Journal 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2020, 2021, 2022, 2023
Derière mise à jour
27-Sep-2024
Pour m'écrire, ou pour s'abonner à la liste de diffusion
Tribune. Depuis bien trop longtemps, les musulmanes et les musulmans en France sont la cible de discours venant parfois de «responsables» politiques, d’invectives et de polémiques relayés par certains médias, participant ainsi à leur stigmatisation grandissante.
Depuis des années, la dignité des musulmanes et des musulmans est jetée en pâture, désignée à la vindicte des groupes les plus racistes qui occupent désormais l’espace politique et médiatique français, sans que soit prise la mesure de la gravité de la situation.
Depuis des années, les actes qui les visent s’intensifient : qu’il s’agisse de discriminations, de projets ou de lois liberticides, d’agressions physiques de femmes portant le foulard, d’attaques contre des mosquées ou des imams, allant même jusqu’à la tentative de meurtre.
L’attentat contre la mosquée de Bayonne le 28 octobre, en est la manifestation la plus récente et les services de l’Etat savent que la menace terroriste contre les lieux de culte musulmans est grande.
Il a fallu que cette violence jaillisse aux yeux de tous, à travers l’humiliation d’une maman et de son enfant par un élu RN au conseil général de Bourgogne-Franche-Comté, pour que tout le monde réalise ce que des associations, des universitaires, des personnalités, des syndicats, militants et au-delà, des habitants, dénoncent à juste titre depuis des années : l’islamophobie en France est une réalité. Quel que soit le nom qu’on lui donne, il ne s’agit plus ici de débats d’idées ou de critique des religions mais d’une forme de racisme explicite qui vise des personnes en raison de leur foi. Il faut aujourd’hui s’unir et se donner les moyens de la combattre, afin que plus jamais, les musulmanes et les musulmans ne puissent faire l’objet de tels traitements.
Puisque les discours et déclarations d’intention ne suffisent plus, parce que l’heure est grave : le 10 novembre à Paris nous marcherons pour dire :
- STOP aux discours racistes qui se déversent sur nos écrans à longueur de journée, dans l’indifférence générale et le silence complice des institutions étatiques chargées de lutter contre le racisme.
- STOP aux discriminations qui visent des femmes portant le foulard, provoquant leur exclusion progressive de toutes les sphères de la société.
- STOP aux violences et aux agressions contre les musulmanes et les musulmans, qui se retrouvent progressivement déshumanisés et stigmatisés, faisant d’eux des terroristes potentiels ou des ennemis de l’intérieur.
- STOP aux délations abusives jusqu’au plus haut niveau de l’Etat contre des musulmans dont le seul tort serait l’appartenance réelle ou supposée à une religion.
- STOP à ces dispositifs de surveillance de masse qui conduisent à une criminalisation pure et simple de la pratique religieuse.
Les conséquences, notamment pour des salariés licenciés et des familles déstabilisées, sont désastreuses et ne peuvent plus être tolérées. Cette criminalisation se fait au détriment des libertés fondamentales et des principes les plus élémentaires d’égalité censés guider notre pays.
Nous, musulmans ou non, disons STOP à l’islamophobie et nous serons nombreux pour le dire ensemble le 10 novembre prochain à Paris.
Nous appelons toutes les organisations, toutes les associations, tous les collectifs, toutes les fédérations de parents d’élèves, tous les partis politiques, toutes les personnalités, tous les médias, toutes les personnes solidaires à se joindre à cet appel solennel et à répondre présent à la marche du 10 novembre prochain.
Il en va des libertés fondamentales de tous. Il en va de la dignité et de l’intégrité de millions de concitoyens. Il en va de notre unité à tous, contre le racisme sous toutes ses formes qui, aujourd’hui, menace une nouvelle fois la France.
Un appel initié par Madjid Messaoudene (élu de Saint-Denis), la Plateforme L.e.s. Musulmans; Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA); le Comité Adama; le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF); l’Union communiste libertaire (UCL); l’Union nationale des étudiants de France (Unef), Taha Bouhafs (journaliste).
