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Derière mise à jour
27-Sep-2024
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L'assassinat de Sarah Halimi en 2017 par Kobili Traoré a déjà donné lieu à un article ici-même. En résumé, une vieille femme juive sans histoire s'est fait massacrée et défenestrée par un voisin musulman sous l'emprises de la drogue. La police présente sur les lieux n'était pas intervenue. Après de longs moments d'hésitation la justice avait reconnu le caractère antisémite, et Kobili Traoré avait été condamné à une peine de sûreté de 20 ans en hôpital psychiatrique sans être jugé pour assassinat par une cour d'Assise.
La chambre d'investigation de la cour d'appel avait estimé que Kobili Traoré n'était pas condamnable parce que son discernement était aboli lors de son crime. La famille avait porté l'affaire devant la cour de cassation qui a confirmé le point de vue de la cour d'appel.
Si cette décision est difficilement acceptable, elle est particulièrement intéressante car elle soulève beaucoup de questions.
La responsabilité des fous :
L'article 122 du code pénal dit ceci :
« N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable... »
Cette mesure est très ancienne, et malgré tout, sous l'émotion, certains ont demandé qu'on punisse Kobili Traoré malgré tout, et remettent en cause cette règle de justice.
La question a été étudiée par la chambre de l'instruction. Elle était appelée avant champre d'accusation, et avait remplacé la procédure expéditive du "non lieu".
La chambre de l'instruction de la cour d'appel est une structure complète, avec président, un ministère public, qui avait recommandé la comparution devant une cour d'assise de Kobili Traoré, des avocats, des témoins et des experts. S'il n'y a pas eu comparution aux assises, il y a bel et bien eu un long procès au cours du quel on a fini par reconnaître le caractère antisémite du crime, qu'il était coupable et pas punissable, et qu'il devait rester vingt ans enfermé dans une structure psychiatrique.
Cette décision a fâché les proches de Sarah Halimi, et la plupart des responsables de la communauté juive.
Les dix experts auprès de la chambre de l'instruction ont conclu à une bouffée délirante aiguë, ici marquée par l’apparition d’un délire de persécution et de possession de nature satanique. Pour neuf d'entre eux, le discernement était aboli et pour Daniel Zaguri il était altéré, ce qui voulait dire que pour un seul Kobili Traoré était punissable.
Les troubles de son comportement avaient commencés le 2 avril 2017, et c'est dans la nuit du 3 au 4 que le drame s'est produit. C'était par ce qu'il se sentait tout bizarre, et excité qu'il a pris davantage de cannabis que d'habitude, afin de se calmer, et aurait été frappé d'une bouffée délirante. Pour le docteur Zaguri, c'est volontairement qu'il a pris du Cannabis, donc il serait responsable et devrait être jugé. Pendant son crime son discernement était vraiment aboli pour les dix psychiatres.
Kobili Traoré souffrait d'un complexe de persécution, il avait été marabouté, et les juifs faisaient parti du complot contre lui. Juif et démon dans son esprit c'était la même chose. Il semblerait qu'entré par effraction chez ses voisins musulmans, il aurait eu une attitude tellement bizarre et menaçante, qu'ils se seraient enfermé dans leur chambre et auraient appelé la police. Alors Kobili qui se croyait persécuté et poursuivi par le démon, aurait fait sa prière, puis affolé par le démon qui le poursuivait, se serait sauvé, aurait escaladé le balcon serait arrivé chez sa malheureuse victime, et la vue du chandelier l'aurait convaincu que le démon était là. L'antisémitisme faisait partie de son délire paranoïque, et de sa folie.
Selon le docteur Paul Besoussan, la "bouffée délirante" est un syndrome qui survient chez des personnes qui ne sont pas atteintes à priori de maladie psychiatriques déclarées. « Rien ne permet d’exclure l’hypothèse que Monsieur Traoré souffre aujourd’hui d’un trouble psychiatrique chronique, dont la bouffée délirante aiguë aurait été la manifestation inaugurale. Si tel n’était pas le cas, il aurait pu être renvoyé en prison dans l’attente de son procès, et non maintenu dans une structure de soins où les places sont comptées. » Cela fait quatre ans qu'il est suivi psychiatriquement.
Sa sortie de l'hôpital est « hautement improbable à court et moyen terme. Il faudrait pour cela qu’un collège pluridisciplinaire, incluant le Directeur de l’établissement psychiatrique, considère que Monsieur Traoré ne présente plus de dangerosité psychiatrique. Que deux expertises psychiatriques, ordonnées par le représentant de l’État désignant des experts extérieurs à l’établissement concluent dans le même sens. Et enfin que cette décision soit avalisée par le Préfet. »
L'excès d'alcool, ou de LSD provoque des effets stupéfiants attendus, il n'en est pas de même pour le cannabis qui est réputé pour ses effets calmants. Le cannabis thérapeutique se développe, en Israël, il fait partie de la pharmacopée. Le gouvernement est en cours de réflexion pour dépénaliser la consommation de cannabis, afin de combattre le trafic source de délinquance. Ce n'est que très récemment que la conduite sous effet de stupéfiant a été assimilée à la conduite sous effet d'alcoolémie. La prise de cannabis ne conduit pas à l'altération, et encore moins à la suppression du discernement.
Toutefois la consommation prolongée et excessive atteint progressivement le cerveau, et le rend plus fragile. Kobili Traoré fumait depuis l'âge de quinze ans des quantités importantes, et son cerveau était fragilisé. Il est possible que les dernières doses aient été la goutte qui a fait débordé le vase, et aient joué un rôle dans la crise meurtrière.
