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07-Déc-2024
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FIGAROVOX/TRIBUNE - Le 25 juillet 2021, le président tunisien Kaïs Saïed a limogé son premier ministre et gelé le parlement. Donia Kaouach revient sur le délitement progressif que connaît la Tunisie et sur l'importance que doit prendre l'éducation dans son rétablissement.
«L'histoire est là pour nous rappeler que face au vide, ce sont les puissances les mieux organisées et non pas nécessairement les plus qualifiée qui prendront place.» AFP
Donia Kaouach est présidente du think tank Tunisiennes Fières et directrice générale de Leaders pour la Paix.
La Tunisie en déclin, la Tunisie ravagée par la crise sanitaire, coup d'État en Tunisie ou libanisation du pays? Le monde s'émeut de ce qu'est devenue la «Tunisie de Bourguiba» mais le monde comprend-il vraiment les ressorts de cette chute libre?
La Tunisie était en 1800 l'un des trois pôles de «la renaissance arabe», aux côtés de l'Égypte et du Levant, par la légitimité d'une construction constitutionnelle. Elle fut ensuite un modèle de progressisme social fondé sur l'éducation et l'émancipation de la femme musulmane. Enfin elle fut, très tôt, dotée d'une organisation politique et institutionnelle forte qui lui a permis de devenir 65 ans après son indépendance, la «seule démocratie du monde arabe», selon Gilles Legendre, auteur d'une remarquable biographie de Habib Bourguiba.
Que s'est-il alors passé? Telle est la vraie question. Que s'est-il passé pour que l'on en arrive aux attentats, aux assassinats politiques, au pugilat dans l'enceinte de l'assemblée des représentants du peuple, aux 19.000 morts du Covid, à la fuite des cerveaux, au départ massif de la jeunesse à bord d'embarcations de fortune et enfin, aux manifestations du 25 Juillet 2021 qui ont permis au Président de la République Kaïs Saïed de limoger le troisième premier Ministre, geler les activités du parlement et se donner un mois pour proposer une nouvelle feuille de route?
La réponse est sans appel: 23 ans de dictature ont à terme tué la vie politique, débranché les élites et acculturé le citoyen débouchant ainsi sur ce vide abyssal. Au moment d'accueillir le printemps arabe, ou plutôt l'avatar du printemps arabe dont on ne connaît pas à ce jour les causes réelles, externes ou internes, ou sûrement un peu des deux, la Tunisie se retrouve orpheline d'une classe politique capable de lui offrir l'avenir qu'elle mérite. Le délitement commence alors.
S'en suivra un recul sans précédent de la qualité de l'enseignement, remplacé bientôt par le religieux marqué au sceau du dogme extrémiste. La dernière digue à son tour cédera: l'administration tunisienne qui a permis jusqu'ici la continuité de l'État, s'est trouvée rongée par la mauvaise gouvernance et le délitement progressif de «l'autorité de l'État».
La crise que nous vivons aujourd'hui n'est donc que le reflet d'une crise plus profonde: une crise relative à la gestion du pays et à ses orientations fondamentales, un attentat contre l'éducation et le politique.
C'est dans ce contexte que le président de la République devra tenter un grand redémarrage: un nouveau chef du gouvernement, un nouveau code électoral et une révision de la constitution. Il dispose aujourd'hui du soutien le plus large de la population tunisienne exaspérée par ce cirque politique et endeuillée par les milliers de morts du Covid.
Mais alors que les pronostics fusent sur le nom de la prochaine ou du prochain chef(fe) du gouvernement, sur le soutien ou non des Américains, des Français et du monde arabe à la démarche présidentielle, sur la troisième République nous occultons l'essentiel, la condition sine qua non du réveil tunisien: remettre au centre des priorités «l'éducation» du peuple et la formation des élites dirigeantes du pays.
La Tunisie ne doit pas se tromper de combat. L'éducation doit retrouver sa place, toute sa place. La vie publique doit s'appuyer sur un personnel politique formé et responsable bref une refonte éducationnelle totale du citoyen au décideur sans quoi tous les périls sont possibles. L'histoire est là pour nous rappeler que face au vide, ce sont les puissances les mieux organisées et non pas nécessairement les plus qualifiée qui prendront place.
