Mivy décoiffe, car il est fait par un chauve

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Derière mise à jour 25-Fév-2024
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A tous les lascars du monde !  ! 

La famille Lascar habitait le sud Oranais, aux confins de l'Atlas. Iser ou Eiser était né en 1809, il a vu arriver les français, et est décédé avant 1852. Son fils Yahia, dit Chebabi, était bijoutier, il est né en 1829 à Mascara et y est mort en 1897. Son épouse Semah, (qui vient de Simh'a, la joie en hébreu) s'appelait Trigano probablement par erreur sur son acte de mariage, et Tolédano sur son acte de décès. Son nom révélait ses origines espagnoles.

Je me suis interrogé sur l'origine du nom Lascar, les Lascars ne sont pas des saints, même si on parle des sacrés lascars !  dans ce sens, le mot vient de marins ou de policiers turcs redoutables voyous, mais la famille paisible que j'ai aimée n'avait rien à voir avec eux. Alors j'ai cherché une autre étymologie possible, le mot viendrait de Lachker en arabe, qui voudrait dire blond. Les ancêtres pourraient venir d'Espagne, où au moyen âge, vivait un grand rabbin portant ce nom.

Selon une habitude fréquente dans les milieux juifs, Yahia a nommé son fils du nom de son propre père, mais un peu déformé, Aizer, son nom hébreu était Isher ben Yaya Lascar.

Isher a quitté Mascara pour s'installer à Nazereg, dans la banlieue de Saïda, pas très loin de Mascara.

    

 

Nazereg, est un bourg fondé en 1873 par de vrais pieds noirs venus d'Alsace sous le nom d'Aïn Nazereg, en raison d'une source abondante d'eau fraîche, à quelques kilomètres de Saïda, dans le Sud Oranais. Aujourd'hui Nazereg est devenu un quartier de Saïda, qui s'appelle Rabahia. Saïda qui comptait 23000 habitants à l'indépendance, en avait 128000 en 2008...  et je ne vous dis pas aujourd'hui  !

Isher Lascar s'y est installé après son mariage, et tenait ce que l'on nommait à l'époque un magasin général, qu'il avait nommé du nom de son grand père. Il vendait de tout, voyez ce papier à lettre, on trouvait du charbon, des vins, des céréales, de la farines, du pain, des articles de cuir, des pommes de terre, de la semoule, des espadrilles, et j'en passe et des meilleurs.  La famille cultivait sa propre vigne, et faisait son vin, ils avaient de grandes cuves où le moût macérait. Un jour, bien triste, Mimoun, en montant en haut d'une cuve pour constater la fermentation, a été intoxiqué par les vapeurs montant du fut, il est tombé dans la cuve et s'y est noyé.

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       Isher et Messaouda née Kalfoun (ou Kalfon), ont eu dix enfants


Marie, s'était mariée avec un beau jeune homme, originaire de Mascara, il lui avait demandé "Serez vous capable de m'aimer ?" après avoir hésité, elle a dit oui, et elle a tenu parole toute sa vie. Il était clerc de notaire, et s'appelait Elie Chouraki.

 Elie est devenu notaire, et a été président de la chambre des notaires d'Algérie , et maire de Marnia (Marghnia) à la frontière marocaine de 1929 à 1940,  il jouait le rôle de patriarche dans la famille. Dès l'arrivé des américains en 1942, il a repris le poste de maire, bien qu'il habitat à Sidi Bel Abbès.

Malheureusement, en 1913, Messaouda est morte un   an après son dernier accouchement, et la petite dernière, Suzanne s'est trouvée orpheline à l'âge d'un an.

Suzanne toute petite a été recueillie par ses frères, mais malheureusement, sans trop d'enthousiasme, si bien si bien que la petite était délaissée par ses belles sœurs. Bien que son papa fut encore vivant, il ne pouvait s'occuper d'un bébé ni d'une petite fille. A l'époque, il eut paru inconcevable de voir un homme seul s'occuper d'une petite. Alors, sa grande sœur n'a écouté que son cœur et a recueilli la petite.

Suzanne s'est vite intégrée à la famille Chouraki, elle aimait sa sœur et son beau frère, et rendait tous les services qu'elle pouvait. Et des services, on en avait besoin, Élie était devenu un notable qui recevait des personnalités importantes, à l'époque, il n'y avait pas de traiteurs, aussi toute la famille était mise à contribution pour dresser de belles tables, et préparer des repas de qualité. Suzanne était au four et au moulin  et s'occupait des petits qu'elle aimait aussi.


Au milieu, Marie Lascar-Chouraki entourée par son mari, et Suzanne, et par les enfants de Marie et Élie

Marie a écrit ses mémoires... dont voici la première page

Ma naissance n'a pas été chose facile ni quelconque. Ma mère attendait l'heureux événement, mais elle appréhendait d'avoir une fille. Elle a eu plusieurs enfants mais les filles n'ont pas survécu plus de deux ans et demi à trois ans. Elle a donc perdu mes trois sœurs aînée.

