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L'Algérie et moi

Vendredi, 01-Jui-2018
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trefle
L'Algérie a été française, et je le suis toujours, normal que nous ayons des souvenirs communs, j'ai essayé de les rassembler, vous trouverez dans ce récit très personnel, beaucoup de nostalgie, et beaucoup d'affection pour beaucoup de ses enfants.
 

Je suis en 1944, d'une famille alsacienne, avec quelques lorrains, et en remontant les siècles sûrement quelques allemands. Mais en ces temps lointain, le nationalisme n'était pas encore à l'ordre du jour, les juifs étaient des migrants plus ou moins tolérés.

 

La révolution française nous a apporté la liberté, l'égalité, et un peu de fraternité, tout n'était pas rose au XIX ième siècle, mais c'était mieux qu'en Allemagne, aussi mes ancêtres connus étaient tous d'ardents patriotes, mon arrière grand père Blum envoyait ses enfants des 13 ans à Besançon pour qu'ils ne soient pas soldats Allemands, quand à mon arrière grand père Lévy, il s'était installé avant 1860 à Bar le Duc, l'antisémitisme était probablement moins fort qu'en Alsace.

Des relations anciennes avec l'Algérie

Pendant la guerre de 1914, les alsaciens ont été enrôlés comme tous les autres allemands dans l'armée impériale, et ils ont déserté en masse pour rejoindre l'armée française. Face à cette situation, les allemands ont envoyé les alsaciens sur le front russe, et on considéré tout soldat alsacien pris les armes à la main dans l'armée française comme un déserteur, et fusillé sur le champ.

Afin d'éviter un tel malheur mon grand père maternel a été affecté en Algérie, avec ses frères, il parlait en plaisantant des danger de cette terre aux coutumes étranges. Les beaux jeunes soldats juifs métropolitains, intéressaient les mamans des belles jeunes filles juives  d'Alger, et on colportait, dans la famille, que les jeunes soldats couraient de grands dangers. Ils étaient invité dans des familles, et discrètement, on laissait le jeune homme avec la jeune fille de la maison, puis tout le monde accourait en criant au scandale ! !  Il avait osé l'embrasser  !  la fille seule avec un homme était deshonorée  ! !   Une seule solution le mariage  !  ! 

Le piège était redoutable, surtout que mon grand père était déjà marié et avait un garçon.

Après sa démobilisation, il est retourné à Besançon et directeur d'une usine d'horlogerie, il partait souvent en Algérie et en Tunisie vendre des montres, et il revenait avec des friandises dont il gâtait toute la famille, en particulier des dates fourrées à la pâte d'amande.

Ma maman m'avait parlé d'un pauvre hère, un juif d'Algérie qui était parti à Besançon qui s'émerveillait de tout ce qu'il voyait, il vivait dans la plus extrême pauvreté, et assurait que de retour en Algérie, personne ne le croirait. Pourtant, ce qu'il voyait était très banal, la misère qui devait être la sienne devait ressembler à celle des musulmans d'Algérie, et c'était très surprenant pour une famille française, du début du XX ième siècle.
Mon grand père partait souvent à Vichy voir les riches curistes d'Algérie, qui eux ne manquaient de rien, et à qui il pouvait vendre de belles montres de sa fabrication.

Je n'ai pas connu ce grand père, mort de maladie en 1936, ni ma grand'mère déportée en 1942. Cependant l'Algérie était toujours présente, et logiquement, en 1940, mes parents fuyant l'avancée des troupes allemandes ont tenté de rejoindre l'Algérie afin de s'éloigner au maximum des soldats nazis. Un accident stupide les a cloué en France.

La guerre d'Algérie

L'Algérie et "événements" qui s'y déroulaient ont marqué mon adolescence, bien avant

Chanson populaire de mon enfance

POURQUOI LA CASBAH L'A BRÛLÉ

1- Pourquoi la casbah l'a brûlé.Mon z'ami 
Pourquoi la casbah l'a brûlé.

2- Parc'que la fatma y'a mis l'feu... 

3-Pourquoi la fatma l'a mis l'feu ...

4- Parc'que la fatma J'avait bu...

5-Pourquoi la fatma l'avait bu ?..

6- Parc'que la fatma l'avait soif...

7-Pourquoi la fatma l'avait soif 

8- Parc'que la fatma l'avait chaud... 

9-Pourquoi la fatma J'avais chaud

10- Parc'que le casbah l'a brûlé...
 

