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Racisme et violences
Revue de presse

Mort de George Floyd : ce qu'il s'est passé, minute par minute

Source :  LCI   02 juin 2020  - La rédaction de LCI

RÉCIT - Une semaine après le décès de George Floyd, le New York Times revient en détail sur l'intervention policière qui a entraîné la mort de l'Afro-Américain.

8 minutes et 46 secondes. 8 minutes et 46 secondes qui ont changé le visage l'Amérique.

Tout commence lundi 25 mai 2020, les policiers de Minneapolis reçoivent un appel après qu'un homme a acheté des cigarettes dans un magasin avec un faux billet de 20 dollars. Cet homme, c'est George Floyd, un videur de boîte de nuit qui a perdu son travail à cause de la crise sanitaire du coronavirus.

Le New York Times, dans une longue enquête vidéo, retrace cette journée du 25 mai qui a conduit à l'interpellation, puis à la mort, de l'Afro-Américain de 46 ans. Grâce à des images de vidéo surveillance, des vidéos de témoins interrogés, des rapports officiels et des consultations d'experts, le journal revient en détail sur l'intervention policière qui a eu lieu à Minneapolis, au croisement entre le 38th Street et Chicago Avenue.

A 19h57, deux employés de Cup Foods, un magasin situé à ce croisement, confrontent George Floyd et ses amis assis dans son van bleu, et suspectent ce dernier d'avoir utilisé un faux billet de 20 dollars pour acheter des cigarettes. Ils réclament les cigarettes mais retournent au magasin sans avoir pu les récupérer. 

À 20h01, ils appellent la police en expliquant que George Floyd a utilisé de faux billets pour s'acheter de cigarettes, qu'il a l'air ivre et semble avoir perdu ses moyens. Peu après deux policiers arrivent sur les lieux, les officiers Thomas Lane et J. Alexander Kueng qui se présentent devant le véhicule. L'officier Lane sort son arme sans que l'on sache les raisons qui l'ont poussé à faire ce geste et ordonne à George Floyd de poser ses mains sur le volant. L'officier Lane range ensuite son pistolet et moins de deux minutes après extrait George Floyd du véhicule et le menotte. L'Afro-Américain, qui n'oppose pas de résistance particulière, est plaqué contre un mur par l'officier Kueng avant de se retrouver assis par terre. Une deuxième voiture de police arrive en renfort.

" Je n'arrive pas à respirer ! "

Six minutes après son arrestation, George Floyd est conduit en direction de la voiture de police mais s'effondre au niveau du véhicule. Il explique alors aux forces de l'ordre qu'il est claustrophobe et qu'il refuse de monter dans la voiture. Il se débat et tourne sa tête en direction des policiers pour s'adresser à eux plusieurs fois.

Un troisième véhicule de police arrive alors dans lequel se trouvent les officiers Tou Thao et Derek Chauvin, deux policiers ayant fait l'objet de plusieurs plaintes pour des interventions violentes. L'officier Chauvin intervient alors pour forcer George Floyd à monter dans la voiture. Une caméra de surveillance du magasin Cup Foods montre alors l'officier Kueng essayer d'installer George Floyd sur la banquette arrière du véhicule.

L'officier Chauvin finit par le faire sortir et le plaque au sol sur le bitume, à côté de la voiture de police. Deux témoins filment alors la scène. Une première vidéo montre que les quatre officiers de police cités plus tôt entourent l'Afro-Américain. Trois d'entre eux l'immobilisent en se mettant à genou sur George Floyd. L'officier Lane exerce une pression au niveau des jambes, l'officier Kueng au niveau du dos et l'officier Chauvin au niveau du cou.

À 20h20, George Floyd supplie les policiers en leur expliquant qu'il ne peut pas respirer. L'officier Lane demande alors au témoin de s'éloigner. L'un des policiers appelle alors les secours et leur explique que la bouche de George Floyd saigne.

L'appel passe en code 3, le code qui s'applique pour une assistance médicale d’urgence. Un autre témoin filme alors la scène sous un autre angle. La vidéo montre alors que l'officier Chauvin continue d'appuyer sur le cou de George Floyd avec son genou, malgré l'appel émis aux urgences. L'extrait ne permet toutefois pas de déterminer si les officiers Lane et Kueng exercent toujours une pression sur Floyd.

"Je n'arrive pas à respirer. S'il vous plait - le genou sur mon cou", supplie George Floyd à plusieurs reprises. "Eh bien mets-toi debout et monte dans la voiture mon gars", lui répond un officier de police. "Je le ferai. Je ne peux pas bouger!", répond George Floyd. "Monte dans la voiture!", lui répond encore une fois un policier. "Je ne peux pas!", explique Floyd qui répète au moins 16 fois en moins de cinq minutes qu'il ne parvient pas à respirer.  

Prenez son pouls !"

À 20h25, George Floyd ne parle plus et semble inconscient, les yeux fermés. Les témoins supplient à leur tour Chauvin d'arrêter de l'immobiliser avec son genou. "Qu'est-ce qui va pas chez vous?", lance un témoin aux policiers. "Il ne bouge pas !", observe un autre.  

Selon une note du département de la police de Minneapolis, l'immobilisation par le cou d'un individu ne peut être employée par un officier de police que si la personne "résiste activement à son interpellation". Aucun des policiers ne portera assistance à George Floyd avant l'arrivée de l'ambulance. "Prenez son pouls !", demande un témoin. L'officier Lane aurait alors demandé deux fois à Chauvin s'il fallait retourner Floyd, allongé sur le dos, Chauvin lui répond que non. 

À 20h27, l'ambulance arrive sur les lieux, les secours vérifier alors le pouls et sortent un brancard pour transporter George Floyd, toujours inconscient et immobilisé par Derek Chauvin. Il ne retirera son genou que lorsque les secours le lui demanderont. L'officier de police aura exercé une pression avec son genou sur le cou de George Floyd pendant 8 minutes et 46 secondes. George Floyd est alors transporté dans l'ambulance qui quitte la scène mais appelle des pompiers en renforts. 

MORT DE GEORGE FLOYD : L'INDIGNATION MONDIALE

À 20h32, les pompiers arrivent sur le lieu de l'interpellation. Mais aucun des officiers ne leur donnent des informations sur l'état de santé de George Floyd et sur la direction prise par l'ambulance, ce qui les empêche de porter assistance aux équipes paramédicales. George Floyd fait alors un arrêt cardiaque dans l'ambulance. Les pompiers mettent cinq minutes à atteindre l'ambulance où se trouve l'Afro-Américain mais ils ne parviennent pas à le sauver. George Floyd est déclaré mort à 21h25.

Mortde George Floyd :
le récit des 10 jours qui ont ébranlé les Etats-Unis

Par Marie Fiachetti  Publié le  juin 2020   Le Nouvel Obs

 

Le 25 mai, George Floyd, un Afro-américain de 46 ans, décédait sous le genou d’un policier blanc lors d’une interpellation. Depuis, la colère, les rassemblements et les émeutes se sont répandus dans tous les Etats-Unis, gagnant un écho international.

Plus de dix jours après la mort de George Floyd, homme noir de 46 ans décédé le 25 mai, asphyxié par un policier blanc, la colère continue de gronder aux Etats-Unis. De Minneapolis d’abord puis à travers tout le pays, les manifestants réclament justice pour le père de famille et toutes les autres victimes de violences policières, qui touchent particulièrement les Afro-Américains. Entre marches pacifiques et émeutes, genoux à terre des policiers américains et menaces de Donald Trump contre les manifestants, « l’Obs » revient sur ces deux semaines qui ont fait basculer l’Amérique.

8 minutes, 46 secondes : la mort de George Floyd sous le genou d’un policier blanc

Le 25 mai, jour du « Memorial Day » aux Etats-Unis, George Floyd part s’acheter des cigarettes en début de soirée dans un magasin de son quartier de Minneapolis, comme le raconte le « New York Times » dans un récit détaillé des faits. Un caissier soupçonne le billet avec lequel il a payé d’être un faux. Il appelle la police, ajoute que son client semble ivre. George Floyd est arrêté et menotté. Quelques minutes plus tard, sans que l’on en connaisse la raison, le quadragénaire se retrouve au sol, menotté sur le ventre, près de la voiture des policiers.

Plus de dix jours après la mort de George Floyd, homme noir de 46 ans décédé le 25 mai, asphyxié par un policier blanc, la colère continue de gronder aux Etats-Unis. De Minneapolis d’abord puis à travers tout le pays, les manifestants réclament justice pour le père de famille et toutes les autres victimes de violences policières, qui touchent particulièrement les Afro-Américains. Entre marches pacifiques et émeutes, genoux à terre des policiers américains et menaces de Donald Trump contre les manifestants, « l’Obs » revient sur ces deux semaines qui ont fait basculer l’Amérique.

