|
L'être humain est une unité dynamique au double aspect: chair et âme.
Il y a la « nefesh » ,terme que l'on peut traduire par 'psyché' ou plus vaguement par 'âme' et un
« bassar »,une 'chair'.
La« nefesh »est la personne en acte,elle est aussi le « basar », le corps tiré de
la poussière que la « neshama » a animé.
Il n'y a pas de 'chair 'avant l'insufflation du respir : tout comme il n'y a pas d'âme.
Nefesh
« nefesh »et
« bassar »sont indissociables, deux visages d'une même réalité.
L'animal aussi est doté de nefesh,
mais alors son âme est dans son sang (dam)
«car le sang ,c'est l'âme :Génèse 9'4, ד אַךְ-בָּשָׂר, בְּנַפְשׁוֹ דָמוֹ לֹא תֹאכֵלוּ Toutefois, sa chair dans son âme (Nefesh) de son sang vous n'en mangerez point » => ordre donné à Noé de ne pas manger d'un animal vivant.
Lévitique 17'11 יא כִּי נֶפֶשׁ הַבָּשָׂר, בַּדָּם הִוא «car l'âme (Nefesh) de la chair (Bassar), est dans le sang » (Ki nefesh ha-bassar, Ba-dam hi )
Dans le cas de l'homme ,cette nefesh s'identifie à sa personne :
Génèse 46'26, כָּל-הַנֶּפֶשׁ הַבָּאָה לְיַעֲקֹב מִצְרַיְמָה «toutes les âmes (Néfesh) qui sont venues avec Jacob en Égypte »
à son moi :Samuel
1'26 , חֵי נַפְשְׁךָ אֲדֹנִי « Par la vie de ton âme, (Nefesh) mon seigneur » et Job 16'4 גַּם, אָנֹכִי-- כָּכֶם אֲדַבֵּרָה:לוּ יֵשׁ נַפְשְׁכֶם, תַּחַת נַפְשִׁי « Moi aussi, je pourrais parrler comme eux, si votre âme était sous mon âme » (Nefesh dans les deux cas) le rabbinat traduit si vous étiez à ma place. C'est ce qui confére à l'homme son identité.
Mais la nefesh de l'homme n'est pas descendue toute
faite du ciel, elle est le résultat auquel procède le Créateur lorsqu'il tire l'homme de la terre et qu'il
lui insuffle un souffle de vie. Ce souffle c'est aussi la Neshama.
La Neshama
La neshama ,terme que l'on peut traduire par le respir , car le terme de
neshima : signifie respiration .
Genese2'7. « Le Seigneur Dieu créa Adam ,poussière de la terre et souffla dans ses
narines une neshama de vie, et l'homme fut une nefesh vivante » וַיִּפַּח בְּאַפָּיו, נִשְׁמַת חַיִּים; וַיְהִי הָאָדָם, לְנֶפֶשׁ חַיָּה
:
Seule la nefesh de
l'homme provient d'une neshama, car les autres êtres vivants ont été créés directement comme
nefesh haya (âme vivante) .
Nefesh et Basar sont indissociables ,comme on le trouve sur les
inscriptions tombales identifiant le défunt: ici repose la nefesh de un tel. De même, l'expression
bassar vadam désigne l'homme dans sa fragilité :
Isaïe 40'6 ו קוֹל אֹמֵר קְרָא, וְאָמַר מָה אֶקְרָא; כָּל-הַבָּשָׂר חָצִיר, וְכָל-חַסְדּוֹ כְּצִיץ הַשָּׂדֶה Une voix dit: "Proclame!" Et on a répondu: "Que proclamerai-je?" "Toute chair est comme de l'herbe, et toute sa beauté est comme la fleur des champs.
Nechama : ( Dans le processus de la mort ) , Lorsque qu'un homme va quitter le monde,l'ange de la mort apparait pour emporter son âme (nechama).La nechama ressemble à une veine remplie de sang et pourvue de veinules dispersées à travers le corps. L'ange de la mort saisit l'extrémité de cette veine et l'ôte(du corps). S'il s'agit d'un juste ,l'opération se fait avec douceur,comme on retire un cheveu du lait,mais si c'est un méchant ,son àme lui est reprise comme dans le tourbillon des eaux à l'entrée d'un étroit défilé.......Aussitôt que cette extraction a eu lieu,l'individu meurt; son esprit sort et s'installe sur le nez jusqu'à ce que le corps tombe en décomposition. (Midrach sur Ps.41,7 ;51b,52a )
Rouah'
La personne humaine est donc
spécifiquement chair et nefesh, mais celle-ci provient d'un élement externe venu de Dieu : la neshama Il y a aussi un autre élément important, c'est la 'rouah' ,le souffle,le pouvoir de vie, 'toute chair dans laquelle
se trouve une rouah de vie: Genese 6'17.