Ceux qui affirment que le remède au «syndrome post-dictature» qui a frappé plusieurs pays du printemps arabe est une nouvelle dictature se fourvoient, du moins pour la Tunisie. Ils oublient la jeunesse tunisienne et ses aspirations, les femmes et le rôle historique qu'elles ont joué dans l'histoire du pays et les spécificités culturelles du pays.
Entre dictature et chaos, nous sommes capables de trouver la réponse appropriée à condition de prendre conscience que le véritable consensus ne se fera qu'autour de l'éducation, sans quoi rien de durable ne sera possible.
Donia Kaouach
De même que les démocraties occidentales doivent inventer de nouvelles formes de représentativité pour répondre à la colère de leurs opinions publiques qui se désengagent en s'abstenant ou se radicalisent en choisissant les extrêmes, le monde arabe doit à son tour dessiner les contours de son nouveau modèle politique. Entre dictature et chaos, nous sommes capables de trouver la réponse appropriée à condition de prendre conscience que le véritable consensus ne se fera qu'autour de l'éducation, sans quoi rien de durable ne sera possible.
Seuls les peuples qui ont su retrouver leur éducation ont gagné la guerre dans la Paix : l'Allemagne, le Japon ou encore la Corée du Sud.
Tous les efforts nationaux et internationaux à destination de la Tunisie doivent donc se focaliser sur cela. Réparer la vie publique, réconcilier le tunisien avec la conscience de sa citoyenneté, relever le niveau de l'éducation qui a connu une chute sans précèdent, gagner la bataille idéologique qui mène nos enfants à l'émigration ou à la radicalisation, voilà ce qui doit animer l'action politique pour les dix prochaines années, car le drame de l'éducation frappe les fondements même du pays et les frappe à très long terme.
Victor Hugo, dans son costume de parlementaire nous rappelait que «l'instruction c'est l'État qui la doit» et sans instruction point de salut pour la Tunisie.
Le président tunisien Kais Saied a officialisé le renforcement de ses pouvoirs au détriment du gouvernement et du Parlement, suscitant l’ire de l’opposition.
Le président tunisien Kais Saied a formalisé mercredi son coup de force du 25 juillet en promulguant des dispositions exceptionnelles renforçant ses pouvoirs au détriment du gouvernement et du Parlement, auquel il va de facto se substituer en légiférant par décrets.
Ces dispositions, qui tendent à présidentialiser le système de gouvernement hybride encadré par la Constitution de 2014, ont suscité l’ire du parti d’inspiration islamiste Ennahdha, principal adversaire de Kais Saied, dans un pays miné par les divisions et les crises politiques successives ces dernières années.
Elles renforcent en outre les inquiétudes pour la pérennité de la démocratie en Tunisie, seul pays à avoir réussi sa transition démocratique après le Printemps arabe dont il fut le berceau en 2011. «Les textes législatifs sont pris sous forme de décrets-lois et promulgués par le président de la République», stipule l’un des articles décidés par Kais Saied et publiés dans le Journal officiel.
Le texte énonce aussi que «le président exerce le pouvoir exécutif avec l’aide d’un Conseil des ministres, dirigé par un chef du gouvernement». «Le président de la République préside le Conseil des ministres et peut déléguer sa présidence au chef du gouvernement.» Les prérogatives présidentielles énumérées dans le texte confèrent à Kais Saied le droit de désigner et limoger des ministres, nommer les diplomates en poste à l’étranger et procéder aux nominations dans la haute fonction publique.
«Le gouvernement est responsable de ses actes devant le président de la République», précise encore le texte. Dans le système en place régi par la Constitution de 2014 que Kais Saied souhaite amender, l’essentiel du pouvoir exécutif est aux mains du gouvernement et les mesures annoncées mercredi font clairement pencher la balance du côté de la présidence.
Le 25 juillet, Kais Saied, 63 ans, s’est arrogé les pleins pouvoirs en limogeant le gouvernement et en suspendant le Parlement dans lequel Ennahdha, sa bête noire, jouait un rôle pivot. Il a prolongé ces mesures le 24 août «jusqu’à nouvel ordre». Nombre de Tunisiens avaient accueilli ces mesures avec enthousiasme car, exaspérés par leur classe politique, ils attendaient des actes forts contre la corruption et l’impunité dans un pays en graves difficultés sociales et économiques. Mais opposants, partis politiques, magistrats et avocats avaient dit craindre une «dérive autoritaire».