 

Trois agents appuient de leur poids sur son corps, dont un sur le cou. Un autre est debout près de la scène. La suite, le monde la découvre rapidement dans une vidéo devenue virale. Pendant 8 minutes et 46 secondes, le policier Derek Chauvin va maintenir son genou sur le cou de George Floyd. Ce dernier supplie longuement : « S’il vous plaît, je ne peux pas respirer ! », et laisse échapper des râles de douleur. Les officiers ne bronchent pas, malgré les nombreux témoins qui ont commencé à se réunir autour de la scène. Nombre d’entre eux implorent Derek Chauvin de retirer son genou, alors même que Floyd semble avoir perdu connaissance. En vain : il ne le fera qu’à l’arrivée d’une ambulance. Le décès est déclaré une heure plus tard à l’hôpital.

Manifestations et émeutes gagnent les Etats-Unis

La vidéo de la mort de George Floyd se répand à la vitesse d’internet et entraîne un flot de colère et de condamnations. Le président Donald Trump lui-même réagit, et qualifie l’événement de « tragédie grave ». Mais pour la communauté afro-américaine, c’en est trop, alors que les dernières semaines ont déjà été marquées par les morts troublantes de deux autres personnes noires, Ahmaud Arbery et Breonna Taylor. Le premier a été abattu par deux hommes blancs en pleine rue en février, la seconde a été tuée dans son sommeil et à son domicile par la police au mois de mai.

Les rassemblements se multiplient à Minneapolis et tournent parfois à l’émeute, aux cris de « Black lives matter », « I can’t breathe » et « Justice for George Floyd ». Le 28 mai, l’état d’urgence est déclaré dans la grande cité du Minnesota. Un commissariat est incendié dans la soirée.

Dans les jours qui suivent, la contestation gagne le reste des Etats-Unis : New York, Los Angeles, Houston, Chicago... les rassemblements se comptent dans des dizaines de villes. Nombre d’entre eux sont pacifiques : le poing levé et le genou à terre, partout, les manifestants dénoncent les bavures policières qui frappent les Noirs de manière disproportionnée. Ils veulent que cette fois, les forces de l’ordre rendent des comptes.

D’autres sont émaillés de violences, pillages et incendies. Alors que l’Amérique s’embrase, les couvre-feux se multiplient. Leur non-respect entraîne de nouveaux accès de violences, et sur les réseaux sociaux, les vidéos d’affrontements entre manifestants, pilleurs et forces de l’ordre, parfois très violents, s’accumulent.

Les soldats de la Garde nationale sont déployés dans plus d’une vingtaine de métropoles, dans un climat de tension inédit depuis les années 1960

A l’opposé, parfois, des images fortes émergent, comme celles de manifestants enlaçant des policiers, ou des policiers ou soldats posant le genou à terre, en signe de soutien. Des images d’apaisement qui contrastent fortement avec l’attitude du président lui-même.

Un Trump va-t-en guerre dans la crise

Si Donald Trump se montre initialement compatissant avec les proches de George Floyd au lendemain de son décès, le ton présidentiel change en effet très vite lorsque des manifestations deviennent violentes à Minneapolis. « Quand les pillages démarrent, les tirs commencent. Merci ! », écrit Donald Trump dans un tweet pouvant être interprété comme une incitation aux forces de l’ordre à faire usage de leurs armes, qui lui vaut d’être signalé par Twitter pour « apologie de la violence ».

Alors que la contestation gronde dans tout le pays, il n’hésite pas à la qualifier de « terrorisme intérieur ». Le 2 juin, sur un ton martial, il menace de déployer l’armée américaine si « une ville ou un Etat refuse de prendre les décisions nécessaires pour défendre la vie et les biens de ses résidents », appelant les gouverneurs à agir vite et fort pour « dominer les rues ». Des déclarations critiquées jusque dans son propre camp.

Les rassemblements s’organisent jusqu’à quelques mètres de la Maison-Blanche à Washington. Le 1er juin, alors que la foule manifeste pacifiquement sur Lafayette Square, devant la résidence du président, les forces de l’ordre la dispersent à coups de tirs de gaz lacrymogène, de grenades et de balles en caoutchouc. La raison : Donald Trump est en pleine opération de com’ et part poser devant l’église épiscopale Saint-John, dégradée la veille en marge d’une manifestation. Coup de com’ réussi pour ses équipes, énième provocation pour ses détracteurs.

L’attitude de Trump consterne de nombreux responsables publics aux Etats-Unis. « C’est comme à Charlottesville, une fois de plus », déclare la maire d’Atlanta Keisha Lance Bottoms à CNN.

« Il parle et il ne fait qu’aggraver la situation. Il y a des moments où vous devriez simplement vous taire. Et j’aimerais qu’il se taise. »

Enquête, autopsies et inculpations

Le début laborieux de l’enquête sur la mort de George Floyd a sûrement contribué à la montée rapide des tensions. Car si les quatre agents impliqués dans son décès ont été renvoyés dès le 27 mai, deux jours après les faits, les inculpations qui suivent ne satisfont pas l’opinion publique. Le 29 mai, seul Derek Chauvin, l’officier qui avait son genou sur le cou de George Floyd, est inculpé. La qualification d’« homicide involontaire » scandalise les manifestants, qui ne comprennent pas comment la mort de Floyd peut être qualifiée d’accidentelle au regard de la vidéo de celle-ci.

La colère est à nouveau alimentée par le rapport de l’autopsie officielle révélé le 29 mai, qui conclut que George Floyd n’est pas mort de strangulation ou d’asphyxie, mais du fait de sa contention au sol, « combinée avec ses problèmes de santé et une intoxication potentielle ». La famille de George Floyd et son avocat ne décolèrent pas, et affirment qu’il ne souffrait pas de problème de santé sous-jacent. Ils demandent une nouvelle autopsie.

La peur est omniprésente chez tous les Afro-Américains

Les nouveaux médecins chargés de l’analyse « ont conclu que le décès avait résulté d’une asphyxie par pression prolongée », déclare l’avocat Ben Crump lors d’une conférence de presse. Le même jour, le légiste en charge de la première autopsie communique ses conclusions finales et affirme finalement que Floyd est mort d’un « arrêt cardiopulmonaire », rejoignant l’avis des médecins mandatés par la famille. Il évoque à son tour un homicide, tout en listant « d’autres paramètres importants : artériosclérose et hypertension artérielle ; intoxication au fentanyl ; usage récent d’amphétamines ».

Deux jours plus tard, revirement des enquêteurs : Derek Chauvin n’est plus seulement poursuivi pour « homicide involontaire », mais pour « meurtre ». Les trois autres policiers qui avaient pris part à l’arrestation de George Floyd et n’avaient pas tenté de stopper leur collègue sont eux aussi finalement inculpés pour complicité, plus d’une semaine après les faits. Une première victoire judiciaire pour les manifestants et les proches du père de famille.

Un impact massif et international

La mort de George Floyd a immédiatement un impact médiatique massif aux Etats-Unis, surpassant la couverture de la crise du Covid-19. Mardi 2 juin, le hashtag #BlackOutTuesday inonde Internet de carrés noirs en signe de protestation. De nombreux acteurs de l’industrie musicale se mettent à l’arrêt le même jour, et de nombreuses marques, tous domaines confondus, prennent position contre le racisme et les violences policières.

« Il est très important pour nous de nous saisir de ce moment qui vient d’être créé en tant que société, que pays, et d’utiliser cela pour avoir enfin un impact. […] Il y a un changement de mentalité qui est en cours, une plus grande conscience du fait que nous pouvons faire mieux », déclare Barack Obama, premier président noir des Etats-Unis, le mercredi lors d’une vision conférence avec des militants.

Les manifestations dépassent bientôt les frontières américaines et atteignent l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande... mais aussi la France. Mardi soir, plus de 20 000 personnes se réunissent devant le tribunal de Paris à l’appel du comité La Vérité pour Adama, pour protester contre les violences et le racisme dans la police.

Assa Traoré : « Cette culture outrageante de l’impunité policière doit cesser »

Jeudi 4 juin, l’acteur français Omar Sy lance de son côté dans les colonnes de « l’Obs » un appel à dénoncer les violences policières en France,  accompagné d’une pétition signée par plus de 100 000 personnes en moins de 24 heures. EXCLUSIF. L’appel d’Omar Sy : « Réveillons-nous. Ayons le courage de dénoncer les violences policières en France »

La cérémonie d’hommage à George Floyd, moment d’apaisement dans le chaos

Le même jour, une cérémonie d’hommage est observée à Minneapolis en hommage à GeorgeFloyd, en présence de ses proches et de nombreuses personnalités politiques. Elle est marquée par une période de silence de 8 minutes et 46 secondes, le temps pendant lequel le policier Derek Chauvin est resté agenouillé sur le cou de George Floyd. Un premier moment d’apaisement, point d’orgue de dix jours de contestation et de colère aux Etats-Unis.

