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Mise à jour 02.02.2021 à 19:49 par TV5 MONDE et AFP
L'opposant russe Alexei Navalny devant le tribunal de Moscou, le 2/02/21 à Moscou (Russie). Tribunal de Moscou via AP .
Opposant numéro un au Kremlin, Alexeï Navalny a une ambition : faire chuter Vladimir Poutine, au pouvoir depuis plus de vingt ans. Selon lui, le président russe a orchestré son empoisonnement par un agent neurotoxique de type Novitchok, en août en Sibérie.
Evacué dans le coma, Alexeï Navalny est rentré le 17 janvier après cinq mois de convalescence en Allemagne, malgré la quasi-certitude d'être arrêté. "La Russie est mon pays, Moscou est ma ville", a -t-il proclamé. A son arrivée, sous les objectifs des médias du monde entier, l'opposant est interpellé au contrôle des passeports d'un aéroport moscovite. Le lendemain, il est incarcéré au terme d'une audience expéditive.
« Son seul crime est d'avoir survécu à cette tentative d'assassinat. Garry Kasparov, ex-champion d'échecs et détracteur du pouvoir russe. »
Le message d'Alexeï Navalny, ancien avocat de 44 ans, reste inchangé. Il appelle les Russes à ne pas avoir peur et à manifester. Pour galvaniser ses partisans, il diffuse une vidéo de deux heures, dans laquelle il accuse Vladimir Poutine de s'être fait bâtir un somptueux palais. La vidéo devient virale, avec plus de 100 millions de vues. Le président russe est obligé de démentir en personne.
Et malgré la répression policière, des manifestations réunissent, les 23 puis 31 janvier, des dizaines de milliers de personnes dans plus de 100 villes russes.
Fin 2019, "le blogueur qui n'intéresse personne", selon l'expression du Kremlin, avait marqué les esprits en enquêtant sur son propre empoisonnement, affirmant même avoir piégé un agent des services spéciaux (FSB) pour révéler des détails de l'opération. Le Kremlin balaye l'affaire, évoquant "le délire de la persécution" d'un escroc au service de l'Occident russophobe. Mais la vidéo fait déjà un tabac: 27 millions de vues.
Sondage après sondage, Alexeï Navalny reste pourtant une figure clivante. Largement ignoré des médias nationaux, non représenté au Parlement, AlexeïNavalny s'est imposé comme la principale voix de l'opposition dans un paysage où les formations classiques ont été réduites au silence, ou contraintes à la coopération.
Grâce à des vidéos percutantes, lui et son organisation, le Fonds de lutte contre la corruption, étrillent le clientélisme du pouvoir. Electoralement, ses candidats étant souvent interdits de scrutins, Alexeï Navalny organise des campagnes pour soutenir le candidat, peu importe sa couleur politique, le plus susceptible de vaincre le pouvoir. Avec un certain succès en 2019 et 2020. Ses premiers galons d'opposant, Alexeï Navalny les a gagnés après les législatives de décembre 2011, qui déclenchent un mouvement de contestation dont il devient une figure parmi d'autres.
Par la suite, Alexeï Navanly va s'efforcer de lisser son image, abandonnant un discours nationaliste aux relents racistes et cessant de défiler à la Marche russe, rassemblement annuel de groupuscules d'extrême droite ou monarchistes.
En septembre 2013, il obtient son premier succès électoral aux municipales à Moscou, arrivant deuxième avec 27% des voix.
Depuis, il a multiplié les courtes détentions administratives et les condamnations dans des affaires de fraudes aux relents politiques. En 2014, il écope de trois ans et demi de prison avec sursis dans l'une d'elles. Le tribunal de Moscou vient de transformer cette première condamnation en prison ferme.
AFP
Ce dimanche 31 janvier, au moins 500 personnes ont été arrêtées en Russie dans le cadre de manifestation pour réclamer la libération d'lexei Navalny, premier opposant à Vladimir Poutine.
Une décision qui intervient quelques heures après les pourparlers entre le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov et celui de l’UE, Josep Borrell à Moscou. Précisément, la Russie a réclamé le départ de trois diplomates: Allemagne, Pologne et Suède. Josep Borrell a “fermement condamné” ces expulsions et “rejeté les allégations de la Russie” au sujet des diplomates.
La chancelière allemande Angela Merkel a de son côté estimé “injustifiée” l’expulsion de ces diplomates. Son chef de la diplomatie Heiko Maas a d’ailleurs menacé la Russie de représailles si elle “ne reconsidère pas cette mesure”.