Kais Saied a annoncé mercredi la poursuite du gel du Parlement et la promulgation de «mesures exceptionnelles» pour «l’exercice du pouvoir législatif» et «l’exercice du pouvoir exécutif», qui font l’objet de deux chapitres de la Constitution, désormais suspendus de facto. Pour souligner le caractère transitoire de ces décisions, le décret présidentiel ajoute que Kais Saied «entreprend la préparation des projets d’amendements relatifs aux réformes politiques avec l’assistance d’une commission qui sera organisée par arrêté présidentiel».
«Ces projets de révision doivent avoir pour objectif l’établissement d’un véritable régime démocratique dans lequel le peuple est effectivement le titulaire de la souveraineté et la source des pouvoirs qu’il exerce à travers des représentants élus ou par voie de référendum», affirme le président dans l’un des décrets. Agir «au nom de la volonté du peuple» est devenu un mantra pour Kais Saied qui semble confiant de bénéficier de suffisamment de soutien populaire pour profondément modifier le système en place.
Lundi, depuis Sidi Bouzid, berceau de la révolution de 2011, le président a annoncé la prochaine nomination d’un nouveau chef de gouvernement «mais sur la base de mesures transitoires répondant à la volonté du peuple». Le «décret présidentiel» de mercredi indique «continuer de suspendre toutes les compétences de la chambre des représentants, de lever l’immunité parlementaire de tous ses membres et de mettre fin aux privilèges accordés au président de la Chambre des représentants et ses membres».
«Ce 22 septembre, la Tunisie a fait la transition d’un pouvoir démocratique vers le pouvoir d’un seul homme», a réagi sur Facebook Samir Dilou, un dirigeant d’Ennahdha. Un autre responsable du parti, Mohammad Al-Goumani, a accusé Kais Saied de «mettre en place une nouvelle constitution abrégée, se retournant ainsi contre celle de 2014 sur laquelle il avait prêté serment». «Il entraîne la Tunisie vers une zone à hauts risques.»
AFP
par Khaled Abu Toameh 27 septembre 2021
https://fr.gatestoneinstitute.org/17808/arabes-confiance-freres-musulmans
Traduction du texte original: Why Arabs No Longer Trust the Muslim Brotherhood
Les peuples d'Égypte, de Tunisie, du Maroc et du Soudan avaient donné leur chance aux Frères musulmans, mais ils ont découvert qu'à l'épreuve du pouvoir, l'organisation était aussi corrompue et incompétente que les régimes laïcs et les chefs d'État arabes.
Comme en Tunisie, de nombreux Arabes marocains célèbrent la chute du parti affilié aux Frères musulmans.
[L]'une des principales raisons de l'échec des Frères musulmans tient à la composante idéologique de cette organisation, l'absence de séparation entre la religion et la politique, le monopole qu'elle réclame sur la vérité absolue et sa prétention à représenter le vrai Islam. — Amr Al-Shobaki, chercheur au Centre d'études égyptien Al-Ahram, Al-Hurra TV, 12 septembre 2021.
Al-Shoqiran a poursuivi : « Après une décennie de règne islamiste en Tunisie et au Maroc, le bilan des Frères musulmans est le suivant : la corruption s'est étendue, l'État et ses institutions apparaissent plus méprisables encore, et ils ont volé la vie des gens et leur argent ». — Asharq Al-Awsat, 16 septembre 2021.
« [L]es partis politiques affiliés aux Frères musulmans... gouvernent sans fournir à leurs administrés d'autres services que des victoires illusoires et la corruption. » — Hafez Barghouti, chroniqueur et rédacteur en chef palestinien, Al-Khaleej, 17 septembre 2021
Les peuples d'Égypte, de Tunisie, du Maroc et du Soudan ont donné leur chance aux Frères musulmans, mais ils ont découvert qu'à l'épreuve du pouvoir, l'organisation est aussi corrompue et incompétente que les régimes laïcs et les chefs d'État arabes. Ce mois-ci, le Parti islamiste pour le développement et la justice au pouvoir au Maroc a subi une défaite écrasante aux élections législatives.
Depuis leur création en 1928, les Frères musulmans ont pour devise « l'islam est la solution » (à tous les problèmes). Les Frères et leurs affidés ont, depuis dix ans, utilisé ce slogan comme un bélier pour se frayer la voie vers le pouvoir dans un certain nombre de pays, dont l'Égypte, la Tunisie, le Maroc et le Soudan.
