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Derière mise à jour
27-Sep-2024
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Le judaïsme appelle l'Omer, la période entre Pessah, (Pâque juive) qui commémore la sortie d'Égypte, et Shavouoth (Pentecôte) qui commémore le don de la Torah sur le mont Sinaï. C'est une période triste, où les fidèles n'écoutent pas de musique, ne se rasent pas, en souvenir des 24 000 disciples de Rabbi Aquiba qui sont morts de la Peste pendant cette période. Mais le 33 ième jour de l'Omer, 'ל'ג Lag Baomer, l'épidémie s'est arrêtée.
Ce jour là Rabbi Shimon Bar Yoh'aï est décédé, il y a plus de 1900 ans. Ce jour là, selon ses dernières volonté on fait la fête. Une fête mystique en l'honneur de ce Tanna (rédacteur de la Michna, base du Talmud).
Persécuté par les romains, il s'était enfermé pendant 13 ans dans une grotte avec son fils, où il aurait rédigé le livre du Zohar (livre des splendeurs), qui contient les bases de la Cabbale (On attribue plutôt cet ouvrage à Moïse de Léon, qui vivait au XIIIeme siècle en Espagne, mais il ne faut pas le dire)
Lorsque Bar Yoh'aï est sorti de sa grotte, par ce que le prophète Élie était venu lui dire que l'Empereur Adrien était mort, et qu'il ne risquait plus rien, son regard était si vif qu'il enflammait tout ce qu'il voyait. Pour cela à l'anniversaire de sa mort, on allume partout de grands feux, et au son de la musique, on danse, entre hommes, pendant toute la nuit. Les pèlerinages en l'honneur de la Hilloula (anniversaire festif du décès) de Rabbi Shimon Bar Yoh'ai étaient très importants, même en Algérie, où mon ami William Gozlan, débarquant de Constantine m'a fait découvrir ce chant andalous qui racontait l'histoire de Rabbi Shimon (Simon) Bar Yoh'aï (Interprété par Yvan Nacache). Ce fut pour moi la découverte de la musique judéo-constantinoise.
Je possède un verre magnifique, qui doit dater de 1900, qui vient probablement de Joseph Roubach, le grand père de mon épouse.
En français et caractères hébreu : Souvenir de la |
de la Hilloulah |
Di R'' (Rabbi) Shimon |
Tlemcen |
A Tlemcen dans l'Oranais, une ancienne capitale Algérienne, était enterré le "Rab", Rabbi Enkaoua, Emphraïm El-Naqawa, un médecin originaire d'Espagne, qui avait sauvé au début du XV ième siècle la fille du roi, et qui avait ainsi obtenu le droit des juifs de séjourner dans la ville capitale. C'est autour du tombeau du Rab, qu'on célébrait aussi lag Baomer, en l'honneur de Rabbi Shimon Bar Yoh'aï.
Encore aujourd'hui, les juifs allument de grands feux, à Dijon, Georges et Simon Meimoun ont la gentillesse d'inviter la communauté pour une soirée festive avec brochettes, merguez, et un grands feu en l'honneur de Rabbi Shimon Bar Yohaï le 33 ième jour de l'Omer.
Le tombeau de Rabbi Shimon Bar Yoh'aï sur le mont Méron, culmine à 1208 mètres, c'est le plus haut sommet de Galilée, situé tout près de Safed, où des grands rabbins réfugiés d'Espagne au XV et XVIème siècle ont approfondi cabbale (Moïse Cordovéro ou Isaac Louria par exemple). Tous les ans, se tient un grand rassemblement du monde 'Hassidique, et de tous ceux qui vénèrent la Cabbale, y allument de grands feux et dansent toute la nuit.
On appelle "ultra orthodoxes", les hommes en noir, dont beaucoup sont des 'harédims (Craignant Dieu). L'expression «Ultra orthodoxe» ne leur convient pas, car le judaïsme a toujours été divers, l'étude, les interprétations, les coutumes changent d'une communauté à l'autre, s'il y avait une orthodoxie cela se saurait, car tout le monde convergerait vers les mêmes coutumes. Sur le terrain, on constate plutôt une surenchère, et la sauvegarde jalouse de coutumes trouvant leurs explications parfois dans l'histoire tourmentée des divers diasporas. Comme chacun n'a pas les mêmes origines, l'orthodoxie des uns n'a aucun sens pour les autres. Le mieux est souvent l'ennemi du bien, et ce ne sont pas les plus extrémistes qui représentent le mieux le judaïsme, même s'ils se présentent comme les plus "orthodoxes".
Les hommes en noir se divisent en de nombreuses chapelles, et tendances, les plus mystiques sont les 'Hassidim, et Bar Yoh'aï est une de leur principale source d'inspiration. Les h'assidim eux-mêmes, se divisent en de multiples cours, dont chacune est dirigée par son maître à penser, et chacune a des nuances par rapport à celle d'à côté. Physiquement, on ne peut pas les distinguer, ils sont tous habillés pareils en noir et blanc, avec des barbes et des chapeaux. Et tous, tiennent à rendre hommage à Rabbi Shimon Bar Yoh'aï.
L' anarchie préside au grand rassemblement, chaque groupe s'implante là où il peut, là où il a l'habitude, sans véritable coordination, sans tenir compte des consignes de sécurité qui ne proviendraient pas de leurs propres rabbins.
