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Derière mise à jour
07-Déc-2024
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Par Guy Gerbi
Je me suis demandé comment vous faire entrer dans la ville d’Amsterdam ! Comment vous inviter à remonter le cours du temps de quelques siècles pendant ce moment de partage.
Car ces deux hommes que je vous propose de rencontrer sont tout à la fois d’hier et de demain. Alors je prends mon élan sur une musique de Jacques Brel, (avec des paroles en lien avec mon propos) :
Dans la ville d’Amsterdam Rembrandt chante les rêves,
les rêves qui le hantent pour peindre l’humanité.
Dans la ville d’Amsterdam il y a Spinoza qui chante
la raison et la démocratie.
Dans la ville d’Amsterdam les bourgeois sont féroces,
les religions violentes contre les dissidents,
Mais la ville d’Amsterdam protège la liberté
des consciences intrépides et toujours téméraires
Je vous invite à rencontrer deux hommes du 17e siècle.
J’évoquerai peu leurs œuvres respectives.
Je m’attarderai beaucoup plus sur leur vie et ce qu’ils ont apporté à l’occident.
Mon intérêt pour ces deux hommes remonte à mon adolescence. C’est entre 16 et 17 ans que j’ai commencé à lire l’Ethique de Spinoza, cela fait donc une soixantaine d’année que j’essaie de comprendre ce philosophe.
Quant à Rembrandt c’est aussi à l’adolescence que j’ai commencé à m’exercer à la peinture à l’huile. J’ai eu la chance d’avoir un professeur de dessin au lycée de Nice qui était lui-même artiste peintre. Il se nommait M. Lavaren.
Quand il cherchait à nous faire sentir une œuvre et que les mots ne suffisaient plus c’étaient ses doigts qui prenaient la relève en parlant des subtilités et des finesses des œuvres picturales ou sculpturales.
Ce récit ne sera pas dénué de violence car nous serons confrontés à une tentative d’assasinat ainsi qu’à une dénonciation. C’est pour cette raison que j’ai invité Sherlock Holmes à m’assister.
Nous voici donc prêts à rencontrer ces deux hommes.
ll y a 390 ans, naissait à Amsterdam un 24 novembre Baruch de Spinoza.
Ce même jour du 24 novembre, Rembrandt habite Amsterdam depuis une année. Il y vivra
jusqu’à la fin de ses jours. Quand Spinoza naît, Rembrandt a 26 ans.
Ces deux hommes ont été contemporains pendant 36 ans dont 24 dans la même ville et dans le même quartier. Nous avons la chance de bénéficier d’un portrait de Spinoza à sanaissance pris par un photographe du 17è siècle
Pourquoi vous proposer de rencontrer ces deux hommes ?
En tout ils sont différents, apparemment à l’opposé l’un de l’autre et pourtant on peut dire que tout les rassemble.
Ils vivent de manière totalement opposée mais dans leur for intérieur ils sont si proches. Mais que se passait-il donc au 17e siècle, dans la Hollande, à Amsterdam, dans ce quartier ? Tous deux seront confrontés aux autorités sans être pour autant des opposants. A première vue cela ressemble à un sac de nœuds
Pour comprendre ces deux hommes et leurs œuvres, je vous propose de les resituer dans leur contexte : la Hollande du 17e siècle et plus particulièrement Amsterdam en ce temps- là. (terre de liberté politique, religieuse et culturelle).
Au 17e siècle la Hollande est un îlot de libertés au sein de l’Europe. A la fin du 16e siècle, en 1579 au traité d’Utrecht les provinces unies proclament leur indépendance. Elles se libèrent ainsi de 80 ans d’occupation espagnole sous le joug effrayant de l’inquisition catholique. La jeune république aspire à se reconstruire et s’épanouir
Le peintre Th. Van Tulden représente ici le Roi d’Espagne accordant la paix aux 7
provinces unies.(les provinces unies étaient composées de 17 états. Il y eut une première cission des 10 provinces du sud. Les 7 provinces restantes du Nord, se séparèrent à leur tour et s’unirent pour former ce qui est la hollande actuelle. Les 10 provinces du sud forment la Belgique actuelle.)
Son indépendance acquise, la Hollande organise son développement économique : Elle a au 17e siècle la marine marchande la plus puissante d’Europe.