 

que j'en comprenne l'enjeu, les causes et les conséquences.

Par exemple, En 1956, j'ai assisté à une manifestation d'ouvriers musulmans à Colmar devant la préfecture, je ne savais pas pourquoi, et à un moment, les manifestants ont tous ensemble chanté la Marseillaise, et j'ai vu un membre du service d'ordre courir vers un malheureux manifestant, et lui retirer sauvagement le béret qu'il avait oublié de retirer pendant l'hymne national.

En tant qu'enfant on se moquait un peu des "arabes", qu'on appelait des "mon z'ami", car parmi eux, il y avait beaucoup de marchands de tapis, qui disait à tous leurs clients potentiels, "pas cher mon z'ami ! "  . Ma mère nous réprimandait en nous expliquant qu'on devait le respect à tout être humain. Si nous avions un peu de mépris pour les noirs et les arabes, nos parents et l'école luttaient contre, cette dérive. Toutefois, nous n'avions aucun sentiment qui puisse ressembler à de l'hostilité.

Très tôt l'actualité dramatique m'a fait réagir. Je me souvenais des titres traumatisants de "France Soir" lors de la bataille Diep Bien Phu pendant guerre d'Indochine.  France Soir titrait que les soldats demandaient du lait en poudre, du chocolat, et d'autres produits de première nécessité. Peu d'années après, les titres de France Soir parleraient des "événements" d'Algérie, et les journaux dénonçaient les horreurs commis par des terroristes, qu'on appelaient "Fellagah".

Le 13 mai et les putsh

J'avais 14 ans le 13 mai 58, et j'habitais chez mon père à Troyes, et j'étais déjà membre actif de la petite communauté juive, et très politisé. Avec mes copains de classe on discutait de l'actualité, la classe était mixte, à majorité féminine, mais jamais aucune fille de la classe ne s'était mêlée à nos conversations.

Le putsh des généraux d'Alger a fait l'effet d'une bombe. L'Algérie c'était loin, et ce n'était pas notre problème, les "événements" c'était un peu de la théorie qui ne nous touchait guère, mais le 13 mai 58, nous étions en plein dans l'événement.

Un quasi coup d'État s'était produit à Alger, et les responsables de la IV ième république avait cédé aux généraux pustshistes. On se demandait si De Gaulle n'était pas lui même l'organisateur du désordre. Des parachutistes rebelles avaient pris la Corse, et Paris était menacé.

La conséquence la plus dramatique de tout ceci, c'est que le camp d'éclaireurs que je devais faire en Corse a été supprimé, pour des raisons de sécurité.

Un référendum a légitimité la nouvelle cinquième république, qui ressemblait à une monarchie élective, taillée sur mesure pour le Général De Gaulle qui s'est installé à l'Élysée.

Mes copains de classe et moi même pensions que les généraux d'Alger voulaient instaurer une dictature militaire en France et ils nous faisaient très peur. On était partisans de la paix en Algérie, d'une paix rapidement négociée qui calmerait la situation, sans avoir d'idées très précises, sur la nature cette solution.

 Il ne nous venait pas à l'idée que les français d'Algérie puissent être menacés, nous ne pensions jamais à eux. On pensait vaguement à une France fédérale, avec une autonomie en Algérie. Une réforme était urgente dans ces départements, il fallait donner aux musulmans les mêmes droits, les mêmes salaires qu'aux autres français, et on imaginait le coût que cela aurait pour les entreprises et le budget de l'État, on se demandait si cela aurait été supportable; mais on savait que la situation d'inégalité était scandaleuse, et qu'elle ne pourrait pas durer.

De Gaulle au pouvoir, ne me plaisait pas, si j'avais eu l'âge j'aurais voté non ! un de mes oncle l'a fait à Sao-Paulo, son copain aussi, et il n'y a eu que deux "non" parmi les français de ce district brésilien  !  ! il a pensé que les élections étaient probablement truquées, ce qui m'a enfoncé dans mon hostilité au Général de Gaulle.
        Ce même oncle avait assisté avec horreur à la répression des émeutes de Sétif après le 8 mai 45, et avait cru se trouver au millieu des nazis !
       Les violences continuaient, et j'étais deplus en plus anti gaulliste. M Samoun, notre rabbin, lui, le défendait griffes et ongles, jusqu'en 1967... à cette date De Gaulle a rompu l'alliance entre la France et Israël pour se ranger sans aucune délicatesse du côté des arabes.