La Suède a de son côté fustigé une mesure “complètement infondée”, alors que la Pologne a prévenu que la décision de Moscou risquait de porter préjudice aux relations bilatérales.
La participation des diplomates à des rassemblements “illégaux le 23 janvier” en soutien à Alexeï Navalny à Saint-Pétersbourg et Moscou sont “inacceptables et incompatibles avec leur statut”, ont quant à elle estimé les autorités russes.
Cette annonce illustre l’état des tensions russo-européennes, alors que Joseph Borrell a, depuis Moscou, dénoncé l’emprisonnement d’Alexeï Navalny et la répression des manifestations en sa faveur.
“Il est sûr que nos relations sont sévèrement tendues et l’affaire Navalny est un plus bas”, a constaté Josep Borrell, face à Sergueï Lavrov, en réitérant “l’appel à une libération” de l’opposant et “au lancement d’une enquête impartiale concernant son empoisonnement”.
Le président américain Joe Biden a lui aussi vivement critiqué la Russie ces derniers jours, notamment pour son traitement d’Alexeï Navalny, des propos qualifié de “très agressifs” par le Kremlin.
Ennemi juré du pouvoir russe, l’opposant de 44 ans a été condamné mardi à deux ans et huit mois d’emprisonnement pour avoir enfreint un contrôle judiciaire datant de 2014.
Lui, accuse les autorités de vouloir le réduire au silence car il a survécu, cet été, à un empoisonnement dont il tient le président Vladimir Poutine pour responsable. L’UE a adopté des sanctions contre des responsables russes face au refus de Moscou d’enquêter.
L’arrestation de l’opposant à son retour de convalescence a suscité des manifestations à travers le pays.
De nombreuses ONG, des médias russes et les pays occidentaux ont dénoncé la répression brutale qui a suivi et conduit à quelque 10.000 arrestations émaillées de violences policières.
L’opposant était lui de nouveau au tribunal vendredi, accusé d’avoir diffamé un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale qui avait défendu dans un clip de campagne, l’été dernier, un référendum ayant renforcé les pouvoirs de Vladirmir Poutine.
Il avait qualifié les intervenants dans cette vidéo de “honte de la Nation” et de “traîtres”. Alexeï Navalny, qui risque une lourde amende voire une peine de prison, dénonce une accusation politique. Une prochaine audience est prévue le 12 février.
La plupart de ses proches collaborateurs ont quant à eux été arrêtés ou assignés à résidence.
Un mois après la « révolution de velours » de novembre 1989 en Tchécoslovaquie, la foule acclamait le dramaturge et dissident Václav Havel aux cris de « Havel na hrad ! », soit « Havel au Château », le siège de la présidence à Prague. Aujourd’hui en Russie, lors des protestations ayant suivi l’arrestation de l’opposant et blogueur anticorruption Alexeï Navalny, personne n’a encore brandi le slogan « Navalny au Kremlin ». De Saint-Pétersbourg à Vladivostok, les manifestants scandent « Liberté pour Navalny », « Nous sommes le pouvoir », et « Poutine voleur », après la diffusion d’une vidéo de sa Fondation anticorruption (FBK) et qui montrait un fastueux présumé palais du président en bord de mer Noire, vidéo qui a cumulé 100 millions de vues en dix jours…
Depuis son retour d’un séjour d’un an à l’université de Yale, en 2010, Navalny, charismatique orateur, a creusé son propre sillon, tentant notamment de jouer le jeu électoral. En 2013, candidat à la mairie de Moscou, il a recueilli 27 % des voix. Emprisonné plus de dix fois pour une durée cumulée de six mois, il a été assigné à domicile plus d’un an, et condamné à cinq et trois ans et demi avec sursis pour d'imaginaires détournements de fonds. Ces condamnations ont toutes été annulées par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Il a eu deux fois le visage aspergé d’un désinfectant vert, qui a failli lui coûter un œil. Jusqu’à la tentative d’empoisonnement au novitchok, en août dernier, par une équipe de chimistes des services secrets russes… Ce tragique épisode, à en croire le très influent rédacteur en chef de la radio L’Écho de Moscou, Alexeï Venediktov, a « fondamentalement changé son statut : pour Poutine, il est devenu son ennemi personnel et la plus grande menace. Pour l’élite politique mondiale, il est le leader officiel de l’opposition et une des alternatives à Poutine ».
Pour autant, si le juriste de 44 ans venait au pouvoir, parviendrait-il à changer la Russie ? Invité le 30 décembre 2020 par l’économiste russe Sergueï Guriev, exilé depuis 2013, professeur à Sciences-Po et ancien chef économiste de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), Navalny a détaillé sa stratégie pour tourner la page du poutinisme.
