Journal 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2020, 2021, 2022, 2023
Derière mise à jour
07-Déc-2024
Pour m'écrire, ou pour s'abonner à la liste de diffusion
La Tunisie est un ancien protectorat français, qui a obtenu son indépendance relativement rapidement, sans rupture trop brutale avec la France. Toutefois malgré les tentative de Paris de lier la Tunisie à la France, les dirigeants Tunisiens, n'ont pas voulu d'une Tunisie Transméditerranéene, ils ont préféré une Tunisie Arabe.
Le processus d'indépendance a commencé en 1954, lorsque Pierre Mendes France, pour tenter de mettre fin aux violence des partisans de l'indépendance, a accordé l'autonomie à la Tunisie, autonomie bien vite remplacée le 20 mars 1956 par une véritable indépendance. Dès juillet 1957, la république est proclamée par Habib Bourguiba en 1957, et le premier article de la constitution proclame que "La Tunisie est une république dont l'islam est la religion, et l'arabe sa langue" .
Des l'indépendance, les autorités ont poussé les français vers la sortie, en tentant par tous les moyens de les écœurer pour les remplacer par des tunisiens. Dans un premier temps, Bourguiba a profité de l'existence d'une élite juive tunisienne et patriote, pour permettre au pays de tourner sans les français, puis dès qu'un adjoint musulman semblait apte à prendre des responsabilité, le juif était mis au placard, et parfois on le plaçait sous les ordres de son ancien subordonné.
. « S’il faut reconnaître que jamais les autorités tunisiennes n’ont usé de violences pour inciter les Juifs au départ, il n’en demeure pas moins qu’elles les ont poussés délicatement vers la sortie par toutes sortes de tracasseries administratives, de comportements discriminatoires qui en faisaient des citoyens de deuxième zone, dans un pays où les foules pouvaient rapidement s’enflammer et devenir incontrôlables. » (Les français avaient été exclus de la même façon précédemment)
Les juifs tunisiens avaient accepté l'indépendance, et étaient prêts à participer à l'érection d'une Tunisie plurielle et démocratique
Les émeutes antisémites lors de la crise de Bizerte en 1960, puis lors la guerre des six jours en 1967, l'incendie de la synagogue de Tunis, l'engagement au côté des palestiniens, d'Arafat qui trouva refuge en Tunisie en 1982, ont crée un climat de crainte accentué par les mesures discriminatoires gouvernementales.Ceux qui ont encore des doutes sur la relation de cause à effet entre antisionisme et antisémitisme seront éclairés, en lisant André Nahum.
Le charme tunisien aurait pu triompher
Si dès l'indépendance, on a vu s'imposer un nationalisme ombrageux, pan-arabe, on a vu en même temps la Tunisie être un modèle pour l'éducation et l'émancipation de la femme musulmane. Dès le 13 Août 1956, Habib Bourguiba promulgue un code du statut personnel qui accordera aux femmes une certaines égalité, fin de la polygamie (peu répandue en Tunisie il est vrai), divorce, consentement obligatoire. Dès 1973 l'avortement est légalisé, et la contraception est un droit acquis. Toutefois s'il reste des blocages, en particulier il n'y a pas d'égalité au sujet de l'héritage où les hommes sont privilégiés, on ne voyait plus de femmes voilées. Partant du constat que la Tunisie n'avait que très peu de ressources naturelles, le président Habib Bourguiba avait consacré toutes les capacités d’investissement du pays sur le capital humain, et les femmes en composent la moitié.
La femme tunisienne, est la plus libre du monde arabe, elle a joué un grand rôle dans le cinéma tunisien, et dans la bonne image qu'a eu la Tunisie pendant des décennies, à l'époque où le tourisme tournait à fond, la Tunisie pouvait être la lumière de l'Afrique du Nord. Culture et Tourisme, ce sont des devises, qui permettent le développement économique. . Le sens de la fête, les traditions, l'odeur du jasmin... tout le monde rêvait d'Hammamet et de ses superbes hôtels. On pensait que le pays allait suivre le chemin de l'Espagne vers un développement pacifique et durable.
Les excès d'autoritarisme de Bourguiba, la corruption de Ben Ali, l'islamisme porté par le printemps arabe, ou le bonapartisme de Kaïs Saïed ne peuvent conduire la Tunisie sur le bon chemin.
Le modèle s'est enrayé avant tout à cause de l'arabisation, de l'islamisation, et de la corruption.
* L'arabisation de l'enseignement a creusé la fracture entre les tunisiens, l'école primaire étant en arabe, et le supérieur en français, a creusé les écarts sociaux au détriment des moins favorisés, les autres ayant fréquenté des écoles primaires francophones ont eu plus de facilité. L'arabisation est aussi un cause du départ d'élites francophones, juive ou française avant même que la relève ne soit prête à prendre du service.
Le monde arabophone a un très grand retard scientifique, toute la recherche mondiale se fait en occident, aux États Unis, en Europe, et de plus en plus en Asie, Chine, Corée, Japon. En se liant au monde arabophone, en crise perpétuelle, la Tunisie s'est un peu lié les pieds.