יז אֲנִי, הִנְנִי מֵבִיא אֶת-הַמַּבּוּל מַיִם עַל-הָאָרֶץ, לְשַׁחֵת כָּל-בָּשָׂר אֲשֶׁר-בּוֹ רוּחַ חַיִּים, מִתַּחַת הַשָּׁמָיִם: כֹּל אֲשֶׁר-בָּאָרֶץ, יִגְוָע ר-בָּאָרֶץ, יִגְוָע
Et moi, je vais amener sur la terre le Déluge - les eaux - pour détruire toute chair animée d'un souffle de vie sous les cieux; tout ce qui habite la terre périra.
Rouah' est le plus souvent assimilé à la Divinité. La ruah est
proche de la neshama, mais elle semble lui être spirituellement supérieure.
- On parle ainsi de l'esprit
de Sainteté : Rouah hakodesh .
Rouah ,nefesh,neshamah, tous ces termes sont des déclinaisons du
souffle .
- L'âme a 5 noms: nefesh,ruah,neshama,yehida,et haya :
Midrach Raba 14'9
A propos de la mort et de l'immortalité, lors de la mort ,l'âme quitte la chair ,corps inerte, poussière
auquel elle se réunira lors de la résurrection :
- Talmud Sanhédrin 90b,91,a .L'âme est donc susceptible
de vivre d'une vie consciente, indépendante du corps après la mort
- Talmud,
Ketubot77b,Berakhot18b,19a . Toutes les âmes sont crées au moment de la création du monde ,et
elles se tiennent dans le' trésor','sous le trône de gloire' de la Divinité
- Talmud,Shabat152b, d'où
elles descendent dans le monde chaque foisqu'il y a conception d'un enfant .
Trois êtres participent à
la création d'un enfant : L'Homme,la Femme, et Dieu
- Talmud Kiddushin30b,Nidda 31a .
De son père
,il reçoit l'ossature,les reins,les ongles,le cerveau et le blanc de l'oeil .De sa mère ,il reçoit la peau,la
chair,le sang,les cheveux,la pupille de l'oeil .
Dieu contribue pour le souffle, l'âme,l'expression du
visage,la vue,l'écoute 'la parole,le toucher,le bon sens,le discernement et la compréhension.
- Talmud,Nidda30b,31a : Dans le
ventre de sa mère, l'embryon est censé connaître tous les secrets de la Torah: dés qu'il en sort,un
ange le frappe sur les lévres et il oublie tout .
Les organes comprennent des attributs psychologiques
Dans la conception Biblique,
certains organes abritent des attributs psychologiques :Ainsi:
- Le coeur est le lien de la pensée et de la
conscience,les reins sont le siège de l'émotion et du désir. Le Dieu qui 'sonde les reins et les coeurs'
sonde en eux le fondement même de la conscience humaine.
N'oublions pas que la miséricorde
'rahanim' hébraïque vient de rehem ,la 'matrice' :
- La chair (Bassar) est clairement la source de la mortalité:
ג וַיֹּאמֶר יְהוָה, לֹא-יָדוֹן רוּחִי בָאָדָם לְעֹלָם בְּשַׁגַּם, הוּא בָשָׂר; וְהָיוּ יָמָיו, מֵאָה וְעֶשְׂרִים שָׁנָה.
«L'Éternel dit: « Mon souffle n'animera plus les hommes pendant une longue durée, car il est chair. Leurs jours seront réduits à cent vingt ans.» ( Mon souffle : רוּחִי Rouh'i de Rouah' )
« Plus de chair , plus de vers »Talmud,Traité des Pères2'7. boucha
בָש ָׂרBassar est même vu comme l'acronyme
de boucha בושה ' « honte »,
'sirehon' « putréfaction »ou 'sheol' « enfer», et 'rima' «vers»
Et après la mort ..
La Kabbale Lourianique (lsaac Louria Ashkenazi {1534-1572),surnommé :le Saint Lion, élabore une
théorie complexe de l'Âme en y distinguant 5 composanres :
Nefesh, ruah, neshama ,haya, yehida.
Seuls les élus de la contemplation atteindront les 2 stades supérieurs.
Maimonide, lui ,avance que
rien de l'homme ne subsiste après sa mort, si ce n'est son intellect. Seul l'intellect est immortel et
non l'âme singulière.
Les Antiaristoteliciens, comme Hasdaï Crescas (1340-1410) affirmèrent au
contraire que l'âme individuelle est immortelle après sa séparation du corps :
Or
L'idée de «résurrection biblique» Ezechiel37, implique la résurrection des corps ,et la nefesh reprend
vie grâce à l'acte divin.