Premiers signataires : Action Antifasciste Paris Banlieue (AFA) ; Arié Alimi, avocat ; Pouria Amirshahi , directeur de publication de Politis ; Manon Aubry, eurodéputée ; Etienne Balibar, universitaire ; Ludivine Bantigny, historienne ; Yassine, Belattar, humoriste ; Esther Benbassa, sénatrice EE-LV de Paris ; Olivier Besancenot, NPA ; Saïd Bouamama, sociologue ; Leïla Chaibi, eurodéputée LFI ; André Chassaigne, député, président du groupe GDR ; David Cormand, secrétaire national d’EE-LV ; Laurence De Cock, enseignante ; Vikash Dhorasoo, ancien de joueur de foot, parrain d’Oxfam et président de Tatane ; Rokhaya Diallo, journaliste et réalisatrice ; Pierre Jacquemain, rédacteur en chef de Regards ; Eric Fassin, sociologue ; Elsa Faucillon, députée PCF ; Fédération syndicale unitaire (FSU) ; Fianso, artiste ; Front uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP) ; Geneviève Garrigos, féministe, militante des Droits humains ; Vincent Geisser, politologue ; Alain Gresh, journaliste ; Nora Hamadi, journaliste ; Benoît Hamon, Génération.s ; Yannick Jadot (eurodéputé EE-LV) ; Mathilde Larrère, historienne ; Mathieu Longatte (Bonjour Tristesse) ; Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT ; Jean-Luc Mélenchon et l’ensemble du groupe parlementaire La France insoumise ; Marwan Muhammad, auteur et statisticien ; Younous Omarjee, eurodéputé ; Stéphane Peu, député PCF ; Edwy Plenel, journaliste ; Maryam Pougetoux et Mélanie Luce, Unef ; Jérôme Rodrigues, gilet jaune ; Julien Salingue, docteur en science politique ; Pierre Serne (porte-parole de Génération.s) ; Michèle Sibony et l’Union juive française pour la paix (UJFP) ; Laura Slimani, élue de Rouen, direction nationale de Génération.s ; Azzédine Taibi, maire PCF de Stains ; Sylvie Tissot, sociologue ; Aida Touihri, journaliste ; Assa Traoré, comité Adama ; Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac ; Union syndicale Solidaires ; Dominique Vidal, journaliste et historien.
A sa demande, le nom de Caroline de Haas a été retiré de la liste des signataires. Elle précise toutefois qu'elle sera présente à la manifestation.
Appel de Dijon Une dizaine d’associations, de partis et de collectifs dijonnais appellent à rejoindre la manifestation parisienne contre l’islamophobie qui se tiendra dimanche 10 novembre.
Depuis plusieurs dizaines d’années, les musulmans de France sont victimes de manifestations de racisme, qu’elles concernent la pratique de leur foi, leur apparence ou leur origine.
Assimilés au terrorisme, suspectés de ne pas adhérer aux principes de la République, les musulmans font l’objet de discriminations et de stigmatisations constantes.
Les discours de haine se répandent partout y compris au sein de responsables politiques de diverses obédiences et sont amplifiés par certains médias.
Ce qui s’est produit à Bayonne en est la conséquence et doit être dénoncé pour ce qu’il est : un acte raciste commis contre un édifice du culte et deux personnes parce que musulmans.
Nos organisations appellent à rejeter cette haine et à manifester une solidarité sans réserve à l’égard de celles et ceux qui en sont les victimes.
Elles appellent à inscrire la lutte contre l’islamophobie dans la lutte contre toutes les formes de racisme et soutiennent la manifestation nationale à Paris du 10 novembre.
Amnesty international Dijon, ATTAC21, Collectif contre l’islamophobie en France, Confédération syndicale des Familles 21, EELV, FSU 21, JMFB, Ligue des Droits de l’Homme, Mouvement de la Paix, NPA, SOS racisme
La marche contre l’islamophobie du dimanche 10 novembre a ravivé une polémique autour de ce terme qui dure depuis l’après 11-septembre.
Manifestation contre l’islamophobie, dimanche 10 décembre 2019 à Paris. GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP
« Hostilité envers l’islam, les musulmans. » La définition du Larousse a le mérite d’être claire. Pourtant, le mot islamophobie n’en finit pas de faire débat en France, objet depuis une quinzaine d’années de passes d’armes entre ceux qui l’utilisent pour dénoncer les discriminations envers les musulmans et ceux qui considèrent qu’il cache une volonté d’éteindre toute critique de l’islam, et porte ainsi atteinte à la liberté d’expression.
