Affaire Al-Dura : « le reportage a été monté et narré de manière à créer l'impression mensongère que les allégations qui y étaient faites étaient étayées »
Par Hélène Keller-Lind
Pendant plus de douze ans, ce sont des initiatives individuelles qui se sont attachées à contester dès le départ le reportage diffusé en septembre 2000 par France 2 affirmant que des tirs nourris venant d'une position israélienne avaient causé la mort d'un enfant et grièvement blessé son père. Cela paraissait impossible au vu, respectivement, de l'emplacement de cette position et de l'endroit où se trouvaient Mohamed et Jamal Al-Dura. Accusation provoquant une vague d'antisémitisme qui perdure. Il y eut nombre de procès à la clef. Aujourd'hui c'est Israël qui accuse France 2, après la remise du rapport d'un Comité ad hoc initié par Benjamin Netanyahu. Je me souviens d'une affaire suivie dès le départ.
Hélène Keller-Lind
L'affaire al-Dura : « une manifestation de la campagne continue et mensongère menée pour délégitimer Israël »
« Il est important de mettre l'accent sur cet incident qui a sali la réputation d'Israël. Une manifestation de la campagne continue et mensongère menée pour délégitimer Israël.Il n'y a qu'une façon de contrer les mensonges et c'est avec la vérité. Seule la vérité peut l'emporter sur le mensonge ». C'est en ces termes que s'est exprimé le Premier ministre Netanyahu lorsque lui a été remis le rapport rédigé par un Comité qu'il a mis sur pied en septembre 2012 avec le concours du ministre des Affaires Stratégiques Danny Ayalon pour examiner un reportage de France 2 diffusé douze ans plus tôt et qui est devenu l'affaire Al-Dura.
Autre commentaire, fait par Yuval Steinitz, ministre des Affaires intérieures, de la Stratégie et des Renseignements lors de la remise de ce rapport : « l'affaire Al-Dura est une accusation de meurtre rituel moderne contre l’État d'Israël, comme le sont d'autres accusations comme celle des allégations prétendant qu'il y aurait eu un massacre à Jénine. Le reportage de France 2 est entièrement sans fondement » http://www.pmo.gov.il/English/MediaCenter/Spokesman/Pages/spokeadora190513.aspx
Un résumé officiel du rapport
Le rapport très détaillé de trente-trois pages est résumé dans le texte ci-dessous diffusé par le gouvernement israélien et dont les points saillants ont été surlignés par nos soins :
« L'affaire Al-Dura a ses origines dans un reportage médiatique diffusé d'abord par la chaîne de télévision publique française France 2 le 30 septembre 2000. Le reportage prétendait montrer le meurtre d'un garçon palestinien, visé avec son père, selon le rapport, par des tirs depuis une position israélienne. L'histoire a été relayée rapidement dans le monde entier par les médias internationaux, qui répétèrent les allégations formulées par le journaliste de France 2 dont la narration accompagnait le reportage. Ce reportage a eu pour effet immédiat de nuire à la réputation internationale d'Israël et d'attiser les flammes de la terreur et de la haine.
Depuis ce jour, le récit résultant du reportage de France 2 sur les actions d'Israël a servi d'inspiration et de justification pour le terrorisme, l'antisémitisme et la délégitimation d'Israël. Les échos du reportage Al-Dura, à la fois en termes d'accusations contre Israël, et le comportement des médias occidentaux et de leurs correspondants locaux, ont continué à résonner dans la couverture médiatique des activités d'Israël contre les organisations terroristes. Dans le même temps, les examens critiques et les enquêtes menés ont montré qu'un certain nombre d'éléments clés du récit de France 2 sont faux, et d'autres des plus douteux. Alors que certains avaient espéré que cela finirait par disparaître tout seul, que le récit Al-Dura finirait par être relégué aux dernières pages de l'histoire et que le préjudice causé irait en s'amenuisant, il est devenu de plus en plus clair que tel n'est pas le cas.
Compte tenu des conséquences néfastes de ce récit Al-Dura et du fait que ceci perdurait, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a ordonné au vice-premier ministre et ministre des Affaires stratégiques, Moshe Yaalon en septembre 2012 de mettre en place un Comité d'examen gouvernemental. Le but de ce Comité était d'examiner l'affaire à la lumière du préjudice persistant qu'il a causé à Israël, et de formuler la position du Gouvernement d'Israël le concernant. Le Comité a été composé de représentants des ministères concernés et d'organismes officiels et a consulté des experts extérieurs.
Après un examen approfondi des documents relatifs à l'affaire, le Comité a établi que les allégations et accusations centrales du reportage de France 2 n'avaient aucun fondement dans ce que la station avait en sa possession au moment du reportage.
Contrairement à ce que prétend le reportage, à savoir que le garçon a été tué, l'examen par le Comité de la vidéo brute a montré que dans les scènes finales, qui n'ont pas été diffusées par France 2, on voit que le garçon est vivant. L'examen a révélé qu'il n'y a aucune preuve que Jamal ou le garçon aient été blessés de la manière revendiquée dans le reportage et que les images ne montrent pas que Jamal a été grièvement blessé.
En revanche, il existe de nombreuses indications montrant qu'aucun des deux n'a été touché par des tirs. Il n'existe aucune preuve que l'armée israélienne a été responsable en aucune façon de n’avoir causé aucune des blessures alléguées de Jamal et du garçon.