« J’ai un parti, Russie du futur, mais on m’a refusé son enregistrement », a-t-il d’emblée rappelé. Reprenant son programme pour la présidentielle de 2018, dont il a été exclu en raison d’une condamnation pourtant invalidée par la CEDH, Navalny se prononce pour la gratuité des soins et de l’éducation.
« L’éducation est une question cruciale, martèle-t-il. Dans ce pays gigantesque, devenu de plus en plus autoritaire depuis vingt ans, où tout le pouvoir est concentré dans les mains d’un seul homme, et où 25 millions de citoyens vivent sous le seuil de pauvreté. » Surtout, poursuit-il, il faut s’attaquer à la « corruption au cœur de l’État, qui dévore le pays ». Et aussi décentraliser : chaque région doit être gérée différemment, en donnant plus de pouvoir aux municipalités – plutôt qu’aux gouverneurs.
Navalny introduirait un salaire minimum, mais, en bon ultralibéral, prône la dérégulation du commerce, la simplification des démarches administratives, l’abolition du contrôle des changes et « l’exemption totale d’impôts> » pour les TPE et PME. « Vous n’allez plus prélever d’impôts ? », s’étonne Guriev. « Les salariés en paieront, pour financer leur retraite. Mais l’exemption d’impôts est une question de survie pour beaucoup, à un tel niveau de pauvreté. »
S’il s’asseyait dans le fauteuil présidentiel, Navalny se muerait-il à son tour en tyran ? « Nous avons une quasi-monarchie. Et cette concentration gigantesque de pouvoir dans les mains d’un seul détruit le pays. Il faut s’orienter vers une république parlementaire », assure-t-il. La transition peut-être selon lui très rapide – dix ans, tout au plus. À deux conditions : « Des élections libres et inamovibles, et l’interdiction du contrôle des médias par l’État ou les oligarques. »
De pures déclarations d’intentions ? Navalny a tout de même réfléchi à une vaste réforme judiciaire : « Il faut imposer l’indépendance des tribunaux. Il suffit d’appliquer la loi explique-t-il. Les juges condamnés par la CEDH seront privés de leur statut et envoyés en prison. […] Pour rétablir l’autorité des juges, il faut les démettre, puis en désigner d’autres parmi les meilleurs juristes et universitaires du pays. »
Critique virulent des privatisations des années 1990, à cause desquelles « personne ne respecte la propriété privée en Russie », Navalny n’envisage pas de renationaliser, mais de taxer leurs heureux propriétaires d’alors. Sans oublier les nationalisations opérées sous Vladimir Poutine, pour constituer d’énormes corporations confiées à ses proches : un « vol à grande échelle, qui n’a rien à envier aux années 1990 ».
Quant aux accusations de nationalisme grand-russe, Navalny les balaye d’un revers de main. « Nous sommes un pays énorme et hétérogène où chacun est en droit de revendiquer son appartenance ethnique.» Langue de bois ? Doyen de la faculté des sciences politiques de l’Université européenne de Saint-Pétersbourg, Grigory Golossov rappelle que, « en 2007-2008, Navalny a comme d’autres tenté d’utiliser le nationalisme civique pour élargir la base politique de l’opposition. Désormais, cette question n’est plus pertinente, et, pour Navalny, c’est une étape passée ».
Suivi sur les réseaux sociaux par plusieurs millions de Russes, en majorité éduqués et urbains, qui contribuent à le financer, Navalny a sans conteste le soutien d’une grande partie de l’intelligentsia libérale, parmi lesquels entrepreneurs et financiers, exaspérés par un régime corrompu voire criminel, et isolé de l'occident. Ainsi l’homme d’affaires Dmitri Zimin, exilé depuis 2015 en Europe, a déboursé 79 000 euros pour financer le transport en avion de Navalny d’Omsk à Berlin. Ou Evgueni Tchitchvarkin, lui aussi exilé à Londres, qui a réglé ses frais d’hôpital, soit 49 000 euros. Ce dernier, comparant Navalny à Mandela, justifiait ainsi encore récemment son soutien à l’opposant sur la web télé Dojd : « Je suis un homme d’affaires, je n’aime pas beaucoup le régime, je veux vivre heureux, très riche et travailler librement ! »
Pour le discréditer, le Kremlin a d’ores et déjà qualifié Navalny d’agent étranger, et l’a privé de ressources, en le condamnant à une gigantesque amende et en bloquant tous ses comptes. Mais cet acharnement, à la longue, pourrait se révéler contre-productif, estime le journaliste Alexeï Venediktov : « L’empoisonnement de Navalny lui a valu la sympathie de l’élite, et son retour en Russie le respect. Mais le cirque de son arrestation et du procès contre lui a suscité de la rage. Et la rage peut fort bien se transformer en voix… »
Les relations sont "au plus bas", entre la Russie et l'Union européenne. A l'issue d'une rencontre à Moscou avec le chef de la diplomatie russe, Serguei Lavrov, son homologue européen, Josep Borrell, n'a pas caché son pessimisme, vendredi 5 février. A l'origine de ces nouvelles tensions : l'arrestation, mi-janvier, puis la condamnation, mardi 2 février, de l'opposant à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny.
