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Derière mise à jour
27-Sep-2024
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La première allusion à une prière pour l'État, se trouve chez le prophète Jérémie :
« Ainsi a parlé l’Eternel, le Dieu d’Israël, à tous les exilés que J’ai laissé emener en Babylone : « Bâtissez des maisons et habitez-les, plantez des jardins et goûtez leurs fruits. Prenez des femmes et engendrez des fils et des filles, pour qu’ils leur naissent des enfants et pour que vous vous multipliiez là et que vous ne diminuiez pas. Recherchez la paix pour la ville dans laquelle je vous ai exilés, et priez pour elle vers l’Eternel, car votre paix dépend de la sienne. »
(Jérémie 29, 4-7)
La Michna mentionne la pensée d'un Sage du 1er siècle, contemporain de la destruction du Temple de Jérusalem en l’an 70 de notre ère :
Rabbi ‘Hanina, le chef des prêtres dit : « Prie constamment pour la paix du royaume, car s’il n’y avait pas sa crainte, l’homme avalerait vivant son prochain ».
(Pirké Avot 3, 2).
Ces deux textes fondateurs ont été écris alors que l'état juif n'existait plus, et que les juifs vivaient en exil, les premiers suite à la victoire des chaldéens, les seconds à celle des romains.
« La ‘tefila’ juive est exactement l’opposé de ce qu’on appelle généralement ‘une prière’. Il ne s’agit pas d’un épanchement intime ou de l’extériorisation de ce dont le coeur est rempli ... mais il s’agit d’une nouvelle absorption et d’une nouvelle pénétration en soi de vérités qui nous sont données de l’extérieur » (Elie Munk, le monde des prière) Autrement dit, on ne prie pas pour sortir de notre intimité vers le créateur, mais au contraire pour faire entrer en notre intimité des vérités externes "Écoute Israel" est la base du crédo juif.
La prière pour le royaume, n'est pas une supplique, mais une prise de conscience, quand tout va bien, de la nécessité d'avoir un royaume en paix pour nous protéger, et cela impliquera de protéger nous même la paix du royaume. Pour cela la michna dit : «prie continuellement »
Se fondant sur les fréquentes appellations de Dieu en tant que « Roi », certains commentateurs vont sortir du sens obvie enseigné par Rabbi ‘Hanina le chef des prêtres pour y voir une invitation à s’associer pleinement aux actions divines. La conscience de l'appartenance à l'État et la nécessité de la servir pleinement fait partie du service divin conclut Yona Gherthman.
On peut aussi penser que la paix, Chalom en hébreu, est très proche de Chalem qui veut dire plénitude, on ne peut espérer le "chalom", que s'il y a justice, et dans nos relations avec l'État, prier pour la paix du royaume, veut aussi dire prier pour sa justice sociale ou judiciaire, l'iniquité entraîne des violences. Il faut prier pour la paix du Royaume, prendre conscience de son importance, et avec l'aide de Dieu, la favoriser.
Une prière pour le Chef de l'État traditionnelle est apparue très tôt, j'en ai trouvé trace au XVIII ième siècle, c'est la prière prononcée le 1 Mai 1774 ... à l'occasion de la maladie de S. M. Louis XV.
Les formules de ce texte seront reprises au XIX ième siècle, lorsque la montée des nations, feront que la prière pour la paix du royaume s'imposera à travers toute l'Europe.
Napoléon premier, a imposé que dans tous les lieux de culte, catholiques, protestants où juif on récite une prière pour l'Empire et l'Empereur.
Voici le texte que Le consistoire central des juifs de France a composé en 1809 sur ordre de Napoléon, elle sera lue en français, lorsque pendant l'office solennel du samedi matin, au moment ou on sort les rouleaux de la Torah : L'officiant récite solennellement chaque phrase, et le choeur, ou les fidèle chantent "amen" à chacune d'entre elles.
Amen
On
On remarque d'abord la brièveté du texte, 5 phrases appellent sur la personne de l'empereur la bénédiction divine. On remarque l'extrême modestie des juifs, qui prient pour être digne de la bienveillance impériale, ce qui ne coulait pas de source. L'empereur avait une piètre opinion des juifs de son empire, s'il souhaitait unifier les peuples de son empire, et n'était pas un antisémite compulsif, il était souvent influencé par des notables alsaciens, allemands, ou français éprouvant une grande aversion envers le judaïsme ou les juifs. Séduire l'empereur, était un enjeu de diplomatie de la plus haute importance, et fallait aussi plaire à son entourage, les rabbins savaient Napoléon influençable.