Le fameux néologisme s’est une fois de plus invité en une de l’actualité ces derniers jours, à l’occasion d’une marche contre l’islamophobie qui a rassemblé environ 13 500 personnes à Paris, dimanche 10 novembre. Avec le retrait de plusieurs personnalités ayant signé, dans un premier temps, la tribune appelant à manifester dans Libération, l’événement a notamment fait entrevoir des fractures au sein de la gauche.
Cela a souvent été le cas ces dernières années, en particulier depuis les attentats de 2015, deux gauches apparemment irréconciliables s’étant constituées autour de personnalités comme le journaliste Edwy Plenel et, dans l’autre « camp », l’ancien premier ministre Manuel Valls. Ce dernier, accusant le directeur de Mediapart de « complicité intellectuelle » avec le terrorisme, a même qualifié, dès 2013, le terme islamophobie de « cheval de Troie des salafistes ».
D’où vient ce néologisme aujourd’hui si chargé idéologiquement et politiquement ? Comme le rappelle un article détaillé dans Orient XXI, la première utilisation retrouvée remonte à 1910, en pleine période coloniale, sous la plume d’ethnologues spécialisés dans l’étude de l’islam ouest-africain. Cette année-là, dans sa Politique musulmane de l’Afrique occidentale française, Alain Quellien définit l’islamophobie comme un « préjugé contre l’islam répandu chez les peuples de civilisation occidentale et chrétienne ».
Le terme fait ainsi son entrée dans la langue française, et restera usité dans les années 1920, mais uniquement par « quelques cercles d’anthropologues, de poètes ou de peintres islamophiles » de l’époque, selon le sociologue Vincent Geisser. Ce chercheur au CNRS a publié, en 2003, la première étude synthétique sur la question (1).
Le spécialiste affirme que ce mot n’a toutefois pas tardé à disparaître du vocabulaire dans la première moitié du XXe siècle, pour ne réapparaître qu’« au début des années 2000, après le 11-septembre ». En novembre 2001, en effet, l’ancien directeur du Monde diplomatique Alain Gresh signe dans ses colonnes un article novateur dénonçant l’islamophobie et appelant à « en finir avec les raccourcis ».
Mais le mot ne plaît pas à tout le monde. Deux ans plus tard, en 2003, les écrivaines Caroline Fourest et Fiammetta Venner soutiennent dans Libération qu’il a été forgé par les mollahs iraniens « qui souhaitaient faire passer les femmes qui refusaient de porter le voile pour de “mauvaises musulmanes” en les accusant d’être “islamophobes” ».
Cette thèse est reprise en 2010 dans le Dictionnaire historique de la langue française, puis par de nombreuses personnalités, de l’essayiste Pascal Bruckner à la députée Valérie Boyer, encore en août 2018.
Pourtant, si le régime iranien a bien brandi cette thématique de l’islamophobie après 1979, il n’a pas inventé le terme, comme le montre une longue analyse du service fact-checking de l’AFP. « Il n’existe pas de réel équivalent à “islamophobie” en persan et en arabe, ce genre de néologisme étant très rare dans les deux langues », justifient les sociologues Marwan Mohammed et Abdellali Hajjat, rattachés au CNRS (2).
Au fil des années, la question est en tout cas relancée à chaque nouvelle polémique : ce terme est-il vraiment adapté pour parler de discrimination envers les musulmans ? Au printemps 2015, quelques mois avant les attentats de Paris, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) se dit favorable à l’usage de ce mot, tout en jugeant utile de le compléter par les expressions « manifestations de haine antimusulmane » et « actes antimusulmans ».
Certains vont même jusqu’à revendiquer un « droit » à l’islamophobie, comme le fondateur du Point Claude Imbert (en 2003, sur LCI, il estimait que l’islam « en tant que religion » apporte « une débilité d’archaïsmes divers ») ou plus récemment le philosophe Henri Peña-Ruiz, lors de l’université d’été de La France insoumise en août 2019 : « On a le droit d’être athéophobe, comme on a le droit d’être islamophobe, comme on a le droit d’être cathophobe », avait-il déclaré, provoquant un énième tollé.
