de la pétition pour la faire entrer au Panthéon ?*
Marceline Loridan-Ivens. Pour moi, Simone c'était la France. Je parle d'un point de vue purement symbolique. Quand j'ai vu ces trois femmes à Birkenau, d'une très grande beauté sous leurs oripeaux -des vêtements dégueulasses portés par 25 ou 30 morts avant elles- j'ai trouvé qu'elles gardaient toute leur dignité. La Panthéonisation, pourquoi pas ? Mais avec lui, alors, avec son mari. Il ne faut pas les séparer, ils s'aimaient trop.
(*) article publié avant la décision de la faire entrer au Panthéon.
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Simone Veil, précis de récupération
Source : Causeur
Claire de La Hougue
- 5 juillet 2017
Simone Veil au Parlement européen. 1989. Sipa. Numéro de reportage : 00168608_000001.
La mort de Simone Veil est l'occasion pour certains médias de la présenter comme une combattante pour « le droit à l'avortement ». Ceci est au mieux un contresens. Au pire un mensonge. Simone Veil affirmait expressément le contraire : si la loi « n'interdit plus, elle ne crée aucun droit à l'avortement »1. A ses yeux, l'avortement demeurait un mal, certes parfois nécessaire, mais qu'il convenait d'« éviter à tout prix ».
IVG : la dissuasion nécessaire
Défendant son projet de loi devant l'Assemblée nationale le 26 novembre 1974, Simone Veil insistait : « Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes. C'est toujours un drame et cela restera toujours un drame. C'est pourquoi, si le projet qui vous est présenté tient compte de la situation de fait existante, s'il admet la possibilité d'une interruption de grossesse, c'est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme ».
La nécessité de la dissuasion revient comme un leitmotiv tout au long du discours de Simone Veil. L'objectif répété de la loi était d'affirmer le caractère exceptionnel de l'avortement : « Je le dis avec toute ma conviction : l'avortement doit rester l'exception, l'ultime recours pour des situations sans issue. »
IVG : les garde-fous abolis
Tous les parlementaires qui se sont exprimés pour soutenir la loi l'ont fait dans la même perspective, quelle que soit leur appartenance politique.
Cependant, 40 ans après, tous les garde-fous institués par la loi Veil ont été progressivement abolis : non-remboursement par la sécurité sociale, interdiction de l'incitation à l'avortement, consultation psycho-sociale et information aux femmes pour les dissuader d'avorter, autorisation parentale pour les mineures, délai de 10 semaines de grossesse, délai de réflexion de sept jours, situation de détresse, pratique exclusivement par un médecin à l'hôpital, et en partie même le droit à l'objection de conscience des médecins et auxiliaires médicaux, tout cela a été progressivement supprimé.
Toutes ces mesures avaient pour but de protéger les femmes et de leur « faire prendre conscience (…) de ce qu'il ne s'agit pas d'un acte normal ou banal, mais d'une décision grave qui ne peut être prise sans en avoir pesé les conséquences et qu'il convient d'éviter à tout prix ». Simone Veil insistait sur le fait que l'interruption de grossesse est un acte « que la société tolère mais qu'elle ne saurait ni prendre en charge ni encourager ».
La loi Veil n'établit aucun droit à l'IVG
Prétendre que l'avortement est un droit, qui plus est un droit fondamental, est manifestement abusif. Et expressément contraire à la loi de 1975. On ne pouvait affirmer plus clairement que le principe est le respect de la vie dès la conception, l'avortement n'étant qu'une exception à ce principe, soumise à des conditions strictes.
L'objectif revendiqué de la loi Veil était de dissuader les femmes d'avorter, non de promouvoir un droit. Or, tous les garde-fous, tous les moyens qui pouvaient permettre une dissuasion efficace ont été méthodiquement éliminés. La loi Veil a ainsi été résolument détournée et récupérée comme fondement d'un prétendu droit à l'avortement. En contradiction avec la volonté expresse de Simone Veil et du législateur de l'époque.
