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La Catalogne et l'indépendance
Revue de presse


Mercredi, 03-Jan-2018
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trefle
 
 
 

afp La Croix , le 12/10/2017 à 19h33

Espagne: la fête nationale endeuillée en pleine crise catalane

 
 

Quelque 65.000 personnes ont défilé jeudi à Barcelone en faveur de l'unité du pays menacée par la crise catalane, alors que la fête nationale espagnole était endeuillée par la mort d'un pilote dans le crash d'un avion de combat.

Le Premier ministre Mariano Rajoy et le roi Felipe VI ont assisté à la traditionnelle parade militaire le long du boulevard du Paseo de la Castellana à Madrid pour commémorer l'arrivée de Christophe Colomb en Amérique en 1492.

Comme d'habitude, les présidents des régions de Catalogne, du Pays Basque et de Navarre étaient absents, alors que pour la première fois depuis 30 ans, la police nationale était conviée à défiler, pour reconnaître son rôle après les attentats jihadistes meurtriers du mois d'août en Catalogne.

Moins de deux semaines après avoir été accusée d'être intervenue trop durement lors du référendum d'autodétermination, les policiers ont été particulièrement applaudis, par une foule nombreuse agitant le drapeau espagnol avec passion.

Mais l'humeur n'est pas franchement à la fête en Espagne, confrontée à sa plus grave crise politique depuis le retour de la démocratie en 1977, avec la volonté de divorce des indépendantistes au pouvoir en Catalogne.

D'autant que la journée a été endeuillée par la mort d'un pilote dans l'accident de son Eurofighter, qui avait participé au défilé aérien de la fête nationale. L'avion de combat s'est écrasé dans un champ pendant sa manoeuvre d'approche à l'atterrissage à la base aérienne de Los Llanos, à 300 km au sud-est de la capitale.

M. Rajoy s'est rendu sur place.

- 'En prison' -

Au même moment, ils étaient 65.000, selon la police municipale, à défiler dans les rues de Barcelone en scandant des messages hostiles aux dirigeants indépendantistes.

"Puigdemont en prison" criaient les manifestants en référence au président régional Carles Puigdemont, qui a organisé le dimanche 1er octobre un référendum d'autodétermination en dépit de l'opposition de Madrid, et entend rendre indépendante cette région de 7,5 millions d'habitants, divisée sur la sécession.

 


Parade militaire pour la fête nationale en Espagne à Madrid, le 12 octobre 2017 / AFP

Mercredi, Madrid a lancé un ultimatum au président séparatiste, lui donnant jusqu'à lundi 10H00 (08H00 GMT) pour "clarifier" sa position sur l'indépendance.

Si M. Puigdemont persiste, le gouvernement lui accordera un délai supplémentaire jusqu'au jeudi 19 octobre à 10H00 pour faire machine arrière, avant de prendre le contrôle de la Catalogne comme le lui permet l'article 155 de la Constitution.

La suspension de l'autonomie serait considérée par beaucoup de Catalans comme un affront. Elle pourrait déclencher des troubles dans cette région très attachée à sa langue et sa culture et qui avait récupéré son autonomie après la mort du dictateur Francisco Franco (1939-1975).

Jeudi, les opposants à l'indépendance ont souhaité montrer que "la Catalogne n'appartient pas" aux séparatistes, selon les mots de Laura Peña, employée de 26 ans dans une boutique de vêtements, qui défilait à Barcelone.

En marge de la manifestation, des militants d'extrême droite ont brûlé le drapeau séparatiste catalan. Une bataille de rue a par ailleurs opposé deux groupes de supporters de football dans le centre-ville, selon la police catalane.

 

 

 

« Ni Oriol Junqueras, ni Carles Puigdemont ne peuvent gouverner seul »

Recueilli par Agnès Rotivel , le 22/12/2017 à 17h13   La Croix
 

Malgré leurs différends, les deux partis indépendantistes sont forcés de s'entendre pour gouverner. Le parti citoyen non nationaliste, sorti en tête de ces élections pour la première fois de l'histoire de la Catalogne, ne peut pas gouverner. Entretien Cyril Trépier, chargé de cours à l'université de Cergy-Pontoise, spécialiste de la Catalogne.

