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Derière mise à jour
07-Déc-2024
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Michaël Azoulay Rabbin de Neuilly exposé retranscrit depuis Akadem
S Nadjar journaliste
Septembre 2019
Michael Azoulay, intéressé depuis huit par le sujet, , il n'y a pas une seule manière de penser la question, pour cela mon livre s'appelle "Ethiques du judaïsme" avec un s . Mon livre parle d'éthique normative, mais il n'y a pas qu'une seule manière d'aborder ces questions.
L'extention de la PMA aux femmes seules a été une des promesses du président Macron, vous a t-il consulté ?
Oui, plusieurs fois, car je suis chargé des affaires sociétales, auprès du Grand Rabbin de France, et plusieurs fois je me suis rendu à l'assemblée nationale et au sénat.
J'ai été représenté avec les divers religieux, auditionné par les pouvoirs publics.
Un tel débat ne peut pas avoir lieu sans consultation des religieux ?
Je pense qu'il y a une volonté d'appaiser les choses, suite au débat sur le mariage pour tous. On se sent le devoir d' inviter les autorités religieuses, mais on a le sentiment que tout est joué d'avance. On est dans une société ou le principe d'autonomie est de plus en plus présent, on décide de nos vie de nos désirs etc... et lorsque vous vous présentez comme responsable religieux, avec l'éteronomie, c'est à dire le contraire d'une autonomie, l'idée d'une autorité, d'un Dieu ou d'un décisionnaire qui s'impose à vous, c'est très mal accepté.
C'est aussi une chance de poser cette éthéronomie qui nous permet de poser des repères immuables repères immuables dans un monde où on ne sait plus où on va. Nos sociétés en ont besoin car aujourd'hui on est en perte de repères. Il y a un problème autour de la maternité, de la paternité et de la conception des enfants.
Qu'est ce qui caractérise la bioéthique juive ? on sent bien que c'est au coeur de votre livre
Dans le début de ce livre, opn voit que les juifs ne s'associent pas aux grandes manifestation, car on a cette idée très forte que le judaïsme est un particularisme, pour cela, il ne s'impose pas aux autres. Cela n'empêche pas qu'il y a dans les textes du judaïsme des messages universels,qui vont au delà du monde juif, je pense par exemple au récit d' Adam et Eve qui ne sont pas juifs qui mettent en présence un homme et une femme, on peut donner à réfléchir à la société sans leur imposer notre manière de voir.
Est ce audible par la société aujourd'hui ?
De moins en moins, voir tout ce qui se passe avec la théorie du genre. de plus en plus, ce masculin et ce féminin, on du mal à le définir, et à le différencier.
On a du mal à faire passer nos idées. On nous repproche d'avoir une tradition, d'être archaïque, qui ne bouge pas, alors que la société bouge.
Or notre tradition ne peut qu'évoluer. Les nouvelles possibilité de la médecine et de la science amènent des interrogations qui ne se posaient pas, donc les rabbins sont amené à avoir de nouvelles interprétations des textes.
Le talmud pose le premier le problème de la fécondation sans rapport sexuel.
On pose le problème dans le talmud, qu'une femme devenue enceinte, car se baignant dans un bain, où elle devient inséminé par le sperme d'un homme qui ne baignait précédemment. cette femme peut-elle se marier avec un grand prêtre ? est elle vièrge ou pas ? et cela poses les problèmes de la filiation, la mère risque-t-elle l'inceste, vu que le père est inconnu ?? un enfant né de père anonyme peut-il faire plus tard un mariage incestueux, enfant adultérin. Un donneur a mis au monde 600 enfants en Angleterre. Une personne étrangère peut-elle se mêler à un couple ?
Comment les décisionnaires réagissent-ils face à la GPA ?
L'immense majorité des décisionnaires est opposé à la GPA, le problème mis en avant est la filiation, qui est la mère ? qui est le père ? quand on accepte la GPA, il faut que la mère porteuse soit célibataire. On essaie de ne pas faire de mélange entre les couples. Sarah et Agar c'est la procréation pour autrui, et non la gestation pour autrui.
Sur le plan de l'idée cela nous rapproche de la GPA, mais pas sur le plan de la conception.
A l'époque on était dans un concept de polygamie qui n'a rien à voir avec la situation actuelle, c'est une esclave. La GPA est une sorte d'esclavage de la mère porteuse.
http://www.slate.fr/story/93287/gpa-israel Jacques Benillouche — 16 octobre 2014
D’ordinaire, les juifs orthodoxes, conservateurs et fidèles à leur dogme figé depuis l’origine de leur religion, n’acceptent aucun amendement aux lois datant de l'époque de Moïse. Tout essai de moderniser des pratiques anachroniques est assimilé pour eux à une déviation religieuse, sinon à une profanation de la loi orale. Ils ont interdit aux juifs libéraux d’avoir droit de cité en Israël et rejettent en bloc toutes leurs décisions cultuelles. Ils s’accrochent à leurs textes avec toute l’énergie de leurs convictions.
Pourtant, dans le domaine de la gestation pour autrui (GPA), ils font preuve étonnamment d’une ouverture d’esprit exceptionnelle qui les rend modernes et éclairés là où les autres religions restent frileuses, sectaires, et d’une certaine manière anachroniques. Ils ont redonné l’espoir là où il n’y avait plus.
En Israël, les mères porteuses ont une existence légale, encadrée par la loi civile et la loi religieuse, la Halakha. Le judaïsme, tiraillé «entre le commandement qui impose à l'homme de procréer et la règle selon laquelle la mère est celle qui accouche» a définitivement tranché en faveur de la GPA avec une restriction cependant: il s'agit d'aider à remédier à la stérilité d’une personne. Les couples doivent être obligatoirement mariés religieusement pour permettre de considérer le nouveau-né comme juif au sens religieux du terme. Le couple doit apporter la preuve médicale que la mère est dans l’incapacité de porter elle-même un enfant. Les couples homosexuels sont ainsi éliminés de facto de cette technique.