Affirmer que Simone Veil a promu le droit à l'avortement revient soit à l'instrumentaliser contre ses affirmations expresses, soit à la présenter comme une hypocrite machiavélique, qui aurait sciemment trompé les députés pour parvenir à ses fins. Dans les deux cas, c'est trahir sa mémoire.
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« Simone Veil z'l » Une ardente défenseur d'Israël
Le petit hebdo Guitel Ben Ishaï Claude Brightman 2 juillet 2017
Une grande dame nous a quittés… A quelques jours de son 90e anniversaire, Simone Veil s'est éteinte. Elle fait partie des grands de notre génération qui laisseront pour toujours une empreinte dans le monde. Et comme l'a écrit Nicolas Sarkozy dans son hommage »Simone Veil reste immortelle ».
Pour lui rendre hommage, LPH a donné la parole à Claude Brightman, Présidente du Campus Francophone de Netanya, elle a connu Simone Veil personnellement.
Simone Veil: l'amour de la vie, une vie pour la réconciliation
« Par une étrange coïncidence, ma mère était une amie de Simone Veil », commence Claude Brightman, » Elles se sont connues au moment de la loi sur l'IVG, ma mère étant gynécologue ».
« Puis lorsque j'ai dû composer mon comité de soutien du Collège académique de Netanya, je lui ai tout de suite propose d'être présidente d'honneur des amis français du Collège académique. Elle a accepté avec beaucoup de plaisir. C'était il y a 15 ans. Elle voyait en l'éducation, en la capacité de créer des ponts entre Israël et la France, une mission fondamentale ».
Ces ponts, Simone Veil a passé sa vie à les construire. En effet, dès le lendemain de la Shoah, elle occupe un poste en lien avec l'Allemagne. Elle sera parmi les plus grands partisans de l'Europe, visage de la réconciliation franco-allemande. Elle présidera même le Parlement européen.
»Malgré toutes les tragédies qu'elle a traversées, elle a toujours été une amoureuse de la vie. Le couple qu'elle formait avec Antoine était beau, ils ont fondé une magnifique famille, le lien familial était primordial pour elle. Je me demande toujours comment a-t-elle réussi à trouver la capacité de surmonter, d'aller de l'avant, d'avoir cet humour et cette gaité ».
Une grande femme juive
Simone Veil venait d'une famille ashkénaze agnostique, mais son identité juive est restée très forte tout au long de sa vie.
« Simone Veil a été une grande femme juive », se souvient, émue, Claude Brightman, »Quand j'étais enfant, je la considérais comme une reine, elle était d'une telle beauté! Elle était une mère formidable, elle avait cette tendresse en elle. En même temps, son regard bleu insoutenable était celui d'une femme qui a tout vu ».
Son attachement à Israël était puissant. »Elle ne manquait pas de l'exprimer », nous dit Claude Brightman, »A la tribune de l'ONU, elle n'a pas hésité à dire sa fidélité à l'Etat d'Israël et sa colère face à la mise en cause de l'éthique de l'Etat et de l'armée d'Israël, qu'elle savait être irréprochables ». Elle prônait là aussi la réconciliation pour le développement d'Israël qui lui était si cher.
La mémoire, le courage
Le courage c'est certainement l'une des plus grandes qualités de Simone Veil. »Elle a toujours assumé ses convictions et ses valeurs. Nous avons pu le constater dans tous les combats de sa vie pour les femmes et pour toutes les causes dans lesquelles elle croyait ».
La mémoire, la transmission sont aussi deux mots qui collent à l'œuvre de cette grande femme. » Elle était d'une exigence absolue concernant le devoir de mémoire face à la Shoah. Ces dernières années elle s'inquiétait face à la résurgence de l'antisémitisme ». Claude Brightman poursuit: »Mais elle avait toujours cette foi en l'homme même si elle connaissait les déceptions et les trahisons ».