C’est dans cette même période de l’histoire que se développe la compagnie d’assurances liée à l’extension du commerce maritime avec la compagnie des Indes. Ce commerce maritime fait la richesse de la Hollande qui possède alors un véritable empire colonial. C’est également dans cette période que se crée la première banque à Amsterdam
Le XVIIe siècle est considéré comme le siècle d’or des Provinces-Unies. La réputation de tolérance et de liberté associée au développement du calvinisme font des Provinces-Unies un foyer intellectuel et culturel de premier ordre. Notre époque présente ressemble beaucoup, à cet égard à cette Hollande du 17ème siècle. L’Europe occidentale apparatraît comme un îlot de liberté au milieu de pays à tendance totalitaire
C’est ainsi que se développent la Prospérité et la liberté de conscience et de croyance.
Le protestantisme Calviniste est religion d’État mais reconnaît la liberté de culte aux autres religions.
Cette liberté fait de la Hollande une terre d’accueil en particulier pour les juifs qui fuient l’Inquisition Espagnole et portugaise. Pour cette population, Amsterdam devient la « Nouvelle Jérusalem
La plupart d’entre eux venaient du Portugal, fuyant l’inquisition. Dans la lignée de Spinoza c’est la génération des grands parents qui a fuit le Portugal et s’est installée à Amsterdam.
Il faut cependant noter que cette liberté de pensée et de croyance a des limites et ces limites sont internes aux différentes confessions religieuses et non à l’état. C’est ce qui explique l’attitude de la communauté juive d’Amsterdam face à Spinoza et le comportement de l’église face à Rembrandt et sa vie privée.
Le système politique de la Hollande est libéral et d’une grande tolérance, à l’opposé des communautés religieuses.
Ville d’intense activité commerciale est aussi une ville de liberté et de culture. S’y développent les maisons d’édition ; y affluent les intellectuels
C’est dans ce quartier qu’habitèrent Rembrandt et Spinoza pendant 24 années, à quelques centaines de mètres l’un de l’autre.
C’est le quartier juif d’Amsterdam on y trouve la grande synagogue.
Nous avons planté le décor.
Voilà pour la scène de l’action. Mais revenons aux protagonistes. Les ancêtres de Rembrandt sont hollandais
Rembrandt est né à Leyde. Il y fait ses études et commence sa formation de peintre dès l’âge de 12 ans.
À 18 ans il ouvre son propre atelier à Leyde et à 25 ans il se fixe à Amsterdam. C’est déjà un peintre reconnu. La bourgeoisie se précipite chez lui pour se faire portraiturer. Il a vécu dans cette maison. Les éléments biographiques que je vous donne sur chacun de ces deux hommes serviront à étayer le contraste que je perçois entre leur vie apparente si différentes l’une de l’autre et la similitude sous-jacente de leur vie intrieure, profonde.
Rembrandt donc a eu trois compagnes. Saskia, (épousée en 1634) sa première compagne et sa seule épouse fut un grand amour ; les témoins de l’époque et ses biographes parlent d’un amour fou. De leur union sont nés trois enfants. Seul le dernier, Titus, a survécu. Les deux premières filles sont mortes au cours de leur petite enfance. De la liaison qu’il a eue avec Hendrickje serait née une fille qui , selon certains biographes, se serait occupée de son père, après la mort d’Hendrickje
L’écrivain et poète belge, Emile Verhaeren, écrit dans une biographie sur Rembrandt, à propos de l’accueil de Saskia dans sa maison : « Avec quelle allégresse, quel emportement, quelle folie, Rembrandt dut la recevoir dans sa maison où des élèves déjà nombreux témoignaient de sa maîtrise et remplissaient son atelier ! Les fêtes devaient succéder aux fêtes comme les jours de joie aux jours de fièvre... » Après la mort de Saskia Rembrandt aura une liaison avec Geertje, une servante. Cette union durera peu car il connaîtra une troisième union avec la gouvernante de ses enfants: Hendrickje.