Carles Puigdemont (C) done une conférence de presse à Bruxelles après le vote sur la Catalogne le 21 décembre 2017.  / John Thys/AFP

Quelles sont les surprises du scrutin catalan de jeudi 21 décembre ?

Cyril Trépier : Les deux faits historiques sont la participation inédite pour des législatives catalanes et la toute première victoire d'un parti non nationaliste. En effet, les indépendantistes ne sont pas arrivés en tête à cause de la très forte mobilisation des opposants à l'indépendance qui illustre leur très forte colère envers Carles Puigdemont et son prédécesseur Artur Mas pour l'aventure indépendantiste.

Déjà en 2015, la hausse de la mobilisation de ce type de scrutin dépendait des opposants à l'indépendance. Côté indépendantiste, en voix et en députés, il n'y a pas tellement de changement, sauf 70 députés contre 72. Ce qui change ce sont les conditions dans lesquelles se sont tenues ces élections avec des candidats en fuite et d'autres en prison. Former un gouvernement dans ces conditions sera moins simple. Carles Puigdemont et Oriol Junqueras étaient déjà rivaux, mais la liberté de l'un à Bruxelles et la détention de l'autre à Madrid ont creusé le fossé.

Mariano Rajoy sort-il fragilisé de ce scrutin ?

C. T : C'est une franche défaite pour le premier ministre. C'est un désaveu important pour lui en Espagne, même si la position de son parti en Catalogne était secondaire. Il n'a plus que 3 députés contre 11 et devient le dernier parti de la communauté autonome.

Comment expliquer le phénomène Cuidadanos ?

C. T : Le parti citoyen d'Ines Arrimadas a siphonné l'électorat du parti populaire de Rajoy. Et profité de ce que la troisième voie proposée par le parti Podemos et le mouvement de la maire de Barcelone, Catalunya en Comú (gauche), ne marche pas en Catalogne, ni même celui du parti socialiste (PSC) qui a fait un score décevant.

Or, même s'il est le premier parti de Catalogne, du fait du système électoral à la proportionnelle, auquel s'ajoute un mécanisme de compensation qui renforce les partis nationalistes, Ciudadanos ne peut pas gouverner.

Peut-on imaginer que Madrid demande la libération d'Oriol Junqueras et propose le retour de Puigdemont pour débloquer la crise ?

C. T : Les juges ne sont pas censés obéir aux résultats des élections. Le 4 janvier 2018, le tribunal suprême doit statuer sur la demande de libération d'Oriol Junqueras qui est en détention préventive. Dans le cas où le statut de ni l'un ni l'autre ne change, ils peuvent s'ils sont élus à la présidence ou la vice-présidence, être remplacés dans leurs fonctions.

L'idée de l'indépendance survivra-t-elle à ce scrutin ?

C. T : L'indépendance reste la référence légale de la CUP, le parti de la gauche radicale (en baisse avec 4 députés). Mais pendant la campagne électorale et avant son placement en détention, Oriol Junqueras de la gauche républicaine (ERC) a reconnu que les conditions ne sont pas réunies pour l'indépendance.

L'objectif de la création d'un État indépendant demeure mais il pourrait être l'objet d'une vraie négociation. On peut aussi imaginer que le discours à propos de l'indépendance change si le numéro un des élections catalanes n'était pas indépendantiste.

Finalement la situation va-t-elle changer ?

C. T : Malgré leurs différends ERC d'Oriol Junqueras et le PdeCAT de Puigdemont doivent s'entendre car ni l'un ni l'autre ne peuvent gouverner seul. Compte tenu de sa popularité, Carles Puigdemont ne peut qu'accepter la présidence de la Catalogne. Mais les négociations pour la formation d'un gouvernement pourraient durer un certain temps.