»J'avais beaucoup d'affection pour ce qu'elle était et pour sa famille. Nous lui rendrons un hommage digne d'elle au Campus Francophone de Netanya ».
יהיה זכרה ברוך
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mercredi 5 juillet 2017
« Skotzel kumt ! », Skotzel est arrivée…
Tribune : « Simone Veil, notre "mensch" »
Par Delphine Horvilleur, rabbin au sein du Mouvement juif libéral de France
Dans une tribune au « Monde », Delphine Horvilleur, rabbin au sein du Mouvement juif libéral de France, considère que Simone Veil incarne cette figure de pionnier de la tradition yiddish. Ses obsèques seront célébrées ce mercredi aux Invalides, à Paris.
Une vieille légende yiddish raconte avec esprit qu'un jour les femmes, fatiguées des injustices dont elles étaient victimes et en quête d'émancipation, décidèrent d'envoyer l'une d'entre elles plaider leur cause auprès de l'Eternel. Elles choisirent la plus érudite et la plus éloquente de toutes les femmes, une dénommée Skotzel, et lui demandèrent d'être leur avocate auprès du Tout-Puissant.
Puis elles grimpèrent sur les épaules l'une de l'autre et placèrent Skotzel tout en haut de cette pyramide humaine pour tenter d'atteindre le ciel. Malheureusement, au bas de l'édifice, l'une d'entre elles trébucha et entraîna toutes les femmes dans sa chute.
Une fois relevées, elles découvrirent avec stupeur que Skotzel avait disparu. Depuis, on prétend que l'avocate des femmes est toujours en plein plaidoyer face à Dieu, qui tarde à l'entendre, mais qu'un jour elle reviendra pour annoncer des temps nouveaux. Alors, chaque fois qu'une femme entre inopinément dans une pièce, on l'accueille par ces mots : « Skotzel kumt ! », « Skotzel est arrivée ! »Qui sait, elle est peut-être enfin de retour avec de bonnes nouvelles !
Promesse d'émancipation
Depuis quelques jours, cette vieille légende me revient en tête, et je me demande si nous n'avons pas perdu notre Skotzel, notre avocate à nous, érudite et éloquente, celle qui prit un jour la parole, non pas devant un tribunal céleste, mais devant une assemblée humaine.
« Je voudrais tout d'abord vous faire partager une conviction de femme »,déclara-t-elle au Palais-Bourbon, avant d'ajouter : « Je m'excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d'hommes. »
C'était en novembre 1974. Pour moi qui suis née précisément ce mois-là, ces mots racontent quelque chose des conditions de ma naissance. Comme si une fée s'était penchée sur les berceaux des femmes de ma génération pour leur offrir une bénédiction, en forme de promesse solennelle.
En prétendant ce jour-là s'adresser aux parlementaires et leur présenter des excuses, Simone Veil, nous le savions bien, nous parlait à nous, les femmes de demain, en nous disant que dorénavant aucune d'entre nous ne devrait plus présenter d'excuses pour devenir ce que nous pourrions être. C'est cette promesse d'émancipation que nous avons reçue en cadeau de naissance. C'est d'elle que nous sommes les héritières, nous qui sommes aujourd'hui libres de choisir les temps de notre vie, par-delà les assignations biologiques ou les injonctions à la maternité.
Plus que le droit de concevoir ou pas, elle nous invitait à penser la possibilité de nous concevoir autrement, de nous tenir là où aucune femme ne s'était tenue avant nous, au cœur même de ces assemblées longtemps exclusivement masculines du monde politique, religieux, ou de tout autre « no woman's land ». Elle nous invitait à le faire sans renier notre féminité, sans « contrainte de s'adapter au modèle masculin », sans le singer pour s'y fondre. Et, sur mon chemin de femme vers le rabbinat, sa voix féminine a résonné souvent. Elle continue de le faire, chaque fois qu'est mise en doute la possibilité ou la légitimité pour une femme de se tenir là où elle se tient.