Alors que des milliers de manifestants sont descendus à plusieurs reprises dans les rues du pays ces dernières semaines pour protester contre l'emprisonnement de la figure de la lutte contre la corruption au sommet de l'état russe, cette décision scelle un froid diplomatique persistant depuis de longs mois entre les deux puissances, sur fond de crise sanitaire et géopolitique.
Mais la détérioration de la relation entre l'UE et la Russie et les enjeux de ce bras de fer dépassent largement le seul destin d'Alexei Navalny. Franceinfo vous explique pourquoi.
Il est devenu le symbole d'un pouvoir russe indifférent au regard que porte sur lui le reste du monde. Alexeï Navalny, opposant au Kremlin de 44 ans, a été condamné mardi à deux ans et huit mois d'emprisonnement. Le motif : avoir enfreint son contrôle judiciaire après une première condamnation en 2014 dans une affaire de détournements de fonds. A l'époque condamné à une peine avec sursis, Alexeï Navalny devait pointer chaque mois dans un commissariat de la banlieue de Moscou. Mais en août, il a réchappé de justesse à une tentative d'empoisonnement et s'est retrouvé transféré dans un hôpital allemand, où les analyses des enquêteurs, ainsi que de laboratoires français et suédois, ont conclu à l'usage du Novitchok, un puissant agent neurotoxique, soupçonné d'être utilisé à l'encontre des ennemis du pouvoir russe.
Dès l'été, l'UE a adopté en représailles des sanctions contre des responsables russes et ce nouveau dossier s'est ajouté à une pile de sérieux griefs entre l'Union européenne et Moscou, à commencer par l'annexion illégale en 2014 de la Crimée ukrainienne par la Russie. Alors que les regards se sont tournés vers le Kremlin, accusé par Alexei Navalny d'être à l'origine de cette tentative d'assassinat, l'Europe a réclamé à Vladimir Poutine une enquête indépendante et transparente. En vain. Non seulement Moscou refuse de s'y plier, mais le pouvoir a arrêté l'opposant dès son retour au pays, le 17 janvier.
Dans la foulée, les autorités russes ont réprimé des manifestations de soutien à son égard. Le 23 et le 31 janvier, au moins 10 000 personnes ont été arrêtées à travers tout le pays, selon l'organisation OVD-Info, dont quelque 100 journalistes, et un Franco-Russe de 22 ans.
FRANCE 2
Les images de ces interpellations musclées ont révélé des traitements dégradants ainsi que des violences policières qui ont à nouveau fait réagir les Européens. Avant d'envisager des mesures, l'UE a décidé d'envoyer sur place le chef de sa diplomatie, l'Espagnol Josep Borrell.
Venu dénoncer au nom de Bruxelles l'emprisonnement d'Alexeï Navalny et la répression des manifestations, Josep Borrell était chargé de prendre le pouls des relations russo-européennes. Le message a été on ne peut plus clair : quelques heures seulement après les premiers pourparlers avec le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, Moscou a réclamé vendredi le départ de diplomates allemands, polonais et suédois. La raison ? Ils sont accusés d'avoir participé à des rassemblements à Saint-Pétersbourg et Moscou. Une façon claire pour le Kremlin de rappeller qu'il refuse toute ingérence dans ses affaires intérieures, mettant en garde les Européens contre la "bêtise" de conditionner l'avenir de leur relation avec la Russie au sort d'Alexeï Navalny.
Si Josep Borrell a "fermement condamné" ces expulsions et "rejeté les allégations de la Russie" au sujet des diplomates, sa visite n'a fait qu'exacerber la faiblesse de la position européenne face à Moscou, a analysé vendredi pour France 24 Nicolas Tenzer, président du Cerap (centre d'étude et de réflexion pour l'action politique) et spécialiste de la Russie.
«Quand, pendant la visite d'un haut représentant, on a trois diplomates européens qui sont expulsés, on ne dit pas uniquement : 'Ce n'est pas bien.'»
