Dijon a été confortée dans son rôle de métropole régionale, à la tête d'un bassin d'emploi de 400 000 personnes, elle souhaite attirer des millions de touristes dans les prochaines années, elle devient une ville de congrès, et a obtenu l'installation d'une cité internationale de la Gastronomie. Ce projet, bénéfique pour la ville, sera-t-il une opportunité pour la revitalisation d'un centre ville parmi les plus beaux de France, ou au contraire, contribuera-t-il à son déclin ?
La course à la productivité, la mondialisation, entraîne des mutations, des déplacements de richesses et d'hommes, qui présentent des risques de déclin et des opportunités pour ceux qui savent les saisir. Confronté à ces mutations, Dijon, qui est une des plus belle ville de France, réagit avec force par un projet audacieux, la ville veut attirer touristes et congressistes en s'équipant et en faisant connaître ses pôles d'excellence, la gastronomie... et pour ceux qui font des excès, l'industrie pharmaceutique et la recherche médicale !
L'hôpital de Dijon
A Dijon, il y avait un grand hôpital, multi centenaire, en bordure de la vieille ville, c'est en 1204, que le Duc de Bourgogne Eudes III a fondé dans le faubourg de l'Ouche une maison destinée à recueillir les enfants abandonnés, et au cours des siècles, enrichi au XVI ème siècle, remanié au XVII et au XVIII ème siècle, cet établissement n'a cessé de prendre de l'importance et de s'étendre sur un vaste domaine. (1) Toutefois dans les années 1960 on a construit à quelques kilomètres de là, sur les hauteurs un nouvel hôpital, juste à côté de la faculté de Médecine.
Les deux hôpitaux étaient complémentaires, mais les transferts de l'un à l'autre pour les pathologies multiples ne facilitaient pas la vie des soignants, et ajoutaient des risques et surtout ajoutaient des coûts, alors on a agrandit l'hôpital du Bocage, devenu hôpital François Mitterrand et on y a déménagé progressivement tous les services, les uns après les autres.
Le nouveau CHU est immense, 1800 lits, 33 salles d'opération.. il est le second employeur de la ville après la mairie, on s'y perd facilement. Mais il est rationnel.
En même temps on peut noter que la Générale de Santé a racheté plusieurs cliniques dijonnaises, et construit en ce moment un hôpital privé tout au Nord de la ville. Les cliniques vont fermer. La santé a fuit le stade artisanal pour entrer dans l'ère industrielle, avec ses avantages et ses nuisances.
En attendant les économies d'échelle escomptées, le financement du coût de la construction de l'hôpital est énorme, le nouveau CHU traine un déficit difficile à combler. Seule solution revendre très cher l'ancien hôpital historique.
Dijon et le vignoble bourguignon vient d'être classé au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO
Ces inscriptions sont des labels qui peuvent être rentabilisés en permettant le développement du tourisme. Dijon a réussi le concours et a fait labelliser deux terroirs importants :
Les climats des vignobles bourguignons et le centre historique de Dijon :
« Les climats sont des parcelles de vignes précisément délimitées sur les pentes de la côte de Nuits et de Beaune, au sud de Dijon. Elles se distinguent les unes des autres par leurs conditions naturelles spécifiques (géologie, exposition, cépage...) qui ont été façonnées par le travail humain et peu à peu identifiées par rapport au vin qu'elles produisent. Ce paysage culturel est composé de deux éléments : le premier couvre des parcelles viticoles, les unités de production associées, des villages et la ville de Beaune. Cette première composante représente la dimension commerciale du système de production. La seconde composante est le centre historique de Dijon qui matérialise l'impulsion politique donnée à la formation du système des climats. Le site est un exemple remarquable de production viti-vinicole développé depuis le haut Moyen Âge. » (Voir UNESCO)
Il y a
47 sites humains ou naturels labellisés en France. Très peu sont en Bourgogne.