Mort d’Adama Traoré : toute l’histoire

 

Source Brut Média   paru le 8/6/2020    Assa Traoré

Le 19 juillet 2016, Adama Traoré trouvait la mort au sein de la gendarmerie de Persan. Depuis, sa sœur Assa livre une bataille judiciaire et médiatique pour obtenir la vérité.

Mort d’Adama Traoré : Assa Traoré raconte

Ils étaient plus de 20.000 manifestants, le 2 juin, à se rassembler devant le tribunal de Paris pour protester contre les violences policières, à l’appel du Comité « La Vérité pour Adama ». Il y a presque quatre ans, Adama Traoré, jeune homme, noir, est mort après un plaquage ventral effectué par des gendarmes blancs.

Depuis, les expertises et contre-expertises sur les causes de sa mort se sont multipliées. Mais le 2 juin, une nouvelle contre-expertise estime que le plaquage ventral des gendarmes est bien à l’origine de la mort du jeune homme. Aucun procès n'est prévu à ce jour. Assa Traoré, sœur d’Adama, nous explique en détails comment tout s’est déroulé depuis quatre ans.

19 juillet 2016 : le coup de fil

Tout commence le 19 juillet 2016, vers 19h. « J'appelle chez moi pour avoir des nouvelles de mes enfants, et là, ma mère me dit quelque chose d'assez troublant. Elle me dit : ‘’Adama a fait un malaise, on se rend à l'hôpital tout de suite.’’ Dans la nuit, quelques heures après, ma petite sœur m'appelle en pleurs. J'ai donné le téléphone à ma collègue Sonia. Elle prend le téléphone, et là, elle me dit : ‘’Ton frère est mort.’’ »

Ce jour-là, c’est l’anniversaire d’Adama. Il a 24 ans. « Il a envie de faire un tour de vélo… Il met une chemise à fleurs, un bermuda, un bob, et il va se balader. Quand il arrive dans le centre-ville de Beaumont, il voit Bagui, mon petit frère, se faire interpeller par la police sur une terrasse de café. Malheureusement, ce jour-là, Adama n’a pas son bouclier, son gilet pare-balles, ce qui aurait pu lui sauver la vie : une pièce d'identité. »

Le jeune homme s’enfuit alors à toute vitesse. « On ne sait toujours pas pourquoi les gendarmes lui ont couru après alors qu'il n'y avait pas de demande d'interpellation. Il n'était pas en infraction. Il était juste en train de faire un tour de vélo. » L'interpellation se fait alors en deux temps. D’abord, Adama est interpellé devant la mairie de Persan-Beaumont, où il est roué de coups par les gendarmes, en civil.

« Un individu qu'on connaît passe et pense qu'Adama se fait agresser par des hommes. Il tente de défendre Adama. Et Adama va prendre cette occasion pour aller se réfugier dans un appartement d'une personne qu'il connaît. » C’est là qu’a lieu la seconde interpellation. Les gendarmes rentrent dans l’appartement et effectuent un plaquage ventral sur le jeune homme. « Ce que je vous dis là, c'est ce que les gendarmes ont dit le soir de la mort de mon petit frère : ‘’Adama a porté le poids de nos trois corps.’’ »

Après son interpellation, Adama Traoré est transféré à la gendarmerie de Persan. « Les pompiers nous apportent une lumière sur les mensonges des gendarmes qui nous disaient auparavant qu'ils lui avaient apporté les premiers soins. C’est faux. Quand les pompiers arrivent dans cette cour de gendarmerie, Adama a le ventre contre le sol, les menottes aux poignets. Ils n'ont donc pas pu le mettre en position de PLS et lui apporter les premiers soins. »

La mort officielle d’Adama Traoré est déclarée à 19h05. Commence alors un rassemblement devant la gendarmerie, les proches de la victime demandent à le voir. « Aux alentours de 23h, mon petit frère Yakuba va bloquer la porte de la gendarmerie. Il va voir un gradé et lui dit : ‘’On veut voir Adama Traoré.’’ C'est là que le gradé dit à Tata et à Yakuba qu'Adama Traoré est mort. Ma mère se jette par terre, hurle, Yakuba pareil. On les sort, on les gaze, on gaze la foule. Et c'est là que le combat Adama va commencer. »

21 juillet : parole contre parole

Yves Jannier, procureur de la République de Pontoise en 2016, déclare à propos d’Adama Traoré que « des foyers infectieux situés sur plusieurs organes ont été relevés lors de l'autopsie » et que « le légiste indique qu'il n'y a pas de lésion faisant penser à des violences ».

« Nous savons tout de suite que le procureur Yves Jannier ment. Et là, on va dire non. On va dire que c'est faux et on va exiger et demander une deuxième autopsie, qui sorti quelques jours après. Notre avocat maître Yassine Bouzrou va demander à ce que le procureur Yves Jannier soit dessaisi de l'affaire. » Yves Jannier est en effet dessaisi de l'affaire et muté. Commence alors une vague de révoltes dans le Val-d'Oise. Des personnes sont interpellées, des voitures incendiées. Les habitants de Beaumont, Persan, Champagne et de toutes les villes limitrophes vont exprimer leur colère.

Quand on lui demande ce qu’elle pense de ces révoltes, Assa Traoré répond qu’elle désire rester concentrer sur son combat pour la justice et la reconnaissance du meurtre de son frère. « Moi, ce que je dis et ce que je continue à dire encore aujourd'hui, c’est que ce n'est pas cette violence-là qui m'intéresse. C'est la première des violences que mon frère a subie qu'il faut dénoncer. La violence appelle la violence. Ceux qui ont apporté la première violence, ce sont les gendarmes. C'est celle-là qui m'intéresse. La deuxième, elle ne me concerne pas. »

De son côté, l’avocate des gendarmes, Caty Richard, affirment qu’ils n’ont pas usé de violence contre Adama Traoré et que les conditions d’interpellation étaient normales. « On a compris qu'Adama Traoré n'était plus une victime mais un coupable et que les gendarmes étaient eux les victimes. Ils vont inverser les rôles », réagit Assa Traoré.

5 novembre 2016 : les premières manifestations

À ce moment-là déjà, Brut suivait Assa Traoré lors des manifestations à Paris pour rendre justice à son frère. « Si on a eu ce procureur dessaisi de notre affaire, si on a eu tous ces mensonges qui ont ramené à une vérité, c'est qu'il s'est forcément passé quelque chose. Et ça, on en est persuadés. Et on ira jusqu'au bout », déclarait alors la militante.

Aujourd’hui, elle admet qu’elle était loin de se douter que la bataille durerait si longtemps, et qu’elle prendrait tellement d’ampleur. « Pas une seule fois je me suis dit que, quatre ans après, on serait encore là dans le combat. Nous, on qualifie tout ce système comme "machine de guerre". Une "machine de guerre" qui s'est mise en face de nous et qui a créé en nous des soldats. On a compris que la justice n'allait pas nous aider et qu’elle se mettait du côté des gendarmes. »

Comment est mort Adama Traoré ? Le 29 mai dernier, un rapport médical disculpe les gendarmes et conclut à un œdème cardiogénique, une fragilité du cœur. Mais trois jours plus tard, la famille d'Adama Traoré publie une contre-expertise indépendante. Cette fois, pour les médecins, c'est le plaquage ventral des gendarmes qui est à l'origine de l'asphyxie d'Adama Traoré.

2 juin 2020 : la jeunesse dans la rue

« Aujourd'hui, je pense que l'affaire Adama Traoré est représentative d'un très grand mal-être de cette France au niveau de la jeunesse, au niveau de la discrimination, au niveau de la cause raciale, au niveau de la précarité, au niveau de l'injustice », affirme Assa Traoré.

Le 5 juin, Le Parisien a révélé que les juges envisagent d'entendre début juillet deux témoins clés de l'affaire. Aucune reconstitution des faits dans l'affaire Adama Traoré n'a eu lieu jusqu'à présent. Aucun procès n'est prévu à ce jour. « On a tué Adama, on a tué mon petit frère, mais on ne tuera jamais le nom de mon frère. Et j'ai dit que je ferai du nom de mon frère un symbole. »

#haut
08/06/2020 13:58

Une imposture basée sur quatre mensonges

Michel Janva le 6 juin 2020 dans "Le Salon Beige

Décryptage par Valeurs Actuelles :

Premier mensonge : Adama Traore aurait été interpellé lors d’un contrôle aléatoire, et probablement pour des raisons racistes.