Jalouse, Geertje, dénoncera cette union de concubinage aux autorités religieuses. Ces dernières se retourneront contre Rembrandt et contribuerons à son isolement dans la seconde partie de sa vie. Quelques années plus tard, Geertje ainsi qu’Hendrickje mourront des épidémies successives de peste qui s’abattront sur Amsterdam et Rembrandt terminera sa vie dans la solitude. Il ne s’est jamais remarié car Saskia lui avait légué sa fortune à cette condition précisément qu’il ne se remarie pas. Et comme le supposent certains biographes, sa fille née de son concubinage avec Hendrickje l’aurait accompagné pendant ses dernières années de vie.
Dans l’histoire de la peinture, Rembrandt est le peintre qui a réalisé le plus grand nombre d’auto-portraits. (Entre les dessins, les gravures et les peintures on en compte aujourd’hui 87 répertoriés).
Ce n’est pas une démarche sans signification. Rembrandt développe ainsi une façon de se regarder et de scruter ce que chaque auto-portraits lui raconte de son évolution intérieure. On retrouve dans cette démarche du peintre la révolution qu’il origine en humanisant sa peinture .
Montaigne (1533) cet écrivain français qui a précédé Rembrandt disait déjà : « Chaque homme porte en soi la somme entière de l’humaine condition». Et il confirmait sa pensée dans sa façon de parler de ses écrits : « Je n’ai d’autre objet que de me peindre moi-même». Rembrandt a représenté en peinture cette pensée de Montaigne.
Sa grande révolution est qu’il ne se préoccupe plus des apparences il ne peint pas des idées, ses portraits ne sont pas des abstractions photographiques. Il cherche à rendre la vie intérieure des personnes dont il fait le portrait.
C’est après 1652 (à 46 ans) qu’il entre dans cette grande mutation. La bourgeoisie d’Amsterdam ne lui pardonnera pas cette évolution intérieure. Sur le plan de la représentation picturale, d’une certaine façon on peut voir en lui un précurseur de Van Gogh.
Notre second homme : La famille Espinoza a émigré du Portugal pour échapper à l’inquisition. Vous voyez sur l'arbre généalogique plus bas, que le père de Spinoza a eu trois épouses les deux premières étant mortes jeunes.
Avec la première épouse il a eu 2 filles, Spinoza est le fils de la seconde. Avec la 3e le père a eu 2 garçons.
Baruch de Spinoza est né à Amsterdam et passera la fin de sa vie à Leyde. Quant on pense à ces deux hommes, quel chassé croisé !
Un des biographes du 17ème siècle et qui a été contemporain de Spinoza , Colerus, raconte que Spinoza aurait pensé au mariage. Colerus s’exprime ainsi : « Van den Ende (professeur de latin de Spinoza) avait une fille unique qui possédait elle- même la langue latine si parfaitement... qu’elle était capable d’instruire les écoliers de son père en son absence...elle avait beaucoup d’esprit, de capacité et d’enjouement, ce qui avait touché le coeur de Spinoza. Comme il avait occasion de la voir et de lui parler très souvent, il en devint amoureux, et il a souvent avoué qu’il avait eu dessein de l’épouser. » Ce qui a empêché cette union a été la différence de religion. Car Spinoza aurait dû se convertir au catholicisme, chose impensable pour lui, même après son excommunication.
Voici le portrait supposé de Spinoza. Autant nous avons de portraits de Rembrandt, autant nous n’en avons pas de Spinoza. Celui que je vous présente est sans doute fiable mais sans plus. A part celui-là il y a un tableau de Rembrandt dans lequel les spécialistes de l’art soupçonnent que l’un des personnages serait une représentation de Spinoza.
Dans cette peinture, Rembrandt représente une scène de l’Ancien Testament : David soignant l’âme tourmentée du roi Saül en jouant de la harpe. Pour la représentation de David, Rembrandt aurait peint un portrait de Spinoza
;
De même que Rembrandt se représente dans son œuvre peinte et gravée, Spinoza se représente dans son œuvre écrite.
Je vous rappelle ce que disait Montaigne en parlant de ses écrits : « Je n’ai d’autre objet que de me peindre moi-même ». Rembrandt dissèque l’humanité qui l’entoure avec sa peinture et ses gravures et Spinoza fait la même chose dans ses écrits pour mettre à jour les passions humaines et développerune façon de vivre avec elles dans la recherche de l’épanouissement de l’individu et de la société dans laquelle se construit cet individu
Auto portrait de la pensée. Dans ce sens, ce que l’on peut considérer comme des auto-portraits de Spinoza sont ses livres : Principalement l’Ethique et le traité Théologico-politique.