Recueilli par Agnès Rotivel

 

11 septembre 1714: Prise de Barcelone

 
       Prise de Barcelone par l'armée du roi Philippe V d'Espagne et des Indes commandée s par James Fitz-James, duc de Berwick, fils illégitime de Jacques II d'Angleterre et d'Écosse.

Les Catalans ont choisi le 11 septembre comme fête nationale, en souvenir de la chute de Barcelone.  (Source : Le Figaro)

Huit mille mètres carrés de vieilles pierres. Les toitures ont disparu, mais les murs de 55 maisons quadrillent encore la ville. On imagine, facilement, le cadastre de ce petit bout de Barcelone au début du XVIIIe siècle et le quotidien de ses habitants. La vie en 1714, par exemple, juste avant le 11 septembre et la prise de Barcelone par les troupes des Bourbons. «Avant que ne s'abatte le terrorisme d'État», dit notre guide. Le ton est donné. Quim Torra est le directeur du centre culturel El Born, un ancien marché couvert, où les fouilles - huit ans de travail et 74 millions d'euros investis par la mairie - ont fait réapparaître «un monde perdu», selon l'expression de Torra.

Les Catalans ont choisi une défaite en guise de fête nationale. La Diada, ou jour de la Catalogne, commémore la chute de Barcelone lors de la guerre de Succession au trône d'Espagne. Les Catalans soutenaient en majorité l'héritier Habsbourg, qui s'était engagé à respecter certains privilèges et institutions de la région. Ils opposèrent deux mois de résistance au siège des Bourbons.

Source : Louis XIV over blog

Après le Traité d'Utrecht de 1713, la Guerre de Succession d'Espagne continua entre Philippe V et Charles VI du Saint-Empire. Les catalans continuaient de révendiquer le Habsbourg comme leur roi légitime, mais l'Empereur signa le Traité de Rastadt (mars 1714), faisant ainsi la paix avec son ancien rival.

Les catalans ignoraient les termes du traité et pensèrent ingénument pouvoir faire face au roi Bourbon, qui ne réculait pas de son intention d'abolir les Fors. Mais les troupes autrichiennes du prince Stahremberg évacuèrent sécrètement la Catalogne, qui fut livrée ainsi a son sort.

Après 11 mois de blocus (9 mois maritime et 2 mois terrestre) et 61 jours de tranchée ouverte, le chevalier d'Asfeld partit à l'assaut de la tranchée et emporta le 11 septembre 1714. Les Fors furent abolis et l'on appliqua le Décret de Nueva Planta (uniformant l'administration avec celle de Castille), mais le droit civil catalan et les moeurs locales furent respectés.

La bureaucratie étant dans les mains de fonctionnaires dépendant de la cour de Madrid, le catalan disparut comme langue de l'administration, mais continua d'être parlé dans la vie sociale et réligieuse.

 

L'Espagne est-elle réellement en train de rejouer le scénario de la guerre de 1936?

Laura Guien — 27.10.2017 - 7 h 00, mis à jour le 27.10.2017 à 16 h 49

Barcelone et Madrid multiplient les références plus ou moins déguisées au franquisme. Un rapprochement dangereux, sans réel fondement historique.

Des étudiants manifestent à Barcelone, le 26 octobre 2017. © Pau Barrena / AFP.

La crise entre Barcelone et Madrid connaît chaque semaine une montée en tension supplémentaire.

Derniers épisodes en date, le vote en faveur de l'indépendance par le Parlement catalan, suivi, moins d'une heure plus tard, par le vote par le Sénat espagnol de l'application de l'article 155 de la Constitution permettant la mise sous tutelle de la région. C'est à dire une sévère prise de contrôle de la région par l'État central: destitution du président catalan et de tout son exécutif, contrôle des finances, de la police et des médias catalans... Une mise en pratique particulièrement «hard» de l'article 155, aussitôt qualifiée par le président catalan de «pire attaque contre les institutions et le peuple de Catalogne depuis les décrets du dictateur militaire Francisco Franco».