Aucune allusion au Messie qui ramènera son peuple à Sion, ni d'ailleurs aucune allusion au peuple français. Il ne reste que des individus soumis à l'empereur, et des misérables qui doivent s'efforcer d'en être digne.
Sous le second empire, la prière se modifie, on rend hommage à Dieu avant de rendre hommage à l'empereur. Ce n'est plus l'empereur le tout puissant, mais son créateur.
On retrouve ce thème complété un peu plus tard dans la prière pour la paix du Royaume, ou pour les gouvernants; Je l'ai vu dans un vieux livre allemand datant de Bismark, dans une partition pour la synagogue de Hambourg , dans un livre de prière de rite séfarad, récent, et très largement diffusé en France le "Patah' Eliahou" (Porte d'Élie)
Voici la version américaine, remplace L'empereur par le Président, le Vice président :
"May He who gives salvation to kings and dominion to princes, whose kingdom is an everlasting kingdom, who delivers His servant David from the evil sword, who makes a way in the sea and a path through the mighty waters, bless and protect, guard and help, exalt, magnify and uplift the President, Vice President and all officials of this land. May the supreme King of kinds in His mercy put into their hearts and the hearts of all their counselors and officials, to deal kindly with us and all of Israel. In their days and in ours, may Judah be saved and Israel dwell in safety, and may the Redeemer come to Zion. May this be His will, and let us say: Amen.
Cette prière vient du coeur du Peuple d'Israël, qui prie pour la paix du Royaume, pour le Roi, l'Empereur, ou le Président, pour que le Seigneur le protège, pour qu'il soit glorieux, et qu'il réussisse dans toutes ses entreprises. On demande aussi au roi des roi, que le souverain soit favorable au peuple d'Israël qui séjourne dans ce pays, en attendant l'arrivée du libérateur qui viendra de Jérusalem.
Il faut retenir que cette prière présente les juifs comme des étrangers, bienveillants envers le prince, mais étrangers au pays, leur but n'est pas de s'y intégrer, mais d'attendre patiemment l'arrivée du sauveur qui les conduira à Jérusalem.
J'ai trouvé dans un livre de prières datant probablement de la fin du XIX eme siècle, (la page de garde a été arrachée) deux textes, le premier plus officiel est vraiment français et Républicain. On ne bénit plus spécialement le chef de l'état, mais la République et le peuple français. Ce texte est marqué par le traumatisme de la défaite de 1870. On remarque la mise en avant du travail et de l'instruction. L'espérance messianique est suggérée par le phrase "Eternel, notre créateur et notre libérateur". L'appartenance à la nation est appuyée par "Rend à notre bien aimé pays..."
Le second est la reprise du texte ancestral pour la paix du Royaume, inspirée des prières traditionnelles des siècles passés.
Prière pour la République :
Dans le même livre, on trouve, juste après :
Dans quelques communautés on dit cette prière
Le lecteur y retrouvera le début de la prière à la gloire de Louis XV cité plus haut. et la fin de la prière pour Napoléon III. Ce texte est proche de la prière d'Hambourg sous Bismark, et de la prière encore actuelle aux USA.
On sent que le peuple Juif est différent du peuple au milieu duquel il réside, et qu'on prie l'Éternel pour que le prince et ses conseillers soient favorables aux Juifs. L'attente du retour à Sion y est plus explicite, et bien sûr elle se fera sur ordre divin.
C'est donc une prière pour la paix du royaume, conforme à la tradition talmudique, et éloignée des principes de 1789.
Elle est un peu hors sol, car sous la troisième république, le Président de la République avait surtout un rôle protocolaire, le "Roi" était le président du conseil des ministres, et ce poste était éjectable, car il tenait à la solidité de la coalition gouvernementale, qui était le plus souvent instable. .
« Que celui par qui règne les rois et qui règne lui-même à jamais, Celjui qui a sauvé son serviteur David du glaive meurtrier, qi a frayé jadis une route à travers les eaux impétueuses de la mer, bénisse et protège, élève et fasse prospérer
Dieu Éternel, Maître du monde, ta providence embrasse les cieux et la terre ; La force et la puissance T’appartiennent ; par Toi seul, tout s'élève et s'affermit.