L'examen a montré qu'il est très peu probable que les impacts de balle autour d'eux aient pu avoir été causés par des tirs venant de la position israélienne, comme l'insinue le reportage de France 2.
L'absence de preuve pour ses allégations centrales était ou aurait dû être claire pour France 2 avant la diffusion du reportage. Pourtant, le reportage a été monté et narré de manière à créer l'impression trompeuse qu'il étayait les allégations qui y sont faites.
La fin de l'affaire ? Un bref rappel
Reste à savoir si cela mettra un terme à plus de douze ans de désinformation contre l’État hébreu. Qui ont eu, en effet, des conséquences graves. Rien dans ces douze années ne permet de le croire.
Dès la diffusion du reportage de France 2 avec des images tournées par un cameraman palestinien et montées ultérieurement, avec un commentaire du correspondant local de France 2 qui, bien qu'il n'ait pas été présent lors de l'incident, rendait clairement responsables des tirs venus d'une position où se trouvaient des soldats israéliens - soumis à des attaques palestiniennes venant de différents points - d'avoir causé la mort de l'enfant Al-Durra, des voix s'étaient élevées pour contester la véracité de ces affirmations.
Ce dont je me souviens avec précision, ayant suivi l'affaire dès le départ et ayant dénoncé son invraisemblance dans un article publié dans le numéro d'octobre 2000 d'Israël-Magazine : le diagramme publié par l'armée, montrant les diverses positions d'où tiraient des Palestiniens et l'unique position israélienne, rendait la chose quasi impossible, et l'éthique de l'armée israélienne ne pouvait laisser imaginer qu'un groupe de soldats s'acharne ainsi contre des civils, dont un enfant. Rien ne collait dans l'affaire.
Il y avait eu également, très tôt un communiqué du Président de France-Israël, Michel Darmon (za’l), amiral de la marine française, publiant ce même diagramme diffusé par le bureau de la presse israélienne montrant les divers points de tir avec un commentaire montrant l'impossibilité de ce qui était affirmé sur France2. Sans que nous nous soyons consultés, nous étions arrivés à la même conclusion : les soldats de Tsahal n'avaient pu tuer cet enfant. Puis le réalisateur Pierre Rehov, expert en images, parvenait à la même conclusion et déposait plainte contre la chaîne de télévision, dossier démontrant cette impossibilité, détaillant les diverses positions et des évidences de trajectoires de tirs à l'appui. Plainte très rapidement rejetée.
À l'époque rien ne permettait de douter de la mort de cet enfant étant donné que France 2 n'avait pas publié la totalité des images tournées. Ce qui a été obtenu aujourd'hui dans le cadre de procès intentés par la chaîne. Et les images dans lesquelles on voit Mohamed Al-Dura en vie à un stade ultérieur n'avaient pas été montées dans le reportage diffusé. Ce qui était alors contesté, ce n'était pas la mort du garçon, mais l'origine des tirs présentés comme meurtriers par le reportage.
Arlette Chabot avait admis que l'on ne pouvait accuser les soldats israéliens de ces méfaits
Lors d'une conférence de presse donnée par France 2 pour tenter de dissuader la publication de toute remise en question du reportage diffusé, avec menaces de procès contre quiconque outrepasserait ces avertissements, à l'appui, Arlette Chabot, alors directrice de l'information de France 2 avait admis, en répondant à une question de Pierre Rehov, que l'on ne pouvait accuser les soldats israéliens, rien ne permettant de le faire. Ce qu'elle avait fait également en réponse à une question de Michel Zerbib, directeur de l'information de Radio J.
Ce qui ne trouva que bien peu d'écho dans les médias et ne se traduisit pourtant par aucune sanction contre le correspondant de France 2... Pourtant, lors de cette conférence de presse, Pierre Rehov avait souligné que la diffusion de ce reportage avait provoqué une vague d'antisémitisme sans précédent depuis des décennies. Et pas uniquement en France, tant s'en faut. Une vague qui perdure.
En décembre 2002 un collectif décernait le « Prix de la désinformation » au correspondant de France 2 en Israël, correspondant qui avait commenté les images du cameraman, et à la chaîne. Prix remis symboliquement au cours d'une manifestation devant ses bureaux parisiens.
Une journaliste allemande, Esther Shapira, que les images avaient interpellée également se rendit sur place et tourna deux films successifs sur l'affaire, apportant, elle aussi, un démenti aux affirmations de France 2. Ses reportages ne furent pas diffusés en France.
Philippe Karsenty s'empara de l'affaire avec une détermination à toute épreuve qui résista aux procès qui lui furent intentés par le correspondant de France 2 et dont l'un est actuellement en attente de jugement.
Aujourd'hui c'est l’État d'Israël qui lui donne raison. Et si une enquête en profondeur n'a pas été menée plus tôt côté israélien, c'est que la mesure de l'extrême gravité des conséquences de ce qui a été une diffusion planétaire du reportage décrit aujourd'hui, après enquête officielle, comme étant « sans fondement » – France 2 l'avait offert gracieusement à qui en faisait la demande - n'avait pas été prise. Et aussi, sans doute, parce qu'Israël a fort à faire, devant combattre sur maint front, celui de la désinformation inclus. Certains fronts étant de nature existentielle, le combat contre la désinformation n'est donc pas considéré comme prioritaire. Ou ne l'avait pas été jusqu'en septembre 2012.
Hélène Keller-Lind |