Puissante analogie

Le choix des mots de Carles Puigdemont ne doit rien au hasard. Depuis les violentes images des agressions policières le jour du référendum interdit, en passant par la mise en détention provisoire des présidents des deux principales associations indépendantistes, l'idée que l'Espagne vivrait une crise semblable aux prémisses de la guerre civile de 1936 a commencé à se répandre.

L'activation de l'option juridique la plus offensive possible ainsi que la performance surréaliste du ministre des affaires étrangères espagnol, soutenant à des journalistes anglais médusés que certaines images des agressions de la police lors de la journée du référendum étaient fausses, n'a en rien désactivé cette puissante analogie avec un régime autoritaire et enfermé dans la propre légitimation de sa suprématie. 

Au point de faire craindre le déclenchement d'une nouvelle guerre civile dans le pays. Dans un article du Huffington Post, la sociologue et chercheuse en politologie Olivia Muñoz-Rojas Oscarsson, dresse ainsi un parallèle, parfois hasardeux, entre 1936 et 2017. Selon cette dernière, il existerait «des phénomènes et des schémas similaires à ceux qui se sont produits à l'aube de la dernière guerre civile espagnole».

Même son de cloche sur France Inter, lorsque Daniel Cohn-Bendit s'émeut du pic de tension atteint ces dernières semaines: «Rajoy est fou, les indépendantistes sont fous. Je ne veux pas d'une nouvelle guerre d'Espagne».

Mais l'histoire est-elle réellement en train de se répéter? 

Liens satellitaires

Dans cette nouvelle version du conflit espagnol, la répartition des rôles semble avoir été définie par les dernières décisions autoritaires du gouvernement de Mariano Rajoy, réactivant un certain archétype franquiste.

Un lien entre la dictature et le gouvernement du Parti Populaire (PP) que n'a pas hésité à réactiver la sphère indépendantiste. Ainsi, si la première réaction de Carles Puigdemont à la mise en route de l'article 155 se limite à définir l'action du gouvernement espagnol comme un «coup», l'élément de langage se transforme rapidement en «coup d'état» dans les déclarations de la présidente du Parlement catalan, Carme Forcadell.

Pour le journaliste Juan Miguel Baquero, spécialiste de la mémoire historique espagnole:

«Le parti conservateur qui gouverne l'Espagne n'est pas capable de se débarrasser des dernières traces du franquisme dont il a émergé. Alliance Populaire, devenue aujourd'hui l'actuel Parti Populaire dirigé par Mariano Rajoy, a été fondée par sept ministres du dictateur. Bien qu'il soit difficile de dire qu'il s'agit d'une formation fasciste, il est certain qu'elle n'a jamais condamné de façon officielle le franquisme

Le parti de Rajoy continue en effet d'entretenir des lien ambigus avec ce passé sombre du pays: «Ce sont des relations qui ne sont jamais directes mais se font de manière satellitaire, via des institutions, des associations» analyse l'anthropologue Jean-François Macé.

Ce spécialiste des conflits de mémoire rappelle ainsi que la fondation Francisco Franco, organisation privée centralisant plus de 30.000 archives historiques sur le dictateur, a été la seconde association la plus financée par le gouvernement de José Maria Aznar.

Sous les mandats de ce prédécesseur de Rajoy à la tête du PP, plus de 150.000 euros de budget avait ainsi été alloués à cette institution phare du culte post-mortem du dictateur. Un soutien financier suspendu sous le mandat du socialiste Zapatero, qui n'aura pas été repris avec le retour au pouvoir du Parti Populaire.

Schizophrénie mémorielle 

Toutefois, le parti de Rajoy a de nouveau agité des références à l'histoire franquiste dans le récent conflit territorial.