La loi civile a été promulguée avec l’imprimatur du Grand Rabbinat, nécessaire pour qualifier de juif le nouveau-né, bien que la religion estime que le judaïsme ne se transmet que par la mère. Le Tribunal rabbinique, très attaché aux écritures, s’est tout simplement appuyé sur les exemples puisés dans la Bible.
D’une part, la femme d’Abraham, Saraï, qui ne lui avait pas donné d’enfant, avait une servante égyptienne nommée Agar. Elle proposa à Abraham: «Vois, je te prie: Yahvé n’a pas permis que j’enfante. Va donc vers ma servante. Peut-être obtiendrai-je par elle des enfants.» Et Abraham écouta la voix de sa femme. (Genèse 16.1 & 16.2).
Par ailleurs Rachel, voyant qu’elle-même ne donnait pas d’enfants à Jacob, devint jalouse de sa sœur et elle lui dit: «Fais-moi avoir aussi des enfants, ou je meurs!» Il s’emporta en se défendant: «Est-ce que je tiens la place de Dieu, qui t’a refusé la maternité?» Elle lui conseilla alors: «Voici ma servante Bilha. Va vers elle et qu’elle enfante sur mes genoux: par elle j’aurai moi aussi des enfants!» Jacob s’unit ainsi à sa servante Bilha qui enfanta à Jacob un fils. (Genèse 30.1 à 30.5)
A l’époque, il ne s’agissait pas de voter des lois mais de se fier tout simplement au bon sens. Cette possibilité donnée en Israël aux couples ayant des problèmes de conception a entraîné l’installation de nombreux Français venant chercher sur place la possibilité de procréer avec l’aide d’un tiers. Mais la loi encadre précisément la GPA et ne permet pas d’ouvrir la porte au «tourisme procréatif».
Pour éviter toute déviation des textes, seuls les couples disposant de la nationalité israélienne ont droit à bénéficier de cette loi ce qui entraîne de facto une alyah (immigration) spécifique de candidats au bonheur. Les règles sont strictes et leur application nécessite un délai de plusieurs mois avant que l’opération ne puisse être effective.
Les couples candidats doivent d’abord passer devant une commission médicale étatique qui s’assure de la réalité de la stérilité et qui doit attester de l’impossibilité de procréer naturellement. Une deuxième commission psychologique doit garantir l’état d’esprit du couple stérile et celui de la mère porteuse dont l’analyse médicale doit faire ressortir une santé irréprochable pour garantir une naissance dans les meilleures conditions.
Afin d’éviter les dégâts collatéraux et les conflits avec un éventuel conjoint, la mère porteuse doit être officiellement divorcée, civilement et religieusement, ou veuve et doit avoir au moins un enfant. Elle doit être juive selon la loi religieuse, ce qui exclut par exemple de fait les femmes immigrées russes qui détiennent une carte d'identité israélienne mais qui ne sont pas reconnues comme juives par le Rabbinat. En effet de nombreuses immigrants ont bénéficié de la Loi du Retour parce qu’ils pouvaient justifier d’une ascendance juive au cours des deux précédentes générations, mais le Rabbinat leur dénie l’appartenance religieuse au judaïsme si la mère n’est pas juive. C’est le cas de 30% des femmes immigrées de l’ex-URSS qui pour certaines continuent à pratiquer ouvertement leur religion chrétienne.
Lorsque ces étapes ont été franchies, un contrat est établi devant les tribunaux garantissant l’impossibilité pour la mère porteuse de se rétracter et sa déchéance d’un quelconque droit sur le bébé qui naîtra. De même, la famille commanditaire ne peut refuser la naissance pour «non-conformité», dans le cas par exemple d’un handicap sérieux du nouveau-né ou d’une malformation non détectée pendant la gestation (bébé trisomique). Le sperme et les ovules sont impérativement en provenance de l’un des parents commanditaires, ce qui implique que le bébé naîtra avec les gènes de l'un des vrais parents. La mère «sociale» suivra l’évolution de la grossesse pendant les neuf mois de gestation pour s’imprégner au mieux de sa future condition et, au moment de l’accouchement, elle recevra, la première, le bébé sur son corps, dès son premier cri, de façon à ce que le premier contact du nouveau-né avec la vie soit avec celle qui l’élèvera. Les règles psychologiques sont ainsi bien établies.
L’Etat officialise la naissance par un acte où la mère porteuse n’a aucune existence légale et les nouveaux «vrais» parents seront reconnus par toutes les instances administratives et religieuses du pays. L’ambassade de France entérine donc légalement cette naissance, puisque l’extrait de naissance ne mentionne jamais qu’il s’agit d’une GPA. De ce point de vue, le secret médical est bien gardé.
Certes le contrat mentionne une indemnité financière qui est la contrepartie évidente de la GPA. La solution est coûteuse et n’est réservée qu’à quelques couples privilégiés puisque le montant global de l’opération avoisine les 30.000 euros répartis entre les frais médicaux et la mère porteuse. Cette somme est bloquée sous séquestre entre les mains d’un avocat assermenté qui assure à la mère porteuse un revenu de 25.000 euros et au couple stérile la garantie de bonne fin de l’opération. Cette opération peut être plusieurs fois renouvelée sans limite.
En Israël, la GPA est de plus en plus courante et elle ne provoque aucun problème moral ou psychologique. Elle donne du bonheur à ceux qui en manquaient. Les statistiques manquent car les couples et les hôpitaux tiennent au secret pour éviter les conséquences psychologiques pour le bébé et surtout pour la mère. Dans le seul monde francophone, on peut évaluer à une cinquantaine par an le nombre d’enfants conçus en Israël par GPA.
Procréation médicalement assistée, gestation pour autrui, homoparentalité et monoparentalité
Liliane Vana (Université Paris I Panthéon-Sorbonne ; Institut Universitaire E. Wiesel, Paris) mai 2015
https://institutj.files.wordpress.com/2015/05/2013-vana-pma-gpa-homoparentalitecc81-tsafon-65.pdf
...