C’est faux : le 8 juillet 2016 à Beaumont-sur-Oise, Le 19 juillet 2016, c’est parce que Bagui Traoré, le frère aîné d’Adama, est soupçonné d’être impliqué dans une affaire d’“extorsion de fonds au préjudice d’une personne placée sous curatelle renforcée” que le procureur commande, sous réquisition judiciaire, un “service de prévention de proximité”.

Ce soir de juillet, la femme vulnérable passe la soirée avec deux amis. Bagui Traoré et ses amis « exercent de nombreuses violences sur le couple afin de se faire remettre des objets », nous explique-t-on. A cette occasion, ils dérobent une bague, un collier, 40 euros en liquide, une télévision et des vêtements.

Bagui Traoré, identifié onze jours plus tard lors d’un contrôle effectué sur instruction de la justice par des gendarmes. Ce jour-là, Bagui n’est pas seul. A côté de lui se trouve un homme qui, à la vue des forces de l’ordre, lâche son vélo et s’enfuit en courant. Qui est cet homme ? AdamaTraore. Surpris par cette réaction deux gendarmes se mettent à la poursuite d’Adama pendant que le troisième reste avec Bagui Traoré qui n’oppose aucune résistance. Deux des trois gendarmes qui ont procédé à l’interpellation d’AdamaTraoré étaient noirs.

Deuxième mensonge : AdamaTraoré a été tué par un plaquage ventral excessivement violent.

C’est faux : le 19 juillet 2016, date de l’interpellation d’Adama Traoré, une course poursuite à pied s’opère entre lui et les deux gendarmes. Rattrapé et arrêté, Adama Traoré est essoufflé. Il demande alors aux gendarmes de faire une pause pour reprendre son souffle, ces derniers acceptent. A tort ? Un ami d’Adama Traoré l’aperçoit, frappe un gendarme et lui permet de s’échapper de nouveau.

Une seconde fois, celui-ci s’enfuit en courant malgré sa fatigue… Pour échapper aux gendarmes, Adama Traore entre alors au domicile d’un habitant afin de se cacher. Sans succès… Une équipe de trois autres gendarmes entrent dans l’appartement et trouvent Adama Traore caché à côté d’un canapé, allongé par terre, enroulé dans un drap roulé. Une interpellation classique s’en suit : un gendarme immobilise les jambes et les deux autres s’occupent chacun d’un bras. Rapidement menotté, Adama se lève tout seul et est emmené dans la voiture des militaires pour être conduit à la Gendarmerie de Persan située à 1km. A aucun moment Adama Traore n’a donc été victime d’un plaquage ventral lors de son interpellation.

Troisième mensonge : aucune raison médicale ne peut expliquer la mort d’Adama Traore, autre que la violence des gendarmes.

C’est faux : juste après la mort d’Adama Traore dans la cour de la Gendarmerie, les enquêteurs découvrent un début d’explication à sa fuite. Il porte sur lui 1300 euros et un sachet de cannabis. Un rapport d’autopsie révèlera qu’Adama était sous l’emprise du cannabis lorsqu’il est mort.

 Toujours selon les rapports, le corps d’Adama ne porte aucune trace de violence. Il n’a donc pas pu être asphyxié lors de son interpellation par les gendarmes. Les témoins entendus sont d’ailleurs unanimes, il n’y a eu aucune trace de violence à son encontre et Adama avait du mal à respirer, il parvenait difficilement à parler. Il sera démontré plus tard qu’Adama souffrait d’insuffisance respiratoire et de problèmes cardiaques, d’où son essoufflement.

Quatrième mensonge : Adama Traore était un jeune homme sans histoires.

C’est faux : à seulement 24 ans, âge de sa mort, Adama Traore était connu de la police pour « recel, violences, violences volontaires sur agent de la force publique ». Mais aussi « extorsion avec violences, menaces de mort, outrage, conduite sans permis, usage de stupéfiants, vol à la roulotte, vol de véhicule avec violences ». Soit 17 inscriptions au fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ), ce qui lui a valu deux séjours en prison. Lors de son second séjour, de décembre 2015 à mai 2016, il est même accusé de viol par son codétenu… qui sera en représailles passé à tabac par le frère d’Adama, Yacouba Traoré.

En réalité, la fratrie Traoré tout entière est redoutée par les habitants de Beaumont qui refuseront de s’exprimer à son sujet. « Tout le monde a peur des frères Traoré ici. Ce sont des caïds». Après la mort d’Adam   a, cinq nuits d’émeutes viendront secouer le quartier avec des attaques particulièrement violentes contre la gendarmerie de Persan. A tel point qu’une vingtaine de gendarmes visés par des menaces de mort demanderont leur mutation. Elles seront toutes acceptées.

Mort d'Adama Traoré :
les expertises se suivent et se contredisent depuis 2016

Source : FranceTV.info

Ce jeune homme noir est mort en 2016, à 24 ans, dans une gendarmerie, après son interpellation. L'affaire donne lieu à un marathon médico-légal qui se poursuit quatre ans après le drame. Franceinfo revient sur les nombreuses expertises qui alimentent le dossier.


Environ 20 000 personnes se sont réunies, mardi 2 juin, devant le palais de justice de Paris, pour réclamer la vérité sur la mort d'Adama Traoré. Ce jeune homme de 24 ans est mort le 19 juillet 2016, à la gendarmerie de Beaumont-sur-Oise (Val d'Oise), après une arrestation musclée au cours de laquelle il a "pris le poids" de trois gendarmes, selon les témoignages de ces derniers.

Depuis quatre ans, les expertises médico-légales se suivent et se contredisent. Franceinfo détaille ce que contiennent ces documents successifs, capitaux pour l'enquête et pour la famille d'Adama Traoré. La question est de savoir si le jeune homme est mort par asphyxie à cause d'une fragilité cardiaque, de la compression thoracique causée par le poids des gendarmes, ou de la combinaison de plusieurs facteurs.

Juillet 2016, première autopsie : le procureur de la République évoque un "malaise cardiaque"

Le procureur de la République de Pontoise dévoile quelques éléments du rapport de la première autopsie, le 21 juillet 2016, deux jours après la mort d'Adama Traoré. Yves Jannier explique que le jeune homme souffrait d'une "infection très grave (...) touchant plusieurs organes". Cette infection aurait été responsable d'un "malaise cardiaque". Le procureur ajoute que le jeune homme de 24 ans ne portait pas de "traces de violences significatives". Des "égratignures" ont été constatées "mais rien de significatif", insiste-t-il. Le magistrat déclare que la cause de la mort d'Adama Traoré "semble être médicale".

Juillet 2016, première contre-expertise : les spécialistes notent un "syndrome asphyxique"

A la demande de la famille d'Adama Traoré, une deuxième autopsie est réalisée par un collège d'experts de l'Institut médico-légal de Paris, quelques jours plus tard. L'examen conclut à une mort par "syndrome asphyxique" et écarte l'existence de "lésions d'allure infectieuse" mentionnées dans la première autopsie et mises en avant par le procureur Yves Jannier. Reste que cette contre-autopsie ne met pas en évidence de traces de violence. La famille demande un nouvel examen, rejeté par la justice, qui invoque la dignité humaine.

Le Monde révèle par ailleurs, le 15 septembre, alors que le magistrat est muté, que la piste du "malaise cardiaque" est "une hypothèse que les rapports d'autopsie en possession du procureur n'évoquaient pas". En outre, "le procureur de Pontoise avait systématique omis, dans sa communication à la presse, les incertitudes des médecins légistes sur les causes de l'asphyxie ayant entraîné la mort" d'Adama Traoré. L'enquête est dépaysée en janvier 2017 et les juges d'instruction parisiens chargés du dossier acceptent une nouvelle expertise.

Juin 2017, troisième expertise : les experts pointent un "état asphyxique aigu" et deux pathologies

Le document est daté du 22 juin 2017. Ce nouvel examen "est une contre-expertise anatomopathologique", c'est-à-dire une étude des anomalies des tissus biologiques et des cellules pathologiques prélevées, explique une source judiciaire à Libération. Il ne s'agit donc "pas d'un rapport médical définitif". Le document conclut que l'hypothèse d'un problème cardiaque "ne peut être retenue avec certitude". "La mort de monsieur Adama Traoré est secondaire à un état asphyxique aigu, lié à la décompensation – à l'occasion d'un épisode d'effort et de stress – d'un état antérieur plurifactoriel associant notamment une cardiomégalie (une augmentation de la taille du cœur) et une granulomatose systémique de type sarcoïdose (une maladie inflammatoire la plupart du temps bénigne)", peut-on lire dans le document consulté Libération.

