27-sep-24 |
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par Marie-Claude Decamps http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2009/06/13/mahmoud-ahmadinejad-en-route-vers-la-victoire_1206422_3218.html Le président iranien sortant, Mahmoud Ahmadinejad, a été déclaré officiellement vainqueur, samedi 13 juin, de l'élection présidentielle qui s'est tenue la veille, avec une passion, une hargne et une participation (plus de 85 %) rarement égalées. Samedi après-midi, le ministère de l'intérieur a officiellement annoncé son élection dès le premier tour avec 62,6 % des voix. Un score écrasant, bien peu en rapport avec tous les calculs prévisionnels effectués jusque-là et les déclarations au sortir des urnes. Celui qui, au long de la campagne, était devenu son plus sérieux rival, l'ex-premier ministre Mir Hossein Moussavi, soutenu par ce qui semblait être une "vague verte" (symbole de la campagne) réformatrice, qui avait rassemblé de nombreux jeunes et des femmes, n'obtient que 33,75 % des voix selon le ministre de l'intérieur. Les deux autres candidats, le réformateur Mehdi Karoubi, ex-président du Parlement, et le conservateur modéré Mohsen Rezai, ex-chef historique des Gardiens de la révolution, feraient juste de la figuration avec moins de 2 % chacun. Tôt dans la matinée, alors que 90 % des bulletins avaient été dépouillés, le directeur de campagne de M. Ahmadinejad se félicitait déjà : "La différence entre le nombre de votes obtenu par Ahmadinejad et celui recueilli par ses rivaux est telle que tout doute sur sa victoire sera interprété comme une forme d'humour par l'opinion publique", affirmait Mojtaba Samareh Hachémi. Sans attendre la proclamation officielle des résultats, M. Moussavi qui, dès vendredi après-midi, sur la foi des enquêtes d'opinion, avait lui aussi revendiqué la victoire, a dénoncé avec force une "manipulation" massive du scrutin et de nombreuses violations. Dans un communiqué lu à la presse, M. Moussavi, dont l'électorat réside surtout dans les centres urbains, a affirmé que ses partisans avaient "constaté dans certaines villes comme Chiraz, Ispahan et Téhéran, un manque de bulletins de vote". "Nos représentants ont été écartés lors du dépouillement et certains de nos QG attaqués. Je poursuivrai, avec le soutien du peuple, les personnes à l'origine de ces actes illégaux", a-t-il ajouté. AFFRONTEMENTS ENTRE JEUNES PRO-MOUSSAVI ET POLICIERS De fait, les débordements inquiétants n'ont pas manqué. Selon le récit de témoins joints par téléphone à Téhéran, vers 17 h 30 heure locale, vendredi, un des deux quartiers généraux de campagne de Mir Hossein Moussavi, celui qui était animé par l'ex-président réformateur Mohammad Khatami à Qetarieh, au nord de Téhéran, a été attaqué par des miliciens bassidjis, fervents soutiens de M. Ahmadinejad et des membres des forces de sécurité. Ils ont détruit les ordinateurs à coups de bâton et dispersé les militants avec des gaz lacrymogènes et des bombes au poivre. Sur place, Abdullah Ramazanzadeh, ancien porte-parole de M. Khatami, a exigé un document officiel aux policiers qui fermaient les locaux et posaient des scellés. Dans la soirée, quatre journaux auraient été fermés : Donya Ehtessad, Asr-e Ehtessad, Farhang-e Ashti et Qalam-e Sabz, dont le directeur n'est autre que Mir Hossein Moussavi. Plusieurs sites Internet ont aussi été fermés, dont Qalam, le site du candidat Moussavi, et l'envoi de SMS entravé. Une attaque similaire a eu lieu vers 1h30, samedi matin, au siège du centre d'information de la campagne Moussavi, qui sert aussi de salle de rédaction pour son agence de presse Qalam News et son site, rue Zartocht. Des bassidjis ont détruit les ordinateurs, puis des scellés, là aussi, ont été posés. Les dizaines de partisans de M.Moussavi qui se trouvaient là ont été dispersés violemment. "C'est un coup d'Etat", ont-ils estimé. Vers 3 heures du matin, on pouvait observer des bassidjis motorisés, dévalant les rues de Téhéran, agitant des drapeaux iraniens et criant "Moussavi, bye bye,", pour se moquer du slogan "Ahmadi, bye bye" que des centaines de milliers de Téhéranais ont entonné chaque soir de la campagne. Des dizaines de convois des forces de l'ordre d'une quarantaine de véhicules chacun, escortés par des escouades de bassidjis à moto, avaient envahi les grands axes de la capitale. La tension était palpable. Samedi après-midi, de jeunes partisans de Mir Hossein Moussavi affrontaient la police dans plusieurs endroits de Téhéran, selon des correspondants de l'AFP sur place et des témoins. La police a, à plusieurs reprises, chargé les manifestants à la matraque sans toutefois pouvoir réussir à les disperser. Un peu plus tard, des hommes habillés en civil se déplaçant à moto s'en sont pris à de jeunes manifestants pro-Moussavi, les frappant à coup de matraques.
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Courriers Humour |
Mohammad-Reza Djalili est professeur à l'IUHEI de Genève et auteur de «Géopolitique de l'Iran». Il a répondu en direct à vos questions sur la campagne présidentielle en Iran.
Arnaud. L'élection se jouera-t-elle plus sur des enjeux de politique intérieure ou extérieure? . Je crois sur les deux enjeux.