Comme seul l’homme a l’obligation de procréer, il peut, et a même le devoir de, répudier son épouse si au bout de dix ans elle « ne lui a pas donné d’enfants » 12, car elle l’empêche d’accomplir son obligation religieuse (miçwah). En revanche, si l’homme est stérile ou rencontre des difficultés de procréation, la femme ne peut le répudier et, n’ayant pas l’obligation de procréer, elle ne saurait, du moins de jure, évoquer ceci comme motif de demande du get13. Elle est condamnée à vivre avec lui à moins qu’il ne consente à la répudier, car la remise du libelle de répudiation (get) est à la discrétion de l’époux, et de lui exclusivement14.
Le « désir d’enfant » chez la femme, même mariée, est sans doute une visée légitime mais n’intervient que rarement dans le raisonnement halakhique15.
Cette halakhah a eu dans le passé, et a encore de nos jours, des conséquences néfastes sur la vie des femmes, leur statut dans le couple et dans la société juive.
A défaut de répudiation, l’époux peut prendre une seconde épouse en toute légalité religieuse, la polygamie n’étant pas interdite par la loi biblique ou par la halakhah16. Il peut également obtenir une autorisation en bonne et due forme des rabbins contemporains17.
En revanche, si l’époux est stérile ou souffre de problèmes d’infertilité, la femme ne peut, elle, prendre un second époux (la polyandrie n’étant pas tolérée) ni demander le divorce, n’ayant pas l’obligation de procréer.
Malgré son désir d’enfant et l’infertilité de son conjoint, la femme mariée est condamnée à rester ancrée dans ce mariage aussi longtemps que son époux refuse de lui donner le get, le libelle de répudiation.
LA PMA
Lorsqu’il s’agira de procréation médicalement assistée (PMA) avec donneur de sperme, les conséquences halakhiques sont évidentes. Certains poseqim l’interdisent car, dans ce cas, l’enfant à naître aura pour père halakhique le donneur de sperme. Le mari n’aura donc pas accompli sa miçwah de procréer. Quant à la femme, elle n’a pas l’obligation d’accomplir cette miçwah.
D’autres décisionnaires autorisent le recours à ce type de PMA mais reconnaissent que seul le donneur de sperme juif est le père halakhique.
Fécondation in vitro
II. La fécondation in vivo et la fécondation in vitro18 L’insémination artificielle commence à être pratiquée aux États Unis dès la fin du XIXe siècle chez les couples mariés dans les cas d’infertilité masculine.
On utilisait alors les gamètes de l’époux mais, par la suite, on fit appel à des donneurs – technique qui finira par se généraliser. En 1959 et 1961, le R. Moshéh Feinstein, éminent poseq vivant aux États-Unis émet deux responsa autorisant la femme mariée à recourir à une FIV avec les gamètes de l’époux, voire avec celles d’un donneur non-juif19.
Sous les pressions de ses collègues et les attaques des milieux orthodoxes radicaux (haredim), il revient sur ses positions en 1965. Plus tard, cette technique sera admise avec quelques réserves malgré les résistances des juifs radicaux.
R. Eliezer Waldenberg opère une distinction entre l’insémination artificielle in vivo et la fécondation in vitro. Dans le dernier cas, .dit-il, le père n’accomplit pas la miçwah (commandement religieux) de procréer, la grossesse commençant en dehors de l’utérus, ce qui n’est pas le déroulement habituel des choses.
Avec le temps, ce genre d’argument est abandonné et la technique acceptée. Plus tard, R. Ovadyah Yosef, grand rabbin séfarade de l’État d’Israël autorise même le prélèvement ovarien, la fécondation de l’ovocyte in vitro par le sperme du conjoint et sa réimplantation chez la même femme.
En revanche, son homologue ashkénaze, le grand rabbin Shelomo Goren, qualifiera ce procédé de « moralement répugnant » sans toutefois l’interdire halakhiquement.
III. L’insémination artificielle20 avec sperme du conjoint (IAC)
Cette technique médicale soulève, aujourd’hui, peu de problèmes, car les gamètes masculines sont immédiatement appliquées à la partenaire féminine en vue de la procréation. Le R. Feinstein ainsi qued’autres décisionnaires autorisent cette technique médicale, à condition
de veiller à ce que le sperme du mari ne soit pas remplacé par celui d’un
autre homme, que la manipulation des éprouvettes soit assurée par des
personnes fiables et soucieuses de la loi juive, et que les règles de la
halakhah ne soient pas enfreintes lors du recueil du sperme (cf. infra §
V).
Néanmoins, à l’exception de quelques cas extrêmes, des décisionnaires tel R. Waldenberg interdisent cette technique médicale , le risque de substitution du sperme d’un autre homme à celui du mari lors de sa manipulation par les praticiens étant considéré trop important. Si un tel accident se produisait, il y aurait adultère dont les conséquences seraient graves pour le couple ainsi que pour l’enfant. Celui-ci serait mamzer (cf. infra § VI).
IV. L’insémination artificielle avec sperme de donneur (IAD)
De l’avis de I. Jakobovits, grand rabbin du Royaume-Uni, cette technique médicale soulève la question de sa légitimité, en ce qu’elle fait de la procréation un acte technique, mécanique. Elle écarte ainsi la relation intime, mystique que l’être humain aurait avec Dieu dans la propagation de l’espèce humaine.
Cette attitude qui relève d’une
idéologie n’a aucun fondement halakhique. Elle a été pourtant adoptée par certains décisionnaires dans la deuxième partie du XXe siècle.
L’insémination artificielle avec donneur est souvent la seule
solution envisageable pour beaucoup de couples, lorsqu’un problème d’infertilité ou de sperme de « mauvaise qualité » est diagnostiqué chez l’homme.
Cette technique soulève pourtant des problèmes qui pourraient s’avérer être lourds de conséquences d’un point de vue halakhique, dont les suivants :
Selon ces sources, la conception sine concubito est possible et, dans ce cas, la femme (mariée) ainsi que l’homme qui l’a fécondée ne sont pas adultères. Par voie de conséquence, un enfant issu d’une telle union n’est pas mamzer. Cependant, comme la pratique de l’IAD permet à plusieurs femmes de bénéficier d’insémination avec le sperme d’un même donneur, un tel enfant risque, plus tard, de rencontrer et d’épouser sa demi-soeur ou son demi-frère, sans s’en douter. D’où l’attention particulière qu’il convient de prêter à ce cas et la nécessité de s’armer de multiples précautions.