"Une cardiomégalie modérée ne peut pas en soi conduire à la mort, mais peut être le symptôme d'une maladie cardiaque plus grave", explique un ancien chef du service de pneumologie et réanimation de la Pitié-Salpêtrière à Libération. Pour lui, l'analyse est peu concluante. "On a surtout des points d'interrogations à la lecture de cette contre-expertise", commente le médecin.

Septembre 2018 : l'expertise de synthèse disculpe les forces de l'ordre

Cette synthèse est remise aux juges d'instruction mi-septembre 2018. Le Monde, qui l'a consultée, rapporte que cette "expertise médico-légale de synthèse" conclut que "le pronostic vital" d'Adama Traoré était "engagé de façon irréversible" avant son interpellation. En clair, le document disculpe les gendarmes.

Le document précise qu'Adama Traoré n'avait toutefois pas un cœur défaillant. Pour le cardiologue, le pneumologue, le légiste et l'anatomopathologiste qui ont rédigé la synthèse, Adama Traoré a succombé après avoir couru une quinzaine de minutes, sous une forte chaleur, pour échapper aux forces de l'ordre. Les auteurs de cette synthèse rappellent qu'Adama Traoré était atteint d'un "trait drépanocytaire", qui avait été diagnostiqué, et d'une "sarcoïdose de stade 2", ce qui était "apparemment méconnu". Or, selon eux, cette maladie l'a exposé "à un risque d'hypoxémie d'effort", c'est-à-dire à une diminution anormale de la quantité d'oxygène contenue dans le sang.

Après la remise de cette synthèse, les soutiens d'Adama Traoré ont organisé une manifestation à Paris, le 13 octobre, pour la contester. "D'après l'Etat, mon frère est mort de drépanocytose (...) Ils ont sorti un rapport truffé d'incohérences", avait lancé Assa Traoré devant un millier de personnes. "Qui ordonne d'écrire ces mensonges sur nos frères qui meurent sous les coups de la police ?" demande-t-elle.

Cette étude de synthèse est alors considérée comme la probable dernière, après un parcours chaotique. Ordonnée en janvier, elle a été reportée au mois de mai puis au mois de juillet avant d'être finalisée en septembre. Les juges mettent fin aux investigations à la fin de l'année 2018, sans mettre en examen les trois gendarmes.

Mars 2019 : une expertise commandée par la famille étrille la synthèse

Alors qu'un non-lieu se profile, la famille d'Adama Traoré dévoile le 11 mars 2019 un rapport médical qu'elle a demandé à quatre professeurs des hôpitaux de Paris, dont un spécialiste de la drépanocytose et un de la sarcoïdose. Ils écartent fermement les conclusions de la synthèse et les qualifient de "spéculations théoriques".

Ces médecins affirment "que la condition médicale préalable d'Adama Traoré ne peut pas être la cause de la mort", rapporte Le Monde. Sur la sarcoïdose, ils rappellent qu'il n'y a jamais eu de mort lié au stade 2 de la maladie, celui dont était affecté le jeune homme. Quant au "trait drépanocytaire" relevé, ils relèvent qu'Adama Traoré était un "porteur sain". "Nous affirmons que le décès de monsieur Adama Traoré ne peut être imputé ni à la sarcoïdose de stade 2, ni au trait drépanocytaire, ni à la conjonction des deux", écrivent-ils.

Les quatre professeurs mettent également en cause le professionnalisme des auteurs de la synthèse. "La drépanocytose et la sarcoïdose sont deux pathologies rares, habituellement prises en charge par des médecins spécialisés, en général spécialistes de la médecine interne. Notons que les deux cliniciens ayant participé à l'expertise médico-légale de synthèse n'ont aucune compétence dans ces domaines", soulignent-ils. Pour les juges, cette nouvelle expertise n'est toutefois pas valable. Ils en ordonnent une nouvelle.

Mai 2020 : une expertise ordonnée par la justice écarte à nouveau le rôle des gendarmes

Le document détaillant cette nouvelle expertise date du 24 mars et a été dévoilé par franceinfo le 29 mai. L'étude conclut qu'"Adama Traoré n'est pas décédé d'asphyxie positionnelle mais d'un œdème cardiogénique".

Autrement dit, les auteurs privilégient la thèse médicale et écartent la responsabilité des forces de l'ordre. Les trois médecins commis par l'autorité judiciaire reconnaissent ne pas avoir trouvé de "pathologie évidente expliquant cet œdème", précise toutefois L'Obs. Ils considèrent que la "dyspnée qui a conduit Adama Traoré dans un état d'asphyxie fatal est antérieure" à l'intervention des trois gendarmes.

Pour ces experts, la mort du jeune mort est "probablement" causée par l'association "d'une sarcoïdose pulmonaire, d'une cardiopathie hypertrophique et d'un trait drépanocytaire", "dans un contexte de stress intense et d'effort physique, sous concentration élevée de tétrahydrocannabinol (le principe actif du cannabis)".

"La conclusion est très claire : le plaquage ventral qui est dénoncé depuis le début par la famille comme étant l'origine du décès vient pour la troisième fois d'être infirmé par les experts médicaux", réagit Rodolphe Bosselut, avocat de deux des gendarmes placés sous statut de témoin assisté. "Aucune responsabilité des gendarmes ne peut être engagée dans ce dossier", ajoute-t-il. Et de conclure : "Je pense que l'instruction peut être clôturée."

Interrogée par L'Obs, Assa Traoré pointe l'absence de mention des conditions d'interpellation de son frère. "Mon frère a été pris en chasse par trois policiers, un jour de canicule, il a fini mort sur le bitume d'une gendarmerie, et ça ne figure nulle part", déclare-t-elle.

Pas une ligne n'évoque le fait qu'Adama s'est retrouvé plaqué au sol, avec trois agents des forces de l'ordre sur son corps ?!Assa Traoréà "L'Obs"

"Nous estimons que cette expertise n'a aucune valeur", tranche auprès de franceinfo Yassine Bouzrou, avocat de la famille d'Adama Traoré. "Je m'interroge sur le travail réalisé par ces pseudos-experts. (...) Ils font honte à la médecine. Cette énième expertise réalisée par des médecins incompétents en la matière n'apporte absolument rien", déclare le conseil.

Juin 2020 : le plaquage ventral en cause, selon une nouvelle expertise demandée par la famille

Dans ce document daté du 2 juin, un expert, professeur spécialiste des maladies systémiques, dont la sarcoïdose, tire des conclusions diamétralement opposées à celles de la précédente étude.

L'auteur de cette expertise, "un professeur de médecine interne d'un prestigieux hôpital parisien" selon l'avocat de la famille Traoré, détaille l'enchaînement qui a conduit à la mort d'Adama Traoré. Pour lui, le "décès fait suite à un syndrome asphyxique. Le syndrome asphyxique fait suite à un œdème cardiogénique. L'œdème cardiogénique fait suite à une asphyxie positionnelle induite par le plaquage ventral. Le plaquage ventral a entraîné 'la mise en position corporelle entravant l'échange normal de gaz et avec l'impossibilité de se libérer de cette position'. Aucune autre cause de décès n'est identifiée", détaille-t-il. Et d'insister : "L'œdème cardiogénique n'est que la conséquence de l'asphyxie et non la cause."

Selon ce professeur, les trois médecins à l'origine de l'étude dévoilée fin mai n'ont fait "que des suppositions" sans démontrer "que ces pathologies [avaient] contribué à causer le décès d'Adama Traoré". Pour l'avocat de la famille, "cette [nouvelle] expertise indépendante a la même valeur probante que les expertises ordonnées par la justice". Il précise que "ce rapport a été versé au dossier d'instruction, il est donc contradictoire, conformément à la loi".

Rodolphe Bosselut, l'avocat de deux des trois gendarmes, répond que "ce travail n'a aucune valeur judiciaire, il est réalisé hors de tout cadre légal". Le document ayant été versé au dossier, ce sera toutefois aux juges d'apprécier ces différentes expertises. Pour Rodolphe Bosselut, cette dernière expertise "semble avoir été réalisée en 48 heures, c'est proprement surréaliste d'accorder la moindre crédibilité à cette étude". Quant à la terminologie de "plaquage ventral", il la rejette. "Je réfute totalement l'expression de plaquage ventral, il n'y en pas eu."

La famille d'Adama Traoré, elle, espère toujours que les gendarmes seront mis en examen afin d'être jugés.

Affaire Adama Traoré : l'avocat de la famille s'interroge sur un passif entre le jeune homme et un des gendarmes

Source : "La Dépèche"

L'avocat de la famille d'Adama Traoré, mort en 2016 après son arrestation, s'interroge sur l'existence d'un passif entre le jeune homme de 24 ans et un des trois gendarmes ayant procédé à son interpellation, dans un courrier aux juges daté de vendredi.