Le centre ville de Dijon devient une Zone Touristique Internationale
Les Ministères du Travail et de l'Économie ont établi un projet d'arrêté visant à délimiter la Zone Touristique Internationale de Dijon. Le classement en Zone Touristique Internationale autorise les établissements de vente au détail situés dans cette zone à déroger au repos dominical des salariés. Concrètement, cela permettrait aux commerces de l'hyper-centre de Dijon d'ouvrir tous les dimanches de l'année sans demande d'autorisation spécifique.
Dijon-Métropole se voit conforté dans sa place de capitale régionale
Le gouvernement ayant eu l'idée de regrouper les régions de Bourgogne et de Franche comté, Dijon en est naturellement la capitale, d'une part, par ce que la ville est un peu plus grande que sa rivale Besançon, mais surtout par ce qu'elle est plus centrale, à 220 kilomètres de Sens, Nevers, Belfort ou Lons le Saunier. Le partage des compétences entre Besançon et Dijon devrait permettre un développement harmonieux.
Le statut de métropole régionale a été attribué le 17 février 2017 à Dijon-Métropole (24 communes et 250 000 habitants pour un bassin d'emploi de 400 000 habitants). D'autres agglomérations ont obtenu ce même titre, par exemple, Saint Etienne, Orléans ou Toulon. Il y a aujourd'hui 24 métropoles régionales en France. Ce statut remplace avantageusement celui de communauté urbaine car ses compétences seront élargies au détriment de celles du département.
La France veut une Cité de la Gastronomie pour valoriser son patrimoine culturel
Créé suite à l'inscription par l'Unesco du « Repas Gastronomique des Français » sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité, le label « Cité Internationale de la Gastronomie » est une distinction prestigieuse, qui honore autant qu'elle engage. Cette cité a été mise en concours, et plusieurs villes ont été candidates.
Parmi les concurrents, il y a eu Lyon, célèbre pour ses "bouchons", Lyon est naturellement une des villes de France au sommet de la tradition culinaire, mais aussi, Beaune, au coeur du vignoble Bourguignon, au carrefour des autoroutes vers Paris, Lyon, Genève, Luxembourg, et Strasbourg, Tours qui est au centre d'une mosaïque de terroirs et de territoires où la notion d'art de vivre dépasse celle de gastronomie. Le patrimoine bâti, naturel et culturel du Val-de-Loire est en effet exceptionnel. Versailles là où la gastronomie est née au palais du Roi, et Chevilly la Rue juste à côté de Rungis, le plus important marché de gros d'alimentation d'Europe, et tout près de Paris, et enfin Dijon, capitale de la moutarde, dont la richesse patrimoniale vient d'être mise à l'honneur par l'UNESCO. Dijon dispose d'un espace disponible, plein d'histoire et de prestige : l'ancien hôpital historique
La commission de sélection s'est réunie en janvier 2017, et a décidé d'homologuer un réseau de trois cités, Tours, Chevilly la Rue et Dijon. Beaune n'avait pas les moyens financier d'établir un beau projet, Lyon n'avait pas pris au sérieux le concours, et ne proposait qu'un tout petit espace dans uns une rénovation importante, et Versailles s'était désisté faute de financements.
Lyon et Beaune n'ont pas franchement accepté cette élimination, et le maire de Lyon travaille à réaliser son projet, et espère bien finir par être homologué, Beaune travaille aussi sur sa cité du vin, et cherche des partenariat pour rejoindre l'équipe de tête.
Le Grand Chantier à l'ancien hôpital
Dijon étant retenue, l'ancien hôpital ayant déménagé, le nouvel hôpital étant dans l'urgence absolue de vendre les terrains à bon prix, il fallait un projet costaud capable d'attirer les investisseurs. Le site a une surface de 6,5 ha en bordure du centre ville, la cité de la gastronomie en prendra 3, et un écoquartier en prendra 3.
Le projet de la cité de la gastronomie et du vin de Dijon a un comité scientifique d'orientation qui le dirige. Aux manette on trouve Eric Prat, chef de la maison Lameloise, restaurant triplement étoilé au guide Michelin et situé à Chagny (Saône et Loire) ainsi que Jocelyne Pérard , titulaire de la chaire "Culture et Traditions du vin", à l'Université de Bourgogne. C'est la seule chaire au monde labellisée par l'UNESCO portant sur les thématiques de la vigne et du vin. Elle est constituée d'un réseau international de partenaires du monde académique, du monde professionnel vitivinicole, du monde culturel et du monde institutionnel.