A l'approche de ma naissance, des amis, des voisins et même des étrangers lui ont suggéré, lui ont conseillé de faire un vœu. Ce vœu consistait à ne rien dépenser, à ne rien débourser, à mendier s'il le fallait pour subvenir à mes besoins. Tout ce voisinage aimait bien sincèrement mes parents et avec beaucoup de générosité de cœur, ils ont offert tout ce qui m'était nécessaire pendant cinq années ; la nourriture, l'habillement, la literie et même mon prénom, je l'ai eu du dehors.

L'institutrice du village, qui se trouvait au chevet de ma mère au moment où elle me mettait au monde s'appelait Marie. J'ai donc hérité de ce très beau prénom.

... et l'histoire de Marie Chouraki, continue une enfance à Nazereg- Saïda, et une vie à Sidi Bel Abbès puis Paris après 1962... on peut me la demander  !

Suzanne a grandi chez sa soeur, et ne souhaitait pas se marier, mais cette situation, ne pouvait pas durer éternellement, alors, elle s'est résolue à épouser Marcel Roubach, un jeune homme élégant qui était venu lui demander sa main.  Le mariage a été fastueux, une semaine de repas, de rencontres, il y avait tellement de fleurs que des seaux d'eau ont été mis à contribution.


       

La guerre est arrivée, heureusement, les Américains ont débarqué en 1942, à temps pour empêcher un désastre, les étoiles jaunes étaient arrivées, et certains organisaient déjà l'extermination des juifs d'Afrique du Nord.

"Papito", Élie Chouraki avait acheté en Côte d'Or une maison de maître à Tarsul, près d'Is sur Tille, c'était le «Vhâteau Meurgey» d'un industriel, dont l'usine était tombé en ruine depuis un certain temps, et c'était là en été, que Marie et sa soeur Suzanne, fuyant la chaleur de Sidi Bel Abbès venaient en famille prendre le frais. Il y avait un grand parc, un super potager au bord d'une petite rivière, où les enfants venaient pêcher de minuscules poissons qu'il fallait soigneusement vider avant de les frire pour le repas de midi.

 

La paix a été de courte durée, des 1954 les «événements» ont perturbé la vie de la famille, petit à petit les relations se sont tendues entre les musulmans et les autres, la méfiance, puis la violence se sont déchaînées, le magasin en face a explosé, "on" l'avait plastiqué, et des éclats de verre sont tombés sur le lit de la petite Edith, qui était terrifiée, et un jour, il a fallu se résigner et partir.  A quatre heures du matin, Robert Chouraki, celui qui tenait le cinéma, l'Empire est venu dire à toute la famille, "Les fellagahs tapent à toute les portes, on est en danger ! ! vite, prenez vos affaires on s'en va ! ! "  et le convoi de trois voitures est parti, tous feus éteint vers l'aéroport d'Oran La Sénia, où elle a attendu des heures et des heures, sur des bancs, sans rien à manger. A 22 heures, la famille a pu décoller, pour arriver à minuit à Marseille, puis un nouveau vol à quatre heures du matin, et au bout de 24 heures sans sommeil, la famille s'est retrouvée épuisée à Paris.

Pendant une semaine, tout le monde s'est serré dans le petit appartement de Viviane, la fille de Marie, vous savez celle qui servait le meilleur café de Paris, la brûlerie San José, au 30 rue des Petits Champs, et ce fut la découverte d'une ville grise et noire, si loin de la blancher et du soleil de l'Algérie, si loin de la ville lumière tant promise. Ce fut la découverte d'un monde étrange, où les gens marchaient si vite, si pressés, où allaient-ils donc ?

Mais où aller ?   naturellement la Marie, Suzanne et leurs familles sont partis pour Tarsul, l'été c'était un peu comme des vacances, mais il fallait penser à la rentrée, pour que les enfants puissent aller à l'école, alors tout le monde s'est dispersé, et le véritable exil a commencé.

Ceux qui l'avaient pu sont partis sur Paris, mais Suzanne et Marcel on du s'orienter  vers la ville la plus proche, vers Dijon où ils ont trouvé un logement au troisième étage sans ascenseur, chauffé au charbon... loin de toute la famille, loin de la chaleur.   La chaudière était à la cave, et il fallait la remplir tous les jours, c'était la tâche des filles de Suzanne. L'hiver 1962 a été terrible pour ceux qui venaient du soleil... un mois de gel sans discontinuité  !  et tous les amis, toute la famille si loin...  si loin.
Comment se réchauffer ?  ?

Et c'est à Dijon, qu'Edith, fille de Suzanne a trouvé comment, elle a rencontré Michel Lévy... et l'histoire a continué.

 

Voie aussi les familles : Roubach, Lévy, Loeb, Blum, Didiesheim, Job