Puissant pilier de résilience
Pour les petits-enfants de la Shoah que nous sommes, sa voix fut aussi celle du témoignage public. A côté de nos grands-parents, qui, bien souvent, ne pouvaient pas dire et dont le mutisme pesait si lourd, sa présence et ses paroles furent pour beaucoup d'entre nous un puissant pilier de résilience, une sortie du silence familial.
Elle expliquait au monde pourquoi, à défaut d'être écoutés, tant d'hommes et de femmes avaient été contraints de se taire. Elle le disait avec pudeur, tout en rendant visible ce qu'on ne parvenait pas à montrer. Elle ne cachait pas son tatouage, alors que dans nos familles on ne portait que des manches longues. Sa parole a alors ouvert une porte et contribué à faire de nous les témoins des témoins.
Enfin, elle incarnait pour nous tous la capacité qu'a l'humain de se relever, non pas pour faire entendre ou reconnaître sa douleur, mais pour revendiquer sa place dans son histoire et dans l'Histoire. A l'heure de la « compétition victimaire », où certains cherchent à convaincre qu'ils auraient eu plus mal que d'autres, que leur douleur et celle de leurs ancêtres leur donneraient des droits, Simone Veil apportait par sa simple présence et son discours un contre-exemple remarquable.
Elle avait su se relever et œuvrer pour la mémoire de la Shoah, tout en faisant de son passé le moteur de sa prise de responsabilité, un ressort d'élévation et d'engagement public, pour la nation et pour l'Europe. C'est tout cela que nous honorons à l'heure où la nation l'accompagne et l'enveloppe d'une reconnaissance si méritée.
Poursuivre la lutte
En yiddish, un homme exemplaire, capable de guider et d'inspirer sa génération, est appelé un mensch. Je ne connais pas le féminin de ce terme. Mais je peux vous dire très facilement à quoi il ressemble. Pour beaucoup d'entre nous, il a dorénavant le visage d'une femme née le 13 juillet 1927, une jeune fille âgée de 16 ans quand elle pose le pied en pleine nuit sur la rampe d'Auschwitz, une femme qui survit, témoigne et fait gagner la vie, une militante, une épouse, une mère, une grand-mère, une pionnière, une Européenne, une immortelle.
Une femme qui nous invite à faire vivre cet héritage, à faire d'une vieille légende yiddish une promesse d'avenir, à grimper sur ses épaules pour poursuivre son plaidoyer pour la vie, la mémoire et la justice. Cette femme nous dit : « Skotzel kumt ! », Skotzel est arrivée… et si tu poursuis cette lutte, alors Skotzel, c'est toi.
Publié par jeune retraité à 00:10
Un proche a mis en doute l'historicité de la légende de Skotzel. Grâce à mes amis Facebook, nous l'avons retrouvée, elle n'était pas sur Google, on ne peut pas être partout à la foi, elle était ici :
Le texte est en Yiddish transcrit en caractère latins.
Trouvé grâce au groupe "Yiddish pour tous" Merci à Regine Bloch-Fiderer
D'autre part, l'expression "skotsel kumt " existe bel et bien... On l'employait sur un ton amusé lorsque quelqu'un arrivait enfin où arrivait à l'improviste. C'était plutôt laudatif.
On a des témoignages de gens qui l'ont entendu dans leur enfance, bien avant que Delphine Horvileur y fasse référence.
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| Publié le 6 juillet 2017 à 10h15
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Obsèques de Simone Veil : un kaddish presque parfait
Source : JewPop
Alors que le moment aurait du être exclusivement dédié au recueillement, les obsèques de Simone Veil au cimetière de Montparnasse ont hélas donné lieu à une mini-polémique médiatique qui pourrait prêter à sourire, si elle n'était pathétique en ces circonstances. En cause, les présences conjointes du rabbin Delphine Horvilleur, amie de la famille Veil, et du grand rabbin de France Haïm Korsia, pour accompagner de leurs voix Jean et Pierre-Antoine Veil lors de la lecture du kaddish des orphelins.
