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Dernière mise à jour
28-Avr-2025
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Lorsque j'étais étudiant en économie, à la fin des années 1960, on nous avait expliquer l'avantage du commerce international. Notre professeur nous avait parlé de la théorie de David Ricardo, qui à l'époque napoléonienne, expliquait que chaque pays avait intérêt à se spécialiser. Il prenait l'exemple du Portugal qui produisait du bon vin bon marché, et de l'Angleterre, qui fabriquait grâce à ses machines d'excellents tissus moins chers que s'ils étaient faits à la main. Le Portugal n'avait pas le savoir-faire ni les machines, et l'Angleterre n'avait ni le sol ni le climat pour faire du Porto.
Si l'Angleterre vendait bon marché ses tissus au Portugal, et si le Portugal vendait bon marché son vin à l'Angleterre, les anglais et les portugais auraient du bon vin, et du bon tissus en abondance pour pas cher. Si au contraire, ils n'échangeaient pas ils seraient tous deux en manque, les uns de vin, les autres de tissus. Le commerce enrichit les deux pays.
Cette théorie contredisait les principes antérieurs, où on croyait que pour s'enrichir on était obligé d'appauvrir les autres, ce qui conduisait à des guerres. Monsieur Ponsard, mon professeur d'économie était allé encore plus loin, en affirmant que le but de l'économie était de faciliter la rencontre entre une offre et une demande solvable en oubliant la géographie. Ce principe m'avait fait bouillir sur mon banc d'étudiant, je considérais que si on produisait à Besançon, où à Hong Kong, ce n'était pas du tout la même chose pour les ouvriers Franc-Comtois ! !
J'avais fait quelques années avant, alors que j'étais en première un stage à l'usine de bonnetrie Rosen à Troyes. On y tissait des survêtements des tee shirts, des slips. L'usine fonctionnait bien, et on y collait des étiquettes "distributeurs" comme "prisunic", ou "Rozana" marque du fabriquant. Toutefois, la direction était inquiète, la concurrence commençait à faire fabriquer ses sous vêtements en Afrique, et la main d'oeuvre était si mal payée qu'ils pouvaient tirer des prix impensables pour une production française. La direction anticipait la quasi disparition de la bonneterie « made in France »
A l'université, on nous a bien parlé des conséquences de l'ouverture des frontières, et nos professeurs se montraient rassurants. En mettant des usines dans le tiers monde, on y réduit la misère, et on freine l'immigration clandestine. Les gens étant mieux payés, cela entraîne une hausse des prix.. et cela crée mondialement une société plus juste. On voit l'exemple de la Chine, obligée de délocaliser sa production au Viet Nam car la main d'œuvre y est moins chère. En conséquence, à son tour le Viet Nam s'enrichit, et la Chine ne s'appauvrit pas.
Les États Unis vivent depuis très très longtemps une situation très enviable. Leur monnaie, le Dollar sert de moyen de paiement au monde entier. En conséquence les américains achètent les produits du monde entier, paient en dollar, et les dollars restent dans les coffres virtuels des clients. Autrement dit, aux USA on consomme les richesses du monde, plus ses propres richesses. Les États Unis ont une dette colossale, mais quelle importance, vu que les détenteurs considèrent que le dollar c'est de l'or, et que plus on possède de dette américaine, plus on est riche.
J'avais d'ailleurs remarqué dans mon travail, que les caisses d'épargne de la Nièvre étaient très largement excédédentaires, celles de l'Yonne et de la Saône et
Loire en léger excédent, et celles de la Côte d'Or très déficitaires. La Côte d'Or avec Dijon, et Beaune est riche, elle a donc des dettes, la Nièvre est en pleine décroissance, tout va mal, et les pauvres mettent de l'argent de côté par précaution en cas de malheur. Il en va de même au niveau international, les USA, pays le plus riche du monde, est aussi le plus endetté.
Mercredi 2 avril 2025, Donald Trump décide d'augmentations drastique des droits de douane. La hausse varie d'un pays à l'autre, mais personne n'est épargné. En bleu le plein tarif, en jaune ce ,qui sera exigé au minimum. On a des chiffres délirants : 20 % pour l'union Européenne, 30 % pour la Suisse, 34 % pour la Chine, encore pire pour l'Asie du Sud Est. Quelques pays sont épargnés, la Grande Bretagne, Singapour, la Turquie, les vassaux d'Amérique latine, le Maroc, les Emirats Arabes ou l'Égypte à 10 %. Même Israël n'est pas épargné, 17% de droits.
Dans son discours justifiant ces mesures, il explique ceci : « Notre pays a été pillé, saccagé, violé et dévasté par des nations proches et lointaines, des alliés comme des ennemis », Le président continue ainsi : ce jour « jour de la libération » est un préalable à la renaissance de la base industrielle américaine.
Les observateurs ont noté que Trump taxait aussi une île désertique peuplée uniquement de pingouins !
Ceci n'a pas particulièrement plu à la bourse, qui a continué sa dégringolade, commencée dès l'élection du nouveau président.
Ces mesures ont fortement inquiété les partenaires des États Unis
Les réactions mondiales ont été très fortes, le dollar a perdu de sa valeur par rapport à l'Euro.
La correction est sévère, l'élection de Donald Trump avait dopé le Dollar, qui s'est effondré depuis le mois de février. La hausse des droits de douane a accéléré la chute qui s'est calmée au mois d'avril. A long terme on remarque une tendance à la chute du dollar et l'effet Trump qui avait boosté la monnaie américaine ne semble plus exister.