Ses deux grandes œuvres ont été publiées après sa mort. Spinoza savait les risques qu’il encourrait si ses livres avaient été publiés de son vivant.
Rembrandt se projette dans ses peintures et Spinoza dans ses écrits.
Ils ont été des contestataires non violents de ce siècle. Il ont remis en question les croyances et les valeurs de leurs contemporains au risque de leur vie.
Ils ont renoncé au confort pour garder leur liberté de pensée et de création. Tous deux ont, au cours de leur formation, appris le latin ce qui marque leur enracinement dans une conception de l’humain et leur besoin d’échange car le latin était la langue de culture à cette époque
Spinoza est un révolutionnaire pacifique de la pensée et il en a assumé les
conséquences par rapport aux dirigeants de toutes les religions.
Rembrandt est un révolutionnaire de l’art pictural. Il en subira aussi les
conséquences par rapport à la société bourgeoise d’Amsterdam.
D’autre part ce qui les oppose en apparence, extérieurement, les unit dans leur réalité intérieure .
Rembrandt a mené une vie de jouissances de toutes sortes. Amoureuse, matérielle, gastronomique il a vécu tous les excès, toutes les passions.
De son côté, Spinoza a mené une vie qui se rapproche de l’ascétisme, cherchant toujours l’essentiel pour accéder à ce qu’il a nommé la joie.
Dans le traité Théologico-politique ainsi que dans l’Ethique, il développe la nécessité de ne pas se laisser emporter par les passions. Ce qui invite à penser qu’il a éprouvé toutes les passions et sans doute avec la même force que Rembrandt vivait les siennes ainsi qu’en témoigne la biographie de Colérus.
L’un devenant la partie cachée de l’autre et vice versa.
D’autre part, tous deux, dans leur démarche sont en quête de l’humanisation de l’humain. Je vous disais que Spinoza a éprouvé toutes les passions. Un de ses biographes en a témoigné, Spinoza a été amoureux de la fille de son maître de latinmais, à cause de la différence de religion, elle était catholique et lui n’a pas voulu se convertir, il a, par conséquent, renoncé à cet amour.
Ce dû être une renonciation douloureuse
« ...que nous disions donc que tout se fait selon les lois de la Nature ou s’ordonne par le décret ou le gouvernement de Dieu, cela revient au même. »
Traité Théologico-politique p.71 (trad : Ch Appuhn. Garner Flammarion 1965)
C’est dans la hardiesse de sa pensée que Spinoza est révolutionnaire.
Il assimile la divinité à la nature et à l’univers.
Voilà comment il s’exprime : « ... que nous disions donc que tout se fait selon les lois de la Nature ou s’ordonne par le décret ou le gouvernement de Dieu, cela revient au même ». « Rien n'arrive, selon moi, dans l'univers qu'on puisse attribuer à un vice de la nature. Car la nature est toujours la même ; partout elle est une, partout elle a même vertu et même puissance ; en d'autres termes, les lois et les règles de la nature, suivant lesquelles toutes choses naissent et se transforment, sont partout et toujours les mêmes, et en conséquence, on doit expliquer toutes choses quelles qu'elles soient, par une seule et même méthode, je veux dire par les règles universelles de la nature ». Ethique III préface
Les têtes de Jésus par L de Vinci, celles de Rubens, ou de Titien semblent d’une superficialité entière..
Ce qui apparaît fondamental pour ces deux créateurs c’est leur liberté de pensée de création et leur liberté d’existence.
Dans son parcours de vie Spinoza va refuser toutes les propositions qui risquent de restreindre sa liberté de pensée. Il refuse ainsi un poste universitaire, une pension que De Witt (un notable d’Amsterdam) aurait voulu lui verser. Il assure ses nécessités par un travail manuel, on dirait aujourd’hui un job alimentaire : il est polisseur de verres pour les lunettes astronomiques.
Rembrandt, renoncera à l’opulence qu’il a connu dans la première partie de sa vie de
peintre pour développer sa conception de la peinture. E. Verhaeren dit : « la beauté divine des antiques se transforme sous ses mains en une vérité pathétiquement humaine. Il s’est
développé logiquement ne trouvant matière à changement qu’en lui-même. »
La ronde de nuit : Le tableau de la rupture et de l’affirmation de son génie propre. Ce tableau était une commande des bourgeois d’Amsterdam. Chacun payait pour se voir représenté à son avantage.
