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Un pélerinage chrétien

jeudi 06-Avr-2021

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Marie Elisabeth Bertrand


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Des amis de toujours, chrétiens militants, sont de retour d'un premier pélerinage en Terre Sainte, ils ont vu ce que les juifs ne voient généralement pas. La confiance entre les hommes de bonne volonté est un gage de paix plus efficace qu'un mur électrifié. Les palestiniens chrétiens aspirent à la paix, mais en leur refusant des permis de construire, on cherche à les chasser de Jérusalem.

On attend la paix à Jérusalem, tous les peuples viendront y adorer l'Eternel. En attendant, chacun s'y sent déjà chez lui et aime cette ville.

 

 

Terre Sainte du 2 au 12 novembre 2009

Bonjour à tous et merci à ceux qui nous ont permis de faire ce pèlerinage. Il est difficile de rendre compte d’une telle expérience, surtout en ce qui concerne l’aspect spirituel. Commençons par cela, cependant.

L’expérience spirituelle :

Nous avons tous Jérusalem et la Terre Sainte au cœur et je redoutais l’épreuve de la réalité. Effectivement, bien peu de paysages demeurent et les ruines, très nombreuses, ne sont pas toujours éloquentes. Des églises, parfois très laides, recouvrent tout ; Nazareth qui comptait 40 familles au temps du Christ, est maintenant une métropole de 280 000habitants (source Wikipédia) et le chemin de croix s’effectue au milieu du souk de Jérusalem-Est, ce qui est d’ailleurs fort sympathique. Peu importe, c’est le pays de l’incarnation. Le fils de Dieu s’est fait homme sur une terre, dans un peuple, au sein d’une famille humaine et c’est en allant sur ses traces qu’on en prend le mieux conscience. En arrivant à Jérusalem, je me suis sentie chez moi, bien plus que nulle part ailleurs … et je ne m’y attendais pas.

 

Le groupe et l’itinéraire :

Nous étions 52 pèlerins bretons, âgés de 34 à 84 ans, représentant tout l’éventail de la société, de la femme de ménage au chercheur de l’INRA. Un quart des pèlerins étaient des agriculteurs. On comptait 10 couples, un gros paquet de veufs et surtout de veuves, quelques célibataires, dont deux prêtres. La plupart étaient de l’hospitalité diocésaine (accompagnement des malades à Lourdes) et, spécificité du groupe, nous avions cinq personnes en fauteuil que nous avons emmenées partout. Il fallait nous voir dans les ruelles étroites, parsemées de marches ou dans les ruines de Massada. Cela a donné une cohésion et une solidarité extraordinaires dans le groupe.

Nous avons parcouru presque tout le pays : d’abord le sud, le désert du Néguev et la mer morte puis Jérusalem (3 jours), une journée à Bethléem (de l’autre côté du mur), une journée pour remonter au nord le long de la vallée du Jourdain, Nazareth, ville de Marie et Joseph, le plateau du Golan, le lac de Tibériade où s’est déroulée une grande partie de la vie publique du Christ et nous sommes redescendus le long de la côte jusqu’à l’aéroport.

Le guide :

Il convient d’en dire un mot car il résume à lui seul bien des ambiguïtés de ce pays à nul autre pareil. Son grand père, araméen, a échappé au génocide de 1915 (Les Turcs ne se sont pas contentés des Arméniens) et a atterri à Bethléem où il a fait souche. Notre guide a fait toutes ses études en France ; il est ingénieur d’affaires, consultant pour une multinationale et guide formé par le Ministère du tourisme israélien. Il est chrétien orthodoxe de rite syriaque et a épousé une palestinienne comme lui, orthodoxe de rite grec. Ils habitent Jérusalem-Est. Ils sont donc considérés par les Israéliens comme résidents, soumis au régime des cartes de séjour. Ils n’ont pas droit au passeport israélien. Ils ne peuvent non plus prétendre au passeport palestinien car ils ne résident pas en Palestine. Pour voyager, ils doivent se munir d’un passeport jordanien car Jérusalem-Est était sous contrôle jordanien jusqu’en 1967 (élémentaire, mon cher Watson). Notre guide nous a fait forte impression. Il a cherché à décrire le plus honnêtement possible la situation, sans aucune haine. Il aime son pays, veut y rester bien que les conditions de vie, l’insécurité, l’injustice et les vexations soient assez courantes. Le dernier jour, il nous a dit : « Deux peuples cohabitent sur cette terre extraordinaire. Ne prenez pas parti pour l’un ou pour l’autre. Priez pour qu’ils fassent la paix. »

Le pays :

La moitié du pays, au moins est désertique. Le désert de Judée commence aux portes mêmes de Jérusalem. C’est un pays de montagnes : Un exemple, quand on descend de Jérusalem à Jéricho (une quarantaine de Kms), on passe de plus 840 mètres à moins 300 mètres. La mer morte est encore plus basse (moins 417 m. au-dessous du niveau de la mer).