Mon grand frère faisait des études de médecine, il avait raté sa seconde année, et devait repasser ses examens en septembre, c'était être médecin, ou partir vingt sept mois et vingt sept jours faire la guerre en Algérie. Il a bossé comme un dingue et a obtenu son année avec mention  ! !   quand je vous disais que celui qui court le plus vite, c'est celui qui a un lion aux trousses !  !  Mon oncle Jean, son diplôme d'ingénieur en poche,  a été envoyé en Algérie, il a servi dans une région pacifiée, il nous disait qu'il était au calme, car il n'y avait pas d'attaques, et pour cause, c'était là que les combattants de l'indépendance venaient se reposer. Il les voyait arriver et repartir en groupe et ne se faisait pas d'illusion sur la "pacification" dont se vantait la presse. Son épouse s'est promenée seule dans la casbah et personne ne l'a agressée, une fois, elle s'est même fait applaudir par des habitants du quartier pour son insouciance !

En 1961,  la guerre civile s'amplifiait en Algérie, les nouvelles étaient atroces, un article de presse m'avait impressionné. Dans une rue passante d'Alger, une voiture conduite par un "arabe" ralentit, un passager sort une mitraillette, et fusille les passants, enfants, femmes, il tue plusieurs personnes sans motifs, et part en trombe. La foule émue se rassemble, et arrête une autre voiture conduite par un "arabe", la foule en colère met le feu à la voiture, laissant le malheureux conducteur griller vivant, et pendant cet horrible spectacle, la foule a chanté la Marseillaise.

Au mois d'avril, 1961 les militaires ont bien senti que le Général de Gaulle s'était résolu à lâcher l'indépendance à l'Algérie, un coup d'État, voir une guerre civile était en préparation, une grande partie de l'état major était acquise aux putshistes, mais le général De Gaulle a réussi après s'être réfugié en Allemagne à reprendre les choses en main, sans violence, grâce entre autre à un message fort, qui a été entendu par les appelés du contingent, qui formaient l'essentiel des troupes.

C'est grâce à la diffusion toute récente des radios à transistor, sans fil que le putsh a échoué. Les soldats ont pu entendre le Président de Gaulle et sont resté loyaux !  !   Enfin, pendant ces jours d'angoisse, j'ai été Gaulliste, et cela n'a pas duré.

En 1962, le Général de Gaulle signe avec les représentants du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne les accords d'Evian qu'il soumet aux français pour approbation le 8 avril 1962.



Cet accord n'a pas été respecté cinq minutes.

Ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai compris la forfaiture des accords d'Évian. A la table des négociations, il y avait l'Élysée, et les responsables politiques du FLN réunis dans le GPRA Gouvernement Provisoire de la République Algérienne.  Personne n'avait jugé utile d'y associer les habitants de l'Algérie, ni les Européens pourtant bien élus (Les maires d'Alger et d'Oran par exemple), ni les rebelles de l'OAS, ni les représentants Kabyles, ni ceux des Aurès, ni aucun musulman de la société civile.  De Gaulle livrait l'Algérie aux arabes.  Il n'assurait plus aucune protection et abandonnait des villages entiers de français musulmans aux poignards des assassins.

En 1962, dans le train, j'ai eu l'occasion de discuter avec des acteurs de ce drame, des abominables personnages, un soldat français, et un combattant de l'indépendance, je ne vous répéterai pas ce qu'ils m'ont avoué avoir fait, ou avoir vu faire, c'était atroce. J'ai eu le plus grand mépris pour le musulman qui après avoir soutenu les crimes était venu chercher du travail en France au lieu de construire son pays.

Les juifs et les chrétiens qu'on a appelé abusivement "rapatriés" se sont sauvés, pensant avoir le choix entre la valise ou le cercueil. Pour les comprendre, il faut savoir que pendant que l'armée française était encore en place, elle n'est pas intervenue à Oran alors que des tueurs assassinaient plus de trois mille civils français à Oran. Je ne vous parlerai pas non plus de l'abandon ignoble des harkis qui s'étaient battus pour la France, certains ont pu se réfugier en France grâce à la désobéissance de quelques soldats d'honneur. Les familles de ceux qui sont resté en Algérie ont très souvent été lâchement assassinés. Les arabes au pouvoir, n'ont pas mis trois mois pour transformer les plus belles synagogues en mosquées, pour mettre au point un programme afin de remplacer la langue française, pour adhérer à la ligue arabe et faire venir des enseignants égyptiens et palestiniens qui ont enseigné l'antisémitisme à tous, les quelques juifs qui ont tenté de rester sont repartis, la mort dans l'âme au bout de trois ou quatre ans. Pour avoir la nationalité algérienne, il fallait être musulman.