L'avocat de la famille d'Adama Traoré, mort en 2016 après son arrestation, s'interroge sur l'existence d'un passif entre le jeune homme de 24 ans et un des trois gendarmes ayant procédé à son interpellation, dans un courrier aux juges daté de vendredi. Interrogé dix jours après le décès, ce militaire avait affirmé connaître M. Traoré et précisé qu'il était "très défavorablement connu" de ses services, selon un procès-verbal dont a eu connaissance l'AFP.

"Je ne peux pas vous dire combien de fois j'ai procédé à son interpellation, mais peut-être trois ou quatre fois en trois ans. À chaque fois, cela s'est mal passé car il y a toujours eu une opposition violente de cet individu. Il y a eu des violences, des rebellions, des outrages, des fuites", avait déclaré le chef d'équipe lors de cette audition par les enquêteurs.

Le 19 juillet 2016, Adama Traoré était décédé dans la caserne des gendarmes de Persan près de deux heures après son arrestation dans sa ville de Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise) et au terme d'une course-poursuite, après avoir échappé à une première interpellation.

L'avocat de la famille Traoré avance la possibilité d'une "vengeance" envers le jeune homme

L'avocat de la famille, Me Yassine Bouzrou, demande donc à ce que soient jointes à l'enquête les procédures dans lesquelles les trois gendarmes, placés sous le statut intermédiaire de témoin assisté, ont eu affaire à Adama Traoré, avant le 19 juillet 2016.

"L'étude des relations passées entre Monsieur Traoré et les gendarmes interpellateurs est utile pour comprendre le contexte de l'interpellation ainsi que l'état d'esprit dans lequel" ils se trouvaient, écrit-il.

Me Bouzrou avance la possibilité d'une "vengeance" envers le jeune homme et estime que "cette hypothèse doit être envisagée par la justice".

Contacté par l'AFP, l'avocat du chef d'équipe des gendarmes, Me Rodolphe Bosselut, n'était pas disponible pour réagir dans l'immédiat.

Dans le sillage de la mort de George Floyd aux Etats-Unis, la famille d'Adama Traoré tente de relancer médiatiquement l'affaire en France, érigée en symbole des violences policières. Après une première manifestation qui a rassemblé 20.000 personnes devant le tribunal judiciaire de Paris le 2 juin, un défilé est organisé samedi, de la place de la République à Opéra.

Le dossier judiciaire s'est lui mué en bataille d'ordre médical: d'un côté, des expertises ordonnées par les juges d'instruction mettent hors de cause les gendarmes; de l'autre, des rapports réalisés à la demande des proches du jeune homme balayent leurs conclusions.

La famille d'Adama Traoré a également fait récemment plusieurs demandes d'actes aux magistrats, dont le désaisissement du service chargée de l'enquête, qui a été refusé, ou encore l'identification d'un témoin qui avait aidé le jeune homme à échapper à sa première arrestation le 19 juillet.

 

D’où vient « Black Lives Matter », le cri de ralliement de la jeunesse antiraciste ?

Le slogan "La vie des noirs compte" est ancré dans le paysage politique américain depuis plusieurs années. Il est né en 2013 après l’acquittement de George Zimmerman, qui a tué un adolescent noir, Trayvon Martin.

Retour sur l’histoire de ce mouvement.

Publié le 02 juin 2020 à 16h59   par l'OBS

Ni chef, ni représentation politique mais partout le même slogan, crié dans les manifestations, écrit sur les pancartes et sur les réseaux sociaux : Black Lives Matter (« les vies des Noirs comptent », en français). Depuis la mort de George Floyd, un Afro-Américain tué par la police lors d’une interpellation le 25 mai à Minneapolis (Minnesota), le slogan a refait surface et inonde même, depuis lundi, les réseaux sociaux, notamment sur Instagram où il était accompagné d’une photo noire en soutien aux manifestations d’ampleur ayant suivi la mort de George Floyd.

A eux seuls, ces mots désignent les violences policières dans les communautés noires et le racisme systémique aux Etats-Unis. En quelques années, Black Lives Matter est devenu le symbole de la lutte antiraciste et s’est ancré dans le paysage politique américain. Des manifestations contre les violences policières de Ferguson (Missouri), après la mort de Michael Brown, à celles de New York, après la mort d’Eric Garner, en passant par les manifestations de Charleston (Caroline du Sud), après la tuerie raciste de l’église Emanuel, et aujourd’hui dans toute l’Amérique, Noirs et antiracistes se sont rangés derrière ce mot d’ordre.

Un cri de ralliement né en 2013

Le cri de ralliement est né il y a sept ans, en juillet 2013, après l’acquittement du vigile George Zimmerman, le meurtrier de Trayvon Martin, un adolescent noir de 17 ans non armé abattu par balle en Floride, le 26 février 2012. Choquée, Alicia Garza, une activiste et militante des droits homosexuels de Oakland, en Californie, poste alors un texte sur sa page Facebook appelant ses amis à se mobiliser pour faire en sorte que « les vies noires comptent ». A l’époque elle a raconté qu’elle était assise dans un café avec des amis quand elle a appris la nouvelle à la télévision : « Ça m’a fait comme un coup dans le ventre. Je me souviens que j’étais assise avec des amis et qu’on parlait, parlait. Pourtant, il n’y avait rien à dire, mais on avait juste besoin de rester ensemble

Son amie de Los Angeles, Patrisse Cullors, également militante, relaie l’appel sur Twitter et ajoute un hashtag #BlackLivesMatter. Une autre camarade, activiste chevronnée elle aussi, la New-Yorkaise d’origine nigériane Opal Tometi propose de créer un site Internet.  Le mouvement était né et, avec lui, la ­révolte des jeunes contre les exactions policières et le « racisme ­institutionnel ». Il vise alors à rassembler les témoignages de ce qu’est la vie d’un Afro-Américain aux Etats-Unis.


Un mouvement qui s’amplifie encore en 2014

Parce que la victime était encore une fois noire, que le tireur était blanc, la mort de Trayvon Martin avait donné lieu à des manifestations quotidiennes en Floride et dans tout le pays pour dénoncer le profilage racial dont sont victimes les Noirs. Elles avaient relancé le débat sur une loi votée en 2005 qui assouplissait les conditions d’exercice de la légitime défense. Barack Obama, évoquant une tragédie, avait appelé à une enquête complète sur le drame et avait déclaré : « Si j’avais un fils, il ressemblerait à Trayvon Martin. » C’est sans doute les raisons pour lesquelles le hashtag #BlackLivesMatter, lancé sous le coup de l’émotion, a été largement repris sur les réseaux sociaux, y compris par des célébrités influentes telles que Kanye West.

Dès 2014, il s’incarne dans des mouvements de rue. Après la mort de Michael Brown, le mouvement organise la venue de plus de 500 militants à Ferguson pour manifester et gagne une visibilité nationale qui ne cessera de s’amplifier, jusqu’à s’imposer pendant la campagne de l’élection présidentielle de 2016.

Au-delà du slogan, Black Lives Matter est devenu une plateforme et un réseau de plusieurs milliers de personnes, qui traverse tout le territoire américain, le Canada, s’étend au Royaume-Uni et jusqu’à certains pays d’Afrique.

A la presse qui l’interroge, Alicia Garza refuse de voir dans Black Lives Matter un mouvement des droits civiques version digitale. « C’est plutôt une nouvelle vague dans la longue trajectoire du mouvement pour la libération des Noirs », dit-elle. Les trois fondatrices expliquaient en janvier 2015 que les réseaux sociaux étaient « un moyen d’arriver quelque part, pas un point d’arrivée ».

Un mouvement plus inclusif que ses prédécesseurs

Black Lives Matter se veut dissident, radical, multiracial, intersectionnel, homosexuel, sans leader, sans relais politique, ni religieux. Afin que l’impunité des forces de l’ordre cesse, Black Lives Matter dénonce les politiques qui sous-tendent la violence raciste et interpelle le législateur. Comme le rapportait Rue89, le mouvement revendique l’héritage du mouvement des droits civiques et des Black Panthers, mais est « beaucoup plus inclusif que ses aînés. Au contraire des mouvements noirs des années 1960, où dominaient les hommes hétéros, les voix de Black Lives Matter sont des femmes et des LGBT ».