Les conclusions de ces sources sont d’une importance capitale pour la question de l’IAD. Elles ont été analysées par la plupart des poseqim et des commentateurs du Shulhan ‘Arukh, bien avant le XXe siècle et le débat sur la PMA.
La majorité des décisionnaires du XXe siècle tels R.B.Z. Uzziel, R. Y.Weinberg, R. M. Feinstein et d’autres, y trouvent leur appui halakhique pour décréter qu’en l’absence de tout rapport sexuel, l’IAD ne constitue pas un adultère et l’enfant n’est pas mamzer.
En revanche, le risque d’inceste étant réel, certains l’interdisent purement et simplement, d’autres la permettent tout en interdisant l’anonymat du donneur de sperme juif, d’autres encore ne la permettent qu’avec un donneur de sperme non-juif, la loi ne reconnaissant pas l'époux et ne pourra pas revivre avec lui ni avec le donneur de sperme ad vitam aeternam.
En marge de la technique médicale, l’observance de certains commandements (miçwot) risque d’être négligée, voire oubliée. D’autres commandements risquent d’être transgressés :
V. Le recueil de sperme
La masturbation est le moyen le plus fréquemment pratiqué dans les cliniques spécialisées pour le recueil de sperme en vue d’une PMA.
Cette pratique étant prohibée par la loi juive, le recueil de sperme est autorisé à condition d’avoir recours à d’autres moyens : le coitus interruptus, l’usage du préservatif, ou le prélèvement vaginal lorsque le rapport sexuel a lieu dans une clinique spécialisée en PMA.
Cependant, certains poseqim, tel R. Aharon Walkin, interdisent toute extraction de sperme qui ne serait pas destiné à l’insémination de sa propre épouse39. D’autres, tel R. E. Y.Waldenberg, autorisent même la masturbation si toutes les autres méthodes ont conduit à un échec40.
Outre la masturbation, une autre question halakhique se pose, celle de savoir s’il s’agit d’une « émission de sperme en vain » (hoça’at zera‘ le-vattalah), la fécondation en étant espacée dans le temps et survenant dans des conditions artificielles.
VI. Le mamzer (l’enfant adultérin)Le terme mamzer (pl. mamzerim ; f. mamzeret ; pl. mamzerot) désigne l’enfant né d’une relation adultère ou de tout autre rapport sexuel entre deux personnes dont l’union est interdite par les lois bibliques ou rabbiniques.
Le mamzer appartient au peuple d’Israël, il est juif à part entière : il/elle a les mêmes devoirs religieux (miçwot) et jouit des mêmes droits que tout autre juif/juive. Il/elle a droit à l’héritage, monte à la Torah, fait partie du minyan (quorum requis pour l’accomplissement de certains rites religieux), etc.
En revanche, il/elle est frappé(e) d’une loi qui le/la distingue de tout autre juif/juive : il/elle ne peut épouser qu’un(e) mamzer ou un(e) converti(e) au judaïsme, à l’exclusion de toute autre personne du peuple d’Israël.
Le statut de mamzer se transmet aux descendants pendant plusieurs générations (Dt 23, 2-443). C’est donc, à tort, que l’on traduit le terme « mamzer » par « bâtard », ou par « enfant illégitime ». Il s’agit de statuts totalement différents. De nos jours, la situation du mamzer est particulièrement critique, voire cynique, étant donnée l’attitude rigide, voire le rejet, que manifestent les tribunaux rabbiniques orthodoxes envers les candidats à la conversion.
Ces dernières décennies, le nombre des mamzerim est en
augmentation en raison du nombre croissant des mesoravot get (‘agunot) d’une part ; et des résistances des tribunaux rabbiniques orthodoxesà appliquer les solutions halakhiques existantes au problème (à défaut d’en élaborer des nouvelles) d’autre part.
Dans le processus d’élaboration des lois portant sur la PMA, on veillera toujours au statut de l’enfant à naître de sorte qu’il ne soit pas mamzer. Si un tel risque existait, la technique médicale en question serait, en principe, interdite.
VII. Don d’ovocytes et gestation pour autrui Jusqu’ici, il était question des problèmes liés à l’infertilité masculine. Le don d’ovocytes et la gestation pour autrui (GPA, communément désignée par l’expression « mère porteuse »), sont liés à l’infertilité féminine. Aussi, les principes halakhiques qui vont guider la
réflexion sur le sujet et les décisions prises seront-ils d’une autre nature.
L’ancien grand rabbin du Royaume-Uni, I. Jakobovits, la considère comme « une offense à la morale ». Il n’y voit pas la souffrance de la femme ni son désir d’enfant, sans doute parce que cette dernière n’a pas l’obligation religieuse (miçwah) de procréer.
La question de la GPA ou de la PMA avec don d’ovocytes est fort complexe et soulève de nombreux problèmes halakhiques, surtout si la mère génétique n’est pas la mère gestatrice ou celle qui mettra l’enfant au monde.
La question la plus importante est celle de savoir qui est la mère halakhique. L’identité de l’enfant dépend de la réponse que l’on donneraà cette question.
Car l’identité juive, la judéité, se transmet selon la loi juive par la mère, jamais par le père. Si la mère est juive, son enfant l’est également, quelle qu’en soit l’identité du père.
Afin de pouvoir répondre à ces questions une autre s’impose : comment faut-il définir la maternité ? À partir de quel moment faut-il considérer qu’une femme est « mère » ? Ce sont là les questions majeures que soulève la GPA. Les poseqim proposent plusieurs types de réponses, prenant pour appui halakhique différents principes légaux et différents modes de raisonnement.