On dit qu'il reste des juifs en Algérie, des personnes issues de mariages mixtes qui cachent leur religion, des berbères souvent kabyles qui se souviennent d'avoir été converti de force à l'islam il y a des générations, et qui cultivent dans leur âme des coutumes et des traditions très anciennes, et d'autres cas que j'ignore. Cette communauté serait secrète, et n'a aucune relation officielle avec le reste du judaïsme.

Les réfugiés d'Algérie à Troyes

La communauté juive de Troyes était en pleine renaissance, nous avions vu arriver des juifs marocains, dont la famille Margen, et notre rabbin, le regretté Abba Samoun. Le grand père Margen, ne manquait pas un office. Il s'ennuyait tellement à Troyes, car il ne parlait que l'arabe. Heureusement il rencontrait à la synagogue M Jonas Lévy de Phalsbourg qui habitait chez son fils, et qui ne parlait qu'alsacien ! !   Le dialogue des incompris était remarquable, ils se comprenaient et s'aimaient bien au delà des mots.
La communauté venait d'acheter un ensemble immobilier 5 rue Brunneval, avec de nombreuses salles à réaménager, afin de permettre un développement que nous espérions radieux.

L'été 62 a vu arriver à Troyes de nombreuses familles d'Algérie. Les français traversant la méditerranée ont préféré s'installer dans le midi, ou à Paris, ceux qui avaient de la famille se sont rapproché des leurs. Mais qui donc voulait venir à Troyes ?  L'administration a réparti de son mieux les familles souvent désargentées, qui n'avaient aucun lien avec la métropole, et les préfectures ont été chargées de l'accueil, il faut rendre hommage à leur dévouement, et en particulier à M Robert Boulin, secrétaire d'État aux rapatriés qui de Paris s'est dépensé sans compter. Sa mort suspecte probablement déguisée en suicide m'a fait énormément de peine.

On voyait arriver à la gare de Troyes des familles entières, grands parents, parents, enfants au milieu d'une montagne de malles, et de sacs de toutes tailles. Dans le grand hall de la SNCF, ils attendaient on ne sait quoi, on l'avait l'impression qu'ils étaient perchés en haut de leurs valises. A quoi pensaient-ils ?  ?   perdus !  !  ils étaient perdus dans un pays où ils n'avaient jamais mis les pieds, ni eux, ni leurs parents, ni leurs grands parents. Peut-être beaucoup ne savaient même pas où était Troyes  !    On les envoyait dans une ville qu'ils ne connaissaient pas, et on les appelaient "rapatriés". Terme mensonger, ils étaient bel et bien des réfugiés qui avaient tout laissé en Algérie, et qui devaient se reconstruire une nouvelle vie.

La Préfecture avait fait de son mieux pour l'accueille, des fonctionnaires étaient aussitôt nommés à la Poste, ou dans les bureaux, des logements étaient réquisitionnés, et les associations ont été mises à contribution. L'évêché et les communautés juive et protestante en particulier. Quand une famille arrivait, on se téléphonait, pour signaler que de nouveaux paroissiens venaient d'arriver.

On a fait ce qu'on a pu, j'avais monté une petite meute de louveteaux, des jeunes scouts de 8 à 11 ans et demi, affiliée au Éclaireurs et Éclaireuses Israélites de France, on était pas très nombreux, et à chaque réunion c'était l'angoisse de voir trop peu d'enfants présents.

 

Aussi l'afflux de réfugiés d'Algérie a été une bénédiction. Je faisais la tournée des familles pour savoir s'il n'y avait pas ici ou là des enfants à inscrire pour gonfler nos effectifs rachitiques. (Rachitique à Troyes, c'était un must). J'étais toujours bien reçu, parfois il y avait huit personnes dans un trois pièces, mais toujours un bon café et des petits gâteaux.