Ces dernières semaines, de nombreux Arabes et musulmans ont montré que le slogan « l'islam est la solution » avait perdu tout crédit et qu'ils avaient perdu confiance dans la capacité à gouverner des Frères musulmans.
Comme l'a dit l'écrivain marocain Saeed Nashed : « Les Frères musulmans ont conduit le Maroc dans une décennie de ténèbres ».
Les peuples d'Égypte, de Tunisie, du Maroc et du Soudan qui ont donné leur chance aux Frères musulmans, ont découvert qu'à l'épreuve du pouvoir, l'organisation était aussi corrompue et incompétente que les régimes laïcs et les chefs d'État arabes.
Au cours des deux derniers mois, les Frères musulmans ont subi deux revers majeurs, l'un en Tunisie, l'autre tout dernièrement au Maroc.
L'éviction du parti islamiste tunisien Ennahda (Renaissance) en juillet a été saluée non seulement par les Tunisiens, mais par de nombreux Arabes qui ont accusé les islamistes en général et les Frères musulmans en particulier, de semer le chaos et l'instabilité dans le monde arabe.
Au Maroc, une cuisante défaite électorale a été infligée ce mois-ci aux islamistes du Parti pour le développement et la justice (PJD). Le PJD, qui avait participé aux deux gouvernements de coalition précédents, n'a remporté aux élections législatives que 12 sièges sur les 395 que compte le parlement. La défaite a été d'autant plus humiliante que les islamistes sont passé de 125 sièges à 12.
Au Maroc comme en Tunisie, nombreux ont été les Arabes qui ont fêté la chute du parti affilié aux Frères musulmans. Les Arabes reconnaissent aujourd'hui que dans tous les pays où ils ont occupé des fonctions dirigeantes, les islamistes ont propagé la corruption et la misère. La plupart ajoutent aussi qu'ils ont retenu la leçon et qu'ils n'accorderont plus leur confiance aux islamistes et à leurs « slogans vides ».
L'ampleur de la défaite est le signe d'un échec pour les islamistes qui ont pris le pouvoir dans la foulée du « printemps arabe » : la population arabe a compris qu'ils n'avaient à offrir que des slogans et des déclarations religieuses.
Sami Brahem, un chercheur tunisien, a déclaré que les partis affiliés aux Frères musulmans n'ont réussi à produire aucun programme ni projet pour leur peuple. « Ils ont échoué à tous les niveaux », a déclaré Brahem. « Leur échec a également une portée politique et morale. Ils se sont acoquinés à des partis corrompus. »
Hoda Rizk, analyste politique libanaise, explique que les Frères musulmans ont voulu prouver aux décideurs à Washington qu'eux seuls, en tant qu'organisation politique modérée, étaient capables de pragmatisme et d'efficacité en politique.
« Ils savaient Washington davantage préoccupé par la sécurité dans les pays arabes, que par la démocratie, surtout à l'époque du président Obama », a déclaré Rizk. Les islamistes de Tunisie et du Maroc a-t-elle ajouté, ont fait preuve de beaucoup de pragmatisme et de flexibilité, ce qui les a aidé à devenir une composante intégrée des systèmes politiques de leurs pays.
« L'ère de l'islam politique a-t-elle pris fin dans les pays arabes 10 ans après le printemps arabe » demande-t-elle ? « Sans aucun doute, tant les raisons qui ont conduit à l'échec étaient dues à l'inertie et à une réelle réticence à prendre le pouvoir. »
Amr Al-Shobaki, chercheur au Centre d'études égyptien Al-Ahram, estime que tous les échecs de l'islam politique ont des dénominateurs communs, mais toutes les expériences ne sont pas à mettre dans le même panier.
Al-Shobaki a déclaré à Al-Hurra TV que l'une des principales raisons de l'échec des Frères musulmans tient à la composante idéologique de cette organisation, à son manque de séparation entre la religion et la politique, au monopole qu'elle affirme détenir sur la vérité absolue et à sa prétention à représenter le « vrai » Islam.
Al-Shobaki a éxpliqué que les Arabes « rejetaient la tutelle qu'on cherchait à leur imposer au nom de la religion, et qu'ils commençaient à opérer une distinction entre le sacré de la religion et les programmes des partis politiques et leur capacité à donner satisfaction à leurs revendications ».