(1) La nouvelle islamophobie, Éd. La Découverte, 2003, 128 p., 6,50 €
(2) Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman », Éd. La Découverte, 2013, 190 p., 21 €
Lors de la « marche contre l’islamophobie » organisée dimanche 10 novembre à Paris, plus de 13 000 personnes, selon le comptage des médias, ont protesté contre les « discriminations contre les musulmans » en France. Des manifestants venus d’horizons très divers.
A Paris, dimanche 10 décembre 2019, manifestation contre l’islamophobie.OLIVIER ARANDEL/PHOTOPQR/LE PARISIEN/MAXPPP
Plusieurs milliers de personnes ont défilé dans le calme, dimanche 10 novembre, pour une « marche contre l’islamophobie », organisée à Paris par plusieurs collectifs. Ils étaient 13 500, selon le comptage réalisé par le cabinet Occurence pour un collectif de médias. Une affluence qui a surpris les organisateurs eux-mêmes, quelques jours après la publication d’un texte appelant à manifester, signé par des dizaines de personnalités mais qui a suscité de très fortes polémiques.
Tout au long du cortège, les slogans, révélateurs des horizons très différents dont venaient les manifestants, étaient très souvent concentrés sur la « lutte contre l’islamophobie », mais aussi l’expression d’une « solidarité avec les femmes voilées ». « Mon foulard, c’est mon choix. On s’habille comme on veut », a-t-on entendu.
Plusieurs banderoles dénonçaient aussi « les lois liberticides » quand d’autres proclamaient : « Stop au harcèlement des femmes qui portent le voile. » Ou encore : « Voile = soumission à Dieu, pas aux hommes. » La photo d’une jeune fille arborant l’autocollant d’une étoile jaune au centre de laquelle est inscrit le mot « muslim » - autocollant distribué largement en marge du défilé - a suscité de nombreuses réactions indignées. À plusieurs reprises, la foule a également été invitée à scander « Allah Akhbar ».
À la fin de la manifestation, l’ancien directeur du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), Marwan Muhammad, a énoncé les deux « revendications principales » des organisateurs : la « reconnaissance officielle de l’islamophobie dans la loi », ainsi que la mise sur pied d’un « plan national de lutte contre l’islamophobie ». « Faisons quelque chose de concret pour que l’on puisse vraiment avancer », explique-t-il à la Croix.
Interrogé sur les polémiques qui ont émaillé l’organisation de la marche, notamment sur l’emploi du terme « islamophobie » ou encore la présence de collectifs ou de personnalités proches des frères musulmans, comme l’imam francilien Noureddine Aoussat, il balaie les critiques d’un revers de main : « La manière dont est traitée la marche est une façon de stigmatiser les musulmans », estime-t-il. « Il y a toute une série d’accusations que nous rejetons en bloc », poursuit-il.
Sans remettre directement en cause les lois, notamment celles interdisant le port de signes religieux ostensible dans les services publics, il appelle à « tirer un bilan » de ces textes. « Le plus souvent, il y a une interprétation abusive de ces lois, comme lorsqu’on refuse à une étudiante portant le voile de suivre un TD à l’université, alors que la loi concerne uniquement l’enseignement primaire et secondaire », poursuit Marwan Muhammad.
Dans la foule qui a défilé de la gare du Nord à Nation, plusieurs sont venus en famille. « Je suis là pour défendre les valeurs de vivre ensemble », explique Youssef, 40 ans, venu du Val-d’Oise. « On peut être laïc et porter le voile, ou pas. » Le jeune homme déplore que les musulmans « soient assimilés à des intégristes ». « Nous, on défend la laïcité », insiste-t-il.