Rembrandt ne va pas tenir compte des demandes des commanditaires du tableau. Ceux-ci ne lui pardonneront pas cette liberté qu’il s’est octroyé. Le divorce rompu ils feront payer cher à Rembrandt son indépendance et ceci jusqu’à sa ruine matérielle.
Voilà ce que dit E. Verharen à propos de cette rupture : « Si Rembrandt s’est brouillé avec ses concitoyens sur une question d’art et si cette brouille s’est perpétuée jusqu’à la fin de sa vie, c’est qu’il y avait entre eux désaccord fondamental. La ronde de nuit fut le prétexte de la rupture. Le génie de Rembrandt fut la cause ».
Spinoza a été excommunié le 27 juillet 1656
Les dirigeants de la communauté juive d’Amsterdam ont excommunié Spinoza le 27 juillet 1656 car il refusait d'abandonner ses convictions.
Rembrandt met en pratique ce que Spinoza énonce comme un postulat fondamental de l’humain : « persévérer dans son être ». Dans la pensée de Spinoza tout être vivant est soumis à cette nécessité qu’il s’agisse des plantes, des animaux ou des hommes. Je pourrais même dire également du monde minéral.
La mort de Saskia en 1642 confronte Rembrandt à 36 ans, à une grande épreuve.
Car cette perte survient en même temps qu’il est rejeté par les bourgeois d’Amsterdam qui lui assuraient ses ressources financières. A partir de cette sorte de métamorphose qui se passe en lui, il va tomber dans une grande gêne financière. Tous ses biens confisqués et vendus ne suffiront pas à régler toutes ses dettes. D’autre part sur le plan affectif, il cherchera de nouveau une relation affective. Ce sera d’abord avec Geertje puis avec Henrickje. Cette relation illégale de concubinage le mettra comme Spinoza au ban de la société.
Conséquence de l’application du postulat de Spinoza, je vous rappelle le point fontamental de sa pensée «Dieu ou la nature». Il est excommunié de la communauté juive
d’Amsterdam.
Cette excommunication marque bien les libertés dont jouissaient les
différentes religions en Hollande.
La communauté religieuse décide et l’état n’a aucun droit de regard sur ces décisions. Spinoza est banni plus personne ne doit lui adresser la parole, même dans sa famille. Voici un extraits du texte de l’excommunication :
« ... A l'aide du jugement des saints et des anges, nous excluons, chassons, maudissons et exécrons Baruch de Spinoza. Qu'il soit maudit le jour, qu'il soit maudit la nuit ; qu'il soit maudit pendant son sommeil et pendant qu'il veille. Qu'il soit maudit à son entrée et qu'il soit maudit à sa sortie...
que son nom soit effacé dans ce monde et à tout jamais ... vous ne devez avoir / avec Spinoza /aucune relation ni écrite ni verbale. Qu'il ne lui soit rendu
aucun service et que personne ne l'approche à moins de quatre coudées. Que personne ne demeure sous le même toit que lui et que personne ne lise aucun de ses écrits. ... »
Quelques temps après il quittera Amsterdam pour habiter à Leyde
Leur mode de vie bien que si différent dans l’apparence est profondément similaire dans leur vécu intérieur
Il n’y a pas de dualité : On ne trouve pas chez eux cette déchirure, le corps d’un côté et l’âme de l’autre comme chez Descartes, mais une seule unité corps-âme.
Tous deux sont confrontés aux passions humaines. Tous deux, par des chemins parfois opposés aboutiront à une conclusion semblable : peindre l’humain sous toutes ses facettes.
Le bœuf écorché. Voilà ce que les bourgeois attendent et ce que Rembrandt leur propose. Il veut laisser de côté l’apparence extérieure pour mettre en évidence les entrailles de l’humanité. C’est trop, c’est plus que n’en peuvent accepter ses contemporains.
Il peint l’humain dans sa dimension charnelle jusqu’à la trivialité : Nietzsche aurait dit : Humain, trop humain.
