Mivy décoiffe, car il est fait par un chauve

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Dernière mise à jour 29-Jan-2025
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La Brit' de Roman (prononcer Romane)

Nouvelle de Barbara Bloch



Veste pour la circoncision (détail) Allemagne 1772
Soie côtelée, appliquée avec des feuilles d'argent dorées sur découpes de parchemin. Garnitures au crochet en fil d'argent doré et dentelle de coton. Rubans de soie.
Il est écrit en hébreu :
"Comme il est entré dans la sainte alliance de la circoncision, ainsi peut-il entrer dans l'étude de la Torah, dans la houppa et dans les bonnes actions" (Talmud Shabbat 137b)
Collection d'Eliezer Burstein de Lugano au musée d'Israël à Jérusalem

 

ROMAN VISHNIAC

Nous étions, Vladimir et moi, restés à Paris depuis plus de trois semaines et pour cause, son fils, Yaïr allait devenir papa et donc mathématiquement, Vladimir prenait d’un coup d’un seul, la place honorable du grand-père. Nous attendions donc, suspendus, la venue imminente de son petit-fils.
Le bébé avait un peu voulu cocooner une semaine de plus dans le ventre de sa maman, et, patiente, Élodie avait été d’accord, après « 22 v’la les flics », comme on disait dans les HLM de Petit-Quevilly des années 70, ici, dans un tout autre cadre et sans l’accent normand de mon enfance, le vendredi 22 Novembre 2024 Roman, tel un boulet de canon, était sorti tout beau, tout neuf, grâce à un des rares homme sage-femme de France au nom improbable de Willy Benguigui.
En googlelisant l’apparence de ce professionnel de l’accouchement, je me suis dit qu’il aurait pu s’appeler Winnie Benguigui car il avait incontestablement quelque chose du « gros ours ». Il faisait partie de ces hommes délicieux, charmants, pas franchement bellâtres, mais ce monsieur possédait des yeux ultras gentils, sa rondeur, son humanité et sa douceur mélangée à un corps bien ancré dans le sol, rassurait le monde.
Je le rangeais mentalement sur la liste de mes hommes préférés, à savoir, les hommes féminins, les sensibles, les mamas cachées, ma fille dirait dans son langage « mes besties ».

J’avais voulu discuter avec Vladimir sur le choix du prénom Roman, mais il s’énerve, nous n’avons pas à nous mêler, ils ont choisi ce prénom et voilà tout !
Je regarde google, ce prénom est dérivé du latin, Romanus, cela signifie « provenant de Rome ». Roman, prénom unisexe, pose quand même question. A l’oral, Roman se prononçait pareil au masculin et au féminin, seul l’écrit marque la différence.
En Roman garçons, je connais Roman Polanski, Roman Wisniak, en fille, la plus connue en France est sans conteste Romane Bohringer.

-« Hey !!!  Vladimir !!! Roman…c’est comme ….Roumanie, Romanus, ça recommence, c’est romain, tu as de la chance, Yaïr te rend hommage, ooh, toi, le roumain romain Hahaha !
Pour tout commentaire, j’ai droit à un haussement d’épaule.
Bon, Vladimir a raison, mes explications linguistiques ne mènent nulle part, leur bébé s’appelle Roman, c’est leur choix, fin de l’histoire….

Vladimir, respectueux de la volonté des parents de Roman, fit beaucoup d’efforts pour ne pas débarquer à la clinique des bleuets avec mille gâteaux, cadeaux, vodka et autres, en revanche, le 29 novembre, il prévint toute sa famille en Israël qu’il était, Mazal Tov, à 74 ans, qu’il était enfin…. Grand-père  !!!!
Mais pourquoi avoir tant tardé pour annoncer l’arrivée du petit, me direz-vous ?

MAZAL TOV !

Dans la Genèse, Chapitre XVII – verset 24, Abraham, quatre-vingt-dix-neuf ans, fils de Terah, reçoit et accomplit l’injonction divine de se circoncire. En hébreu, l’alliance par la circoncision se nomme Brit Mila.

Chez les juifs, on circoncit les garçons à huit jours, moment où le sang acquiert la bonne capacité de coagulation et, puisque le système nerveux n’est pas encore tout à fait développé, l’opération est quasi indolore.
Chez les religieux, on ne nomme pas le garçon avant la Brit Mila, le bébé étant considéré comme inaccompli. Pendant huit jours, aussi curieux que ça puisse paraître, l’enfant n’a pas de nom !

Certains membres de la famille de Vladimir, vivants en Israël, demandèrent quel était le nom du bébé, le sous-entendu étant que si le nom est donné, la BRIT est faite !
L’obsession, après les furieux Mazal Tov de joie, fut : « À quand la BRIT ? »
Et là, Vladimir laissa planer un flou artistique dont il a le secret, car, d’un naturel plutôt taciturne, il arrivait à ce que tout ce petit monde raccroche content, ému, mais sans avoir aucune information ni sur la Brit, ni sur le nom de son petit-fils ! Et puis de toute façon, en pleine guerre au Moyen Orient, la venue d’un bébé est sacrée et rien au monde n’a plus d’importance.

Ce n’est que le samedi suivant, à savoir le 30 novembre que nous fûmes conviés à découvrir Roman chez eux à l’adresse magique digne de Lewis Caroll : rue du Lapin Blanc.

 

Je vis aux côtés de Vladimir depuis bientôt dix ans et je le savais, comme nous tous, tiraillé par ce sujet incontournable, épineux, tabou pour les uns, barbare pour les autres, bref, je veux avoir une vraie conversation sur ce sujet avec lui. Je pousse sieur Vladimirovitch dans ses retranchements d’ex roumain d’un pays communiste totalitaire, « on ne fait pas de vague, on agite le drapeau rouge, on acclame le chef du parti, on crie houra ! houra ! houra ! on s’adapte, en gros, on s’écrase, on se la ferme ». Je lutte contre sa tendance à ne pas se prendre en considération, je l’incite à parler franchement à son fils et sa belle-fille et de leur expliquer SON ressenti.

Pour moi, c’est évident : aucune raison qu’il y ait une circoncision, Élodie n’est pas juive, je ne vois pas pourquoi elle consentirait à cet acte fondateur. Couper le prépuce de son bébé peut être perçu comme une violence. Même Corinne et Alain, ses parents, ne comprendraient pas !

La Brit est une évidence chez les juifs et les musulmans, mais elle est souvent très mal vécue chez les « autres », laïques inclus.
Yaïr, de son côté, a des liens plutôt distendus avec le judaïsme, me semble-t-il, je le vois mal imposer la circoncision de leur fils à Amélie et sa famille.
« Au pire, Vladimir, ils te disent non, mais au moins tu ne t’en voudras pas d’être resté sans rien dire, d’avoir été lâche. »
Ne croyant pas trop à l’improvisation, je fis comme à mon habitude, « die kleine Sekretärin ». Je tape consciencieusement le texte qu’il me dicte, il n’exigeait rien, juste, il expliquait l’importance qu’avait ce rite à ses yeux.

Nous arrivâmes devant leur porte presque sur la pointe des pieds, comme lors d’un premier rendez-vous amoureux, tout émus de découvrir enfin le magic bébé.