À ses côtés, son père, Lahcène, opine du chef. Et ajoute : « Ce n’est pas parce que vous avez 2 % de fous dans votre famille que vous en êtes un aussi. » Une allusion aux terroristes qui se réclament de l’islam. « Mon père, venu de l’Est de l’Algérie, s’est installé en France en 1945 après avoir combattu contre les Allemands. Nous n’avons rien à voir avec des extrémistes. »
« Je n’ai pas envie que l’on me dise un jour qu’il n’est pas possible d’accompagner mon fils à des sorties », ajoute, quelques mètres plus loin, Btissam, 33 ans, venue du Val-d’Oise avec son fils de 7 ans. Voile bordeaux autour de la tête, elle poursuit : « J’ai toujours accompagné les sorties et pour les enfants, nous ne sommes pas des femmes voilées, nous sommes des mamans. »
Parmi les slogans scandés par la foule, certains étaient hostiles à l’éditorialiste Éric Zemmour, au président du Printemps républicain Laurent Bouvet ou encore au ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer. « Je suis prof et l’attitude du ministre dont je dépends a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », insiste Romain, 33 ans, qui enseigne l’histoire-géographie dans un lycée de Gonnesse. « Sous-entendre que les femmes voilées n’ont pas à accompagner les sorties scolaires est inacceptable et répugnant », poursuit-il.
L’enseignant raconte que ces derniers jours, des jeunes femmes de 17 ans, parmi ses élèves, se sont dites choquées par les polémiques. « Elles me disent qu’elles ne savent pas comment elles vont s’intégrer dans la société, quelle va être leur place. Que leur répondre ? » Avant d’ajouter : « Pas besoin de convoquer les frères musulmans ou Ben Laden pour dénigrer cette mobilisation. Le terme seul de lutte contre l’islamophobie devrait suffire à nous faire descendre dans la rue. »
Tout au long du parcours, quelques drapeaux politiques étaient également visibles, comme ceux d’EELV, de la France insoumise, de l’Unef ou du PCF, ainsi que de la ligue des droits de l’homme ou des anarchistes de la CNT. Autant de signes laissant apparaître une mosaïque d’organisations très diverses. Peu de responsables politiques de premier plan avaient rejoint la marche, à l’exception de plusieurs députés LFI, dont Jean-Luc Mélenchon, Danièle Obono et Éric Coquerel. Le patron du groupe LFI avait affirmé quelques heures plus tôt devant la presse qu’il était présent pour défendre « une catégorie de gens qui se sent menacée », mais aussi pour soutenir « la liberté de culte », malgré les désaccords avec certains autres participants à la manifestation.
Un raisonnement également tenu par Ian Brossat, adjoint PCF à la mairie de Paris. « On peut polémiquer à l’infini sur l’emploi des termes justes à employer, mais il est indéniable que nous assistons la montée d’un climat raciste dans notre pays », insiste-t-il. « Une manifestation n’est pas un club privé. J’ai manifesté après Charlie Hebdo malgré la présence de dictateurs. Je ne le regrette pas. De même, rien ne m’aurait dissuadé de venir à la marche d’aujourd’hui. »
Source AFP
« Vivre ensemble, c'est urgent » : quelques milliers de personnes étaient rassemblées dimanche en début d'après-midi à Paris pour la manifestation contre l'islamophobie, qui a fortement divisé le monde politique. « Oui à la critique de la religion, non à la haine du croyant », « stop à l'islamophobie », « vivre ensemble, c'est urgent », pouvait-on lire sur des pancartes de manifestants réunis devant la gare du Nord à 13 heures. Il y avait aussi de nombreux drapeaux français. « Solidarité avec les femmes voilées », ont scandé des participants. Selon un premier comptage réalisé par le cabinet Occurrence pour un collectif de médias, dont l'Agence France-Presse, la marche a rassemblé 13 500 personnes à Paris.
La manifestation, lancée à l'appel de plusieurs personnalités et organisations comme le NPA ou encore le Collectif contre l'islamophobie en France, est arrivée vers 16 heures place de la Nation. Le rassemblement controversé divise la gauche et suscite de vives critiques de la part du Rassemblement national (RN). Le RN estime notamment qu'il s'agit d'une alliance avec les « islamistes ». De son côté, le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a appelé dimanche à ne pas « confondre quelques personnes avec la valeur de la cause qui est servie », juste avant le début d'une marche contre l'islamophobie controversée.