Le rabbin, Abba Samoun, avait organisé dans notre nouveau centre communautaire une cuisine cachère, et la synagogue grouillait de vie. On avait fait appel à la communauté pour loger des réfugiés, et mon père a mis gracieusement le logement de ses  parents, au rez de chaussée de notre maison familiale à la disposition de la famille Baroukel-Simon. Le confort était minimum, des wc dans la cour, pas de douche, et une isolation catastrophique. Cette famille était très perturbée, et les scènes de ménages fréquentes et violentes. Au premier étage, nous profitions de tout  !  !

Libération Champagne et l'Est Éclair, les journaux locaux parlait de l'OAS qui menaçait le préfet. Un jour, une ambulance de l'hôpital psychiatrique est venu à la maison, arrêter notre voisin si bruyant, c'était lui qui envoyait les lettres de menace !
Il a été interné quelques jours, puis relâché, il était responsable d'un bureau de poste, on l'a nommé dans un tout petit village, avec interdiction de venir en ville. La guerre d'Algérie avait perturbé cette famille, le "terroriste" avait été effleuré par une balle, il a cru sa dernière heure arrivée et il ne s'en était jamais remis, sa maman pleurait sans cesse, les "arabes" lui avait tout pris, elle était ruinée, on a appris ensuite qu'elle n'avait jamais rien eu, elle vendait au marché avec une charrette à bras, mais sa charrette c'était toute sa fortune, qu'allait-elle devenir sans elle ? de quoi allait elle vivre ? c'était des angoisses difficiles à comprendre pour un jeune homme de dix huit ans.

Madame Samoun, avec un immense dévouement faisait table ouverte, un jour d'été elle avait dix sept adultes à table, sans compter les enfants  !  je lui ai proposé de l'aide, et à sa plus grande satisfaction, j'ai emmené les enfants en promenade...

Il faisait très chaud, le temps était à l'orage, dans les rues de villes les enfants chantaient à tue tête sur l'air de l'eau vive, de Guy Béart " L'OAS fait du judo, elle est ceinture noire, elle a mis De Gaulle KO, l'a jté dans sa baignoire..."   Je n'étais pas fier de traîner une bande de salle gosses faisant de la pub pour l'OAS ! !  ce n'était pas tout à fait mes opinions, et cela pouvait me valoir des ennuis, alors j'ai tenté de les faire taire, et aussitôt ils entonnaient " Je suis le plastiqueur,  le marchand de bonheur !"  (d'après les compagnons de la chanson) . Le temps devenant trop orageux, après une petite tournée hors de la ville nous sommes rentré en ville.
Dans un jardin public, Léa fille du rabbin, du haut de ses six ans, regardait les poissons dans un joli bassin. L'occasion était trop belle, et un sacripant l'a poussé dans l'eau !


Je l'ai ressorti, mouillée comme un serpillère, et nous sommes vite rentré chez ses parents où les enfants se sont dispersés. Hélas, M Samoun et son épouse avaient profité du calme pour aller rendre visite à des amis. Alors je me suis souvenu d'un vieux couples réfugiés d'Algérie, M et Mme Habib qui habitaient à deux pas.
Ni une ni deux, je me précipite avec la petite Léa chez eux, ils ouvrent timidement la porte, et en nous voyant, ils s'exclament les larmes dans les yeux " On ne peut rien vous donner ! ! les arabes nous ont tout pris ! ! on a plus rien ! ! " . En quelques mots ils étaient rassurés, je voulais simplement qu'ils sèchent la petite en attendant le retour de ses parents... Un quart d'heure après c'était fait, je me précipite avec eux chez la famille Habib... et je vois Léa, habillée avec un peignoire de bain, une immense serviette sur la tête, avec un gigantesque bol de café au lait, et une montagne de petits gâteaux sur la table... et je pense qu'à ce moment, je suis tombé définitivement amoureux de ces gens là.

Et nous avons monté à Troyes une troupe d'EI (Éclaireurs Israélites) complète, avec louveteaux, éclaireurs dont s'occupait William Gozlan, et même des routiers avec son frère Pierre. William m'avait impressionné par son sens de l'organisation, et son tempérament de meneur d'homme, il m'a fait découvrir la musique andalouse, il venait de Constantine, et ville d'Enrico Macias. A travers lui c'était toute une culture que je découvrais, triste découverte, au moment de sa fin.

Puis j'ai quitté Troyes pour Besançon, où j'ai rencontré d'autres réfugiés d'Algérie, tous aussi attachants, et ensuite Dijon, où j'ai trouvé la femme de ma vie, naturellement originaire de Sidi Bel Abbès.


Michel Lévy

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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