Selon le chercheur égyptien, l'échec des islamistes tient aussi au fait qu'à la suite du « printemps arabe », ils ont expliqué aux gens qu'après l'échec du socialisme et du capitalisme, le projet islamique résoudrait tous les problèmes.
« Au bout de 10 ans, le projet [islamique] a échoué et les problèmes économiques et sociaux n'ont pas disparu », a ajouté Al-Shobaki.
Marwan Shehadeh, un jordanien spécialiste des groupes islamiques, cité sur Al-HurraTv, a expliqué l'échec des islamistes par leur manque d'expérience politique et leur incapacité à passer de l'opposition au gouvernement.
Shehadeh a ajouté que les islamistes ont échoué aussi parce qu'ils ont adopté les mêmes politiques et les mêmes outils politiques que les gouvernements et les régimes qu'ils ont remplacés.
« Les groupes et partis [islamistes] souffraient des mêmes maux que les autres partis, à commencer par la corruption... Ils n'ont pas réussi à gérer les affaires de leur pays, à résoudre des problèmes ou à fournir au peuple ce qu'il est en droit d'attendre. De plus, ils manquaient de cadres formés au travail de l'État. »
Amin Sossi Alawi, un marocain chercheur en géopolitique, décrit la défaite des islamistes au Maroc comme « un tremblement de terre qui brisera le dos des Frères musulmans dans le monde islamique ».
Les dix années que les Marocains ont passé avec les islamistes a-t-il dit, leur ont fait « découvrir la fausseté des slogans populistes utilisés par le Parti Justice et Développement pour infiltrer le gouvernement ».
L'écrivain libyen Milad Omer Mezoghi a affirmé lui, que les Arabes ont sans doute commis une erreur en votant pour les partis affiliés aux Frères musulmans, mais « ils ont su punir ceux qui les ont déçus ».
« Les Frères musulmans d'Afrique du Nord n'ont pas pris soin de leur peuple. Ils ont commis les actes les plus odieux, ils ont lié le sort de leur peuple à la Turquie, ils ont tout importé de ce pays pour relancer l'économie (turque), et par conséquent ils ont vidé les caisses de leurs pays et appauvri leur population, entraînant une montée du chômage et de la criminalité... Il arrive que les gens se trompent dans leurs choix en raison d'un manque de lucidité et des fausses informations des candidats, mais à la première occasion ils corrigent leur erreur. Les élections parlementaires marocaines ont montré que le peuple marocain a abandonné les Frères musulmans. Les Frères musulmans sont une plante malfaisante qui croit sur du fumier ».
L'écrivain et analyste politique saoudien Fahd Al-Shoqiran a déclaré qu'au Maroc « une corruption sans frein a déclenché la colère populaire » et provoqué la chute des Frères musulmans.
Il a souligné que de nombreux électeurs au Maroc considèrent les Frères musulmans comme une organisation opportuniste qui se fraie un chemin vers le pouvoir à l'aide de slogans creux.
« La corruption massive, l'incapacité à lutter contre le chômage et l'absence de stratégie de lutte contre la pauvreté en sont les preuves. Les Frères musulmans ont du succès dans l'opposition, mais une fois au pouvoir, ils échouent toujours. Ils sont doués pour détruire, mais ne construisent jamais rien. »
Observant que les islamistes ont échoué dans bon nombre de pays arabes, Al-Shoqiran ajoute que si les musulmans ne tirent aucune leçon de leurs « mortelles expériences » avec les Frères musulmans, le même échec se répétera à intervalles réguliers.
Al-Shoqiran a poursuivi :
« Après une décennie de règne islamiste en Tunisie et au Maroc, le bilan des Frères musulmans est le suivant : ils ont accru plus encore la corruption, rendu l'État et ses institutions plus méprisables encore, et ils ont volé la vie des gens et leur argent »
Nadim Koteish, éminent écrivain libanais et personnalité médiatique, a déclaré que les islamistes du Maroc ont été sévèrement punis des 10 ans qu'ils ont passé au gouvernement sans rien produire de positif pour leur peuple.
« Les Marocains ont voté pour le changement, pas pour la rhétorique », a-t-il écrit. « Les récentes élections au Maroc sont une opportunité pour ce pays de se débarrasser de l'extorsion islamiste ».