1. La conception
Shelomoh Goren, grand rabbin ashkénaze de l’État d’Israël (1972- 1983) considère que la mère halakhique est la donneuse d’ovocytes car la maternité se définit à partir de la conception. Sa décision ne s’appuie pas sur des principes halakhiques mais sur une croyance selon laquelle l’âme (neshamah) naît au moment de la conception (TB Sanhedrin 91b) ainsi que sur un autre texte aggadique selon lequel trois instances participent à la conception de tout être : son père, sa mère et Dieu (Talmud Babli Niddah 31a).
2. L’accouchement
La majorité des décisionnaires considèrent que la mère halakhique est celle qui met l’enfant au monde. Mais ce consensus n’est pas récent, il remonte à l’époque talmudique. Il est présent chez les commentateurs du Moyen Âge49 et perdure jusqu’à nos jours. Dans le cadre d’une GPA, la mère halakhique serait, selon cette approche, celle qui mettra l’enfant au monde, et non la donneuse d’ovocytes ni tout autre femme intervenant
dans le processus de fécondation ou de gestation.
3. La gestation pendant les derniers trimestres
Certains poseqim dont R. N. Goldberg considèrent que la mère halakhique est celle qui porte le foetus pendant les deux derniers trimestres de la grossesse. Cette définition, inspirée de R. Aqiva Eger (1761-1837), voit une analogie entre paternité et maternité qui, de son avis, s’établissent à la fin du premier trimestre de la grossesse.
4. Les 40 premiers jours de la gestation
D’autres considèrent qu’un foetus retiré de l’utérus de sa mère au bout 40 jours en vue de sa réimplantation est considéré comme étant né et serait assimilable à un nouveau-né. Selon cette école, la mère halakhique est la première femme, même si c’est la deuxième qui met l’enfant au monde.
Cette opinion s’appuie sur un passage du Talmud de Babylone (Hullin 70a) où il est question du monde animal. En transposant cette règle aux humains, la mère halakhique serait celle qui aura porté le foetus les 40 premiers jours de la grossesse.
Bien que les deux dernières approches soient fondamentalement
différentes, la différence n’a aucune incidence, de facto, sur les cas qui se présentent actuellement en médecine. Dans l’état actuel des pratiques médicales, l’implantation de l’embryon se fait deux ou trois jours après la fécondation. La mère gestatrice est donc celle qui mettra l’enfant au monde et, de facto, celle qui porte le foetus les 40 premiers jours de la grossesse.
Le problème se posera si, dans l’avenir, une technique médicale permettait le placement du foetus d’une donneuse dans l’utérus d’une receveuse, après les premiers 40 jours de la gestation. Actuellement, ce n’est pas encore le cas.
5. La récipiendaire de l’ovocyteLa GPA avec don d’ovocytes pose un autre problème, celui de la clarté de la filiation. Aussi R. A. Rosenfeld interdit-il tout rapport sexuel pendant les trois premiers mois de la gestation, si la gestatrice est une femme mariée. Ainsi est-on assuré que l’enfant qu’elle mettra au monde est issu du foetus implanté et n’est pas le sien propre.
Car, de l’avis de R. A. Rosenfeld, il demeure un risque qu’elle soit fécondée par son propre époux après avoir perdu le foetus implanté (fausse couche). Ce même auteur considère que, en matière de greffe d’organes, l’organe greffé devient partie intégrante du corps du receveur, à l’exception du cerveau.
En appliquant ce raisonnement à la GPA, il considère que la mère halakhique est la récipiendaire de l’ovocyte.
Une autre approche, originale mais fort contestée d’un point de vue halakhique, est celle du R. D. Bleich selon lequel, en l’absence de réponse définitive à la question de la définition de la maternité, on peut considérer que l’enfant a deux mères : la donneuse d’ovocytes (i.e., la mère génétique) et celle qui le met au monde (i.e., la mère biologique).
Selon cette approche, l’enfant devra respecter les interdits relatifs à la
proche parenté (‘arayot) du côté des deux mères. De fait, le R. D. Bleich transpose des cas du monde agricole (lois de ‘orlah et de kil’ayim) à celui des humains. Pour la référence au monde agricole, R. D. Bleich a un prédécesseur en la personne de R. Yekutiel Kamelhar qui, déjà en 1932à Varsovie, avait soutenu qu’en matière de transplantation ovarienne,
l’ovocyte devient partie intégrante de la mère, comme le jeune arbre (‘orlah) que l’on a greffé sur un vieil arbre devient partie intégrante de ce dernier.
Mais R. E. Bick conteste le principe-même du raisonnement qui consiste à transposer les cas du monde agricole (‘orlah et kil’ayim)à ceux des humains pour nourrir la réflexion sur la PMA et la GPA ou pour en déduire des lois
VIII. Homoparentalité, homoparenté et PMAL’approche de R. D. Bleich permettrait, sans doute, une nouvelle réflexion sur l’homoparenté féminine et la GPA, bien que cela ne soit pas l’intention de l’auteur et sans doute contraire à ses positions idéologiques.
D’un point de vue halakhique, la question de l’homoparenté se
pose dans les mêmes termes que celle de l’hétéroparenté, le point essentiel étant de savoir s’il s’agit d’une insémination artificielle ou d’une GPA. Dit autrement, ce qui est déterminant dans le raisonnement halakhique est de savoir si la technique de PMA est pratiquée suite aux
problèmes de fécondité dont souffre l’homme ou ceux dont souffre la
femme (leur orientation sexuelle n’y intervient pas), les enjeux et les
conséquences halakhiques n’étant pas les mêmes.
Cependant, face à un tel sujet, les résistances sont importantes et les préjugés ou les convictions personnelles l’emportent parfois sur l’analyse halakhique.
Dans le cadre de la campagne menée « pour » ou « contre » la loi
autorisant le mariage entre deux personnes de même sexe récemment votée en France, on a pu entendre un certain nombre d’arguments contre l’homoparenté59 et les dangers que présenterait une loi permettant à des couples homosexuels de recourir à une PMA.
La loi a été votée, mais sans accorder la PMA aux homosexuels. La question du mariage n'est pas l'objet de la présente étude ; en revanche, la parenté par voie de PMA refusée aux homosexuels par certains milieux religieux et non-religieux nous interpelle. Nous n’évoquerons que deux points car ils portent sur deux questions de fond : celle de la parenté et celle de la filiation.