« On vient alerter, dire qu'il y a un niveau de haine à ne pas dépasser. On est ouverts à la critique, mais il ne faut pas dépasser certaines limites dans l'agression », a déclaré à l'Agence France-Presse un manifestant, Larbi, un entrepreneur de 35 ans. « On veut se faire entendre, prôner une société mixte et le vivre ensemble, ne pas être écartés de la société » a déclaré à l'Agence France-Presse Asmae Eumosid, une femme voilée de 29 ans venue d'Épinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). « On entend tout et n'importe quoi sur l'islam et sur les femmes voilées aujourd'hui. On essaie de stigmatiser les musulmans, de les mettre à l'écart de la société », a assuré cette ingénieure dans l'automobile.
À Toulouse, Mouss Amokrane, chanteur du groupe Zebda, s'est joint à la mobilisation d'environ 200 personnes. « C'est flagrant, la multiplication, l'explosion des actes antimusulmans », regrette-t-il. « Avec ou sans foulard, on en a marre d'être les dernières de la classe », souligne sa mère Nadjet Fellah, infirmière, qui s'est battue en Algérie contre le port du voile. « J'ai choisi de ne pas le porter, mais ça me fait mal que celles qui le portent soient prises à partie. »
À Marseille, quelques centaines de personnes – familles musulmanes, mais aussi syndicalistes et militants de gauche – étaient également rassemblées dimanche après-midi porte d'Aix sous des pancartes « l'islamophobie tue ». La foule a scandé « nous sommes tous des enfants de la République ». Claudine Rodinson, retraitée de 76 ans, venue avec une poignée de militants Lutte ouvrière, ne comprend pas ceux qui, « à gauche, ont perdu leur dignité ». « Il y a une propagande scandaleuse faite contre les musulmans, un amalgame entre terrorisme et islam », dénonce-t-elle.
Depuis l'appel à manifester, la classe politique se déchire sur cette thématique. La notion même d'« islamophobie » ainsi que l'identité de certains signataires de l'appel ont conduit une partie de la gauche à ne pas s'y associer, au PRG ou au PS (qui a annoncé travailler à l'organisation d'une prochaine manifestation contre le racisme). Mais dans le cortège parisien, plusieurs élus de La France insoumise (Clémentine Autain, Danièle Obono, Éric Coquerel…) étaient bien présents au côté de leur chef de file Jean-Luc Mélenchon, qui a appelé avant le départ de la marche à ne pas « confondre quelques personnes avec la valeur de la cause qui est servie ».
À la marche du 10 novembre, contre la haine des musulmans. Jean Luc Mélmenchon a déclaré : «L’unité du peuple français est le préalable à l’indivisibilité de la République. »
Ce à quoi un internaute à répondu :
Également dans la rue, Ian Brossat, porte-parole du PCF, estime qu'« il y a un climat de haine contre les musulmans ». « On ne peut rester les bras ballants », ajoute-t-il fustigeant au passage les attaques de la présidente du Rassemblement national. Marine Le Pen avait en effet estimé samedi qu'il s'agissait d'une manifestation « main dans la main avec les islamistes ».
Plusieurs membres du gouvernement ont également eu des mots très durs contre le rassemblement qualifié d'« insupportable » par le secrétaire d'État en charge de la Jeunesse, Gabriel Attal. « La France insoumise et des cadres d'EELV sont pris la main dans le pot de confiture clientéliste et communautariste », a-t-il dénoncé. Évoquant des « ambiguïtés », Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, a estimé que la marche dressait les gens « les uns contre les autres ».
« Dans des moments comme cela, il ne faut pas confondre quelques personnes avec la valeur de la cause qui est servie », avait estimé Jean-Luc Mélenchon lors d'une conférence de presse. Faisant valoir que « dans d'autres manifestations il y a des personnes indésirables », le député de Marseille a aussi déploré que l'on finisse « par oublier l'événement fondateur » de cette manifestation, à savoir « la tentative de meurtres devant la mosquée de Bayonne » qui a fait deux blessés par balle fin octobre. Le tireur présumé est un ancien candidat du Front national aux cantonales.
Il a aussi dénoncé « l'ambiance de haine, de vindicte et de stigmatisation des musulmans qui règne depuis quelques mois » en France. « Il faut entourer d'affection, de fraternité, ceux qui sont montrés du doigt », a poursuivi Jean-Luc Mélenchon, animé de la « tranquille sérénité de ceux qui défendent une cause juste ». Au même moment sur BFM TV, déplorant la participation de Jean-Luc Mélenchon qui « a été un grand laïc », la députée Aurore Bergé, porte-parole de LREM, s'est élevée contre « une marche qui attaque l'État et qui utilise un terme (islamophobie) dont on sait bien qu'il est utilisé à des fins politiques ».