Ainsi, le 9 octobre dernier, Pablo Casado, porte-parole du Parti Populaire et successeur potentiel de Rajoy à la tête du PP, a utilisé la figure de l'ancien président catalan, Lluis Companys, fusillé par le régime de Franco, pour adresser un avertissement douteux à Carles Puigdemont : «Celui qui déclarera l'indépendance finira peut-être comme celui qui l'a déclarée il y a 83 ans».

Une référence glissante dont Casado tentera de se dédouaner en expliquant faire référence à l'emprisonnement de Companys quelques années auparavant, et non à son exécution. Le message est toutefois suffisamment vague pour réactiver une mémoire du franquisme encore omniprésente.

«Le Parti Populaire nie toujours sa filiation à l'errance franquiste, mais c'est évident qu'il joue la-dessus. Il y a une espèce de schizophrénie mémorielle qui est utilisée. C'est une stratégie qui existe depuis longtemps: on active de vieilles luttes passées sans jamais les évoquer» rappelle Jean-François Macé.

Un usage du trouble mémoriel qu'utilise également le côté catalan. «Depuis le début du conflit, les indépendantistes n'ont eu de cesse de réactiver les références à la République» poursuit l'anthropologue. Dans les manifestations, il n'est en effet pas rare de voir des drapeaux républicains dressés aux côtés des Esteladas catalanes.

De même, le fait que le projet indépendantiste ait opté en faveur de la construction d'un «État sous forme de République», selon les termes exacts de la question posée sur le bulletin du référendum du 1er octobre, semble positionner le projet catalan du côté républicain.

Une analogie séduisante, mais qui tend à faire oublier qu'à l'inverse des républicains espagnols, le mouvement indépendantiste catalan n'est pas aussi profondément ancré à gauche.

La présence dans le bloc soutenant l'indépendance de l'extrême gauche anticapitaliste de la CUP, qui a considérablement accéléré le tempo du processus séparatiste en exigeant le départ de l'ancien président Artur Mas au profit de Carles Puigdemont, n'est pas suffisante pour définir la cause indépendantiste catalane comme un mouvement de gauche révolutionnaire.

Ainsi, Junts Pel Si, principale coalition indépendantiste ayant remporté les élections régionales de 2015, est très plurielle. Dans ses files se côtoient des personnalités comme Oriols Junqueras, numéro 2 de la Région issu de la gauche catalane indépendantiste traditionnelle (ERC), ainsi que le fameux Artur Mas, du parti de centre droit libéral CiU devenu PDeCAT.

«Le mouvement indépendantiste ou autonomiste sous la République était une question de gauche, alors que dans l'actualité, il se déploie également depuis la bourgeoisie catalane. Il y a des éléments incompatibles», rappelle Juan Miguel Baquero. 

Réactivation des luttes passées

Autre dissemblance: la sphère indépendantiste, ultra organisée, n'a rien à voir avec des troupes républicaines dont le manque de préparation et les moyens de défense limités auront gravé dans l'inconscient collectif l'image romantique du révolutionnaire n'ayant que sa foi en la liberté pour se défendre.

«Le processus indépendantiste constitue un grand mouvement de contestation du système qui se base sur une désaffection envers la politique traditionnelle et l'État, et sur une volonté de raccourcir la distance entre les politiques et les votants. Cela a généré une très puissante auto-organisation mise en œuvre depuis 5 ans», décrypte l'historien Xavier Casals. 

Un potentiel qui s'incarne dans les actions menées par les principales associations indépendantistes, Omnium et ANC, capables de convoquer en quelques heures des manifestations monstres.

En dépit de ses nombreuses différences, le gouvernement central comme régional n'a cependant de cesse de provoquer directement ou indirectement des analogies avec les protagonistes impliqués dans la guerre civile espagnole. Dans quel but?

«Il s'agit d'une mobilisation des codes culturels. On réactive des luttes passées dans le présent avec des perspectives politiques et territoriales future», analyse l'anthropologue Jean-François Macé.

Est-ce suffisant pour rapprocher 1936 de 2017? 