Le rédacteur en chef et chroniqueur palestinien Hafez Barghouti a également jeté sa pierre aux Frères musulmans du Maroc.
« Les partis liés aux Frères musulmans ont toujours prétendu qu'ils étaient empêchés de gouverner et qu'ils ne pouvaient mettre en œuvre leur programme. Mais ils ont été au pouvoir au Maroc pendant dix ans et n'ont rien fait pour les Marocains qui ont le sentiment d'avoir été grugés par les slogans religieux ».
Selon Barghouti , « L'expérience prouve que les partis des Frères musulmans sont compétents pour démolir et non pour construire, et la preuve en est qu'ils gouvernent sans fournir à ceux qu'ils gouvernent d'autres services que des victoires illusoires et la corruption ».
L'écrivain palestinien affirme que la Tunisie s'est débarrassée des islamistes parce qu'ils ont détruit l'économie et « volé l'argent du peuple ». Au Maroc, a-t-il ajouté, les Frères musulmans ont été au pouvoir pendant de nombreuses années, plongeant le pays dans une crise économique et sociale.
Les partis islamistes ajoute Barghouti, pensent que leur règne durera tant qu'ils profèreront des slogans religieux. « Mais ils ne se préoccupent que de leurs intérêts et ne servent que leurs partisans », a-t-il déclaré. « C'est la raison de la chute rapide des Frères musulmans, un groupe sans aucun historique dans la construction et la tolérance. »
Mounir Adib, un Égyptien expert des groupes islamiques, a déclaré que la chute des islamistes au Maroc est le reflet de l'effondrement de l'organisation en Egypte, en Tunisie et dans d'autres pays arabes.
« Cette chute n'est pas politique, ce à quoi nous assistons est l'effondrement de l'idéologie de l'organisation, devenu indésirable dans les pays arabes. La grande chute des Frères musulmans, politiquement et intellectuellement, a commencé en Egypte, le Soudan a suivi et la contagion a gagné la Tunisie et enfin le Maroc. En raison de leur échec spectaculaire dans ces pays, on s'attend à ce qu'ils chutent également en Libye lors des prochaines élections législatives et présidentielles. »
La chute des Frères musulmans dans un certain nombre de pays arabes ne signifie pas que l'organisation va totalement disparaître du paysage. Mais aujourd'hui, à l'évidence, les Arabes de ces pays disent qu'ils en ont assez des islamistes incapables de défendre les intérêts de leur peuple.
La question qui demeure est donc la suivante : en Occident, les soutiens des islamistes vont-ils prendre également conscience de ce rejet. En d'autres termes, quand cesseront-ils de les traiter comme de « bons gars » qui cherchent à améliorer les conditions de vie des Arabes et des musulmans ?
Khaled Abu Toameh est un journaliste primé basé à Jérusalem.
Des événements qui ont marqué le dernier été, il y a certes eu la débâcle afghane, mais il y a eu aussi le coup d’État en Tunisie, peu relevé par les médias.
En invoquant l’article 80 de la Constitution, le Président Kaïs SAÏED a, le 25 juillet dernier, démis le Premier ministre, avec qui il était en conflit depuis plusieurs mois. En contrevenant à ce même article, il a également suspendu l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) qu’il ne peut dissoudre ainsi que l’immunité parlementaire de ses membres ; en effet, l’article 80 dispose que l’ARP est « en état de réunion permanente ». Sans aucun respect des règles procédurales, il s’est arrogé les pleins pouvoirs au prétexte d’un « danger imminent ».
Le texte stipule : « En cas de péril imminent menaçant l’intégrité nationale, la sécurité ou l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le président de la République peut prendre les mesures qu’impose l’état d’exception, après consultation du chef du gouvernement, du président de l’Assemblée des représentants du peuple et après en avoir informé le président de la Cour constitutionnelle. Il annonce ces mesures dans un message au peuple… Durant cette période, l’Assemblée des représentants du peuple est considérée en état de session permanente… »
Une lente dégringolade qui caractérise l’appauvrissement collectif. Le sous-investissement tant public que privé, les interminables grèves, la fuite des capitaux, la contrebande, le développement des exportations illégales, la diffusion de la corruption à tous les échelons de la société, le développement du secteur informel, les attentats terroristes …, ce sont les maux qui rongent la Tunisie.