Quand on va du sud au nord, on passe du désert à la riante région du plateau du Golan où le Jourdain prend sa source. Le mont Hermon qui est à la frontière de la Syrie, du Liban et d’Israél est le château d’eau de la région, d’où l’intérêt pour les Israéliens de garder le Golan.

Ce qu’on peut dire, c’est que les Israéliens ont fait fleurir le désert. Même au sud, dans la région de Bershéva, il y a des plantations. Ben Gourion a eu l’idée d’amener l’eau du Lac de Tibériade par aqueduc jusqu’au Néguev. La vallée du Jourdain est particulièrement bien mise en valeur et de nombreux kibboutzim se sont installés un peu partout. La côte est industrialisée, le réseau routier tout à fait correct. Ce 10qui frappe aussi, c’est la différence de niveau de vie entre Israël et les territoires palestiniens même s’il y a des pauvres chez les Juifs et des riches en Palestine. Les habitants des kibboutzim ne roulent pas sur l’or, ils ont parfois l’air fatigués et il y a, à Bethléem, de riches bourgeois palestiniens. En revanche, il y a peu d’affiches, moins d’incitation à la consommation et moins d’érotisation de la société.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ndlr : Marie Elisabeth a raison quand elle dit qu'il y a des israéliens très pauvres, mais ils ne sont pas dans les kibboutzim où on vit très bien avec très peu d'argent, les pauvres sont souvent des religieux qui par dignité cachent leur misère, ou des habitants des «villes de développement» qui habitent loin des circuits tourisitiques.

Peintures

Courriers

Humour

 

Mille raisons de désespérer

Le pays est une sorte de cocotte minute géante, prête à exploser, et cela ne date pas d’hier. Il y a, à mi hauteur du mont des Oliviers, une église appelée « Dominus flevit », c’est-à-dire « Le Seigneur pleura ». Selon les évangiles, Jésus s’est arrêté là, prophétisant la destruction de Jérusalem … et la ville sainte a été détruite 40 fois en 20 siècles. Le pays des béatitudes reste un champ de bataille.

Nous sommes venus en une période plutôt calme. Il n’empêche que les mesures de sécurité dans les aéroports sont dantesques, que les check points sont nombreux, que les jeunes Israéliens font trois ans de service militaire et les filles deux ans. Nous avons vu beaucoup de soldates mignonnes à croquer sous leur treillis vert. Au nord, l’armée est omniprésente et, sur le plateau du Golan, beaucoup de champs de mines sont signalés. Et, bien sûr, nous avons vu et traversé le mur qui est d’ailleurs abondamment tagué du côté palestinien. Notre guide, qui travaille en Cisjordanie, doit faire un détour de 35 Kms pour aller travailler quand les territoires ne sont pas bouclés. Et, quand les territoires sont bouclés, le taux de chômage des Palestiniens passe de 50 à 75 %. Cependant, il faut noter que, depuis l’érection du mur, les attentats ont pratiquement disparu et même des personnes favorables à la paix et à la reconnaissance de la Palestine le disent. Cela reste cependant insupportable. Un Palestinien a retracé l’histoire récente, depuis 1947, énumérant toutes les guerres ou intifadas, toutes les occasions manquées de faire la paix. Chaque fois qu’une lumière apparaissait au bout du tunnel, les fanatiques des deux camps s’arrangeaient pour casser le processus de paix.

Pour en revenir aux Palestiniens, ils sont considérés comme des citoyens de seconde zone, surtout les Chrétiens, si bien qu’il y a un exode important dans cette communauté. Pas de travail, pas d’argent, pas de logement. Quand l’un d’eux dépose un permis de construire, il est généralement refusé. Alors, il finit par bâtir quand même et la maison est démolie par les Israéliens.