En 2012, le Grand Rabbin Giles Bernheim a fait rajouter : « Que l’Éternel accorde sa protection et sa bénédiction pour nos soldats qui s’engagent partout dans le monde pour défendre la France et ses valeurs. »
En 2015, suite aux attentats de l'hyper cacher, Haïm Korsia, Grand Rabbin de France a modifié l'ajout de son prédécesseur :
Dans cette prière, on remarque l'adhésion de la communauté juive à la République, plus ou moins explicite, une version dit "Notre pays" et il n'y a jamais d'allusion à Sion, ni au rassemblement des exilés à Jérusalem.
Par contre l'aspect éthique est mentionné. On ne rêve plus de victoire militaire, de gloire, de grandeur, mais de droit et de liberté.
1) Doivent-ils demander au souverain de les protéger, ou suffit-il que le souverain se comporte avec équité avec tous ses sujets ? Les rabbins ont fini par penser que si "le Roi" se comportait dignement, il protégerait tous les citoyens, donc que les juifs n'avaient pas besoin de protection particulière.
2) Les Juifs font ils parti du peuple d'Israël, en exil en attendant l'arrivée du messie qui les ramènera à Sion, où sont-ils des citoyens actifs et responsables dans le pays où les vicissitudes de l'histoire les ont poussé ? Faut-il demander de protéger "Notre" pays, ou prier pour le retour à Sion ?
Les Rabbins ont résolu le problème en récitant deux prières, une pour la République Française, ignorant l'aspect messianique, et une pour l'état d'Israël, ignorant la France
Dans un livre de prière français de 1963, j'ai trouvé une prière pour l'état d'ISraël annoté ainsi :
Prière pour le pays d'Israël
(A ajouter avant le dernier paragraphe de la prière pour la République)
Bénis le Pays d'Israël, espoir de notre délivrance, protège-le par l'aile de ta grâce, et étends sur lui le pavillon de ta paix : éclaire par la lumière de ta vérité, ses chefs, ses ministres et ses conseillers, et inspire-les pour le bien du pays. Amen
Cependant, la prière pour l'état d'Israël, la prière officielle est en hébreu, et a été écrite par le Grand Rabbin d'Israël en 1948 (Ystrak Herzog), et par son ami S.Y. Agnon. Dans la plupart des communautés juives, elle est récitée en hébreu, après la prière pour la République Française, et avant la prière pour la communauté locale.
Cette prière n'a pas fait concensus, car elle prend partie sur plusieurs débats parfois vifs qui ont secoué la communauté juive.
- Elle affirme que l'État d'Israël, tout laïque qu'il soit est le premier germe des temps messianique. Donc, que les initiatives humaines peuvent faire venir le messie sans attendre un ordre divin, ce que contestait à l'époque la plupart des mouvements dits "orthodoxes". Aujourd'hui, cette phrase ne fait plus scandale, seuls quelques rares mouvement H'assidiques, comme les H'assid de Statmar continuent à rejeter le lien entre l'ère messianique attendue et le retour des juifs à Sion. L'introduction de "l'Etat d'Israël, premier germe de notre délivrance" avait été placé ici, un peu par ruse par les auteurs de la prière.
- C'est une prière sionistes, qui appelle à la réunion de tous les dispersés d'Israël, en échos à la première prière pour le royaume. Les Juifs de la diaspora ne sont pas vus comme des étrangers de religion juive, mais comme des futurs citoyens israéliens dispersés à travers le monde.
- C'est un appel à état dirigé par la crainte de Dieu, on est très loin d'une vision laïque de la société. On espère en une paix universelle à travers la connaissance divine qui devrait à terme conquérir le monde entier. C'est la vision des temps messianiques.
La connaissance de Dieu, n'impose nullement la conversion au judaïsme.
C'est l'espoir de la réalisation de la promesse prophétique
"Ce jour là le Seigneur sera un, et son sera un."
Bien entendu, le débat pour la laïcité est loin d'être clos en Israël.
Prière pour l'état, Version américaine
https://www.sefaria.org/sheets/55340.24?lang=bi&with=all&lang2=en
Prière pour Napoléon III
https://opensiddur.org/prayers/collective-welfare/nation/france/priere-pour-lempereur-prayer-for-napoleon-iii-emperor-of-france-1869/
Histoire de la prière pour l'Etat d'Israsël :
https://fr.timesofisrael.com/le-mystere-de-la-paternite-de-la-priere-pour-la-paix-de-letat-enfin-resolu/