Roman, entourés de ses deux parents et du chat Marou, formait un tableau familial irrésistible. Élodie, oh miracle, ne semblait pas épuisée, elle avait sa fraicheur habituelle, son coté joyeux, « bon pied bon œil » était intact, avec en plus, une douceur, un bonheur, une plénitude qui émanait de son visage. Ce qui me frappait c’est qu’elle souriait tout le temps, l’accouchement s’était bien passé, l’homme sage-femme était génial, en les regardant, j’avais l’impression d’être dans un film américain, comme dans un rêve. Yaïr, quant à lui, blaguait, virevoltait avec Roman, participait à tout, en bon disciple de Willy Benguigui, il avait déjà des gestes assurés pour prendre le petit qui semblait disparaitre dans les bras de ce grand papa en forme, un peu décoiffé, un peu fatigué et pour cause, c’est lui qui se réveillait la nuit pour s’occuper de bébé Roman. Amélie allaitait, il fallait la chouchouter, il fallait qu’elle se repose, elle avait besoin de récupérer et de toute façon Amélie était une jolie marmotte, grande dormeuse, elle avait besoin de ses huit heures de sommeil pour être bien.

Même Marou le jeune chat, regardait Roman gentiment, il ne comprenait pas trop l’intérêt de ce drôle de deux pattes coincé dans son berceau, mais bon, ses maîtres semblaient toujours autant l’aimer, lui, Marou, donc, pas de compétition idiote avec ce colocataire miniature pas terriblement dégourdi.

Roman avait un je ne sais quoi de spoutnik fraichement débarqué de la Lune et, malgré cet air planant, tout son super pouvoir était déjà là, un aimant nous attirait à lui, ce bébé nous désarmait, nous émouvait par sa douceur, sa fragilité. Il avait, comme beaucoup de nouveaux nés, cet air sérieux d’homme politique concentré, il représentait tout, la pureté, la douceur, l’espoir, la joie, l’amour, l’humanité la perversion en moins.
Ses yeux n’étaient pas franchement ouverts, mais lorsqu’il fixait Élodie, je voyais une vraie ressemblance dans leurs regards.
De mon point de vue, à cet instant précis, Roman avait les yeux de sa maman.

Quant à Vladimir, il ressemble à un petit écureuil gris, il sautille, rit à tout, s’enthousiasme, puis, n’y tenant plus, demande à tenir Roman dans ses bras, et les voilà réunis. Avec sa douceur et son calme rassurant, Vladimir entoure l’enfant, et ses bras comme dans le dessin animé des Barbapapas se transforment en…« Hupupup…Barbatruc ! » en bras berceau. Roman est bien calé, protégé et réussit même à s’endormir.

Il y a quelque chose de christique chez Vladimir, il possède une énergie spéciale, je le regarde, accoudé sur la table, les genoux sur le banc, de profil, il forme un drôle de triangle. Ça a dû plaire à Marou, car, bille en tête, il vient s’installer sur le haut de son dos.
Je reste plus en retrait, moi qui parle tout le temps, je souhaite lui laisser la place, depuis le canapé, j’observe le bébé, obsédée par le maintien de la tête.
Tout aurait pu continuer gentiment de la sorte et je vois le temps glisser, couler comme un petit ruisseau guilleret. Je vois, je constate que Vladimir tarde à sortir son fameux texte.
Je n’ai pas envie qu’il zappe, je sais que peut-être ça peut casser l’ambiance bisounours, mais tant pis, je pense que c’est important qu’il change, qu’il dise…Rien ne vient, j’hésite, puis, le regardant de biais, goguenarde, je me lance :
« Alors… Vladimir… tu ne lis pas ton texte ? »

Solennelle, j’annonce à Yaïr et à Élodie que Vladimir m’a dicté un très beau texte, ça serait peut-être le bon moment pour leur lire.
Vladimir me regarde, et, plus vif que l’éclair, tel Robert Mitchum en action, il dégaine son papier de la poche de son jean, chausse rapidement ses lunettes en écaille, et avec sa voix de crooner russe, se lance dans sa lecture. Sur un ton monocorde, sans pause, sans rythme, sans respirer, sans regarder son auditoire, il expulse son texte, enfin débarrassé de ce poids qui, et c’est peu dire, lui pesait franchement depuis un mois.

Il est touchant, mal à l’aise comme un petit garçon de sept ans pris en flagrant délit d’une bêtise, ça me donne vraiment envie de rire, mais je me retiens, je ne dis rien, je me tiens. Élodie, bon public, écoute ce discours avec grande attention, du coin de l’œil je l’observe, plus le texte avance et plus elle sourit. Yaïr aussi semble amusé et …plutôt content. Ouf, personne ne fronce le sourcil, pas de drame à l’horizon.
Voilà, c’est fini, l’accouchement s’est bien passé.
Vladimir lève la tête de sa feuille, arrache ses lunettes sauvagement et jette un regard interrogateur un peu gêné vers la bienveillante assemblée.
Un petit silence s’installe avec nous sur le canapé.

« Trop beau ce texte ! » lance Élodie.
« Oui, c’est vrai, c’est pas mal » rajoute Yaïr
« Vous pouvez nous le laisser ? »
« Bien sûr. » Vladimir lui tend son papier.
Complices, Yaïr et Élodie se regardent, se sourient :

« Allez… on lui dit … vas-y, c’est toi qui lui dit Élodie.»

« Ben, voilà…nous aussi on a quelque chose à vous annoncer, Vladimir … hum hum, on savait bien que cette histoire vous torturait, et, après en avoir beaucoup parlé, on a décidé…on a décidé de…de faire la circoncision à Roman… en fait, nous pensons que c’est plus hygiénique et puis aussi j’ai envie que mon fils ait le même zizi que son papa. Aussi nous ne souhaitons pas de cérémonie religieuse, on fera une circoncision laïque avec un médecin !

Willy Benguigui nous a conseillé un pédiatre chirurgien, le docteur Sitbon »
Je n’y tiens plus, mon enthousiasme sort de sa cage.
« Génial !! Quelle bonne idée ! » puis, dans le feu de l’action, je chante, je ne connais pas toutes les paroles mais ça fait un peu comme ça…
« nana Mazal Tov, nana Siman Tov, Yéééhélaaanou ! » et, comme je suis aussi un peu turque, méditerranéenne, me voilà, tapant des mains à tout rompre…
Je demande à Yaïr :
- « C’est comment le nom du docteur ? Docteur Sitbon ? Ah bah c’est marrant, une circoncision laïque avec le Docteur Sitbon, c’est comique, ça fait un peu…Juif ? non ? »
- « Oui c’est vrai. Je l’ai eu au téléphone, il a l’air très sympa, Benguigui en dit le plus grand bien, c’est un pro. »
Vladimir ressemble à un yogi lévitant sur un nuage.
Pour une surprise, c’est une surprise, il n’en croit pas ses oreilles, ses yeux sont mouillés d’émotion, on se regarde, on se sourit et comme disait un ami sénégalais, on montre nos dents…
Moi je pense « concret » je demande :
- « Alors, c’est quand la Brit ? »


DU PAIN ET DES IDÉES

Pour l’instant Roman a une mini jaunisse, il faut attendre, et c’est vrai, en le regardant de plus près, je remarque que son teint n’est pas vraiment rose mais vire plutôt vers le blanc cassé avec une pointe de jaune en prime.
Nous attendrons.