Les différentes communautés s’affichent avec opiniâtreté, surtout à Jérusalem. Les Juifs pieux sont reconnaissables à leur chapeau ou leur kippa ; les Juives pieuses portent de longues jupes et cachent la tête et le cou ; 80 % des palestiniennes musulmanes sont voilées. Les prêtres, moines et religieuses chrétiens sont tous en habits. Les églises et les mosquées rivalisent de hauteur. Chaque communauté est attachée à sa langue et même si Israël compte quatre langues officielles, l’hébreu, l’arabe, l’anglais et le russe, chaque quartier écrit et communique dans sa propre langue. Une exception notable, les commerçants pour qui l’argent n’a ni odeur ni patrie ! Bref, les communautés se juxtaposent, le communautarisme frappe à chaque coin de rue.

Au sein de chaque communauté, la division existe. Entre Chrétiens, certes, puisqu’ils se marquent à la culotte jusque dans les lieux saints ; entre Juifs puisque colombes et faucons sont loin de s’entendre. Les différentes vagues d’immigration dans la communauté juive ne facilitent pas l’unité. Venus d’Europe centrale, d’Afrique du Nord, d’Ethiopie, des Etats-Unis, de Russie, ils ont certes en commun une identité mais les cultures et les attentes diffèrent notablement. En ce qui concerne les Palestiniens, nous avons été étonnés d’entendre si peu parler de Gaza. Deux hypothèses, la première c’est que la question est trop douloureuse et la blessure trop fraîche ; la seconde, c’est que nous avons rencontré des Palestiniens certainement plus proches du Fatah que du Hamas et donc très mal à l’aise pour en parler.

Bien sûr, la question de fond demeure, celle de la légitimité à habiter cette terre. Les Palestiniens ont toujours été là, ils sont chez eux. Les colonies qui s’implantent en Cisjordanie sont une intolérable provocation. Juste en face de Bethléem, se dresse une colonie toute neuve contrastant avec les logements des Palestiniens. . Les Juifs sont, comme les Arabes, les fils d’Abraham et ils sont héritiers de la promesse faite par Dieu à Abraham de leur donner ce pays. Ils ont admirablement mis en valeur ces terres arides et aspiraient légitimement au repos après l’horreur de la Shoah. Nous avons visité Yad Vashem, le mémorial de l’holocauste et en sommes revenus bouleversés. Nous avons également participé à l’ouverture du shabbat au Mur occidental dit mur des Lamentations...et avons prié avec nos frères Juifs. Rien n’est simple.

Au-delà de tout cela, il existe un problème géopolitique. La question est de savoir qui se cache derrière ces deux peuples et quels sont les enjeux de la guerre. L’un des problèmes, évoqué plus tôt est celui de la maîtrise de l’eau mais c’est loin d’être le seul. Qui finance l’effort de guerre ? Qui a intérêt à ce qu’elle dure ?

 

Cent raisons d’espérer.

Je disais qu’en arrivant à Jérusalem, je m’étais sentie chez moi au mépris de toute logique. Peut-être suis-je habitée par la prophétie d’Isaïe, chapitre 60 : « Lève les yeux et regarde au loin. Tous sont rassemblés, ils viennent à toi. Tes fils viennent de loin et tes filles portées sur la hanche. »

Je crois aussi que j’ai compris qu’au-delà de toutes les différences, de tous les mépris (le mépris est toujours une méprise), il y avait beaucoup plus de points de convergence que de points de divergence entre les différentes populations. En exagérant le trait, on peut dire que la culture occidentale est actuellement centrée sur l’argent et sur l’exacerbation du désir alors que beaucoup de Palestiniens et d’Israéliens sont plutôt dans la quête d’un idéal. Le danger, c’est qu’ils basculent dans le fanatisme, en instrumentalisant leur foi au service du pouvoir. La majorité n’en est pas là et désire sincèrement la paix, tant chez les Juifs que chez les Palestiniens. La rencontre avec un certain nombre de témoins nous l’a fait comprendre.

Tout d’abord, à notre arrivée, nous avons été accueillis à Neve Shalom, un village de la paix qui depuis trente ans permet à des familles israéliennes, palestiniennes musulmanes ou chrétiennes de cohabiter. Anne le Meignien, une bretonne, en est l’une des fondatrices. Il y a en ce moment à peu près 80 familles et il est prévu d’en accueillir 140. Au cœur du projet, l’éducation. Une école maternelle et primaire bilingue (hébreu et arabe) prend en charge les enfants ainsi que ceux du voisinage pour leur apprendre dès le plus jeune âge à vivre ensemble. Il n’y a ni mosquée, ni synagogue, ni église dans le village. Chacun peut aller pratiquer où il veut. Seul un lieu de silence est ouvert à tous, croyants ou incroyants. La règle d’or est le respect et l’amitié.