Quels que soient les drames occasionnés par ces difficultés, rien ne justifiait « le coup d’État constitutionnel » réalisé par le Président avec la complicité et l’aide de l’armée. Il n’y avait aucune atteinte à l’ordre public, aucun risque pour la sécurité de l’État.
De « quel danger imminent » le pays devait-il être protégé comme l’a prétendu Kaïs SAÏED ? De même, il a outrepassé les dispositions de l’article 80 en empêchant l’ARP de travailler en continu.
Étrange situation réalisée par un spécialiste de droit constitutionnel qui s’est fait connaître du grand public par ses commentaires sur la Constitution ! Avec « le coup d’État médical » orchestré par Ben ALI le 7 novembre 1987 conduisant à la destitution de Habib BOURGUIBA, la Tunisie fait preuve d’innovation politique.
Le recours à l’article 80 devait être limité à 30 jours. Deux mois plus tard, le Président a nommé un nouveau Premier ministre qui n’a pas été investi par le Parlement toujours en congés. Au fil des jours, s’est installé « une dictature constitutionnelle ». Le Président a engagé une chasse à la corruption, justifiant des restrictions aux libertés publiques ; sans aucune base juridique, les chefs d’entreprise et les fonctionnaires ne peuvent quitter le pays. La lutte contre la corruption est progressivement en train de se transformer en chasse aux sorcières et finira par entraîner des purges, dans l’Administration.
Kaïs SAÏED est un personnage clivant. Il est favorable à la peine de mort, il n’hésite pas à fustiger l’homosexualité et à préconiser la remise en cause de l’égalité successorale entre frères et sœurs… Son opposition radicale à Israël le conduit à faire des déclarations à connotation antisémite alors que des membres de la petite communauté ont subi des agressions physiques. Il devrait réécouter le discours prononcé par le Combattant suprême à Jéricho le 12 février 1965 ; il avait osé déclarer : « …la politique du « tout ou rien » …nous a menés en Palestine à la défaite et nous a réduits à la triste situation où nous nous débattons aujourd’hui…Il faut que, de la nation arabe, montent des voix pour parler franchement aux peuples… »
Kaïs SAÏED risque de s’enfermer dans un système de plus en plus répressif, peu propice à l’instauration d’un climat de confiance indispensable pour le développement économique et l’attraction des touristes et investisseurs étrangers. Il devrait mettre à profit l’état de grâce accordé par le Peuple tunisien content de sortir de l’impasse dans laquelle Ennahdha et les frères musulmans ont mis le pays pour :
La Tunisie est un pays avec des ressources naturelles modestes : certaines cultures comme l’olivier, la vigne ou l’alpha, l’exploitation des phosphates, du pétrole en quantités limitées par rapport aux potentialités des voisins… Rien de caractéristique ! Partant de ce constat, le président Habib BOURGUIBA avait consacré toutes les capacités d’investissement du pays sur le capital humain, sur les infrastructures d’éducation et de santé, refusant les dépenses militaires et somptuaires.
Parallèlement,attant suprême avait mis fin en 1970 à l’expérience de socialisation accélérée sous la férule d’Ahmed Ben Salah, ; il avait alors choisi M. Hédi NOUIRA qui en dix ans a acclimaté le pays à l’économie de marché et l’a ouvert au commerce mondial. La Tunisie a ainsi connu ses « quarante glorieuses ». Ce modèle économique a entrainé une amélioration constante du niveau de vie, et la constitution d’une classe moyenne confortée par la libération de la femme et un début de sécularisation de la société.
Cette société civile a constitué le fer de lance de la révolution de 2010-2011, et devrait être le rempart contre tous les extrémismes. Kaïs SAÏED doit retrouver le chemin du développement économique pour conforter cette classe moyenne indispensable au fonctionnement de toute démocratie.
Ayant écarté du pouvoir les frères musulmans d’Ennahdha, son coup d’État n’est pas trop critiqué à l’étranger, à l’exception de la Turquie d’ERDOGAN. L’Occident n’ose reconnaître que cette situation tunisienne, tout comme la déroute des islamistes marocains aux dernières élections, le rassure. Néanmoins, il est peu probable qu’il se taise longtemps si était mis en place un régime policier autoritaire.
À défaut, il risque d’ouvrir la voie à un vrai coup d’État militaire, seule alternative pour sortir le pays de la crise.