Trois semaines passent, enfin, Vladimir a eu Yaïr au téléphone, il a l’info : demain nous avons rendez-vous à quatorze heures, rue des Boulets, chez le Docteur Sitbon.
Y aura-t-il des invités, un buffet après ? Vladimir ne sait pas, c’est demain à Nation, c’est tout ce qu’il peut me dire.
La veille, pour l’évènement, nous discutons de nos tenues, je souhaite les honorer. Vladimir portera une jolie chemise et son pull bleu marine Saint James plus un jean, quant à moi, j’ai choisi une petite robe vert bouteille à manches longues, réhaussée de mes collants bleu pétrole et mes vielles bottines rouges que j’adore, c’est chic mais pas mémère.

Même si nous ne connaissons ni le déroulé, ni l’organisation de cette circoncision laïque, impossible de venir les mains vides. Vladimir prévoit pour l’occasion un bon saké, et nous planifions d’aller en avance à Nation, car non loin du cabinet du docteur Sitbon se trouve ma boulangerie préférée au joli nom de « Du pain et des idées ».

 

Nous prenons un flan tout rond pour les jeunes parents, et pour nous, deux fougasses. Aussi, nous avons oublié d’apporter des verres pour servir le saké, je me risque à demander s’il est possible de leur acheter quelques gobelets car nous avons une occasion à fêter, nous avons la bouteille mais pas les verres…. Gracieuse, la boulangère nous prépare six petits gobelets et me lance gentiment :
« C’est offert par la maison ! »
« Merci ! »
J’adore ce geste, je le vois comme un signe de bonheur.
Yaïr appelle, ils sont en chemin mais auront vingt minutes de retard.

Nous commençons à avoir faim, je propose :
« Viens, on va boire un café en grignotant nos fougasses. »
Nous entrons dans un endroit bizarre, est-ce un café, un restaurant ? La déco est plutôt moche, aseptisée, mais l’endroit est stratégique, très pratique car juste en face du cabinet du docteur Sitbon. Les serveurs portent la kippa, bêtement, en ces temps si hostiles à la communauté juive, ça fait chaud au cœur de se retrouver, nous sommes accueillis gentiment et tout le monde a compris qui était qui, donc, on se détend, c’est parfait. Nous commençons à nous installer, Vladimir commande deux cafés puis demande si ça pose un problème de manger nos fougasses.
Le serveur fait une drôle de tête…d’un coup il a l’air tout chiffonné.
« Ah…nous sommes vraiment désolé, mais ça ne va pas être possible, ici c’est casher, on ne peut pas accepter de la nourriture de l’extérieur… »

Ah ben voilà, on était bien, je commençais à sympathiser avec une jolie jeune fille qui mangeait sa pizza à coté de nous, il n’y avait pas de musique moche, mais voilà, c’est saoulant, ils compliquent … Nous n’avons plus le temps de manger dans leur restaurant, bon, tant pis, ça sera pour une autre fois, merci messieurs dames, au revoir. Nous voilà dehors. Juste à gauche il y a un café miteux qui lui, j’en suis presque sûre, voudra bien de nous, nos fougasses en prime. Les propriétaires du bar sont chinois, ils font aussi PMU, leur porte est ouverte aux quatre vents, il fait froid. Les clients ont l’air pauvres, étrangers, ça ne sent pas bon, je dis à Vladimir :
« Bon, non, vraiment, là, c’est trop triste, tant pis pour les cafés, viens on va manger nos fougasses dehors… »
« OK. »
Comme deux touristes dans une ville inconnue, nous dévorons nos fougasses natures, elles sont encore tièdes et croustillantes… Mmm, c’est bon, et puis même si le vent est mordant, nous sommes bien couverts alors, ça va… Vladimir me regarde, réfléchit puis me dit :
« Baschenka, il est où ton sac ? »
Mince, c’est vrai, mon sac…j’ai mon téléphone en bandoulière mais point de sac.

« Ce n’est pas toi qui l’as ? »
« Non »

J’ai toute ma vie dans ce sac : papiers d’identité, permis de conduire fraichement acquis, carte vitale, carte bleue, un peu de liquide….
Voilà, le charme est rompu, ce qui devait être magique devient cauchemar.
Je cours, je fonce vers le petit café miteux, les clients sont gentils, ils semblent vraiment désolés pour moi, mais non, personne n’a vu mon sac…
J’ai dû l’oublier à la boulangerie, quelle tête en l’air je suis, j’abandonne Vladimir, je cours comme une folle, je suis dégoutée, déjà, je vois le tableau : je vais rater la circoncision, passer des heures au commissariat pour évidemment ne jamais rien retrouver   ….
Vladimir m’appelle au téléphone :
« Reviens, j’ai ton sac ! il était dans le restau casher, le serveur nous a couru après mais nous nous sommes ratés, mais là, j’y suis, il m’a reconnu, tout va bien, Bascha, reviens, j’ai ton sac ! » …

LA SAGRADA FAMILIA

Je retrouve Vladimir, j’ai chaud, j’ai juste le temps de remercier le personnel du restaurant casher, décidément, leur déco est moche mais ils sont trop sympas.

Nous traversons la rue et apercevons au loin « la Sagrada Familia », Élodie nous fait signe, Yaïr conduit la mini poussette avec petit Roman bien emmitouflé dans une combinaison ultra chaude, un babygros top confort, une de ces tenues qui donne envie.
Yaïr et Élodie semblent sortir d’une pub pour Décathlon, ambiance bonnet pour Élodie, queue de cheval de travers pour Yaïr, basquets, jogging doudoune, à les voir, on dirait qu’ils reviennent de randonnée, et en effet, ils ont eu la bonne idée de venir à pied. De chez eux à Nation on met à peu près une heure et demi. Personne ne semble stressé, Élodie est loin de la névrosée juive ashkénaze où tout est complication, drame et incompréhension.
Décidemment, cette circoncision laïque décontractée est joyeuse !

Moi qui avais vu des Brit Mila traditionnelles, j’ai été frappée par tout             l’apparat déployé autour du bébé, les mille soins qu’on lui apportait,
la robe blanche brodée, parfois ancienne, qui se transmettait de génération en génération, les gourmettes en or que l’on mettait au poignet du bébé…


 

Et même si elles étaient entourées de mille et un invités bienveillants, tout cela n’apaisait pas ces mamans ultra angoissées, type « Drama Queen ».

Non, ici, le style circoncision laïque, c’est plutôt « happy days », on se fait la bise, on est tout content de se retrouver, franchement, c’est presque la fête. Je suis bluffée.

Les ascenseurs parisiens rajoutés dans des vieux immeubles aux escaliers étroits, sont souvent cocasses, mais là, c’est exceptionnel. La cabine est très exiguë, si petite, que ma première pensée est qu’un cercueil ne peut absolument pas rentrer. Élodie, plus positive, n’en revient pas, même leur mini poussette Yoyo spéciale avion Air France ne rentre pas. Pour accéder à cette sommité pédiatrique, les dames enceintes où en surpoids - Vladimir dirait très élégamment, les dames amples, ne peuvent s’introduire dans cet ersatz d’ascenseur qu’en crabe, ou de biais, autrement impossible.
Le septième ciel, ça se mérite !