Nicolas Tenzer, spécialiste de la Russie à France 24
Affront supplémentaire : un nouveau procès, cette fois en diffamation, se tenait ce même jour contre Alexeï Navalny. "Il [Josep Borrell] a été humilié et il reste, c'est incompréhensible", poursuit Nicolas Tenzer, évoquant et "un jour triste pour la diplomatie européenne."
L'expulsion "injustifiée" des diplomates montre "une facette supplémentaire de ce qui se passe actuellement en Russie et qui a peu à voir avec un Etat de droit", a fustigé la chancelière allemande, Angela Merkel, à Berlin, montant au créneau au cours d'une conférence de presse commune avec Emmanuel Macron.
Le président français a lui-même condamné l'expulsion de diplomates européens "avec la plus grande fermeté", tandis que le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, a lui menacé la Russie de représailles si elle "ne reconsidère pas cette mesure". "Les accusations verbales, les indignations, tout ça c'est très bien. Mais s'il n'y a pas une action derrière, on sait très bien que monsieur Poutine et le régime du Kremlin s'en moque complètement. (...) Sans action, cela ne sert strictement à rien", juge Nicolas Tenzer.
Vendredi, Josep Borrell a assuré qu'aucune nouvelle sanction n'avait été proposée "pour l'heure". Mais certains Etats de l'Union européenne évoquent déjà, à l'instar de l'Allemagne, cette possibilité. Les ministres des Affaires étrangères de l'UE auront une première discussion sur le sujet le 22 février, en préambule d'un sommet consacré à la relation avec la Russie, fin mars.
Parmi ces leviers, l'UE peut notamment brandir la menace d'abandon du projet Nord Stream 2, un gazoduc dont les 1 200 kilomètres de tuyaux sous la mer Baltique doivent permettre au gaz de passer directement de la Russie à l'Allemagne. Alors que 30% du pétrole consommé dans l'UE provient de Russie, ce projet à près de 10 milliards d'euros constitue une manne financière pour le géant russe Gazprom. Pour Ian Bond, chef du département de politique étrangère du Centre for European Reform (CER) cité par l'AFP, l'Union européenne "sous-estime sa capacité à influencer le comportement des Russes".
Mais sur ce sujet, les pays membres souffrent de leurs désaccords. Si la France demande l'abandon du projet et que Bruxelles ne le juge pas prioritaire, Berlin ne l'entend pas de cette oreille. La décision de l'arrêter est de «la responsabilité des Allemands», a ainsi observé mercredi le chef de la diplomatie français, Jean-Yves le Drian.
Malgré les critiques à l'encontre de Moscou, Angela Merkel a redit son attachement au projet de gazoduc Nord Stream 2, ajoutant qu'il convient toutefois d'éviter toute "dépendance énergétique" vis-à-vis de Moscou.
D'autres leviers peuvent être actionnés, souligne encore Nicolas Tenzer, citant "des sanctions ciblées" permettant de "geler les avoirs à l'etranger d'oligarques russes (...) coupables ou complices de violations des droits de l'homme". Et si cela ne suffit pas ? « Couper la Russie de Swift, le système de transaction interbancaire. Cela aurait un impact absolument colossal, en espérant que l'on n'en arrivera pas là», poursuit le spécialiste.
Autant d'options qui tranchent avec le ton conciliant adopté jeudi par Emmanuel Macron. Au cours d'une vidéoconférence avec le groupe de réflexion (think tank) Atlantic Council, le président français a réaffirmé qu'il était indispensable de continuer le dialogue avec Vladimir Poutine pour "la paix et la stabilité européenne", et ce malgré l'emprisonnement d'Alexeï Navalny, qu'il qualifie d'«énorme erreur». Soit un message d'équilibriste, entre condamnation et main tendue, fidèle à la position (délicate et ambiguë) des 27.
Pour garantir son immunité face aux critiques de l'Union européenne, la Russie dispose d'une arme de poids : Spoutnik V, son vaccin contre le Covid-19. Alors que l'UE entend vacciner 70% de sa population d'ici cet été, la baisse temporaire des livraisons des doses de vaccin Pfizer-BioNTech et les retards de livraison du vaccin développé par AstraZeneca, fait craindre des difficultés d'approvisionnement, voire une pénurie. De quoi placer Moscou en position de force, selon Frédéric Bizard, professeur d'économie à l'ESCP et président de l'Institut santé, cité vendredi par France 24.
Ainsi, en dépit de leurs différends, Josep Borrell et Serguei Lavrov ont plaidé vendredi pour le maintien de la coopération entre l'UE et la Russie dans des domaines moins épineux, comme celui de la crise sanitaire, le représentant européen qualifiant le vaccin Spoutnik V de "bonne nouvelle pour l'humanité".