ט וַיֹּאמֶר אֵלַי, הִנָּבֵא אֶל-הָרוּחַ; הִנָּבֵא בֶן-אָדָם וְאָמַרְתָּ אֶל-הָרוּחַ {ס} כֹּה-אָמַר אֲדֹנָי יְהוִה, מֵאַרְבַּע רוּחוֹת בֹּאִי הָרוּחַ, וּפְחִי בַּהֲרוּגִים הָאֵלֶּה, וְיִחְיוּ.
9- Il me dit fais appel à l'esprit, fais appel, fils de l'homme, et dis à l'esprit: Ainsi parle le Seigneur Dieu: Des quatre coins, viens, ô esprit, souffle sur ces cadavres et qu'ils revivent. (l'esprit est : Rouah qu'on aurait pu désigner par souffle )
Il est intéressant de voir ,que dans sa conception de la résurrection, le
Talmud a besoin d'un élément corporel . Ainsi, malgré la décomposition du corps voué à la poussière
d'où il vient, subsiste un os minuscule, mais indestructible . Cet os a été identifié comme la luz (amande) de la colonne vertébrale, à la pointe du sacrum.
כא שֹׁמֵר כָּל-עַצְמוֹתָיו; אַחַת מֵהֵנָּה, לֹא נִשְׁבָּרָה.
« Il conserve tous ses os, l'un d'eux ne
peut être brisé » Psaume 34'21
Après ces remarques préliminaires ,on peut centrer la problématique du corps autour de trois
notions fondamentales qui constituent l'ossature du judaïsme rabbinique:
la sexualité, le chabbat, les régies alimentaires.
-
La sexualité :
Dieu appose la marque de son alliance avec nous sur notre chair grâce à la circoncision.
Celle -ci
représente un acte de haute signification rituelle et ne se limite pas à une simple opération
chirurgicale.
La qualité d' «incirconcis »est synonyme d'état d'impureté. Il y a la volonté de
moraliser la sexualité et d'élever ainsi l'homme qui n'est plus condamné à être le jouet de ses sens.
Ceci est déjà perceptible dans les premiers chapitres de la Genèse(2,24) qui annoncent ,la première
union d'un homme et d'une femme
כד עַל-כֵּן, יַעֲזָב-אִישׁ, אֶת-אָבִיו, וְאֶת-אִמּוֹ; וְדָבַק בְּאִשְׁתּוֹ, וְהָיוּ לְבָשָׂר אֶחָד.
'C'est pourquoi l'homme laissera son père et sa
mère,s'attachera à sa femme et ils deviendront une seule 'chair'
- Le Chabbat :
Le commandement d'observer le repos et la solennité du Chabbat comprend l'interdiction des 39
travaux fondamentaux.
Toute cette législation s'applique au corps ,mais il y a aussi un niveau plus
élevé d'observance des régies du Chabbat, notamment s'élever spirituellement;
Les anciens rabbins
appelaient cela accueillir en soi -même une 'âme nouvelle' ,ce supplément d'âme si cher à Henri
Bergson
- Les régies alimentaires La Cacherout est une diétetiqueau service de l'ethique.
Le peuple d'lsraël,peuple de Dieu ,doit rester
pur , la pureté étant l'antichambre de la Sainteté. La Bible oppose ce qui est pur à ce qui est impur ,car
elle ne connaît pas l'usage du terme 'cacher' qui n'intervient que dans la littérature
Talmudique : l'adjectif se rencontre 737 fois dans le Talmud de Babylone et 400 fois dans le Talmud
de Jérusalem.
La cacherout vit dans un éternel paradoxe qui consiste à réglementer le recours à une
pratique ( celle d'ôter la vie ,qu'on réprouve au fond de soi-même) et la nécessité de se nourrir .
Ne
lit - on pas dans les premiers versets de la Genèse une injection de ne pas verser le sang, animal ou à
fortiori, humain ? et en outre les premiers sacrifices furent de deux sortes : fruits de la terre et
premiers -nés des troupeaux.
Cette quête de pureté culmine dans le Psaume51,12 :
יב לֵב טָהוֹר, בְּרָא-לִי אֱלֹהִים; וְרוּחַ נָכוֹן, חַדֵּשׁ בְּקִרְבִּי. « Crée en moi un coeur pur, Dieu, et rénove en
mon sein un esprit ferme » .
Le terme hébraîque 'lev' désigne en effet le muscle cardiaque mais il se
référe aussi à l'intériorité de l'homme. Quand à l'expression 'be-qirbi' (en mon sein} בְּקִ רְבִּי ,elle désigne
aussi bien l'intégrité physique que la personnalité psychologique de l'homme.