Rembrandt n’exclut pas l’apparente trivialité de la condition humaine;
Les opposés qui se rejoignent :
Leurs chemins semblent divergents et pourtant, dans leur être profond autant que dans leurs prises de position ils se rejoignent.
Tous deux célèbrent l’existence pour elle-même. Se réveiller en vie chaque matin est une
jubilation qu’il faut célébrer. Tous deux le font chacun à sa façon.
Ils se rejoignent aussi dans leur conception de la liberté et du déterminisme.
En développant sa pensée, dans son livre : le Traité Théologico politique, Spinoza prône la démocratie comme système politique le plus adapté à l’être humain.
Pour Spinoza la liberté n’est absolument pas contraire au déterminisme
La passion
Spinoza prône la maitrise des passions et Rembrandt vit des passions débordantes.
Leurs œuvres sont des reflets de leurs passions.
Tous deux, dans leurs œuvres ont cherché à donner une réponse aux passions qui
bouillonnaient en eux.
Rembrandt et Spinoza- L’un né à Leyde a terminé sa vie à Amsterdam et l’autre, né à Amsterdam a terminé sa vie à Leyde.
Les homme se croient libres parce qu’il ont conscience de leurs actions et ne l’ont pas des causes qui les détermines précisément ces actions. Par conséquent ils ne perçoivent pas les déterminismes auxquels ils sont soumis. Et donc étant soumis à ces déterminismes ils ne sont pas libres
C’est la première règle que se donne Spinoza dans le « Traité de la réforme de l’entendement ». Il prend pour modèle le roi Salomon, personnage emblématique de l’Ancien Testament.
Et en particulier on peut se référer au passage décrivant le jugement du roi face aux deux femmes qui prétendent être la mère du nourrisson. Salomon dans son jugement fait appel autant à l’imagination qu’à l’entendement. Il s’appuie sur la réaction émotionnelle, instinctive de la vraie mère qui préfère perdre son enfant plutôt que de le voir mourir. C’est cette façon de s’exprimer que recherche Spinoza. Il admet cependant que son œuvre principale, l’Ethique n’est pas facilement accessible à tout un chacun.
Pour Spinoza, tout humain participe de l’éternité. Dans sa conception, l’Eternité ne doit pas être confondue avec la durée.
Dans la conception de l’Eternité chez Spinoza, il n’y a ni avant ni après. C’est un présent perpétuel.
L’Eternité n’est en rien concernée par une vie après la mort.
Il n’y a dans cette conception de l’Eternité, ni avant, ni après.
J'ajoute enfin que le mécanisme du corps humain est fait avec un art qui surpasse infiniment l'industrie humaine. (Préface, partie 3) et je ne parle même pas ici de ces merveilles qu'on observe dans les animaux et qui surpassent de beaucoup la sagacité des hommes, (Scholie proposition 2 de l’Ethique)
Ainsi donc, l'expérience et la raison sont d'accord pour établir que les hommes ne se croient libres qu'à cause qu'ils ont conscience de leurs actions et ne l'ont pas des causes qui les déterminent.
« Ce que j’appelle esclavage, c’est l’impuissance de l’humain à gouverner et à contenir ses affects »
« L'homme en effet, quand il est soumis à ses affects, ne se possède plus ; livré à la fortune, il en est dominé à ce point que tout en voyant le mieux il est souvent forcé de faire le pire. »
Le désir, c'est l'appétit avec conscience de lui-même. Ce n’est pas parce qu’une chose est bonne que je la recherche. C’est parce que je la recherche que je prétends qu’elles est bonne. Autre formulation : « ...nous ne désirons pas une chose parce que nous la jugeons bonne, mais nous la jugeons bonne parce que nous la désirons. »
Le désir, c’est l’appétit avec conscience de lui-même.
(Ethique, partie 3, proposition 9)
La joie, la tristesse et le désir.
Les trois passions primitives : La joie, la tristesse et le désir. Toutes celles qu’on pourra trouver se réduisent finalement à l’une de ces trois.
« Si le corps humain a été une fois modifié par deux autres corps, dès que l'âme viendra par la suite à imaginer l'un d'entre eux, aussitôt elle se souviendra de l'autre »
Elle naît de la représentation que l’on se fait du partage de l’intimités avec un (ou nue) autre que nous-même
Dans la cinquième partie de l’Ethique, Spinoza va démontrer qu’un aspect de l’entendement fait que nous sommes éternels, que le passé, le présent et le futur n’existent pas.