* L'Islamisation a été un second facteur de rupture avec l'occident, et a provoqué de violentes ruptures sociales avec la partie la plus avancée de la société musulmane, et cela a été un aussi vecteur de rejet envers les étrangers l'islam, avec un effet dévastateur pour le tourisme.
Les peuples d'Égypte, de Tunisie, du Maroc et du Soudan qui ont donné leur chance aux Frères musulmans, ont découvert qu'à l'épreuve du pouvoir, l'organisation était aussi corrompue et incompétente que les régimes laïcs et les chefs d'État arabes.
Les efforts d'alphabétisation ont porté leurs fruits, le nombre d'étudiants a bondit, mais un nombre très important de diplômés se trouve au chômage, en effet on a pas vu naître des pépinières de "start-up", l'islam politique n'est guère favorable aux initiatives, et des diplômés sans espoir présentent un danger pour la stabilité d'un pays.
Manifestation des partisans d'Ennahda contre le président Kaïs SAÏED
* La corruption est endémique à l'Afrique, c'est loin d'être une spécificité tunisienne, j'y vois ici une conséquence de la manière dont Bourguiba a Tunisifié l'économie à l'indépendance. S'il était légal de spolier les français et les juifs, pourquoi serait-il immoral ensuite de voler les musulmans ? les principes éthiques doivent être +les mêmes quelque soit la nationalité, religion, ethnie de nos partenaires. La même réflexion peut s'appliquer à l'Agérie, ou à l'Égypte entre autres.
Les gens acceptent les lois dures, mais pas l'injustice, la corruption n'est jamais supportée,
et c'est pour protester contre elle qu'on a vu le printemps arabe naître en Tunisie, et c'est au nom de la lutte contre elle de le président Kaïs SAÏED a réussi à se faire élir président, et s'est débarrassé des contraintes démocratiques.
En 2019 de nouvelles élections mettent au prise Kaïs Saïed face à Nabil Karoui. Son image de probité permet à Kaïs Saïed de l'emporter. Parmi ses premières déclaration, il affirmait que toute relation avec Israël est une « haute trahison », ce qui assimilait la cause Palestinienne à la cause Tunisienne, cela devait faire plaisir à Ehnarda, le parti islamiste. Pour eux, Allah est au dessus des lois, et la cause Palestinienne est une cause religieuse. Pourquoi cette déclaration ? pour écoeurer les derniers juifs tunisiens ? ? pour séduire les islamistes ? ? Kaïs Saïed tient ses principaux discours en arabe classique, pour bien montrer à quel monde il appartient. Favorable à la peine de mort, hostile à l'homosexualité, il semblait être le partenaire idéal du parti Ennahdha proche des frères musulmans.
Cependant, Allah n'a pas résolu les problèmes, même si la devise des frères musulman "L'islam est la solution", y croyaient. La crise du Covid a achevé le tourisme, la chaleur et la sècheresse ont ruiné la campagne, la misère et la corruption se sont agravées malgré la toute puissance des islamistes. Alors, le guide suprème a fait un quasi coup d'État.
Prétextant un péril imminent, le Président Kaïs SAÏED a invoqué l’article 80 de la Constitution, le 25 juillet 2021, il a démis le Premier ministre, avec qui il était en conflit depuis plusieurs mois. En contrevenant à ce même article, il a également suspendu l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) qu’il ne peut dissoudre, et a supprimé l’immunité parlementaire de ses membres. Ennahdha (Renaissance) parti, islamistes est exclu du gouvernement, et ses dirigeants sont menacés par la justice ! Au nom de la lutte contre la corruption qui risque de se transformer en chasse aux sorcières, il a interdit aux hommes d'affaires et aux fonctionnaires de quitter le pays.
Pire il a nommé Najla Bouden ! une femme premier ministre ! c'était la première fois dans le monde arabe. En outre son gouvernement est très féminin.
Sur la photo on remarque un gouvernement serré, peu de ministres et un fort pourcentage de femmes, dont aucune n'est voilée.
Il n'a pas pris beaucoup de risque, car avec la nouvelle constitution présidentielle qu'il avait taillé à sa mesure, Kaïs Saïed a tous les pouvoirs entre ses mains !
On voit donc émerger un régime autoritaire, dirigé par un "bonapartiste", peut être inspiré par Nasser, qui pourra maintenir l'ordre, et la Tunisie en a grand besoin vu l'état de délabrement de son économie. Kaïs Saïed pourrait être aussi un modèle pour l'Algérie qui se débat dans les mêmes difficultés, avec trop de corruption, et de misère.
Toutefois, la porte ouverte aux arrestations arbitraires, et l'antisionisme affiché est une forme de "complotisme", ce n'est pas en désignant à la vindicte populaire le peuple juif d'Israël, que la Tunisie retrouvera son image de tolérance, et de générosité qu'on attendait au pays du jasmin.
Michel Lévy