En revanche, « si demain il y avait une grande marche pour lutter contre le racisme sous toutes ces formes, nous serions les premiers à être présents », a-t-elle ajouté. Au Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro, le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand (ex-LR) a aussi pointé « des islamistes à l'origine de cette marche ». « La France n'est pas islamophobe », a aussi affirmé l'ancien ministre.
- « Vous êtes forts devant le micro » : Julien Odoul tancé par un élu régional
- Marine Le Pen fustige la marche contre l’islamophobie
- Coignard – Islamophobie : l’aveuglement de la gaucheCoignard
– La laïcité instrumentaliséeCoignard
– Le monde délirant de François Ruffin
- Arthur Chevallier – Islam en France : l’exemple de Napoléon et du judaïsme
Un leader de la manifestation
"On dit Allah Akbar par ce qu'on en a marre que les média fasse de cette expression religieuse pour une déclaration de guerre, on dit Allah Akbar car on est fier d'être musulman, et on est fier d'être citoyen français"
« Prôner l'indivisibilité de la République à une marche dont le mot d'ordre est que les lois laïques sont liberticides ? A l'initiative d'intégristes qui défendent le modèle communautariste ? Il n'y a pas de convergence des luttes avec les ennemis de la République. »
« On ne peut pas faire l'unité avec des gens qui ne veulent pas vivre avec nous mais à notre place, des gens qui ne respectent pas les valeurs de notre république et que vous encouragez dans leur délire malsain. Vous predrez beaucoup plus d'électeurs que vous en gagnerez à ce jeu. »
« Feriez vous la même choses pour la haine des catholiques ? En 2018: - 1000 actes antichretiens env - 500 actes antisémites env - 100 actes antimusulmans (plus bas niveau depuis 2010) On rappelle aussi ce que vous disiez à #ONPC chez *Ruquier »
« Je ne doute pas de votre sincérité, mais dans cette manif, il y avait un grand nombre de personnes qui veulent diviser et communautariser la France. Revenons a nos valeurs et ne laissons pas les frères musulmans distiller leur venin. »
« Bien montré aujourd'hui, la France une et indivisible, tous ensemble avec nos histoires différentes, dans le respect et la confiance. »
« Beaucoup ont dénoncé qu'il faut pas marcher avec les islamistes je savais pas qu'il y avait autant d'islamiste, moi je ne vois que des musulmans victimes des politiques qui les cibles pour gagner des voix a chaque fois que les élections approche parceque cest le sujet d'audience »
PUBLIÉ LE 11/11/2019
Que nos contemporains stigmatisés s'identifient à ces souffrances passées est tout à fait compréhensible" : Esther Benbassa a répondu à la polémique montante sur la photo, postée sur son compte Twitter, où la sénatrice écologiste est accompagnée de plusieurs personnes portant sur leur manteau un autocollant avec une étoile jaune où il est inscrit "muslim" à côté d'un croissant jaune.
"Je n'avais pas remarqué ces insignes : une étoile à 5 branches (celle portée par les Juifs en comptait 6), un croissant de lune évoquant la fin du Ramadan. Et me voici traitée d'antisémite et de négationniste. Moi, une juive, ayant consacré ma vie à écrire l'histoire des miens", a réagi la sénatrice sur Twitter mettant en photo plusieurs de ses livres écrits ou co-écrits sur le judaïsme.
Et s'il (le port de l'étoile ndlr) n'était qu'un hommage aux souffrances passées des juifs et une mise en garde contre toute possible dérive ?", se demande-t-elle, dénonçant une tentative de "salir une marche réussie, fraternelle, chaleureuse".
Plusieurs personnalités politiques ont vivement critiqué la photo, tout comme la marche en raison de certains de ses initiateurs et de l'appel à manifester mentionnant des "lois liberticides". "La condition des Juifs dans les années noires et celle des musulmans aujourd'hui ne sont pas comparables", souligne également la sénatrice.