Ezéchiel ,évoque lui
aussi la nécessité d'édifier le peuple en matière« de sainteté et d'impureté »:
כג וְאֶת-עַמִּי יוֹרוּ, בֵּין קֹדֶשׁ לְחֹל; וּבֵין-טָמֵא לְטָהוֹר, יוֹדִעֻ ם
« Ils enseigneront à
mon peuple la distinction du sacré et du profane, ils lui feront connaître la distinction entre le pur et
l'impur »
Autres relations entre le corps et l'esprit
Le corps et les devoirs religieux ,le corps
au moment de la mort, le corps de la femme ,le martyre
- Le corps et les devoirs religieux :
le corps lui-même a une certaine relation avec la liturgie : le port du 'talét', châle de prière, et des
'tefillin 'implique un contact direct avec le corps .
Les trois prières quotidiennes exigent l'implication
du corps.
Celui -ci doit être pur rituellement : on doit se laver les mains et prononcer la bénédiction
requise par cette action.
On doit ensuite se concentrer sur ce que l'on fait et sur les prières que l'on
récite : c'est la כונה 'kavana' ,l'intention profonde qui nous permer de nous orienter spirituellement.
Les actes de pénitence font partie de la liturgie :
le Judaîsme prescrit un certain nombre de jours de
jeûne, dont les deux principaux sont celui du 9av (destruction des deux temples} et celui de Kippour
(Le grand Pardon)
Le corps joue un rôle important dans ce contexte avec une interdiction absolue de
boire ,de manger ,et avec une abstinence sexuelle.
- Le corps au moment de la mort :
Lorsque l'âme rejoint son Créateur, le corps ne doit pas être restitué à la terre dans n'importe quel
état . Assurer la toilette du corps du défunt est un acte méritoire et important.
Pour quelleraison le
corps se doit-il de comparaître devant le Seigneur?
- Parce que le Judaîsme n'a jamais admis la
division absolue de l'homme en matière et en esprit.
De son vivant, l'être accomplissait ou
transgressait les préceptes divins à l'aide de ses organes corporels . Il est donc logique qu'il
comparaisse devant le Juge suprême dans la totalité de son être.
Dans l'au-delà, rien n'est épargné
au corps des pécheurs qui doivent demeurer dans la Géhenne tous les jours ouvrables de la
semaine : le jour du Chabbat, un repos réglementaire leur est concédé . Mais dès le coucher du soleil
ils endurent à nouveau leur calvaire quotidien.
- Le martyr est un cas particulier où le corps peut être amené à choisir entre le trépas et la transgression .
Nous
ne parlerons que des 3 cas où la loi recommande de trépasser plutôt que de transgresser.
L'expression hébraÏque consacrée s'énonce comme suit: «il se fera tuer et ne transgressa pas.» Par ex:
si l'on nous oblige à faire couler du sang innocent, à découvrir des nudités interdites ,ou enfin à
devenir des idolâtres.
- Le corps de la femme
Il pose un problème aux yeux des théologiens dans l'ancien temps:
Au début, à l'époque du second Temple, dans les svragogues ,les sexes étaient séparés,
Un peu
plus tard, avec le Talmud de Babylone,'Sukka 52a',on plaça les femmes au dessus (d'une hauteur
d'homme) ,et on ne prenait pas ombrage du chant public des femmes dont la voix n'était pas encore
considérée comme une nudité,une 'erwa'
C'est le Talmud qui a dit « kol be-ischa erwa » (la voix de la
femme est une nudité) Megilla 15a
Selon Maîmonide,il est interdit de lire le Shema devant une erwa, il faut se détourner pour le faire.
L'ensemble du corps féminin est une erwa : la vue des cheveux de la femme,l'audition de sa voix
,autant de erwot.
Mais les choses ont un peu évolué par la suite !
- Pour terminer, on peut dire que la totalité des désignations bibliques de l'homme, comme on peut
les lire dans la Genèse ou chez les Prophétes renvoie d'emblée à son corps ,et à la terre: importance
cruciale de la terre l'adama , אֲדָמָה et du nom de Adam אָדָם .
La notion de terre ,joue un rôle majeur dans la
distinction entre le pur et l'impur,car elle sert à isoler les espèces animales aptes à une
consommation rituelle de celles qui ne le sont pas (Lévitique20)
La nourriture rituellement préparée
donne une marque de pureté qu'elle transmet au corps qui l'ingère .Ainsi est vérifié à nouveau le fait
que l'être humain est une unité dynamique au double aspect: chair et âme
|