Une activiste expliquait : « Pour moi, si ce mouvement est tellement inclusif, c’est parce que le fait même d’être noir [“blackness” en anglais] est inclusif. Les Noirs ne se résument pas aux hommes hétéros. Dans ce mouvement, il y a des hommes gays qui font un boulot incroyable. Il y a des queers. Il y a des trans. Il y a des gays et des lesbiennes, des bisexuels, des religieux et des athées. »

OCCIDENT : LE TRIOMPHE DE L’IGNORANCE

La chronique de Michèle MAZEL  Temps et contretemps

Le mouvement de protestation dit «Black Lives Matter» - les vies noires comptent – ne faiblit pas aux États-Unis. Une foule animée du feu sacré vient de s’attaquer à la statue du Général Ulysse S. Grant à San Francisco, la projetant au sol sous ses coups de boutoir. C’est arrivé vendredi, lors de la commémoration dite du 19 juin, marquant le quatre-centième anniversaire du jour où l’édit d’émancipation annonçant la libération de tous les esclaves a été publié au Texas. Les manifestants ignoraient sans doute que l’objet de leur vindicte n’était autre que l’artisan de la victoire de l’Union contre les forces de la confédération lors de la guerre dite de Sécession.

Quelques jours plus tôt, à Boston, la statue d’Abraham Lincoln avait failli subir le même sort, et une pétition en ligne demande aujourd’hui au maire de la ville de l’enlever. Abraham Lincoln est pourtant le président qui a promulgué l’édit ci-dessus ; c’est lui aussi qui a présidé au succès de l’Union et qui est mort assassiné. Faut-il croire que ceux qui s’attaquent à ces géants de l’histoire américaine ignorent ce qu’ils leur doivent ? Ou qu’ils le savent et n’en ont cure parce que, pour eux, toute personnalité blanche est coupable et qu’elle porte sa part de responsabilité pour le passé esclavagiste de l’Amérique ?

En Angleterre, des échafaudages protègent la statue de Winston Churchill, qu’un manifestant avait tagué d’une inscription l’accusant de raciste. En France se multiplient les appels à retirer la statue de Colbert située devant l’assemblée nationale et à débaptiser les rues qui portent son nom. Le crime de cet illustre ministre des finances de Louis XIV ? Avoir présidé à la rédaction du «code noir» qui régissait l’esclavage dans les colonies françaises au XVIIIème siècle.

Pourtant là encore on se demande ce que pouvaient savoir les manifestants de ce personnage un peu oublié. La vague obscurantiste qui déferle sur un Occident qui cherche à se donner bonne conscience surfe sur la nouvelle religion du politically correct mais va beaucoup plus loin encore. Au départ il y avait sans doute la volonté de gommer les représentations artistiques et littéraires perpétuant des préjugés raciaux ou autres. Aux États-Unis on a constaté à partir de la fin du siècle dernier plusieurs tentatives tendant à faire «réécrire» de grands classiques comme Tom Sawyer pour remplacer des termes jugés injurieux pour la communauté noire – pardon, la communauté afro-américaine pour employer un terme plus neutre. Ces tentatives avaient alors échoué.

Cette fois, elles ont plus de succès comme on l’a vu avec l’anathème jeté sur «Autant en emporte le vent». Ce n’est hélas qu’un début et qui sait à quelles outrances il faut désormais s’attendre : tandis que la légitime colère provoquée par la mort de Georges Floyd s’accompagne de débordements allant du pillage à la destruction, les appels à démanteler une police dite raciste trouvent des échos en France.

Seulement si l’Occident reconnait ses torts, il ne faut pas s’attendre à des excuses du monde arabe pour ses sept cents ans d’occupation de l’Espagne et pour la destruction des antiques civilisations du Moyen-Orient. Ni pour la traite des esclaves noirs : selon l’hebdomadaire Jeune Afrique du 24 novembre 2017, «Entre le Moyen-Âge et le XXe siècle, les Arabes et les Ottomans ont vendu plus de 17 millions d’esclaves africains».

Stéphane Nivet, délégué général de la LICRA: Non à un antiracisme qui falsifie l’histoire!

FIGAROVOX/TRIBUNE -   17 juin 2020   Stéphane Nivet

Le représentant de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme se désolidarise des déboulonnages de statues survenus ces derniers jours, estimant que ces actes simplifient outrancièrement le passé à l’aune des débats du présent.

Une statue de Jefferson Davis, président des États confédérés pendant la guerre de Sécession, git à terre à Richmond le 10 juin 2020. PARKER MICHELS-BOYCE/AFP

Notre pays est aujourd’hui frappé d’une fièvre venue des États-Unis, et qui consiste à déboulonner les statues de nos rues et de nos places au motif qu’elles feraient l’apologie d’un crime contre l’Humanité que personne ne nie: la traite et l’esclavage. Ces menées contre la statuaire s’expriment à des degrés divers. En Martinique, les statues de Victor Schoelcher sont mises à terre et détruites comme les effigies d’un vulgaire dictateur sanguinaire, faisant de lui un défenseur du racisme, lui qui pourtant a aboli définitivement l’esclavage. En métropole, la statue de Colbert qui trône devant le Palais-Bourbon est devenue le symbole des revendications identitaires au motif qu’il a passé la commande d’un Code Noir promulgué deux ans après sa mort et qui a organisé le statut de l’esclavage jusqu’en 1848. Dans un même élan, l’identitarisme qui tient la main de ces destructeurs de statues, sans désemparer, est ainsi capable d’effacer la trace de celui qui a inspiré le Code Noir et de celui qui l’a aboli, créant par le néant une exposition «décoloniale» faite de socles vides.

Ceux qui veulent « raciser » l’histoire se trompent de combat.

Cette situation schizophrène laisse en réalité affleurer aux yeux du plus grand nombre les symptômes d’une idéologie falsificatrice qui prétend écrire l’histoire et simplifier, à coup de pioches et à outrance, la complexité de la réalité qui nous précède. Ceux qui veulent ainsi «raciser» l’histoire à coup de burin décolonial veulent la réviser et se trompent de combat. Ces déboulonneurs veulent soumettre le passé aux besoins idéologiques de leur présent et de leur agenda.

Face à cela, il est urgent de réhabiliter la densité et la complexité des choses dans un monde qui a fait de la simplification une véritable religion et de l’anachronisme un catéchisme. L’Histoire n’est pas un bloc et jamais ne se présente intégralement à la lumière de ceux qui la regardent.

Colbert, initiateur du Code Noir à une époque où les défenseurs des droits humains se comptaient sur les doigts de la main du Capitaine Crochet, n’était pas que cela et si l’on voulait aller jusqu’au bout de cette soudaine poussée inquisitoriale, il faudrait aussi lui faire le procès de son antisémitisme, l’article 1 du Code Noir disposant l’expulsion de tous les juifs des colonies françaises.

Voltaire, détenteur d’un gros portefeuille d’actions de la Compagnie des Indes, qui a prospéré de la traite, est aussi celui qui, dans Candide, l’a dénoncée en écrivant que «c’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe».

Jules Ferry, colonisateur assumé de la IIIe République, est aussi celui qui a permis l’émancipation par le savoir en créant l’école gratuite, laïque et obligatoire et en instaurant une loi municipale grâce à laquelle, le 28 juin prochain, nous aurons le droit d’élire, au suffrage universel, nos conseils municipaux.

Victor Hugo, visionnaire de toutes les libertés et défenseurs des droits, a aussi écrit tout le bien qu’il voyait dans la politique coloniale de la France.

Clemenceau, homme de gauche anticolonialiste et républicain viscéral, a fait tirer sur les grévistes de Villeneuve-Saint-Georges.

Le Cardinal Gerlier, qui a chanté les louanges de Pétain en novembre 1940, soit un mois à peine après le «statut des Juifs» et après Montoire, en haranguant la primatiale Saint-Jean d’un fameux «Pétain c’est la France ; et la France, aujourd’hui, c’est Pétain!» est aussi celui qui a sauvé les 108 enfants juifs du Camp de Vénissieux, lui valant d’être fait «Juste parmi les Nations», à titre posthume, en 1980.

Abraham Lincoln, père de l’abolition de l’esclavage aux États-Unis, est revenu d’un chemin complexe qui lui a fait dire quelques années plus tôt qu’il désirait «que la race blanche occupe la position supérieure».

Churchill, qui s’est dressé contre Hitler là où tout le monde s’était couché, est aussi un enfant du XIXe siècle, de l’Empire britannique dominateur et de ses guerres coloniales.

Inventons notre tradition en préférant écrire l’avenir plutôt que de réécrire le passé.

Il serait dangereux d’ériger aux pieds de nos statues, aujourd’hui, les bois de justice dressés sur ordre de tribunaux d’exception chargés de juger l’histoire à la faveur de revendications expéditives. Il n’est pas possible, sauf à faire table rase de l’épaisseur de l’histoire et de la sédimentation des choses, de reprocher à Voltaire d’être contre le mariage pour tous, de vilipender Colbert pour sa non-conformité à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et d’admonester Schoelcher pour ne pas avoir été abolitionniste au berceau.