Mais il n'y a pas que la finance qui a vu rouge, la protestation fut mondiale, déjà chez ses voisins, au Canada, que Trump se propose d'annexer ! et au Mexique où de nombreuses usines US se sont délocalisées. 25 % était ruineux. L'Europe taxée à 20 % voit avec inquiétude les vins français ou les voitures allemandes invendables outre Atlantique.
Ceux qui ne riaient plus jaune, les chinois ont aussitôt pris des mesures drastiques. Face aux 34 % de taxes américaines, elle a porté à 84 % les droits de douane sur les produits des États Unis ! en réaction Donald Trump les taxe à 104 %... les chinois montent à 125 % et Trump à 145 %. Au début Pékin a tenté d'atténuer les effets des droits de douane, en baissant la valeur du Yuan, mais bien vite, la Chine a refusé de recevoir des avions Boeing, ou des voitures Tesla. Pire la Chine qui dispose du quasi-monopole sur les terres rares, indispensables à la fabrication des ordinateurs, et du matériel de défense a décidé de ne plus les vendre à l'Oncle Sam.
En même temps Trump trahit son allié Ukrainien, et veut imposer à Zelinsky un paix aux conditions de Moscou.
Face à l'effondrement boursier, aux mesures de rétorsion prises partout dans le monde, à l'hostilité croissante vis à vis des États Unis, le président a mis de l'eau dans son vin (de Californie), et a atténué ou retardé ses menaces. Il a été poussé à cela par Elon Musk, le milliardaire novateur qui a vu l'effondrement de ses ventes d'automobile électrique Tesla partout dans le monde. Elon Musk s'est vite rendu compte qu'il n'avait rien à gagner en s'engageant avec Donald Trump, aussi il a décidé de retourner à ses chères affaires et à se consacrer à ses projets pharaoniques, concernant la conquête de l'espace, et autres avancées technologiques.
Aussitôt, les bourses ont repris du poil de la bête. Le président Trump reste toujours aussi imprévisible. Après avoir soutenu l'Ukraine, il a tourné sa veste, en promettant de mettre fin au conflit en un jour... au bout de cent jours, il n'a pas abouti.
Alors après avoir insulté le président Volodymyr Zelensky , suspendu son aide militaire à l'Ukraine, et perdu la confiance de tous ses alliés, il se retourne contre Vladimir Poutine, et se rapproche à nouveau es positions traditionnelles des États Unis .
Le président Trump est donc obligé de reculer, il doit aussi faire face à une fronde intérieure où il se heurte au pouvoir de la justice. Ses attaques contre les institutions universitaires accusées d'antisémitisme se traduisent par des coupes franches dans les budgets. En-conséquences de nombreux chercheurs fuient les États Unis, et l'Europe est toute contente de les récupérer.
Cependant, Trump a-t-il tort sur toute la ligne ? Je ne le crois pas, la mondialisation a des effets pervers. En particulier faire de la Chine l'atelier du monde est une menace redoutable alors que la Chine met en place une armée impressionnante, et qu'elle fait des progrès technologiques extraordinaires.
Au début, la Chine copiait l'occident, puis fabriquait selon les directives, mais aujourd'hui, elle n'a plus besoin de ses maîtres, elle domine les sciences et les techniques. La Chine n'est pas un pays démocratique, et rien ne nous garantit qu'elle demeurera un pays pacifique. Personne ne pensait il y a vingt ans, que la Russie partirait à la conquête de l'Ukraine, aujourd'hui la Chine ne cache plus ses ambitions de conquête militaire de Taïwan, ni ses visées sur toute la mer de Chine. Si elle voulait partir à la conquête du monde, rien ne pourrait l'arrêter, car nous ne fabriquons plus rien. Elle dispose des terres rares, elle fabrique notre acier, et veut s'emparer de nos usines de puces électroniques qui sont à Taïwan.
Donc Trump est raisonnable quand il veut réindustrialiser son pays. Quand j'étais jeune, il y avait des droits de douanes, et la France avait accepté de favoriser l'implantation des voitures Ford, à condition que l'industriel y installe une usine de montage. Ce fut fait et une importante usine a été construite à Bordeaux, créant emplois et richesse dans la ville. Aujourd'hui on ouvre les frontières en France, et on n'y produit plus grand-chose, même pas de l'aspirine. L'usine Ford a fermé. L'Europe est nue et désarmée face à des tyrans qui sont aujourd'hui plus puissants que nous.
Les milieux financiers ont été rassurés par le rétropédalage de Trump. Ils apprécient même que le président renonce à limoger Jerome Powell, le patron de la FED (Banque centrale américaine). Elon Musk après avoir décidé de réduire sa présence au DOGE (Organisme chargé de réduire drastiquement les dépenses fédérales, en supprimant un maximum de services publics) s'est retiré complètement de la politique. Le président américain a exempté de droits de douane plusieurs produits clés importés de Chine, dont les ordinateurs et les smartphones. Les bourses logiquement rebondissent.
Tous ces coups de théâtre, tous ces excès, toutes ces insultes invraisemblables mettent en avance le personnage de Donald Trump. Il utilise une technique de vente très classique. Il crée une menace sans y croire, terrorise le partenaire, et très généreux, offre alors une porte de sortie à son avantage exclusif. Ainsi, il a fait mine d'abandonner l'Ukraine et d'appuyer la Russie... à condition que l'Ukraine laisse aux États Unis l'exploitation de ses richesses minières les plus intéressantes.
Il se rend bien compte que cela ne marche pas à tous les coups, et que diriger une grande puissance, n'est pas comparable à la direction d'une entreprise. Ce n'est jamais un duel entre deux ambitions, et lancer une menace contre un partenaire, déstabilise beaucoup trop de monde, créer trop d'ennemis qui pourraient lui faire perdre les élections de mi-mandat.
Michel Lévy