En Cisjordanie, nous avons été reçus dans une paroisse catholique de rite grec par le prêtre, sa femme, ses enfants et la petite communauté. Ils nous ont invités à l’eucharistie, préparé un bon repas et parlé de la situation. On les sent fatigués de tant de guerre et de tant de précarité mais décidés à rester sur cette terre et faire avancer la justice et le respect de l’autre. Leur école est fréquentée en grande majorité par des musulmans. Ils ont créé des ateliers pour donner du travail à un certain nombre de personnes et s’occupent de faire construire des logements pour les chrétiens sans toit. Les Chrétiens des différentes églises ont la même préoccupation et quelques dizaines ou centaines de logements sont entrain de voir le jour pour que l’exode des Chrétiens cesse.

La rencontre la plus émouvante a été celle d’un palestinien chrétien. Il a fait toutes ses études en France et s’est installé à Jérusalem. En 1986, épuisé, il a tout vendu et est reparti en France avec femmes et enfants. Huit mois plus tard, il a compris que sa place était en Israël et il est donc revenu pour s’occuper des enfants palestiniens. Au cours de la rencontre,il n’a rien éludé des difficultés quotidiennes ; il a largement parlé des ratés du processus de paix, du danger, des injustices mais il a montré aussi pourquoi il croyait la paix possible. Tout d’abord, à l’hôpital, tout le monde est soigné sans discrimination. Entre médecins, aucune différence n’est faite et il jouit de la confiance de ses confrères. (Notre guide nous a dit la même chose, ajoutant qu’au niveau de l’éducation, il en allait de même puisque la plupart des Palestiniens vont jusqu’à bac + 4.)

Il a montré aussi que bien des progrès avaient été accomplis. Pendant longtemps, les Palestiniens voulaient jeter les Israéliens à la mer ; pas question pour eux de reconnaître l’Etat d’Israël. C’est maintenant chose faite. Du côté des Israéliens, il n’était pas question de compromis ; or, la bande de Gaza et le secteur A de Palestine ont accédé à l’autonomie. Il se murmure que des pourparlers sont en cours pour chercher un équilibre régional, une sorte de marché commun entre la Jordanie, le Liban, la Syrie et Israél pour sortir de la crise par le haut. Mais c’est encore un rêve !

 

Je finirai par deux anecdotes.

Nous avons vu, dans les rues de Jérusalem-Est un rabbin en grande discussion avec un Palestinien. Il venait faire réparer sa voiture.

Plus sérieusement, voici ce que nous a raconté le médecin : Pendant la seconde intifada, l’un de ses confrères a perdu son père. Il est alors allé lui présenter ses condoléances avec un ami. Lorsque les jeunes Palestiniens ont vu une voiture immatriculée à Jérusalem, ils ont jeté des pierres. L’ami a été sérieusement blessé au visage. Quant au docteur, il a eu la clavicule et plusieurs côtes brisées, une hémorragie s’est déclarée. C’était shabbat ; un juif sortait de la synagogue avec son châle de prière. Il a bien vu qu’il avait affaire à des palestiniens qui parlaient arabe e ntre eux. Il les a secourus, fait boire, enveloppé le bras blessé dans son châle de prière ; il les a conduits à l’hôpital. Un bon samaritain !

Amour et vérité se rencontrent,

Justice et paix s’embrassent,

Vérité germera de la terre

Et des cieux se penchera la justice.

Psaume 84(85)

 

Petite remarque de Mivy :
Les samaritains étaient victimes de racisme, descendants de payens déportés en Israël par les Assyriens pour remplacer la population Juive déportée aux quatre coins de l'empire, ils s'étaient judaïsés mais restaient des «métèques». Les évangiles parlent d'un bon samaritain, pour montrer que le racisme est absurde.
Dans le témoignage de Marie Élisabeth, le juif pieux était probablement victime aussi d'ostracisme car les palestiniens ont souvent une attitude raciste vis à vis des juifs, et en voir un se comporter avec humanité doit sembler aussi choquant a certains arabes d'aujourd'hui que de voir un samaritain au bon coeur aux yeux de beaucoup de juifs de l'époque.

Les leçons de l'évangile sont donc toujours d'actualité !

J'ai aussi lu des témoignages réciproques, des palestiniens sont accourus au secours d'israéliens blessés par des attentats terroristes pendant l'intifada.
On aura tout vu, même le meilleur !