Selon l'écrivain Isaac Rosa, auteur d'un roman sur les mémoires du franquisme, aucune comparaison n'est possible entre la guerre civile espagnole et le conflit territorial actuel:

«Je vois cette analogie comme un recours bon marché de l'indépendantisme pour chercher des complicités, en particulier en Europe, où la mémoire de la guerre civile a peut-être toujours des effets mobilisateurs.» 

Pour l'historien Xavier Casals, le rapprochement reste également à nuancer:

«Il faut réussir à distinguer le jeu discursif de la réalité politique. Bien-sûr qu'une partie du bloc indépendantiste va arguer que Franco n'est pas mort. Et le gouvernement va rétorquer que les indépendantistes sont hors-la-loi car ils violent la constitution. Ce sont des chocs que l'on peut traduire par légitimité contre illégitimité.»

La grande braderie de la résistance

Reste qu'en marge de ce dialogue de sourds, la réactivation des vieux clivages pourrait directement avoir des effets pervers dans un pays qui n'a toujours pas réalisé de véritable travail de mémoire historique.

Car l'Espagne, qui détient le record du monde de disparitions forcées après le Cambodge, n'a en effet jamais entrepris de politique de réparation auprès des victimes du franquisme, et ce malgré trois avertissements de l'ONU.

Une politique qui, comme le rappelle le journaliste Juan Miguel Baquero, «empêche à la fois de rendre justice pour des crimes contre l'humanité commis lors du coup d'État, pendant la guerre civile et la répression brutale de la dictature, mais aussi la recherche des victimes de la terreur de Franco». Au moins 114.226 personnes assassinées, dont les familles cherchent encore à récupérer les corps.

Dans ce contexte mémoriel sensible, superposer les archétypes du conflit territorial actuel sur ceux de la guerre civile et de l'Espagne franquiste n'est pas sans conséquence:

«La comparaison avec 1936 est une façon de brader le souvenir de la résistance au fascisme, et même une offense à ceux qui ont été assassinés, emprisonnés ou exilés. Je ne crois pas que cela aide les revendication légitimes de ceux qui demandent la vérité, la justice et la réparation pour les victimes du franquisme» estime Isaac Rosa.

Juan Miguel Baquero, fait en partie le même constat:

«Ce sont des victimes oubliées, la plupart d'entre elles jetées dans des fosses communes pour des crimes commis il y a 81 ans et qui restent toujours impunis. La situation restera la même, et dans de nombreux cas ce sera la société civile qui fera éclater la vérité, la justice et la réparation». 

Épuisement du modèle d'État

Le recours aux clichés de 1936 ne faciliterait ainsi en aucun cas le travail de mémoire en Espagne. Pas plus qu'il ne présage d'un réel «remake» de la guerre civile.

«Ce qui se passe actuellement n'a rien à voir avec l'Espagne de 1936, mais plutôt avec celle du franquisme tardif et de la transition, période où le rapport de forces a fait émerger une solution constitutionnelle qui est aujourd'hui épuisée» décrypte Isaac Rosa. 

Cette théorie d'un conflit catalan révélateur de l'épuisement du modèle d'État construit pendant la transition démocratique fait de plus en plus consensus.

«Après quatre décennies, le système politique tel qu'il a été configuré nécessite d'être réactualisé. Le problème, c'est comment? et au bénéfice de qui?» interroge Xavier Casals.

Même inquiétude du côté de l'écrivain Isaac Rosa:

«Les derniers événements et le manque d'initiative de la gauche espagnole vont dans le sens d'une relation de force favorable à la droite la plus réactionnaire. Une réforme constitutionnelle pourrait aggraver la situation en réduisant les droits et en recentralisant l'État

En effet, l'avertissement lancé par le Parti Populaire d'appliquer également l'article 155 à d'autres régions comme la Navarre, la Castille-la Manche et le Pays basque laisse peu de doutes sur le niveau de souplesse envisagé dans la recomposition des relations avec l'État central.