On trouvera dans cet ensemble
Un pôle Culture et formation : Sur 5000 m² on trouvera la prestigieuse école de cuisine Ferrandi, et une école du vin (En concurrence avec celle qui va ouvrir à la rentrée à l'École Supérieure de Commerce de Dijon).
Un centre d'interprétation de l'architecture et du patrimoine (600 m²)
Un centre de conférence, avec une salle de 250 places, des locaux d'exposition
Un hôtel Hilton de 125 chambres, 80 couverts et une salle de réception de 800 m²
2900 m² de commerces, dont quatre restaurants, une librairie spécialisée en gastronomie, et une moyenne surface alimentaire de 1200 m².
Deux cinémas dont un d'art et d'essai, avec en tout 13 salles et 2100 places.
Un village de l'innovation, pépinière d'entreprises, il hébergera une quinzaine de startup du secteur de l'agro-alimentaire sur 1000 m².
90 logements de standing autour de la cours de Jérusalem
Un éco-quartier de 540 logements, comprenant en plus une résidence pour personnes âgées, une résidence universitaire, et une résidence hôtelière pour touristes.
Un parking silo de 450 places
Ce projet devrait renforcer le tourisme et l'attractivité de la ville, des capitaux très importants sont engagés, il créera des centaines d'emplois, toutefois il ne fait pas que des heureux.
Les risques du projet
Ce qui a fait le plus réagir les dijonnais, ce fut le transfert annoncé des cinémas du centre ville vers la Cité de la Gastronomie. La propriétaire du cinéma Darcy, avait fait une grande campagne pour éviter l'implantation de ce nouveau complexe loin du centre. Elle a annoncé dès la publication officielle du projet, qu'elle fermerait son cinéma. Les autres cinéma appartiennent au même groupe que celui qui a investi dans la cité de la Gastronomie, ils fermeront aussi. Ces départs sont vécus comme des drames par tous ceux qui aiment l'animation du coeur de ville historique.
Le centre commercial de la ville est sur l'axe Ouest-Est, autour de la Rue de la Liberté, de la Place Darcy au palais de Ducs et au musée des beaux arts, bien visibles sur le plan, et sur l'axe Nord Sud, de la Rue de Godrans à la Rue Monge qui mène de l'hyper centre vers la future cité de la Gastronomie. La rue Monge est en perte de vitesse, surtout que le Rectorat qui s'y trouvait a déménagé pour le quartier Clémenceau. La Place Emile Zola, où se pressent des restaurants aussi célébres que "Le moules Zola", ou "L'Emile Brochettes", n'empêche pas son déclin.
La ville de Dijon est magnifique, et la mairie n'a pas ménagé ses efforts pour l'embellir, les restaurants s'y multiplient, et les touristes sont de plus en plus nombreux, on voit s'ouvrir les premiers bureaux de change. Toutefois le commerce du centre est gravement malade, les emploies partent vers l'extérieur, outre le rectorat, c'est la Caisse d'Assurance Maladie (CPAM) qui va partir, ainsi que la clinique Saint Marthe qui occupait bien deux cent salariés.
Le principal centre commercial de la ville, l'immense « Toison d'Or », à cinq kilomètres du centre canibalise la ville où les pas de porte à vendre se multiplient.
Le projet de la Cité de la Gastronomie sera un atout pour le rayonnement de la ville, qui devient petit à petit une ville de congrès, bien équipée et bien desservie, mais est-ce que cela favorisera la revitalisation du centre ville ?
La ville espère qu'un nouveau flux de piétons, allant de la Cité de la Gastronomie vers le centre historique permettra de revigorer cet axe, mais aujourd'hui rien n'est gagné. Au fond, tout le monde sait que le déclin commercial des centre-villes n'est pas un problème spécifiquement dijonnais.