Le 20 janvier, la Russie a annoncé avoir entamé la procédure d'homologation de son vaccin auprès de l'Agence européenne des médicaments (EMA). Sans attendre le feu vert des autres pays membres, la Hongrie a déjà commandé 40 000 doses du vaccin russe, fustigeant la lenteur du dispositif européen.
Dans ces conditions, l'UE "a intérêt à mettre de côté les sanctions contre la Russie à la suite de la condamnation d'Alexeï Navalny, pour favoriser la vaccination des Européens", a décrypté jeudi dans La Croix Carole Grimaud Potter, analyste géopolitique et spécialiste de la Russie. "L'idée que l'UE mette la politique au-dessus de la réponse à la crise sanitaire est quelque chose que les Etats membres ne peuvent pas se permettre", a-t-elle assuré.
Le principal opposant à Vladimir Poutine, maintenant emprisonné, s’est imposé comme la seconde personnalité politique de Russie. Mais il est difficile d’analyser son profil.
Alexeï Navalny lors de l'annonce du verdict de la justice russe, le 2 février à Moscou. (Simonovsky District Court/Reuters)
par Alexandre HornAlexeï Navalny est depuis plusieurs années présenté par la presse internationale comme le premier opposant au président russe, Vladimir Poutine. Son empoisonnement en novembre dernier a failli en faire un martyr, sa condamnation le 2 février à trois ans et demi de prison pour non-respect de son contrôle judiciaire en a fait un symbole de la répression politique en Russie. En réponse, des manifestations historiques se sont déroulées un peu partout en Russie pour le soutenir et dénoncer le régime de Poutine. Mais si le personnage est sur le devant de la scène, ses idées et son parcours politique restent encore flous.
Il n’est pas facile de définir le pedigree politique de Navalny. «On a tendance à le regarder du point de vue occidental, de se dire qu’il doit avoir un programme clair», constate Tatiana Kastoueva-Jean, chercheuse et directrice du centre Russie NEI de l’Institut français des relations internationales (Ifri). «Sauf qu’on est dans un contexte russe où ce candidat n’a jamais eu la possibilité de participer aux élections nationales. Et Vladimir Poutine non plus n’a jamais été dans la bataille des idées.» Sans débat politique et sans liberté d’expression pour qu’Alexeï Navalny puisse exprimer ses idées, rassembler les bribes de discours de l’opposant pour en faire un portrait politique tient de la chasse au trésor.
Une ligne directrice se dessine indéniablement dans son parcours : la lutte contre la corruption. Dans les années 90, le jeune diplômé en droit soutient les réformes économiques libérales du président Boris Eltsine, mais se heurte à la réalité chaotique de la Russie post-soviétique. Les inégalités explosent avec les privatisations des entreprises d’Etat, et la concurrence dans cette nouvelle économie de marché dépend surtout de pots-de-vin ou des relations avec les institutionnels. Cette maturation dans une société gangrenée par la corruption cimente les bases de son engagement.
C’est en achetant des parts dans des entreprises russes en 2008 qu’il se fait connaître. Cette entrée à leur capital lui permet d’accéder aux documents financiers. Des outils à partir desquels Navalny demande plus de transparence, publie des enquêtes sur son blog et révèle des scandales de détournement de fonds de plusieurs milliards de dollars. «La lutte contre la corruption est un sujet qui parle à tout le monde en Russie tant le problème est grand», explique Tatiana Kastoueva-Jean.
Le blogueur ne s’arrête pas aux élites économiques et aux scandales financiers. Il s’attaque à la classe politique russe, jusqu’à viser directement le Président, dans sa dernière vidéo Un palais pour Poutine, diffusée juste après son interpellation à son retour en Russie. Dans ce documentaire qui comptabilise maintenant 110 millions de vues, Navalny décrit l’opulente richesse de Poutine en se concentrant sur un gigantesque palais au bord de la mer Noire. Non sans faire réagir les médias russes, pressés de contre-attaquer.
Alexeï Sakhnin est un activiste et journaliste russe d’extrême gauche, membre du Front de gauche russe. Il était l’un des leaders des manifestations anti-Poutine de 2011 à 2013 avec Alexeï Navalny. Pour lui, l’opposant a changé son approche de la corruption : «Quand il critiquait la corruption dans les entreprises, ça parlait seulement aux managers, aux businessmen. Mais maintenant, comme dans sa dernière vidéo où il expose la richesse de Poutine, il décrit la corruption comme une inégalité sociale, une injustice.»