1° Le refus de la parenté par voie de PMA opposé aux homosexuels soulève, inévitablement, la question du « droit à la parenté » de manière générale et non seulement du « droit à l’homoparenté ». Si l’on considère qu'il existe une catégorie de personnes interdites de PMA étant donné ses orientations sexuelles, peut-être y a-t-il d'autres catégories de personnes dans notre société qui devraient également être interdites de PMA.
Qui a
droit à la parenté ? Et sur quels fondements va-t-on la permettre ou
l’interdire ? C'est donc la question de la parenté tout simplement qui est posée et non seulement celle de l'homoparenté. Ce n’est donc pas au nom de l’égalité entre homosexuels et hétérosexuels que je soulève la question, mais au nom de la simple logique.
2° On s’inquiète pour l'établissement de la filiation (biologique) et on en craint les conséquences. Or, ce risque et ses conséquences sont déjà réalité, surtout en France, dans tous les cas où une PMA avec donneur de sperme est pratiquée chez les couples hétérosexuels !
Car la loi française impose l’anonymat du donneur de sperme de sorte que tout enfant né d’une telle technique médicale est enregistré à l’état civil sous le nom du père sociologique et non sous celui du donneur de sperme (i.e., du père biologique).
C'est, précisément un des risques que la halakhah chercheà éviter par tous les moyens ainsi que l'on pu le démontrer plus haut (cf.§ IV). Aussi interdit-elle l'anonymat du donneur de sperme.
Il est donc erroné de faire croire que c’est l’homoparenté qui génère la « confusion » dans l'établissement de la filiation. C’est plutôt l’anonymat du donneur de sperme qui la génère, anonymat imposé par la législation française actuellement en vigueur dont bénéficient les couples hétérosexuels exclusivement.
Afin d’y remédier, il est urgent de
reconsidérer cet article de loi à défaut de lever l’anonymat du donneur de sperme.
Quant à l'homosexualité féminine, il convient de préciser qu'il
n’existe rien, strictement rien, dans les sources bibliques et talmudiques au sujet de l’homosexualité féminine ; celle-ci n’y est pas expressément interdite. Maïmonide l’exprime clairement dans son Code de Lois lorsqu’il écrit : « […] il n’y pas de commandement spécifique
l’interdisant et, de ce fait, elle n’est pas considérée comme un rapport sexuel ».
Néanmoins, Maïmonide la condamne. Il opère ainsi une
distinction entre la règle de droit, les fondements halakhiques du judaïsme et l’expression de son attitude personnelle, d’ailleurs fort sévère, au sujet de l’homosexualité féminine. Au regard des sources halakhiques, il est évident que l’on ne saurait assimiler l’homosexualité féminine (que ces sources condamnent) à l’homosexualité masculine. D’un point de vue halakhique le traitement des deux cas est, par définition, totalement différent.
De fait, en matière de PMA, le traitement halakhique différencié se fait sur la base de la distinction à opérer entre hommes et femmes et non entre homosexuels et hétérosexuels.
IX. Monoparentalité masculine, féminine et PMA
En matière de PMA, la question de la monoparentalité est analysée de manière différente lorsqu’il s’agit d’un homme ou d’une femme, les enjeux halakhiques n’étant pas les mêmes.
Lorsqu’elle concerne un homme, c’est « l’émission de sperme en vain » qui constitue l’obstacle majeur (cf. supra § V). La monoparentalité masculine n’est pas étudiée en tant que telle. Elle est souvent examinée du point de vue du célibataire
qui, pour des raisons médicales (ou autres), souhaite la congélation de son sperme dans l’espoir de l’utiliser ultérieurement pour l’accomplissement du commandement lui faisant injonction de procréer (miçwat periyyah u-reviyyah).
-
Une telle émission de sperme est, de l’avis de certains poseqim, permise dès lors qu’elle a pour objectif la procréation. Peu importe si l’homme est célibataire ou marié.
- D’autres décisionnaires interdisent au célibataire toute « émission de sperme » en vue de sa congélation car, de leur avis, seul l’homme marié a l’obligation de procréer. Ainsi, R. Aharon Walkin, interdit-il toute « émission de sperme » qui ne serait pas destinée à l’insémination de sa propre épouse.
Or, par définition, le célibataire ne se trouve pas dans cette situation. R. Eliyahu Bakshi Doron, ancien grand rabbin séfarade de l’État d’Israël (1993-2003), interdit la congélation du sperme d’un célibataire au motif que seuls les hommes mariés ont l’obligation de procréer. D’autres encore permettraient un tel acte si le célibataire a
déjà un projet « concret » de mariage en vue. Selon ces approches, la monoparentalité masculine (d’un célibataire) impliquant une technique
de PMA conduit, inévitablement, à la transgression d’une loi juive et, de ce fait, serait interdite.
Ceci n’est pas le cas de la monoparentalité féminine où aucune transgression de la loi juive n’est commise et où aucune miçwah n’està accomplir. À la différence de l’homme, la femme juive est dispensée, rappelons-le, de la miçwah de procréer et, par voie de conséquence, de l’obligation de se marier. Même si, de facto et paradoxalement, la réalité est tout autre et en décalage avec la règle de droit. En ce qui concerne notre sujet, la question est de savoir si la monoparentalité féminine résultant d’une technique de PMA soulève des problèmes halakhiques.
La question n’a pas été étudiée en tant que telle par les poseqim qui se sont surtout intéressés à la PMA pour la femme mariée. Seuls deux ont examiné la question et rédigé un responsum : Ben-Zion Fuerer, rabbin orthodoxe de Nir Gallim (Israël) qui autorise la PMA aux filles célibataires et David Golinkin, rabbin du courant conservative qui l’interdit.
Les enjeux majeurs sont liés au donneur de sperme. S’il est
juif, le débat portera sur la question de savoir si, par un tel acte, lui n’a pas commis de transgression. Ce risque est écarté lorsque le donneur est un non-juif.