Chose extraordinaire, les derniers développements de la physique en rapport avec la théorie d’Einstein aboutissent à un même raisonnement et à de semblables conclusions. l’écoulement du temps n’est qu’une illusion à notre échelle humaine. « La différence marquée que nous voyons entre le passé, le présent et le futur n’est qu’une illusion quoi que persistante». Le futur et le passé sont tout aussi réels que le présent.
« L’amour fort comme la mort » p. 140, 41, 42. Ed. Robert Laffont
« Avec Spinoza il ne s’agissait plus de passion, mais d’une édification qui, sur le plan intellectuel, opérait en ma pensée le même redressement que Ducroquet avait apporté à ma démarche. Après mes années de lycée, il me paraissait impossible d’avoir une conception anthropomorphique de Dieu. Nous nous demandions, Jacques Vérin et moi, comment nos camarades chrétiens conciliaient dans leur esprit les leçons de leur catéchisme avec celles de leurs écoles.
En ce qui me concerne j’avais rejeté l’enseignement des rabbins, sans pour autant désespérer de le comprendre un jour. Vers cette compréhension, Spinoza marqua une étape décisive pour moi. Son Ethique était, me semblait-il alors, le livre le plus important que j’eusse lu et relu. Il m’élevait, comme son Traité de la réforme de l’entendement me le promettait, de la connaissance imparfaite, inadéquate, à la science intuitive de l’Idée vraie, qui est à elle-même son propre indice.
L’exposition de sa philosophie sur le « mode géométrique » m’exaltait autant qu’une musique de Bach : j’y découvrais la même rigueur, la même jouissance d’une joie incessante, éternelle. De même que je lisais dans Valéry la trame d’une pensée 19 métaphysique, je n’admettais pas dans Spinoza l’athéisme de système que d’aucuns dénonçaient dans un panthéisme que l’on suppose, davantage qu’il n’existe dans son œuvre. Il me suffisait de traduire en hébreu les principaux théorèmes de l’Ethique pour rendre cette œuvre à ses vraies dimensions. Non pas un athéisme systématique, mais la réintroduction dans l’univers philosophique de l’antique Elohim du Sinaï.
... Je compris par la suite que la critique historique des données de la Bible proposée par Spinoza constituait une véritable révolution spirituelle. Au lieu d’accepter aveuglément les traditions des rabbins et de l’Église, il fondait la lecture de la Bible sur une critique philologique, psychologique et sociologique de son texte. Son œuvre complétait celle de Richard Simon : toutes deux ouvraient les voies nouvelles de l’exégèse contemporaine. Spinoza fut condamné par les rabbins d’Amsterdam, comme Maimonide l’avait été par ceux de son temps. Richard Simon fut mis à l’indexe et exclu de l’Oratoire où il était prêtre. Sans eux, la recherche biblique ne serait certainement pas ce qu’elle est devenue au XIX et XXe siècle. »
Chapitre IV Dans la préface
« Ce que j’appelle esclavage, c’est l’impuissance de l’humain à gouverner et à contenir ses affects »
« L'homme en effet, quand il est soumis à ses affects, ne se possède plus ; livré à la fortune, il en est dominé à ce point que tout en voyant le mieux il est souvent forcé de faire le pire. »
« Ils (les humains) ont bien conscience, en effet, comme je l’ai souvent répété, de leurs actions et de leurs désirs, mais ils ne connaissent pas les causes qui les déterminent à désirer telle ou telle chose. »
Dans sa façon de considérer la conscience et ce qui lui échappe, Spinoza est un psychanalyste freudien avant Freud. Il fait, en effet, une place à ce que depuis Freud nous nommons l’inconscient.
Dans sa description de l’humain, de sa façon de penser et d’agir, il fait une place à ce que nous nommons aujourd’hui la “projection”. Notre façon d’appliquer sur le monde extérieur notre fonctionnement intérieur et donc de confondre notre subjectivité avec un objectivité imaginée.
***
En Septembre 2012, la Congrégation israélite portugaise d'Amsterdam demande au grand rabbin de leur communauté, le Dr haham Pinhas Toledano, d'annuler le h'erem (excommunication) de Spinoza mais cette demande a été refusée.