Bon, cet ascenseur absurde n’arrêtera pas super Yaïr qui, tel Popeye, empoigne la mini poussette, Roman inclus et grimpe gaillardement les cinq étages suivis de près par Vladimir. Nous les filles, on prend l’ascenseur qui, poussif, fait une lente ascension. Tout le monde se retrouve en même temps devant la porte du fameux docteur Sitbon. Yaïr, en bon chef scout de notre bande atypique, sonne.

Un petit monsieur en costume trois pièces gris perle nous ouvre.
Le cabinet est raccord avec l’ascenseur, le couloir où nous sommes introduits est si étroit que nous devons avancer à la queue leu leu, Yaïr et Roman toujours dans sa mini poussette sont en tête du peloton, Élodie en deuxième position suit ses hommes de près, Vladimir gagne la troisième place, quant à moi, étant la dernière, je referme la porte. Monsieur Sitbon nous introduit dans une mini salle d’attente et nous assure que son assistant va arriver d’une minute à l’autre. En effet, il nous explique, et oui, c’est bien malheureux mais il s’est démis le bras et étant donné qu’il ne veut prendre aucun risque pour cette délicate intervention, c’est son assistant qui va exécuter la circoncision.
Le docteur demande au jeune couple si tout va bien, Élodie, souriante acquiesce.
« Oui, oui ça va bien ! »
« Tant mieux, tant mieux, très bien. »
S’adressant à Yaïr :
« Pas évident avec la poussette, l’ascenseur est très petit… »
« Oh, ce n’est pas un problème, on est monté à pied… »
« Très bien, très bien…Vous avez tout ce que je vous ai demandé ? le talc, le biberon sucré, les lingettes, les couches… »
« Oui, oui, je crois que j’ai tout. »
S’adressant à Vladimir :
« Et vous, vous êtes le papa… »
« Et oui !  Depuis sa naissance …Vous savez docteur, Yaïr a été circoncis par le rav Mehel Reiss »
« OOOOH quel honneur, le rav Mehel Reiss, un grand tzaddik ! »

Yaïr semble un peu gêné et content en même temps. Apparemment ce fameux Reiss était un mohel très reconnu dans la communauté. Vladimir avait choisi le nec plus ultra. Finalement pour son fils, lui, Yaïr, a fait pareil - recommandé et adoubé par Willy Benguigui, reconnu de tous, le docteur Sitbon est le meilleur. Espace e6
Le docteur tourne la tête vers moi :
« Et vous ? »
« Ah non, non, moi non, je ne suis que la copine du grand-père. »
« Très bien, très bien, formidable…juste quelques minutes d’attente messieurs dames, je reviens très vite vous chercher. »
Il fait très chaud, tout le monde en profite pour se débarrasser des doudounes, manteaux, bonnets, Roman aussi est libéré de son babygros des neiges, l’ambiance est toujours bon enfant.
Élodie m’épate.

RON PERLMAN

Le docteur Sitbon est un juif sépharade avenant, il est drôle avec ses sourcils noirs bien installés. Ses yeux charbonneux brillent de mille feux, j’y vois un mélange d’éclats de vert, de noisette, de marron et de jaune. Son regard est un voyage qui m’emporte, j’y vois une nostalgie, une distinction, une attention particulière, façon mille et une nuit. Ça me rappelle ma regrettée grand-mère, qui, elle aussi, appartenait à un monde oriental, antique et révolu. Ce monsieur dégage une intelligence, une chaleur, un humour aussi qui vous enveloppe comme un beau manteau chaud. Il me rappelle quelqu’un ….mais qui, mais qui, mais qui ….Ça y est ! j’ai trouvé, il a comme un air de Ron Perlman, l’acteur américain, et j’ai compris pourquoi, c’est sa mâchoire ! Sa mâchoire un peu proéminente lui donne ce petit quelque chose de préhistorique, de touchant… de Guerre du Feu « Atrrre! »

C’est un coquet, il porte une cravate un peu large bleue marine à rayures bleu clair, aussi, il se teint les cheveux qu’il perd franchement sur le haut du crane, c’est évident, il n’assume pas son âge.
Comme disait mon amie Rosy, de sa voix distinguée, toujours ultra chic et tout de même moqueuse :
« Lorsque les hommes se font teindre les cheveux, c’est toujours raté … ! je ne sais pas pourquoi du reste … »
Elle a raison, la coloration des cheveux de Monsieur Sitbon est outrée et une des premières choses qui sautent aux yeux chez lui sont ses cheveux filassent noir corbeau. Oh rage, oh désespoir !! Force est de constater que malgré toutes ses acrobaties capillaires…cette teinture est nulle !

Monsieur Sitbon mesure, je dirais, environ 1,60 m et ses pieds, proportionnés à sa taille, semblent minuscules, à vue d’œil, il chausse du 39 à tout casser. J’aime les hommes petits, ils me rappellent mon grand-père, ils ont dû supporter toutes les mauvaises blagues de leur coreligionnaire et ça leur donne toujours quelque chose en plus, pas forcément positif d’ailleurs. Un homme petit doit se battre mille fois plus pour tout, à l’école, pour conquérir les femmes, dans les salles de sport, il faut trouver une brèche pour ne pas sombrer dans une victimisation abominable. Dans son costume trois pièces, Monsieur Sitbon est plutôt maigrichon mais cet habit surement taillé sur mesure lui donne une certaine contenance, vaguement mafieux, vaguement gitan, italien, et bien sûr, tout à fait juif oriental. Il y a chez le docteur Sitbon quelque chose de chic mais un peu déglingué, décalé, d’un autre temps, et comme dirait Vladimir, « malgré tous les malgré », Monsieur Sitbon avait mené sa barque comme un chef et tous les grands baraqués des salles de sport lui mangent aujourd’hui dans la main.

  YORAM SALOMOVITZ

La porte de la salle d’attente s’ouvre, Monsieur Sitbon nous invite à passer dans son cabinet. Élodie, Yaïr avec Roman, toujours allongé dans sa micro poussette, s’engouffrent dans la pièce, nous les suivons. Roman est trop mignon, avec ses deux petites gambettes toutes frêles il ressemble à une petite crevette, aussi, il nage totalement dans son grand body jaune paille aux manches longues moulte fois retroussées.

Là, j’ai comme un choc, même si le grand assistant porte une blouse blanche, il ressemble à… Deux possibilités : soit à un grand père Noel à lunettes, soit, à … Avec sa longue barbe blanche pas des plus soignée, sa grande kippa noire, je le reconnais, ce monsieur est un mohel juif orthodoxe !
Et là, sans roulement de tambour, présentation du personnage :
« Voilà, mon assistant ! » dit Docteur Sitbon tout honoré,
« Monsieur… Lévy ! »
Non, je rêve, c’est un sketch, une blague, après pince-mi tombe à l’eau. Qui reste ? Réponse : pince-moi !
Alors là, ça donne : si Sitbon s’est fait mal au bras pour la Brit, qui reste ? je vous le donne en mille : Lévy !