De même que le projet de réforme de la constitution, obtenu par le Parti Socialiste en échange de son appui au vote de la suspension de l'autonomie catalane, interroge quant à l'ampleur du consensus qu'il pourrait obtenir:

«Si on laisse en marge les 5 millions de votants que représentent Podemos, quel est le sens de mettre en marche une réforme institutionnelle? Pour actualiser un système politique, l'idée c'est de chercher le plus d'appuis possible», s'indigne Xavier Casals.

Autant de questions sur un modèle de société qui définissent, au fil d'épisodes de plus en plus tendus, les véritables contours du conflit actuel: celui d'un bloc constitutionnaliste et monarchique face à une sphère qui se considère républicaine et en marge du système. Dans cette nouvelle configuration, il demeure évident que ce n'est pas 1936 qui se rejoue, mais bien la dernière étape du post franquisme en Espagne: celle de l'achèvement de sa transition démocratique. 

 

 

L'Espagne ingouvernable ?

Les élections générales en Catalogne ne mettent pas fin à la crise, elles la relancent, analyse l'éditorialiste Vincent Hervouet.

Europe 1   22 décembre 2017

Les élections générales en Catalogne ne mettent pas fin à la crise, elles la relancent. On ne sait pas qui gouvernera à Barcelone mais on sait qui a perdu.

L'humiliation de Mariano Rajoy est l'évidence d'hier soir et elle est lourde de conséquences. Le PP parti populaire qu'il dirige subit une débâcle, passant de 11 députés, ce qui n'était pas brillant, à trois, score lamentable. Ses électeurs ont filé chez Ciudadanos, plus jeune, plus à droite, qui est indemne de tout passé franquiste et de tout scandale affairiste. Le chef de file local du PP est vomi par les Catalans, c'est le problème du parti. Mais que le chef du gouvernement espagnol soit désavoué et défié par deux millions d'électeurs est le problème de toute l'Espagne.

Mariano Rajoy est un Premier ministre faible, à bout de souffle après ces années passées à éponger la crise de 2008, sans majorité aux Cortès bien que les Espagnols aient voté et revoté. C'est parce qu'il est terriblement faible qu'il a tenté d'être ferme en Catalogne. Il s'est piégé comme une vieille culotte de peau qui mène la bataille en gants blancs et qui se retrouve face à des maquisards qui pratiquent la guerre asymétrique.

Il a été maladroit en voulant interdire par la force le référendum.

Il a fait appliquer la loi, il a confisqué les urnes. Il a été trahi par la police catalane. L'image des ninjas matraquant de pauvres électeurs est mensongère, mais imparable. Empêcher les gens de voter à transformé les populistes catalans en défenseur d'une liberté élémentaire.

Seconde erreur, reprendre la gestion directe de la région et organiser illico des élections, sans laisser la passion retomber, sans laisser la justice passer. Avec des indépendantistes en exil ou en prison mais autorisés à se présenter et à mener une campagne victimaire. Un réflexe de fierté, de solidarité a transformé l'élection d'hier en plébiscite pour les réprouvés. Pour Oriol Junqueras en cellule à Madrid et Carles Puigdémon à l'hôtel à Bruxelles… À tout prendre, c'est plus confortable que d'être politiquement mort mais à la tête du gouvernement.

Que va-t-il se passer ? 

Jeudi, la Catalogne est ingouvernable. Ce matin, l'Espagne aussi. La crise est la plus grave depuis la restauration de la monarchie. A force de rejouer la guerre civile de 1936, le pays semble de retour en 1931, quand la seconde République était impuissante à juguler les passions et les forces centrifuges.

En même temps, on est à la veille de Noël. L'optimisme est de rigueur. Il faut se raconter des histoires en attendant le Père Noël. 
Alors, le conte de Noël catalan sera de penser que l'électeur n'a jamais tort, que sa participation massive est le signe de sa bonne santé, et que le feuilleton catalan va continuer l'an prochain, ce sera passionnant !

 
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