Dans un article publié sur le site de l’« Institut Pouah, éthique et conseil à la procréation » (cf. infra § X), un de leurs rabbins écrit :« l’Institut Pouah de Jérusalem a décidé de vérifier les aspects de cette problématique [la monoparentalité féminine] en prenant contact avec un certain nombre de décisionnaires rabbiniques dans le monde ».
L’auteur avance notamment les arguments suivants contre la monoparentalité féminine :
1° Dans la famille monoparentale (écrit-il), l’homme est réduit à une source de matière séminale. Selon cette vision, les notions de mariage, mari, père, sont vides de signification. L’acte sexuel ne serait qu’un acte technique dont le but seul et unique serait de féconder un ovocyte. Cette notion est parfaitement étrangère au judaïsme qui voit, dans l’union d’un homme et d’une femme un acte rempli de sainteté.
La visée idéologique de ce rabbin le conduit à confondre un certain nombre de lois du judaïsme et à élaborer un discours de type aggadique au détriment de la halakhah et en contradiction avec elle :
a) Il néglige de rappeler que la femme juive est dispensée de l’accomplissement de la miçwah de « peru u-revu » (« croissez et multipliez », Gn 1,28) ; que son époux peut la répudier si elle n’est pas fertile (cf. surpra § I), que de ce fait depuis 2000 ans, « la femme est réduite à un ventre » transformé en « fabrique d’enfants » pour l’homme
juif, afin que ce dernier puisse, LUI, accomplir SA miçwah : celle de
procréer.
Il est évident que ceci n’est pas ma manière de voir les choses.
En reprenant la formule choquante de ce rabbin, je tente, tout simplement, d’attirer l’attention sur le fait que l’omission de l’auteur le conduit à trahir les lois du judaïsme, à masquer la réalité, voire à en donner une fausse image en écrivant que « l’homme est réduit à une source de matière séminale ».
b) L’auteur veut nous faire croire que la « sainteté » réside dans la biparentalité
et non dans la monoparentalité. Or, la notion de sainteté concerne l’union d’un couple. Elle n’a strictement rien à voir avec celles de la monoparentalité ou celle de la bi-parentalité. Malheureusement, ces glissements de sens sont fréquents dans le discours de ce rabbin.
2. Avoir un enfant (écrit-il) n’est pas un droit mais principalement un devoir…
C’est pour cette raison que d’après la halakha, seul un couple qui aurait engendré un fils et une fille et qui, par cela aurait contribué à la perpétuité de la présence humaine sur terre, aura pleinement accompli le commandement de« Croissez et multipliez-vous » (Gn 1,28). Ce rabbin (Benjamin David) évoque un commandement qui n’existe pas : « d’après la halakhah », il n’existe aucun « commandement pour le couple ». Les commandements sont à accomplir soit par l’homme, soit par la femme, en tant que sujets de loi, jamais en tant que « couple ». Selon la halakhah, le « devoir d’avoir un enfant», « d’engendrer un fils et une fille », « d’accomplir le commandement croissez et multipliez-vous» incombe exclusivement à l’homme, en aucun cas à la femme ou au couple.
3. La conclusion de tous les rabbins (affirme l’auteur) est unanime : l’insémination d’une célibataire par le sperme d’un donneur juif ou non, est interdite par la loi juive.
Or, il n’existe pas, à ma connaissance, une telle « loi juive » et l’auteur n’en donne pas la source. En outre, il ne cite aucun rabbin, aucun poseq, aucun responsum. Il n’évoque aucun argument halakhique avancé par l’un d’eux, et ne fait état d’aucun fondement halakhique légitimant une telle position (si toutefois une telle interdiction halakhique
existe). Il néglige, de surcroît, de mentionner les rabbins de Tsohar qui, eux, la permettent. De fait, l’article ne contient AUCUN argument halakhique. Dans un discours de type homilétique et moralisateur, ce rabbin expose ses convictions intimes, ses opinions personnelles en soutenant qu’il s’agit d’une approche halakhique.
Les positions de ce rabbin, nous interpellent tout particulièrement étant donné ses fonctions : il est directeur du département francophone de l’Institut Pouah à Jérusalem. Or, ses positions sont en parfaite adéquation avec la ligne idéologique (sexiste) de cet Institut dont nous parlerons un peu plus loin (§ X).
Grâce aux différentes techniques de PMA, de nombreux enfants ont vu le jour dans des foyers monoparentaux juifs orthodoxes, surtout aux États-Unis et au Canada. Dans la plupart des cas, il s’agit de filles célibataires qui renoncent au mariage pour diverses raisons mais qui, pour autant, ne renoncent pas à la maternité. Elles rencontrent les plus grandes difficultés au sein de leurs milieux (orthodoxes), allant jusqu’à leur opposer un refus de pratiquer la circoncision sur leurs fils. L’hostilitéà l’égard de ces femmes et l’incompréhension manifestée face à leur
désir d’enfant sont l’expression d’une certaine mentalité, d’une attitude sexiste, de préjugés etc., et n’est en aucun cas due à des contraintes halakhiques.
Dans tous les cas cités et – en dépit de l’autorisation de principe décidée au sujet de certaines techniques de PMA – il est recommandé de consulter un poseq pour l’obtention d’une autorisation spécifique à son cas personnel. Seuls les spécialistes en matière de halakhah (poseqim) sont habilités à donner une telle réponse ; l’avis d’un rabbin de communauté n’est pas suffisant, à moins qu’il ne soit spécialiste dans le
domaine en question.
Il est également recommandé de préférer des
praticiens ou des Instituts de PMA soucieux du respect de la halakhah. À ma connaissance, de tels instituts n’existent pas actuellement en France.
On en trouve en Israël, tel l’« Institut Pouah, éthique et conseil à la
procréation » à Jérusalem dont le directeur et ses représentants viennent collecter des fonds en France. Sur la page d’accueil de cet institut on peut lire :
« La vocation de l’institut est d’établir un lien entre le monde rabbinique et le milieu médical. Son rôle essentiel est de permettre à ces deux univers de se comprendre et de se respecter à travers des échanges de point de vue entre des rabbins ou des médecins. Mieux apprendre à se connaître pour le bien des couples confrontés aux problèmes de stérilité. »
Or, en dépit de ses déclarations, cet institut se caractérise par une
attitude sexiste, misogyne et discriminatrice à l’égard des femmes médecins, gynécologues, spécialistes de la PMA, etc.