Voilà, messieurs dames, une vraie circoncision laïque !
J’ai vraiment envie d’éclater de rire, mais bon, je me retiens, je me tiens.
J’ai chaud, nous sommes beaucoup dans cette minuscule pièce, Sitbon, Lévy, Yaïr, Élodie, bébé Roman, Vladimir, je me sens de trop.
Je propose :
« Écoutez comme je ne suis pas de la famille et que nous sommes beaucoup, je peux sortir si vous le souhaitez. »
Sitbon fronce le sourcil, me regarde gravement et dit :
« Pas question, si vous sortez, tout le monde sort ! »
Je lui souris, il est drôle ce docteur et si gentil à mon égard.
Vladimir, très fier d’être là pour son fils et petit-fils, va être le Sandak, celui qui tient le bébé pendant l’intervention, il fanfaronne un brin, il l’a déjà fait pour Bar, son neveu en Israël. Il est, c’est clair, LE Sandak idéal, l’homme de la situation.

Si monsieur Sitbon a un accent pied noir et le teint mat, Monsieur Lévy a le teint franchement couperosé, il a le type, pour le coup, tout à fait ashkénaze. Son accent est pluriel, j’entends un mélange de russe, de yiddish et d’hébreu, c’est un accent de juif orthodoxe originaire des pays de l’est, habitués à vivre en vase clos.
Monsieur Lévy a été bien briefé, il sait qu’aux yeux d’Élodie, cette kippa noire peut faire peur, alors finement, presque maternel, il dit :
« Élodie, ne vous inquiétez pas, nous avons bien compris que c’était une circoncision laïque, il n’y aura pas de prière. »

Note personnelle :
Moi qui ne suis pas pratiquante, je regrette presque qu’il n’y ait pas de bénédiction, j’aime ces petites phrases qu’on ne m’a jamais dite, c’est comme des petits gris-gris, des petits portes bonheur, des petits doudous à l’âme qui nous protègent contre les méchants…

Monsieur Lévy demande à Vladimir pourquoi Yaïr s’appelle Yaïr.
Vladimir explique que c’est un nom où se rencontre le divin et l’élévation spirituelle, celui qui le porte, par sa sagesse, éclaire le monde.
Branché sur les prénoms, il enchaîne…
- Et en deuxième prénom, Yaïr a le nom de mon grand-père qui s’appelait Rahamim !
Yaïr lève les yeux au ciel, et, comme Vladimir, ça fait tout blanc, entre le poisson mort et le Christ implorant Dieu le père…Yaïr semble penser :
« Oh non, pitié, ça ne va pas recommencer avec ce prénom absurde… »
« Rahamim !!! OOOh !!  C’est beau !! » rétorque Monsieur Lévy, ouvrant tout grand les yeux déjà terriblement agrandis par ses verres loupes de lunettes.
Parenthèse :

Pour la petite histoire Rakhamim en hébreu signifie bienveillance, soins, miséricorde.
L’idée est belle, mais, mais, comme il y a un rech, « R » suivi d’un Khet « Kh » comme « Kho lala », les français sont souvent in-ca-pables de prononcer ce prénom, et ils finissent en suant à grosses gouttes, avec beaucoup de peine à dire « Raramim » ce qui sonne terriblement mal. Rakhamim est un supplice, une épreuve… « Rakhamim a voté, Rakhamim, passe-moi le sel, Rakhamim t’as eu zéro en maths… »
Rakhamim est le cauchemar, la honte de Yaïr, d’ailleurs, il évite de montrer sa carte d’identité. L’œil mauvais, Yaïr regarde son père, d’habitude si discret, là, il s’affiche, s’étale, c’est d’un pénible…

De son coté, Monsieur Sitbon tire Vladimir par la manche et l’emmène dans son micro couloir, il est ravi de lui montrer ses Thoras, ses Talmuds dans différentes éditions et plein d’autres livres. D’après ce qu’on m’a dit, la Thora, l’Ancien Testament, ne se lit qu’avec les commentaires du Talmud - la loi orale. Le Talmud, formidable patchwork qui dialogue entre plusieurs époques, plusieurs langues, où parfois les rabbins sont tous d’accord pour faire front contre Dieu ! Cela me réconforte.

Voilà, j’ai compris pourquoi son couloir e st si étroit, le docteur Sitbon a toute sa bibliothèque dans le cabinet.
Voir tous ces grands livres reliés en cuir aux écritures dorées exclusivement en hébreu qui font mur, me fascinent, tout ce monde insoupçonné, perdure.
J’imagine Monsieur Sitbon totalement à l’aise dans une synagogue, il sait comme tout bon juif bien éduqué évidemment lire toute la Thora sans voyelles en chantant comme s’il était dans sa salle de bain, comme monsieur Lévy du reste. Nous sommes en présence de deux juifs pratiquants pour qui c’e s t tout à fait naturel de parler cinq langues, de connaître des passages bibliques en araméen et leurs commentaires par cœur.

Mais pourquoi diable avoir sa bibliothèque dans son cabinet ?
Pour étudier un passage, entre deux patients en retard ?
Après les consultations entre confrères, avec des étudiants, des fidèles, et autres oiseaux passionnés d’exégèse ?
En réalité, ces hommes sont des amoureux de l’étude, de la réflexion, de l’interprétation, ils s’amusent à couper les mots, jouer avec le sens, les lettres, les chiffres, les diverses occurrences, comme des petits enfants jouent aux Kaplas. Ils n’ont besoin de personne, ils jonglent avec leur incroyable patrimoine culturel, ils sont dans leur monde, dans leur bulle, dans leur tête.

Je regarde Monsieur Sitbon et je pense au personnage de Yoda dans Star Wars 5 : Luke Skywalker, le jeune héros, ne le prend pas au sérieux, c’est vrai, il ne paye pas de mine Yoda avec ses yeux globuleux et ses grandes oreilles pleines de poils, et pourtant, c’est LE maître Jedi qui sait comment utiliser la force…
Yoda…Yoda…d’où vient le mot Yoda ? Mais c’est bien-sûr ! Ça me renvoie direct à l’hébreu Yodéa qui signifie : « celui qui sait »….

Docteur Sitbon pense tout haut :
« C’est bien Yaïr comme prénom, vous ne trouvez pas monsieur Lévy ? » -«  Si, Si, Si c’est TRES beau ! »
« Original… » 
« Et en plus » ajoute Monsieur Sitbon, Yaïr a été circoncis par le rav Mehel Reiss !!! vous connaissez ? »
Monsieur Lévy :
« Non »
Monsieur Sitbon :
« Ah bon ??? Vous ne connaissez PAS ? C’est bizarre, c’était un grrrrand mohel, le meilleur d’entre tous ! »
« OOOh ! » fait Lévy.