En 2021, l'épidémie de Covid a été bien gérée en Israël, grâce aux vaccins, et à la distanciation sociale, bien respectée sauf chez les 'harédim où la mortalité a été considérable. Grâce au succès de la vaccination, la loi israélienne a allégé le dispositif sanitaire, à compter du 6 mai 2021, ( https://www.sante.org.il/coronavirus/ ) les rassemblements sont autorisés : 50 personnes à l’intérieur et 500 personnes maximum à l’extérieur. On sait que les rassemblements religieux sont de grands pourvoyeurs de Covid.
La rabbins ont trouvé que réunir 500 pèlerins était impensable, et ils sont allé vers les hommes politiques qui leur sont proches, et le gouvernement leur a rapidement donné l'autorisation d'être 10 000. Quelques heures avant la catastrophe, le ministre de l’Intérieur Aryeh Déri s’était même vanté à la station de radio 'harédi Kol Hai d’avoir réussi à empêcher les fonctionnaires du ministère de la Santé de limiter le nombre de participants par crainte du coronavirus .
Nathanyahu est en grand risque de perdre sa place, et ne peut en aucun se fâcher avec les partis ultra_orthodoxes, et ces partis sont à la merci des rabbins charismatiques.
Le plus raisonnable aurait été d'appliquer la loi, et d'interdire pour cette année le pélerinage. Mais en ce mois de mai 2021, personne n'avait cette autorité.
De toute façon, les organisateurs ne pouvaient même pas respecter cette limite de 10 000. Il aurait fallu pour cela répartir les candidats pélerins en fonction de l'importance des communautés, ce qui aurait supposé une autorité capable de s'imposer à tous.
Or il n'y a pas d'autorité supérieure ! Chacun est maître chez lui et agit sans contrôle, si bien que le jour de la fête, ils étaient entre 50 000 et 150 000 selon les sources, et vu le nombre de cars, le chiffre de 100 000 est le plus probable.
Cela fait des années que les responsables sécuritaires du pays tirent la sonnette d'alarme, il y a trop de monde au pèlerinage, les issues sont insuffisantes, un drame risque d'arriver. Mais les rabbins répondent que ce n'est pas possible, car D ieu nous protège, et il y aura un miracle cette année, comme les années précédentes.
La Police n'était pas la bienvenue dans cette manifestation, parmi les policiers il y a des femmes, et les h'arédim ne veulent pas les voir, et encore moins leur obéir. La foule anarchique dansait, chantait, autour des feus, chaque communauté à côté de l'autre, et pendant ce temps, les policiers priaient pour que tout se passe bien.
En 2018, juste après avoir participé au pèlerinage de Lag BaOmer de cette année-là à Meron, le journaliste harédi Aryeh Erlich avait tweeté ses inquiétudes concernant une certaine allée étroite du site : « L’étroite voie de sortie qui mène à la cérémonie du feu de joie de la Toldot Aharon [dynastie hassidique] crée un goulot d’étranglement humain et une terrible bousculade, au point de présenter un danger immédiat d’écrasement. Et c’est la seule issue…. Ils ne doivent pas organiser à nouveau le feu de joie à cet endroit avant que ne soit ouverte une sortie large et bien signalée. »
Dans l' escalier de sortie décrit par Aryeh Erlich, rendu glissant on ne sait pas pourquoi, il y a eu une chute, on a dit qu'un pélerin avait été frappé par une crise cardiaque. Alors il serait tombé, entraînant ceux qui étaient derrière lui, et comme des dominos, ceux de derrière sont également tombés... personne ne pouvait arrêter la pression de la foule compacte... quarante cinq personnes sont mortes écrasées et beaucoup d'autres ont été blessées. Les victimes sont avant tout des jeunes gens, souvent des adolescents, voir des enfants.
Bien sûr on a aussitôt chercher les responsables, d'abord la police, a-t-elle vraiment bloqué une sorties existante et large mais non aménagée, obligeant les fidèles à emprunter cet escalier fatal ?
Puis Aryeh Deri, le ministre qui a autorisé 10 000 personnes alors que la limite légale était de 500 ! ensuite le ministre des transports qui a subventionné les locations de car pour une manifestation hors la loi, enfin Nethanyahu et tout le gouvernement qui ont financé un tel événement.
Enfin et surtout les milieux 'hadéris eux-même qui ne se soumettent pas à la loi de l'État, faut il rappeler leurs frondes pour ne pas participer à la défense nationale ? pour éviter que leurs enfants n'apprennent les mathématiques et l'anglais ? en règle général pour que la loi de leurs rabbins soit toujours au dessus des lois de la République.
Les organisateurs n'ont pas franchement respecté la torah
Les chefs religieux n'ont pas suivi les injonctions du talmud : « On ne doit pas compter sur les miracles (Pessah’im 64b) Rabbi Yanaï dit qu’un homme ne doit pas se tenir dans un endroit dangereux en comptant sur un miracle car peut être qu’il n’en aura pas. »
Autre transgression, il est interdit de mépriser l'État et ses lois, comme l'exprime Rabbi Hanina : « Prie constamment pour la paix du royaume, car s’il n’y avait pas sa crainte, l’homme avalerait vivant son prochain. » (Pirké Avot 3, 2)
(Voir "De la prière pour l'État" par Yona Ghertman)
Au cours d'une analyse très pertinente que vous trouverez dans la revue de Presse, Haviv Rettig Gur montre le traumatisme vécu par ces communautés, qui contrairement aux apparences évoluent en profondeur.
Les conséquences tragiques de l' indiscipline des h'arédim face au Covid21, et au Mont Méron, remettent en cause leur superbe isolement, qu'ils le veulent ou non, ils font bien partie de la communauté nationale, ils seraient de plus en plus nombreux à comprendre qu'il est de leur intérêt de se soumettre à la loi de la République.
Michel Lévy