L’engagement d’Alexeï Navalny passe aussi par une période plus trouble au début des années 2000. Alors qu’il est membre du parti social-libéral Iabloko, le blogueur se rapproche de la mouvance nationaliste. Il est même exclu du parti en 2007 pour s’être rendu à un rassemblement d’extrême droite.
Des publications sur son blog et des vidéos de sa chaîne YouTube témoignent de cette xénophobie, particulièrement envers les habitants du Caucase. Comme dans celle-ci, une vidéo à but humoristique en faveur du port d’arme, toujours en ligne. Des Caucasiens y sont comparés à différents insectes avant qu’Alexeï Navalny ne tire sur homme enturbanné qui essaye de l’attaquer.
Un tournant idéologique indéniable, mais qu’il faut recontextualiser pour Anna Colin Lebedev, maîtresse de conférences à l’université Paris-Nanterre et spécialiste des sociétés postsoviétiques : «Ces idées ne sont pas du tout vues comme extrémistes dans le champ politique russe, elles sont beaucoup plus mainstream que dans des pays d’Europe de l’Ouest.» Un point sur lequel Alexeï Sakhni, militant communiste qui ne se reconnaît pas dans ces idées, la rejoint : «C’est triste à dire, mais le nationalisme et le racisme étaient normalisés et présents dans n’importe quelle discussion à ce moment-là.» Entre les vagues d’attentats sanglants perpétrés par des groupes terroristes du Caucase et des afflux massifs de travailleurs étrangers, l’opinion russe se crispe autour de ces questions. «Les Russes étaient traumatisés, c’était une époque très particulière», rappelle Tatiana Kastoueva-Jean.
Alexeï Navalny finit par prendre ses distances avec le milieu nationaliste. Il conserve un discours anti-immigration jusqu’à sa candidature à la mairie de Moscou, en 2013, en proposant la mise en place de visas pour les travailleurs étrangers. Une mesure aussi présente dans son programme pour l’élection présidentielle de 2018. La partie de son programme sur le développement économique avance que «la Russie a besoin de rendre obligatoire les visas pour les travailleurs de la Transcaucasie ou d’Asie centrale. Les travailleurs migrants devraient arriver avec des visas de travailleurs, pas de façon incontrôlable comme maintenant».
Sergei Guriev est directeur de recherches en économie à Sciences-Po Paris. Exilé en France, il a entre autres servi de conseiller économique à Alexeï Navalny. Selon lui, la question des migrants «n’est plus un sujet très important pour Navalny, mais il veut encore des visas pour les immigrants, pour lutter contre le dumping social. Il n’a plus de discours xénophobe, maintenant il se positionne contre le nationalisme ethnique, il parle de diversité en Russie». Alexeï Navalny n’a toutefois jamais clairement renié son passé nationaliste.
Après ce virage à droite, Alexeï Navalny se démarque par un discours plus à gauche lors de l’élection présidentielle de 2018, qui est le premier scrutin national pour lequel il fait campagne, même s’il est finalement empêché de se présenter par le Kremlin. Son programme politique, publié en ligne en russe et en anglais, est en effet marqué par une tonalité sociale.
Dans un entretien avec Sergei Guriev traduit juste avant son incarcération, Navalny aborde son projet pour «la belle Russie du futur». D’abord une démocratisation du pays par une réforme du système politique et judiciaire. Mais aussi la fin du régime hyperprésidentiel pour un tournant parlementaire et une décentralisation à l’échelle fédérale, la libération des prisonniers politiques et des mesures d’ouverture sur la liberté d’expression, et un discours sur la concentration de richesses en Russie.
«Il a fait ce virage à gauche parce qu’il a compris que les Russes souffraient des faibles revenus, analyse Sergei Guriev. Les salaires se sont effondrés en Russie, ils restent aujourd’hui 10 % en dessous du niveau de 2015. Avec son programme de 2018, il a commencé à s’intéresser à des problèmes comme la mise en place d’un salaire minimum, d’une taxe sur les bénéficiaires des grandes privatisations post-URSS. Mais il n’a jamais vraiment parlé de redistribution.»
Un tournant à gauche qui reste néanmoins relatif. Un des principaux conseillers économiques de l’opposant, qui l’a aidé à rédiger son programme de 2018, est Vladimir Milov, ancien ministre de Poutine et libéral convaincu. Dans ce programme, juste avant de parler de salaire minimum, Alexeï Navalny évoque son souhait de «dérégulation des entreprises» en Russie. Il explique qu’«on pourra créer une société plus facilement qu’à Singapour ou qu’en Géorgie. Les charges pour les formalités administratives seront les plus légères au monde».