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Tout en bavardant, Monsieur Lévy s’affaire, mine de rien, il se prépare, le voilà parti se laver les mains.
Je me fais souvent des paris dans la tête et là, je regarde Monsieur Sitbon et je lui dis :
« Je suis presque sûre que vous êtes tunisien ! »
« Et oui, exactement ! vous avez bien deviné ! Ahhh, les tunisiens, ce sont les meilleurs, le tunisien, ce n’est pas comme le marocain, ou l’algérien, le tunisien, il est humble… je vais vous raconter une chose : dans ma famille, mon père avait décidé que mon frère devait être médecin, moi on me destinait à tout autre chose, mais j’ai tout de même voulu tenter médecine, et j’ai beaucoup travaillé, et bien, vous savez quoi ? …je suis arrivé premier au concours de médecine, pas deuxième, troisième, pre-mier !
 «  Bravooooo ! »

Monsieur Sitbon continue l’animation, comme un clown de reprise, pas de temps mort entre deux numéros, bavard, il poursuit :
 « Vous savez, j’ai circoncis beaucoup de monde sur quatre générations, j’ai circoncis le fils de Mazarine, la fille de Mitterrand, et …attention ! Chirac était là, il a a-do-ré, j’ai circoncis aussi le fils de Sarko… »
Monsieur Sitbon était ravi, dans sa grande humilité tunisienne de nous raconter qu’il avait côtoyé les grands de ce monde…

Lévy ne voulant pas perdre la face, nous raconta qu’à la clinique de Neuilly, il avait vu Carla Bruni qui venait d’accoucher…ça tombait comme un soufflet, vu que ce n’était pas une circoncision…Ach, l’humour ashkénaze…
C’était absurde, drôle, les deux vieux messieurs pavanaient comme deux jeunes coqs avec une tendre courtoisie tout de même compétitive.
Monsieur Sitbon renchérit :
« Une fois, une maman pas juive a tellement voulu faire plaisir à son mari qu’elle a mangé le prépuce de son bébé ! »
« Non !? »
« Et oui ! »
« OOHHHH !!! »
Élodie, Yaïr, Vladimir et moi rions franchement, je ne sais pas si c’est fait consciemment, mais cette tactique de raconter des choses légères pour décontracter les parents me parait géniale.
Monsieur Sitbon est ravi, décidemment cette circoncision laïque lui plait. De plus en plus décontracté, il dit à son assistant :
- « On est bien comme ça en petit comité, c’est intime, on est entre nous, comme en famille quoi, en fait, c’est TRÈS sympa ! »
Et c’est vrai, il n’y a aucune pression, aucune tension, nous sommes là pour Roman avec toute notre bienveillance et notre amour, symboliquement, nous sommes six mamas ultra concernés autour de lui.

YORAM SALOMOWITZ

Monsieur Sitbon demande à Élodie d’emmener Roman sur la table d’auscultation et commence à le dévêtir.
« Oh, très pratique ce body…vous avez bien choisi… comment s’appelle votre bébé ? »
« Roman » répondent en cœur Yaïr et Élodie.
et Monsieur Lévy de se tourner vers le docteur Sitbon :
« Yoram ? Ah, je connais ce prénom ! il y en a beaucoup en Israël… Yoram ! C’est joli, n’est-ce pas docteur Sitbon ? »
« Très ! Très beau ! Yoram Salomonowitz, ça sonne très bien ! »
J’ai envie de leur dire que Roman ne s’appelle pas Yoram mais Roman mais Messieurs Sitbon et Lévy semblent tellement contents de ce prénom juif qu’aucun de nous quatre n’avons le cœur de les décevoir. Voilà, au passage, lors de sa circoncision laïque, Roman, qui a en deuxième prénom Lucas, a gagné pour le même prix un troisième prénom, juif, proche du sien, pour eux, super baby boy s’appelle Yoram.
Monsieur Sitbon examine le bébé.

« Ah, vous voyez Élodie, regardez, Yoram a un phimosis, vous voyez, le prépuce est collé, de toute les façons, il fallait faire la circoncision, et aussi, c’est mieux par rapport aux maladies comme le sida, ça le protègera contre les infections.
Ça reste entre nous mais vous savez les médecins d’aujourd’hui sont contre la circoncision… c’est politique.
J’ai l’impression que le docteur Sitbon a peur qu’Élodie dise au dernier moment, « finalement stop, on arrête tout, je ne le sens plus, ne touchez pas à mon bébé. »
Mais Élodie est sereine, elle est claire dans sa tête, elle persévère, avec la bonne humeur en plus, elle garde le cap, son fils va être circoncis.

Monsieur Lévy passe à l’action :
« Monsieur Vladimir, si vous voulez bien vous assoir... Vladimir fautre de chaise «spéciale Brith Mila » grimpe sur la table d'osculatation.

« On va mettre Yoram sur vos genoux, il faudra bien lui tenir les jambes et vous, Madame, dit docteur Sitbon en s’adressant à moi, mettez-vous devant, entre le bébé et la maman. »
Je suis collée à la table d’auscultation, d’un coup, je sens la main de Monsieur Sitbon sur mon bras, c’est bizarre, ça dure, mais je ne fais comme si de rien n’était. Pour un homme religieux toucher une femme est interdit, mais je ne sais pour quelle raison, il s’oublie à me tenir le bras.
Ainsi il fait une haie devant Roman.
Je ne regarde pas vraiment les gestes du Mohel, d’un coup, Roman pousse un cri et je comprends que c’est fait.
Monsieur Lévy ajoute sur la verge de Roman beaucoup de talc, pointilleux, Monsieur Sitbon demande à ce qu’on mette un pansement, aïe, Monsieur Lévy n’est pas trop pro pansement, mais, de bonne grâce, il accepte de s’adapter, ça fait médical et avec les deux couches en plus, le petit sera encore mieux protégé.

Roman pleure franchement, Yaïr apaise son petit et le place très délicatement dans sa poussette.
Avec ses grands yeux intenses, il ressemble à un petit écureuil affolé, que pense-t-il ? Que ressent-il ? En fait, je ne sais pas. J’interprète, j’imagine, à présent, il fixe Élodie, j’ai l’impression qu’il lui dit :
« Mais pourquoi, Maman, toi que j’aime tant, pourquoi m’avoir fait ce sale coup ? Je ne comprends pas, quel est ce cauchemar, maman ???? Pourquoi ne m’as-tu pas protégé ?  Les autres, je veux bien, mais toi ! »
Élodie lui donne un petit biberon d’eau sucrée, elle ne le quitte pas des yeux et avec toute sa bienveillance, elle lui dit ses mots les plus doux :
« Ça va aller mon petit chat, courage. »
Solidaire, j’essaie de dire des paroles apaisantes du style :
« Bravo Roman, tu as été un chef, allez, on est tous avec toi, tout le monde t’aime, tu as été très courageux…vraiment. »

Roman devra rester dans la position couchée pendant trois jours.
Ma question peut paraitre bête mais je m’en fiche, je demande :
« Et quand ils lui donnent le biberon, pour faire les rots, ça ne pose pas de problème s’ils le maintiennent un peu verticalement ? »
« Non, pas du tout, aucun problème, aucun problème. »
Et monsieur Sitbon, comme une mitraillette débite toutes les indications qu’il faut suivre pendant ces trois jours qui suivent l’opération. Je l’arrête :
« Écoutez MONSIEUR Sitbon, pour vous tout cela est évident, mais je ne sais pas si Yaïr et Élodie ont tout retenu, je vous propose de me dicter vos précieux conseils et j’écris tout. »
Monsieur Sitbon me regarde droit dans les yeux et me reprends :
« DOCTEUR Sitbon ! »
Oh la la, il ne faut pas rigoler avec les étiquettes, direct, ça me donne encore plus envie de dire Monsieur !
Mais bon, docteur Sitbon m’invite à prendre place à son bureau, arrache une page de son ordonnancier, me donne un stylo Bic et, tel un chef d’entreprise débordé, il me dicte ses recommandations. Au passage, j’apprends que le docteur Sitbon s’appelle Yves…

 

Je note : laisser l’enfant au maximum allongé, si besoin donner 1 /2 supo de doliprane ou si c’est en sirop, l’équivalent pour 3,5 kilos.
Trois jours après il faudra retirer le sparadrap, mettre abondement de l’huile d’amande douce et bouger le pansement pour l’aider à tomber, une fois tombé, mettre une compresse avec de la vaseline qui recouvre le gland, changer celle-ci trois fois par jour. Aussi ne pas donner de bain pendant trois jours.