Plusieurs quotidiens nationaux avaient titré mercredi 5 juillet leurs articles sur la « lecture du kaddish par Delphine Horvilleur », avant qu'un article d'Actualité Juive démente ce fait, « à partir d'informations communiquées par téléphone par l'entourage du grand rabbin de France ». Les versions divergeaient ensuite sur les réseaux sociaux, entre ceux présents sur les lieux qui confirmaient avoir vu Delphine Horvilleur « aux côtés » du grand rabbin de France et des fils de Simone Veil pour dire le kaddish, et d'autres qui l'auraient vu « un rang derrière », ce qui aurait toute son importance symbolique et politique du point de vue consistorial. Il faut dire qu'outre l'émotion bien compréhensible au cimetière de Montparnasse, la canicule avait aussi de quoi échauffer les esprits.
En particulier du côté du quotidien Le Monde, dans son compte-rendu des obsèques. Le journal précise que « par amitié », la famille avait demandé à Delphine Horvilleur de lire le kaddish, « prière traditionnellement prononcée pour les morts » (ndlr : en l'espèce, le kaddish des orphelins, comme son nom l'indique, est dit par les enfants du défunt, parfois soutenus si besoin dans leur récitation par l'officiant de la cérémonie). Mais il ajoute ensuite « Il faut croire, cependant, que les femmes ont encore du chemin à faire. Le Consistoire a rechigné à l'idée de voir Mme Horvilleur, qui exerce au Mouvement juif libéral de France, dire le kaddish. » Jusqu'ici, a priori rien de très surprenant.
Arrive le point « mêlée au centre » de l'article. Selon son auteur, la journaliste Raphaëlle Bacqué, judicieusement placée derrière les deux rabbins malgré la présence de la famille et des proches, « au moment de s'avancer devant le cercueil, voilà Delphine Horvilleur un peu poussée sur le côté par Haïm Korsia ». Mais, précise ensuite la journaliste, « elle tient bon et dit tout de même la prière, reprise par l'assemblée ». Quand Le Monde se prend pour L'Équipe, avouons que le résumé du match manque sévèrement de punch. Jewpop avait aussi son envoyé spécial, qui nous a narré la scène telle qu'il l'a vue et entendue, bien dissimulé dans le caveau attenant.
- Haïm Korsia : « Kaddish ! »
- Delphine Horvilleur (à côté de lui) : « Itgadal… »
- Haïm Korsia (sifflant entre ses dents) : « Delphine, t'es gentille, tu viens pas foutre ton bordel et tu vas derrière ! »
- Delphine Horvilleur : « Itgadal veitkadach… »
- Haïm Korsia (lui envoyant un petit coup d'épaule la reléguant un rang derrière) : « C'est bon là ! »
- Delphine Horvilleur : « M'en fous, j'ai le droit ! Et j'ai mes entrées au Monde, fais gaffe ! Itgadal… »
De son bureau du Consistoire, Joël Mergui suit la scène filmée via Snapchat par un de ses employés et jubile, oubliant momentanément son petit problème de mohel* violeur repris par l'ensemble des médias français. Quant à Raphaëlle Bacqué, dans un élan lyrique digne de la Pravda, elle conclut : « À quelques pas, les petites-filles de Simone Veil… s'avancent vers elle (Delphine Horvilleur) pour l'embrasser » (sous-entendu : Haïm Korsia, lui, n'a pas eu droit aux bisous, c'est bien fait !).
Entretemps, l'hebdomadaire Actualité Juive a rectifié le tir et les faits, interviewe Delphine Horvilleur, Haïm Korsia et divers témoins, qui tous nous apprennent finalement que le kaddish a été récité en toute harmonie par les deux rabbins côte-à-côte. Tout est bien qui finit bien. Même si, comme le note Actu J, certains « témoins directs » (d'obédience libérale ou orthodoxe, voire mécréants, nul ne le saura…) ne tiennent pas à s'exprimer publiquement sur le sujet #Narcos. |
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