Pilou. Les élections présidentielles en Iran sont-elles de véritables élections? Il y aura-t-il des observateurs internationaux dans les bureaux de vote? Ce sont des élections non démocratiques, parce qu'avant l'élection, il y a une sélection. Les quatre candidats sont choisis au sein du sérail islamiste. Aucun candidat issu de la société civile ou d'autres partis, que des partis islamistes, n'est autorisé à participer. En fait, la grande majorité de la population est inéligible. Il n'y a pas d'alternance possible d'un autre courant, ce sont tous des islamistes, avec des sensibilités, des parcours et des intérêts différents. Mais je crois qu'une des réussites du régime iranien c'est de donner l'image d'une relative démocratie, et il faut reconnaître que dans une certaine mesure le régime a réussi, le tchat d'aujourd'hui que vous faites avec moi, en est la preuve. Bertrand. Les médias occidentaux accordent-ils trop de place à la jeunesse de Téhéran, plus réformiste, par rapport à une «éventuelle» majorité silencieuse dans les campagnes? La jeunesse est réformiste par définition, parce qu'elle milite pour le changement, et pour deux autres raisons: elle est victime de la répression et aspire à toutes les libertés fondamentales. De plus, la jeunesse iranienne souffre du problème du chômage. On estime que le taux de chômage est aux alentours de 20%, mais ce taux est doublé pour les jeunes. Ceci étant, monsieur Ahmadinejad a une certaine influence sur l'Iran profond. Il se présente comme le candidat du peuple, et des déshérités. Il a augmenté les salaires des classes à bas revenu de manière assez impressionnante ces derniers temps. Le problème c'est que cette augmentation a été mangé par une inflation galopante, de l'ordre de 30% pour 2008. De-Bergerac. Pensez-vous que les positions des candidats sur le nucléaire iranien fassent balance dans le choix des électeurs? Inès. Les iraniens sont-ils vraiment en ébullition durant ces élections comme le prétendent les médias iraniens? Oui, cette campagne est inédite pour deux raisons:
Thomas. Pensez-vous que le régime actuel est à même de répondre aux aspirations des nombreux Iraniens qui descendent dans la rue? Ces manifestations pourraient-elles évoluer vers un mouvement de contestation plus dur? Je ne le pense pas. Si dérapage il y a, c'est un dérapage contrôlé. L'essentiel du pouvoir ne changeant pas de main, puisque l'essentiel du pouvoir est exercé par le Guide de la révolution, qui est en place depuis plus de 20 ans, et qui ne changera pas de sitôt. Le président ne représente qu'un personnage secondaire dans le système politique de la République islamique. C'est le guide qui décide des grandes orientations en matière de politque interne, et surtout en matière de relations internationales. Inès. Parmi les outsiders, lequel est le plus «démocratique», c'est difficile d'avoir une idée, vue d'ici? C'est très difficile d'appliquer l'étiquette «démocratique» à ces personnages qui ont tous exercé des fonctions extrêmement importantes au sein du régime. Moussavi a été Premier ministre dans les années 80, Rezaï a été commandant en chef des Gardiens de la révolution, et Mehdi Karoubi, a été président du Parlement islamique à deux reprises. A ma connaissance, la République islamique n'a laissé, depuis trente ans, aucun véritable démocrate participer à son régime. Il peut y a des nuances sur l'ouverture vers l'Occident, des nuances sur le respect des libertés sociales à l'intérieur du pays, et probablement des nuances sur les libertés artistiques et culturelles que défend Mir Hossein Moussavi, en tant qu'architecte et peintre. 800 artistes, écrivains, metteurs en scène, acteurs ont apporté leur soutien à la candidature de Mir Hossein Moussavi et espèrent que s'il était élu ces réformes ne seront pas illusoires. Thomas. Le président réformateur Khatami lors de son mandat entre 1997 et 2005 a eu grand mal à imposer sa politique sans cesse contrecarrée par le Guide suprême. De quelle marge de manoeuvre et de quels soutiens disposeraient Moussavi s'il était élu? Le Guide suprême est-il, selon vous, prêt à entendre les revendications des Iraniens qui sont descendus ces derniers jours dans la rue? A mon avis, Mir Hossein Moussavi n'est pas un réformateur, c'est un modéré. Le meilleur réformateur que la République islamiste n'ait jamais eu au pouvoir c'est Khatami, qui n'a jamais pu rien réformer. J'ai publié sur ce sujet aux Presses de Sciences Po, un livre, Iran: L'illusion réformiste. Vovo. L'échec du Hezbollah au Liban, n'est-ce pas l'échec d'Ahmedinejad? Je crois que l'échec du Hezbollah au Liban s'inscrit dans le contexte très particulier de ce pays, néanmoins, on peut y déceller un effet Obama. En Iran aussi, il existe un fort courant favorable à Barak Obama, surtout dans la jeunesse. Cela à même influencer l'organisation de la campagne électorale de Moussavi, qui n'a pas hésité à prononcer l'équivalent persan de la phrase «Yes we can». Personne n'échappe à l'obamania... c'est ça l'effet de la globalisation! Aryana. C'était Khatami à son époque mais personne n'a voulu prendre la main qu'il tendait à l'occident... Je ne suis pas sûr que Khatami voulait tendre la main aux Etats-Unis, toute sa politique à l'égard des Etats-Unis a été une tentative d'ouverture du dialogue au niveau des sociétés civiles de ces deux pays. Jamais Khatami n'a eu le courage d'aborder sur le fond le contentieux irano-américain qui porte, bien sûr, sur la question nucléaire, mais aussi sur les divergences de point de vue de la politique régionale de l'Iran. |
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