Dov ZERAH N° 264 : La boite de Pandore tunisienne
Onze semaines après l’éviction du précédent cabinet par le président Kaïs Saïed, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs depuis le 25 juillet, la Tunisie s’est dotée ce lundi 11 octobre d’un nouveau gouvernement. En pleine crise socio-économique et sanitaire et après des mois de blocage politique, Kaïs Saïed avait invoqué en juillet un « péril imminent » pour justifier ses actions, dénoncées comme un « coup d’État » par ses opposants et des ONG.
« Le président de la République promulgue un décret nommant le chef du gouvernement et ses membres », a indiqué la présidence dans un communiqué, peu avant la diffusion par la télévision officielle de la cérémonie de prestation de serment.
Pour la première fois dans l’histoire du pays, le gouvernement est dirigé par une femme, l’universitaire Najla Bouden, mais celle-ci ainsi que son équipe jouiront de prérogatives considérablement réduites après le coup de force du président Saïed. Mme Bouden a été nommée le 29 septembre, plus de deux mois après le limogeage, le 25 juillet, du Premier ministre Hichem Mechichi par le chef de l’État, qui a également gelé le Parlement et pris en main le pouvoir judiciaire.
Dans un discours lors de la prestation de serment, Mme Bouden, 63 ans, a affirmé que « la lutte contre la corruption sera le plus important objectif » de son gouvernement, qui compte 25 membres, dont 9 femmes, outre sa cheffe. Elle a aussi affirmé que son équipe œuvrerait pour « redonner aux Tunisiens confiance en l’État » et « améliorer leurs conditions de vie ».
À LIRE AUSSITunisie : liquidation des acquis démocratiques
L’annonce du nouveau gouvernement survient au lendemain d’une nouvelle manifestation à Tunis contre les mesures d’exception décidées par Kaïs Saïed, à laquelle ont participé au moins 6 000 personnes dans la capitale Tunis.
Après deux mois d’incertitudes, Kaïs Saïed a promulgué le 22 septembre un décret officialisant la suspension de plusieurs chapitres de la Constitution et instaurant des « mesures exceptionnelles » le temps de mener des réformes politiques, dont des amendements à la Constitution de 2014.
Lundi, Kaïs Saïed a réaffirmé devant le nouveau gouvernement que ses actions visaient à « sauver l’État tunisien des griffes de ceux qui le guettent, à la maison comme à l’étranger, et de ceux qui voient leur fonction comme un butin ou un moyen de piller les fonds publics ». « Ils ont allègrement pillé l’argent du peuple », a-t-il dit, sans identifier les parties visées par ses critiques.
En dépit de la nomination d’une Première ministre, c’est le chef de l’État qui sera le réel détenteur du pouvoir exécutif. Il présidera le conseil des ministres, en vertu de ses « mesures exceptionnelles » adoptées en septembre.
C’est la première fois dans l’histoire de la Tunisie, pays pionnier dans le monde arabe en matière des droits des femmes, que la tâche de diriger le gouvernement est confiée à une femme. Depuis la présidence de Habib Bourguiba, qui leur avait aménagé un code de statut personnel en 1956 interdisant la polygamie et la répudiation et autorisant le divorce, la Tunisie est considérée comme le pays du Maghreb à l’avant-garde pour l’émancipation des femmes.
Des militantes des droits des femmes ont salué la portée symbolique de la nomination d’une femme à la tête du gouvernement mais ont rappelé que Kaïs Saïed s’était par le passé illustré par des positions négatives sur l’égalité entre les sexes. Fin 2019, pendant la campagne électorale et une fois élu président, Kaïs Saïed s’est opposé à tout projet de loi mettant à égalité les hommes et les femmes dans l’héritage.
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Complètement inconnue du grand public au moment de sa nomination et dépourvue d’expérience politique, Mme Bouden n’a pas de compétences reconnues en économie non plus. Or l’instabilité politique du pays a largement pesé sur sa situation économique. Très endettée et dépendante des aides internationales, la Tunisie fait face à une profonde crise économique et sociale – chute du PIB, forte inflation, chômage à près de 18 % –, aggravée par la pandémie de Covid. Le parti d’inspiration islamiste Ennahdha, principale force au Parlement tunisien, suspendu depuis le coup de force du président Saïed, avait dénoncé comme « inconstitutionnelle » la nomination de Mme Bouden car elle « ne respecte pas les procédures constitutionnelles ».
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