Plutôt que de détruire nos statues, érigeons-en de nouvelles, inventons notre tradition en préférant écrire l’avenir plutôt que de réécrire le passé. Dressons des statues, baptisons des rues et des édifices publics du nom de ceux qui ont permis à l’universalisme de ne pas mourir. Faisons entrer au Panthéon Joséphine Baker, victime de l’Amérique raciste, devenue héroïne de la France Libre, militante des Droits civiques et ambassadrice de la LICA qui, le 28 août 1963, déclara, juste avant le rêve de Martin Luther King: «Vous êtes ensemble comme le sel et le poivre (…). Vous êtes enfin un peuple uni car sans unité il ne peut y avoir de victoire.»

L'enfant esclave

Céline Pina  sur Facebook

Timothée de Fombelle a écrit une histoire fort belle et touchante pour raconter les aventures d'une enfant esclave.

Mais voilà, l'écrivain est blanc, son héroïne est noire, la maison d'édition ne veut donc pas publier son livre aux Etats-Unis et en Angleterre pour éviter le procès en racisme et appropriation culturelle. C'est dire le stade de bêtise collective que nous avons atteint. La censure et les accusations les plus délirantes sont portées par des groupuscules pour le coup réellement fascisant qui sont en train de bâillonner toute liberté d'expression et indépendance d'esprit.

Et que font les responsables des maisons d'édition? Se battent-ils pour l'indépendance de leurs auteurs? Non ils se couchent pour donner des gages de pureté. Or avec les esprits totalitaires, se coucher n'est pas la solution. Ce qu'ils veulent c'est le pouvoir. Plus auteurs et éditeurs se coucheront, plus les exigences deviendront délirantes.

En attendant, si nul n'est surpris de la folie qui s'est emparé d'une partie du monde universitaire et culturel tant les exemples se multiplient (censure de représentations, attaques personnelles, reductio ad hitlerum de toute résistance), ce qui est frappant est la couardise et l'absence de réaction des responsables et de ceux qui exercent le pouvoir, face à la violence réelle qu'exercent ceux qui se disent victime et qui agissent en juges et censeurs.

Au nom de l'antiracisme, on est en train de réduire les individus à leur couleur de peau, la gauche en fait un marqueur de progrès et les élites dirigeantes plient l'échine. Et si c'était cela avant tout la cause du rejet des élites dans notre pays : quand on est lâche, on est inutile, surtout à un poste de direction. Parfois la vie est aussi simple que cela.

Jérusalem : la mort d'un jeune Palestinien autiste abattu par la police israélienne suscite la colère

Iyad Hallak se rendait dans son centre spécialisé accompagné d'une éducatrice. Les policiers ont cru qu'il était armé mais celui-ci tenait son téléphone portable.

Par     Le Figaro   

Publié le 7 juin 2020 à 12:24, mis à jour le 7 juin 2020 à 16:52

Plusieurs manifestations ont eu lieu en hommage à l'homme de 32 ans. «Justice 4 Iyad» («Justice pour Iyad») peut-on lire sur une pancarte. AHMAD GHARABLI / AFP

De notre correspondant à Jérusalem

Sa mort s'apparente à une tragique méprise. Iyad Hallak, un Palestinien de 32 ans, a été abattu le 30 mai par la police près de la porte des Lions, l'une des entrées de la vieille-ville de Jérusalem. Le jeune homme était autiste. Il se rendait comme chaque matin dans son centre spécialisé accompagné d'une éducatrice. Les policiers ont cru qu'il était armé. Il n'avait en main que son téléphone portable. Lorsqu'il a été pris en chasse par les forces de sécurité ce samedi 30 mai, l'enseignante affirme qu'elle a prévenu les policiers qu'il souffrait de handicap mental, qu'il était inoffensif et qu'il avait peur. « J'ai crié 'ne tirez pas' » a raconté la soignante à la télévision. « Ils n'ont pas écouté, ils ne voulaient pas entendre. » Iyad Hallak s'est réfugié derrière une benne à ordures. C'est là qu'il a été touché par plusieurs balles comme en témoignent sur place les impacts des tirs.

Huit jours plus tard, l'affaire continue de faire des vagues. Le mouvement de protestation ne retombe pas tant dans la société civile palestinienne qu'israélienne.

Samedi 6 juin, plusieurs milliers de manifestants ont défilé à Tel Aviv pour protester contre le projet d'annexion par Israël d'une partie de la Cisjordanie occupée. Des protestataires brandissaient des portraits d'Iyad Hallak. Ils se sont agenouillés en mémoire de « George Floyd, de Iyad Hallak et toutes les victimes du conflit israélo-palestinien ».

À Jérusalem-Est et dans les territoires palestiniens, les militants ont lancé sur les réseaux sociaux le hashtag Palestinian Lives Matter (Les vies palestiniennes comptent), sur le modèle du Black Lives Matter (Les vies noires comptent).

Fait rare, des Israéliens sont venus témoigner de leur solidarité durant les cérémonies de deuil devant le domicile de la famille. Le premier ministre Benyamin Nétanyahou a déclaré ce dimanche qu'il « partage le chagrin de la famille » et a demandé à son gouvernement « un examen complet de cette affaire qu'il qualifie de « tragédie ». Le nouveau ministre israélien de la défense, Benny Gantz, avait présenté dès le lendemain du drame des excuses. « Nous sommes désolés pour cet incident. Je suis convaincu que l'affaire fera l'objet d'une enquête rapide et que des conclusions seront tirées » avait-il dit. Des propos dénoncés par ses détracteurs qui s'étonnaient qu'il puisse évoquer un simple « incident ».

La mort d'une jeune personne ayant des besoins particuliers me brise le cœur et tout Israël s'incline aujourd'hui

Au Parlement, le député Ayman Odeh, chef de la Liste Arabe a vigoureusement interpellé le ministre de la sécurité intérieure. Il a été expulsé de la Chambre. Il demandait la publication des images des caméras de surveillance. « Dans tous les autres cas, vous diffusez les images après quelques heures », a-t-il lancé. Le leader de l'opposition Yair Lapid - dont la fille est elle-même autiste - a déclaré que la mort de Iyad Hallak lui avait « brisé le cœur ». « La mort d'une jeune personne ayant des besoins particuliers me brise le cœur et tout Israël s'incline aujourd'hui » a-t-il déclaré.

Samedi, la police a rejeté les critiques venant du monde politique, les qualifiant de « virulentes et irresponsables ». « Le rôle et la mission des forces de police à Jérusalem et tout spécialement dans la vieille-ville impliquent souvent une prise de décision complexe, des sacrifices et des vies » a indiqué un communiqué en précisant qu'une « enquête interne » était en cours.

Pour sa part, le parti du président de l'Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas, le Fatah, a dénoncé l'événement en évoquant « un crime de guerre ». Il a ajouté tenir le Premier ministre Benyamin Nétanyahou totalement responsable de « l'exécution d'un jeune handicapé ». L'AP a demandé à la Cour pénale internationale (CPI) d'intervenir.

Exécuté à bout portant

Les enquêteurs qui se penchent sur les circonstances du décès ont auditionné l'auteur des coups de feu, un fonctionnaire de la police des frontières et son commandant. Leurs versions, selon la presse israélienne, divergent. Le commandant aurait déclaré avoir demandé à ses subordonnés de cesser le feu, un ordre qui n'aurait pas été suivi d'effet. L'agent mis en cause dément. Il a été assigné à résidence. Une mesure jugée insuffisante par les manifestants de Tel Aviv.

Selon une enquête publiée vendredi par le quotidien Haaretz, Iyad Hallak a été « exécuté à bout portant » alors qu'il était étendu sur le dos blessé. Le journal qui s'appuie sur le témoignage de Warda Abu Hadid, l'éducatrice du jeune homme, précise qu'il est resté allongé entre trois et cinq minutes, blessé, avant d'être tué. Selon son récit, les policiers pensaient qu'il avait un fusil. Il tenait juste, selon elle, un masque chirurgical et portait des gants comme le conseillent les autorités sanitaires.

* Note de Mivy :  Le dernier paragraphe pose problème :  Warda Abu Hadid n'est pas crédible : il est impossible que le policier a pu confondre un téléphone portable avec un pistolet, mais sûrement pas avec un fusil  !   entre outre le drame a été très rapide, et son affirmation que le garde frontière serait venu quatre minutes après le drame pour achever le blessé est incohérent avec tous les autres témoignages, et montre une mauvaise foi évidente. Selon la famille d'Iyad, il aurait été tué de deux balles.