Depuis plusieurs années, cet institut organise un grand colloque annuel en Israël, réunissant des spécialistes dans les domaines de la PMA et de la halakhah.
En 2012 la presse a informé le public que dans les colloques de l’Institut Pouah, les femmes étaient interdites de tribune, celles-ci n’étant pas perçues en fonction de leurs professions ou de leurs compétences dans les différents domaines scientifiques, mais en fonction de leur identité sexuelle.
Ainsi a-t-on interdit la tribune du colloque aux femmes médecins, biologistes, chercheurs, gynécologues etc. Suite à cette exclusion des femmes, d’éminents savants tels les Pr Yuval Yaron et Uriel Elhalal, ont retiré leur participation au colloque de cet Institut en 2012.
Les organisateurs de l’Institut Pouah se sont expliqués en justifiant leur choix par le désir de voir présents au colloque les spécialistes dans le domaine de la halakhah, lesquels spécialistes n’auraient pas participé au dit colloque si des femmes faisaient partie des orateurs à la tribune. Le deuxième argument fut la çeni’ut, « la pudeur » qu’il incombe aux
femmes de respecter, pudeur qui leur interdit de parler devant une assemblée d’hommes.
On aurait pu croire à la sincérité de l’Institut Pouah si cette pratique ne durait pas depuis des années (mais c’est en 2012 que le public a été informé par la presse) et si d’autres événements n’étaient pas survenus dans les mois qui suivirent le colloque. En juillet 2012, l’Institut Pouah a ainsi organisé une journée d’étude sur « La taille de la famille et son élargissement ». Cette fois-ci, la journée était clairement destinée aux hommes, l’affiche du programme le précisait expressément. Les femmes n’étaient pas seulement interdites d’accès à la tribune mais également à la salle.
De telles attitudes laissent perplexe le chercheur et entache la
fiabilité des travaux de l’Institut. Quelle crédibilité un tel Institut peut-il avoir aux yeux des patients et des chercheurs ? Lorsqu’un institut scientifique soucieux de la halakhah interroge la science ainsi que la halakhah en fonction de l’identité sexuelle du spécialiste, il est parfaitement légitime de s’interroger sur le sérieux et la rigueur des réponses qu’il fournit, qu’elles soient scientifiques ou halakhiques.
Il est également légitime de douter de la sincérité de sa déclaration lorsqu’il écrit sur la page d’accueil de son site internet : « La vocation de l’Institut est d’établir un lien entre le monde rabbinique et le milieu médical ». Il s’agit d’un « monde rabbinique » et d’un « milieu médical » exclusivement masculins. Les « femmes » des deux milieux étant régulièrement exclues.
Quant à la çeni’ut, « la pudeur », et l’idée selon laquelle il serait impudique et inconvenant qu’une femme parlât devant une assemblée d’hommes – elle n’est qu’une des stratégies les plus fréquemment utilisées actuellement par les milieux orthodoxes radicaux et non
radicaux pour l’exclusion des femmes. Il n’existe pas de principe halakhique appelé çeni’ut.
En revanche, il existe de nombreux rabbins qui « savent » mieux que quiconque et surtout mieux que les femmes ce qu’il est « pudique » et « convenable » de faire lorsqu’on est une femme.
Par ailleurs, on est en droit de se poser quelques questions : ne voir
dans les professionnelles de la médecine que « des femmes » serait-il pudique ? Se réunir entre hommes, fussent-ils « rabbins » pour parler du corps des femmes, de leurs parties les plus intimes serait-il pudique ? De telles réunions seraient-elles moins inconvenantes que d’entendre des femmes, professionnelles, spécialistes dans les différents domaines de la PMA parler devant une assemblée d’hommes ?
Enfin, il est étonnant que les « Juifs religieux » et les rabbins qui ont interdit aux femmes des différentes professions médicales de prendre la parole à la tribune du colloque de l’institut Pouah en 2012 au nom de la çeni’ut (pudeur) n’ont jamais songé à interdire à « tout Juif religieux» de sexe masculin d’exercer la profession de gynécologue…
Dans l’état actuel de la halakhah élaborée au sein des courants orthodoxes, l’idée d’une PMA ou d’une GPA est généralement admise. Mais plusieurs écoles de pensée cohabitent.
Les rares décisionnaires hostiles, aujourd’hui, à ces techniques médicales ne le sont plus pour des raisons idéologiques ou morales, comme ce fut le cas à la fin du XIXe
et au début du XXe siècle, mais parce que ces techniques risquent de
contrevenir, selon leur analyse halakhique, à une ou plusieurs lois du judaïsme ou ne sont pas compatibles avec elles.
Dans l’avenir, de nouvelles règles pourraient être formulées en fonction des technologies nouvelles qui auront été développées86. Les poseqim se tiennent à jour des nouveautés technologiques et médicales, même si leurs décisions accusent, parfois, un temps de retard.
Depuis quelques décennies, le souci majeur dans l’élaboration de la
loi juive en matière de PMA et de GPA est, en tout premier lieu, de veiller à la clarté de la filiation d’une part et à la conformité de ces techniques médicales avec les différents aspects de la loi juive (halakhah) d’autre part. Néanmoins, certaines décisions sont marquées
davantage par l’idéologie du poseq que par les fondements halakhiques.
Aussi ce ne sont pas ces fondements que l’on devrait mettre en cause mais plutôt les attitudes personnelles de certains rabbins, les mentalités et les croyances de certains milieux juifs orthodoxes. Craignant le débat, ces milieux se rigidifient face à certains phénomènes de société du XXe et du XXIe siècle. On ne peut que constater l’écart qui se creuse entre la règle de droit dictée par les fondements du judaïsme et les pratiques individuelles, communautaires, ou collectives des juifs.