Voilà, c’est fait, je donne à Yaïr le papier.
Pendant que le docteur Yves Sitbon me faisait la dictée, monsieur Lévy rangeait le matériel et lorsqu’il eut fini, il demanda toujours avec délicatesse, si Yaïr aurait bien l’amabilité de lui lire ce qui était inscrit sur cette feuille.
Yaïr s’exécuta et, en bon élève consciencieux, il lut les directives du docteur Sitbon à Monsieur Lévy qui écouta avec attention.

C’était bien, ça lui convenait aussi à lui, cette circoncision un peu collective s’était très bien passée. Yoram avait été un bébé très gentil, très mignon.
À présent, nous pouvions prendre congé les uns des autres, Yaïr et Élodie revêtirent Roman de sa combinaison des grands froids, nous nous rhabillâmes tous, Docteur Sitbon et monsieur Lévy ressemblaient à deux mères poules qui regardent leur poussin quitter la basse-cour. Ils avaient été parfaits, animateurs people, pro de la circoncision, chaleureux, drôles, tout le monde avait été pris en compte gentiment, ils avaient bien accompli leur mission et nous nous quittâmes tous contents et soulagés. Voilà, c’était fait, Roman était circoncis et vraiment on se disait avec Élodie que c’était mille fois mieux de l’avoir fait comme ça que dans le cadre aseptisé d’un l’hôpital.


LES FLANS

La descente se passe comme à l’aller, nous les filles dans l’ascenseur, Yaïr en tête avec Roman totalement sonné le pauvre chou dans sa poussette, Vladimir les suivant de près.
Dehors, le froid est vif, mais nous marchons d’un bon pas . Comme souvent Vladimir n’ose pas trop déranger, alors je questionne :
« Vous avez prévu quoi pour après ? vous voulez qu’on vous laisse ? on ne savait pas trop quoi vous prendre car on ne savait pas si vous aviez des invités, donc dans le doute, on vous a choisi un flan… pour moi, c’est le meilleur de Paris, voilà… »

« Oh c’est très sympa ! » dit Yaïr ,« En fait, on pensait rentrer chez nous, vous pouvez venir à la maison, si ça vous tente, ça peut être chouette ! »
Vladimir me regarde et dit :
« Oui, c’est une bonne idée. »
Et nous voilà déambulant dans Paris, Yaïr slalome précautionneusement avec la poussette, heureusement Roman s’est endormi.
Sans trop y toucher, Vladimir raconte à son fils :
« Tu sais…ton prépuce a fini dans un pot de fleurs de la cour de notre ancien immeuble, rue de Furstemberg. »
Yaïr pile avec la poussette et tout le monde s’immobilise.
« Ah, mais c’est ça que j’ai oublié, MINCE ! j’ai oublié de lui de lui demander le prépuce de Roman ! Nous aussi on voulait l’enterrer dans le jardin ! »
De sa voix grave, Vladimir, sans concession aucune, ordonne : « Attends ! »

Vladimir a l’habitude de farfouiller interminablement dans ses poches encombrées de mille et un bidules : kleenex, serviettes utilisées qu’une fois, cartes de visites d’improbables lieux, élastiques qui peuvent toujours servir, on ne sait jamais, bouchon d’un vin apprécié, clés de différents appartements, maisons, caves, boxes etc, a pour best off suprême, toujours, toujours dans ses poches, les fameux bonbons chinois au gingembre qui arrachent la bouche et arrangent la gorge.

Là, c’est différent, il va droit au but. De sa poche intérieure, Vladimir sort un papier bien roulé format carambar, avec grande cérémonie, il le déplie, …
Qu’est-ce que c’est ? Un lingot d’or miniature ? Un micro diamant du plus grand Maharadja du Taj Maal ?

LATTE ART

Avec des yeux tout malicieux et brillants de sale gosse, il ouvre sa main et dit :
« Regarde Yaïr, regarde… »
« OOh !! Tu l’as !! »
Élodie, toujours au taquet :
« De quoi ? de quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? C’est quoi ? »
« Le prépuce !! »
« OOOHH ! Trop fort Vladimir ! »
Yaïr, Élodie et moi-même sommes scotchés :
« Fais voir Yaïr ! … »
« OOOh c’est tout petit ! »
Aucun d’entre nous n’avait remarqué le moment où Monsieur Lévy a glissé ultra discrètement l’innocente relique…
Yaïr et Élodie, eux aussi, enterreront le prépuce de Roman bien profond dans le jardin de la rue de la Clef…Pas question que Marou le chat, ce malin, le trouve….
Toujours très romantique, je dis :
« C’est tellement mieux que de le jeter dans une poubelle, ou dans les toilettes… »
« C’est sur » me répond Élodie.

Yaïr propose de faire une mini halte devant une buvette très tendance qui sert des boissons chaudes, façon Latte Art. Grâce à la mousse du lait on réalise des figures dans la tasse.

Il y n’y a pas de salle pour s’installer mais un banc est placé devant l’échoppe. Élodie et moi y prenons place. Roman dort.
« Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? » demande Yaïr. Nous, les filles, choisissons un lait végétal, Amir se commande un capuccino, Vladimir ne veut rien. Voilà Yaïr avec nos boissons, j’ai droit à une tulipe, Élodie à un cœur. Gentiment Yaïr nous les offre.
Devant la petite échoppe, dans la rue, nous buvons, ça nous réchauffe, curieusement, c’est agréable.

 Nous repartons.
En chemin, Yaïr et Vladimir, responsables poussette, marchent en tête, j’entends Yaïr de loin :
« Papa, tu vois, je fais comme toi, je prends des chemins détournés. »
C’est vrai. Vladimir évite systématiquement les grands axes bruyant et hostiles de la capitale, en bon roumain, il connait Paris comme sa poche, car comme il dit :
« J’adore m’égarer. »
Nous nous approchons de son quartier.
En prenant bien soin de ne pas me regarder, sachant mon aversion pour sa grotte bordélique, Vladimir amène comme une blague l’idée de boire un verre chez lui.
« Ah mais carrément ! bien sûr on va manger le flan chez toi, papa ! génial !»
« Mais oui !! » dit Vladimir.
Je préviens Élodie :
« Tu vas voir, c’est quelque chose son studio … »
Yaïr adore les choses improvisées, et, cerise sur le gâteau, pour Éodie ça va être une grande première de découvrir ce lieu mythique dont elle a tant entendu parler.
« Parfait ! c’est l’occasion ! » dit-elle, enjouée.
« Exactement ! » lui répond Yaïr.