Au cours de son long séjour en hôpital-prison, Kobili Traoré sera privé de cannabis, et il est peu probable que sa santé mentale revienne à la normal.
L'arrêt de la cour de cassation, se termine ainsi : « les dispositions de l’article 122-1, alinéa 1er, du code pénal, ne distinguent pas selon l’origine du trouble psychique ayant conduit à l’abolition de ce discernement. » . Donc, vu que 9 experts sur 10 considèrent qu'il y a eu abolition du discernement, que ce dernier soit du au Cannabis, à l'alcool, à une maladie mentale n'a aucune importance. Le prévenu inconscient ne peut pas être puni.
Cette règle en contradiction avec le bon sens, et le code de la route passe très mal dans l'opinion. A un tel point que le Président de la République, Emmanuel Macron s'en est ému, et un texte de loi va faire en sorte que celui qui a organisé son irresponsabilité en consommant volontairement des produits nocifs soit puni.
En attendant une nouvelle loi, l'arrêt de la cour de Cassation confirme que le jugement de la chambre de l'instruction est conforme au droit.
Lors d'un procès d'assise, le juge demande à la partie civile d'exprimer ses besoins, ce qui lui donne l'espoir de compléter l'instruction, et permette une reconstitution du drame. Cette reconstitution mettrait en évidence les éventuelles impossibilités décrites par les psychiatres, mais surtout mettrait en évidence les défaillances de la police.
En pendant que la malheureuse Sarah Halimi se faisait massacrer, des policiers entendaient tout, et souhaitaient intervenir, comme c'était leur devoir, or des ordres sont venus leur interdisant de bouger. Il y a eu refus d'assistance à personne en danger, et le coupable est peut-être un préfet, et on pourrait imaginer que certains chercheraient à le protéger.
La sœur de la victime a fait savoir à l’Agence France-Presse qu’elle entendait saisir la justice israélienne afin d’obtenir un procès contre Kobili Traoré. Me Francis Szpiner, avocat de la famille rappel que « Le droit pénal israélien prévoit que lorsque la victime est juive et que le crime est de nature antisémite, la justice israélienne est compétente, quel que soit le pays où se sont produits les faits ».
Cette démarche ne pourrait aboutir, car la France n'extrade pas ses ressortissants, et elle met mal à l'aise. D'abord car c'est une affaire franco-française, puis, par ce que si le meurtre est antisémite, la justice française ne l'est pas. Si la justice israélienne se saisissait de l'affaire, cela pourrait être pris pour un affront, elle agirait comme si les français juifs étaient des protégés de l'état israélien, comme si la République ne pouvait assurer la protection des siens.
La France voit épisodiquement des musulmans commettre des attentats, des crimes contre des juifs, des policiers, voir des prêtres ou de simples passants. Ils crient "Allah Akbar", et poignardent un peu n'importe qui. Le diagnostique tombe rapidement, le meurtrier est un déséquilibré. Et ce n'est pas un alibi pour éviter de fâcher la très importante minorité musulmane qui habite la France. Il y a quelques années, lors d'une vague d'attentats, un automobiliste musulman a foncé sur le trottoir pour tenter d'écraser le plus de monde possible. On a dit "c'est un fou", et c'était vrai, il avait passé dix sept ans en hôpital psychiatrique.
Lors de l'importante manifestation de la communauté juive pour déplorer l'arrêt de la cour de cassation, Raphael Enthoven a mis le doigt sur un problème. « Il est insupportable d’entendre systématiquement dire que les tueurs de femmes juives sont d’abord fous, que les agresseurs de juifs dans la rue sont d’abord des déséquilibrés, ou que les tueurs de Charlie Hebdo ont d’abord eu une enfance difficile. Dire ça, c’est esquiver la réalité dans ce qu’elle a de pire. Dire ça, c’est esquiver la haine. Dire ça, c’est pratiquer le déni. Et le déni tue, lui aussi. Alors il faut remettre les choses dans l’ordre. Quand on tue des juifs, on est d’abord antisémite et ensuite on est fou. »
Kobili Traoré était convaincu que les juifs étaient démoniaques, traqué dans sa folie par des démons imaginaires, il a voulu tuer le mal personnifié par une voisine qu'il savait juive. Mais qui donc lui a mis dans la tête que le démon était juif ?
Il y a des gens, sains d'esprit, qui diffusent sur internet, dans des discours dans certaines mosquées, sur des livres des textes incendiaires et criminels. Les plus faibles d'esprit les croient et dans leurs délire passent à l'acte.
L'absence de procès a empêché d'enquêter pour savoir si, par exemple, la mosquée que Kobili Traoré fréquentait présentait ou non les juifs comme des démons. Dans l'affirmative, on aurait une manipulation. Des historiens expliquent que des espagnols de Bruxelles craignant Henri IV, auraient persuadés un fêlé que le roi Henri était le représentant du diable, et le malheureux Ravaillac a assassiné le Roi pour délivrer la France du démon.
La nouvelle loi que le Président Macron prévoit, permettra probablement de punir celui qui aurait organisé volontairement son irresponsabilité en buvant ou en se droguant, mais elle oublie l'essentiel, des aliénés irresponsables et non punissables peuvent avoir été les instruments manipulés par de vrais criminels, qui par ce biais échappent eux aussi aux foudres de la justice.
Il serait bon que la loi envisage aussi cette la question.
Michel Lévy