«Ce n’est pas quelqu’un qui cherche l’argent ou le pouvoir. J’ai beaucoup de respect pour lui», lance Alexeï Sakhnin avant d’enchaîner «mais c’était, c’est, et ce sera un homme politique de droite libéral. Il a adopté différentes idéologies comme le nationalisme ou maintenant un aspect plus social, avec pour objectif la fin du régime de Poutine. Mais pas pour des changements profonds.» La vision et le projet politique d’Alexeï Navalny demeurent difficiles à appréhender. Mais c’est surtout le futur de l’opposant qui reste incertain face à l’indéniable volonté d’hégémonie de Vladimir Poutine.
03 février 2021 Question d'actualité au Gouvernement
Claude
Malhuret Sénateur groupe indépendant
Monsieur le Premier Ministre,
Celui qui aurait dû se trouver hier dans le box du tribunal de Moscou ne s’appelle pas Alexeï Navalny, il s’appelle Vladimir Poutine. Pour tentative d’assassinat au Novitchok. Et pour les assassinats d’Anna Politkovskaïa, d’Alexandre Litvinenko, de Stanislas Markelov, d’Anastasia Babourova, de Sergueï Magnitski, de Boris Berezovski, de Boris Nemtsov et de dizaines d’autres. Pour le soutien aux sécessions de l’Ossétie, de l’Abkhazie, de la Transnistrie, l’annexion de la Crimée, l’invasion de l’Est de l’Ukraine, la chasse aux ONG de défense des droits de l’homme, la destruction du Boeing de la Malaysia Airlines, les cyberattaques permanentes et désormais la cyberguerre au cœur des systèmes de défense américains et européens. La liste complète est bien plus longue.
Quand allons-nous enfin répondre avec fermeté à l’ancien colonel du KGB qui n’a jamais admis la chute de l’URSS et jamais ne cessera sa lutte obsessionnelle contre nos démocraties ?
La condamnation du verdict par le Président Macron était nécessaire. Mais il faut passer aux actes.
Clément Beaune, Secrétaire d’Etat aux affaires européennes, a commencé à dire tout haut ce que pensent tout bas la plupart des pays européens. Le gazoduc Nord-Stream II, conséquence du fiasco de la stratégie allemande dans sa lutte contre le réchauffement climatique qui contraint l’Allemagne à augmenter et non à diminuer les énergies fossiles, est une erreur majeure et je sais que le gouvernement français pense comme moi. Ce gazoduc ruine la sécurité énergétique de l’Europe, il nous livre pieds et poings liés à notre pire ennemi, il creusera le tombeau de l’Ukraine, et enfin il permettra à l’homme le plus corrompu au monde et à ses oligarques mafieux, de continuer à détourner des milliards.
Il est temps d’obtenir de l’Allemagne, avec nos alliés, l’abandon de ce projet mortifère. Le temps presse car les navires russes chargés du chantier, tous les autres pays y ayant renoncé, sont arrivés sur place.
Monsieur le Premier Ministre, chaque jour la Russie ressemble un peu plus à l’Union Soviétique. Nous avons été bien frileux à l’époque dans notre soutien aux dissidents. Est-ce que nous allons aujourd’hui laisser Navalny pourrir dans son cachot pendant que Poutine festoie dans son palais des mille et une nuits ?
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Monsieur le Président MALHURET,
La France, par la voix du Président de la République, vous l’avez dit, a condamné dès hier avec la plus grande fermeté, la condamnation de Monsieur Navalny, comme elle avait déjà condamné la tentative d’empoisonnement dont ce dernier avait été victime et comme elle avait condamné le premier procès qui avait été fait à Monsieur Navalny dans des conditions que la Cour européenne des droits de l’homme avait elle-même jugées inéquitables.
De la même façon, le Président de la République, au-delà du cas de Monsieur Navalny, a condamné les arrestations arbitraires qui ont eu lieu ces derniers jours dans ce pays et a rappelé notre attachement sans faille au respect des droits de l’homme et des libertés publiques dans ce grand pays.
Je vous rappelle que, au-delà des condamnations, la France et l’Allemagne avaient été à l’origine des condamnations tout à fait significatives, prononcées en Octobre dernier par la Commission européenne à l’endroit de la Russie. Dès cette semaine, le Haut représentant de l’Union, Joseph Borrell se rendra à Moscou pour dire la condamnation unanime de l’Union et ensuite, les Ministres des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian représentant la France, se réuniront dans quelques jours en Février, pour proposer des suites qu’il y a lieu de donner de cet acte inqualifiable que la France condamne avec la dernière énergie.