FAUTEUIL CHARLES ET RAY EAMS

Le HLM de Vladimir se situe dans un joli immeuble ancien ultra bien rénové rue du Pont Louis - Philippe, il y a un bel ascenseur aux dimensions respectables que prennent Yaïr, Élodie et Roman, toujours endormi dans sa poussette.
Je suis agréablement surprise, Vladimir a rangé. Le studio est surchargé d’objets, il y a des livres du sol au plafond, même devant les fenêtres se dressent des bibliothèques, mais l’immense lit XXL n’est pas rempli du bazar habituel.

Il n’y a pas de lumière naturelle, mais des petites lampes plantées là où ça peut ! Cet endroit aurait plu à Kafka, ça ressemble vraiment à un terrier.
Élodie est lasse, Vladimir lui propose de s’installer dans son vieux et imposant fauteuil Charles et Ray Eams « Lounge Chair » il est un peu déglingué mais son assise est toujours ultra confortable, et surtout il y a le fameux repose pied.


« Oooh, c’est trop bien ! c’est juste ce qu’il me faut ! », Élodie est ravie, on ne pouvait pas rêver mieux.

Vladimir s’affaire, prend le flan, le coupe en quatre parts égales et place le tout sur des petites assiettes, aussi, il y a le saké, mais si Yaïr préfère, ici il y a toujours une bouteille de vodka au freezer, alors le père et le fils trinquent à la vodka et nous, le club des filles, moins désireuses d’alcool, nous aurons droit un yogi thé.
« Lé Haïm ! Lé Haïm cling, cling …A Roman ! à vous, à nous, à la vie, la joie et à l’invention ! »
Le flan est délicieux, tendre gâteau pour bébés, plus personne ne parle, tout le monde est concentré à manger sa part.
« Oh la la, trop bon ce flan ! » lance Élodie
« Carrément » ajoute Yaïr.
« Je vous l’avais dit, ce flan est une merveille… »
Yaïr redécouvre des tableaux de son enfance :
« Ah, je me souviens de cette affiche, c’est très joli…c’est un peintre roumain qui a peint ça, non ?
- « Non, c'est Javlensky, il est polonais... »

Et cette tapisserie ? c’est ta maman qui te l’avait faite, n’est-ce pas ? oh, ça me rappelle trop ton studio de la rue Saint Louis en l’Île … »
Vladimir nous livre le nom des artistes qu’il a exposé sur ses murs, il est ravi, honoré et vraiment nous avons bien fait de venir ici.
Bon, Roman commence à se réveiller, il est temps pour eux de rentrer. De notre côté, nous avions prévu de partir dans notre maisonnette située à trois heures de Paris et après trois semaines dans la capitale, nous sommes bien contents de nous évader loin du bitume.

Nous quittons tous le studio, on continue un bout de chemin ensemble, au niveau de la Seine, nous bifurquerons à droite, ils continueront tout droit. Un peu Solennelle, je dis :
« Merci de nous avoir invité, c’était trop bien, vraiment c’est la plus belle circoncision à laquelle j’ai assisté et en plus on a bien rigolé…bravo à Roman le courageux, à bientôt, bon retour … »
-« C’est vrai qu’ on a bien rigolé, c’était folklo » dit Élodie
-« C’est clair ! » dit Yaïr.
Nous nous quittons presque à regret, alors tout le monde s’embrasse comme du bon pain.

Nous nous retrouvons tous les deux, main dans la main, nous marchons silencieusement.
« À quoi penses-tu, Bascha ? »

Je reste silencieuse.
J’ai des idées noires alors je les garde dans ma tête, je n’ai pas envie de plomber l’ambiance.

Moi qui suis une modérée coté religieux, je pense au monde occidental, au monde sans religion, je pense au monde des athées. À la place de ces fêtes qui étaient un moyen, un prétexte pour se retrouver, pour sociabiliser, pour maintenir un lien familial étroit, où on se retrouve tous les shabbat, on s’invite, pour Roch Hachana, pour Hanouka, pour Pourim, pour Pessah …
À la place donc, il n’y a plus de rite, plus de rythme, plus de texte à dire ensemble, pas d’invention, juste un renoncement.

Hélas, lorsqu’on sort du circuit juif, ça devient très difficile d’y revenir. La communauté ne nous reconnait plus et les portes ne sont pas franchement ouvertes. Nous, les assimilés, les moitiés juifs, on est à part, comme les convertis d’ailleurs, nous, les irréductibles canards boiteux juifs cherchons notre voie à tâtons, c’est comme ça, il faut se débrouiller.
Le passé s’efface, en trois générations, le savoir acquis et transmis par les anciens se dissous, s’effiloche.
La fête est finie.
 Remplacée par Père Noel en pyjama rouge qui grimpe aux fenêtres pour apporter les cadeaux, Nouvel an : tout le monde en paillettes, champagne, homard, foie gras, huitres et compagnie, Saint Valentin et la bague en diamant pour les amoureux, Halloween, araignées en plastique et potiron éventré pour se faire peur, 14 juillet pour aller au Bal des pompiers et plus si affinités. Il faut profiter, on casse les prix, consommez, CONSOMMEZ, CONSOMMEZ !!!

On ne fête plus les naissances, les circoncisions/nominations, les Bar /Bat Mitzvah, les mariages, les enterrements, même dans ma famille, mes parents avaient une sorte de mépris pour les fêtes d’anniversaires, trop bourgeois, trop de joie imméritée.
Messieurs et Mesdames, la fête qui n’a même pas commencé est finie ! Rideau.
C’est vertigineux.

À la place de ma mélasse insoluble, je dis :

-«  Les Hassidim ont raison, l’important Vladimirovitch est de retrouver le sens, la SIMHA, la JOIE ! »
Oui, c’est ça, je pense qu’il faut lutter pour ne pas être rabat-joie, fêter la vie au mieux ici et maintenant ! 

Il y a aussi autre chose qui me trotte dans la tête, c’est bizarre que la BD de Riad Sattouf sur la circoncision soit introuvable, j’ai vraiment cherché partout, à Emmaüs, dans tous les Gibert Jeunes, même ceux de province, cette BD est nulle part, et pour cause, Élodie m’a dit que Ryad Sattouf avait racheté tous les stocks de France et de Navarre…
Ça me donne vraiment envie de la lire, ça devait être ultra sincère, peut-être problématique, en tous cas, personnel…

-«  Ça ne pouvait pas être mieux cette circoncision, Vladimir, c’était au-delà de toutes tes espérances, nous avons assisté à la plus juive des Brit Mila laïque, je ne suis pas croyante mais tout semblait téléguidé, Hachem, celui qu’on ne nomme pas, semblait être à nos côtés. En fait tout s’enchainait harmonieusement, tout semblait couler de source, nous étions poussés par un petit vent, comme guidés par une imperceptible caresse. Je suis très contente pour toi, pour vous, c’est vraiment très BEAU. »

-« Oui, tu as raison Baschenka, je suis prêt à recommencer…»

Fin

Barbara Bloch courriel