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Pourquoi Erdogan a gagné
Revue de Presse


Jeudi, 12-Nov-2015
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Si le parti du président turc Recep Tayyip Erdoğan, l'AKP, ne parvient pas à remporter la majorité des sièges lors du scrutin du 1er novembre, les grands médias soutiennent qu'il verra son pouvoir diminué. Le titre de l'analyse abondamment reprise de Reuters résume ce point de vue : « Après le scrutin en Turquie, Erdoğan n'aura pas d'autre choix que de partager le pouvoir. » L'Agence France Presse annonce que si l'AKP remporte moins de la moitié des sièges, cela « forcera le parti à partager le pouvoir ou à organiser de nouvelles élections ». Dans des termes quasi-identiques, le Middle East Online voit cette situation comme une obligation pour l'AKP « de partager le pouvoir ou d'organiser de nouvelles élections. » Et ainsi de suite, presque invariablement, comme l'usage des mots « partager le pouvoir ».

Mais qu'adviendra-t-il si Erdoğan choisit de ne pas partager le pouvoir ? Deux options s'offrent à lui :

Si les résultats sont serrés, le recours à la fraude électorale n'est pas exclu. Certains éléments laissent penser qu'il existe des logiciels sophistiqués (comme on a pu le voir chez Volkswagen) capables de fausser les résultats.

Si les résultats ne sont pas serrés, Erdoğan pourrait mettre le parlement sur la touche ainsi que le Premier ministre, les autres ministres et l'ensemble de ce maudit gouvernement.
Cette option de mise à l'écart, dont le presse n'envisage pas la possibilité, découle directement des actes qu'Erdoğan a posés par le passé.
Depuis qu'il a quitté le poste de Premier ministre en août 2014 pour occuper celui de président, il a affaibli le rôle qu'il occupait anciennement au point de le priver de toute autorité et de le confier à Ahmet Davutoğlu, un théoricien en politique étrangère dépourvu de toute assise politique et contrôlé par Erdoğan si étroitement qu'il ne peut même pas décider du choix de ses propres collaborateurs(qui font également office d'informateurs d'Erdoğan).

Dans le même temps, Erdoğan s'est construit un palais présidentiel de 1005 pièces abritant 2700collaborateurs. Ce personnel constitue une véritable bureaucratie apte à reprendre la gestion des autres ministères tout en laissant en place un gouvernement apparemment inchangé mais qui, dans les coulisses, reçoit ses ordres du palais.

Le président turc Erdoğan (à gauche) donne ses ordres de marche au Premier ministre Davutoğlu (à droite).

De la même manière, Erdoğan va certainement mettre le parlement sur la touche en le transformant non pas en grotesque parlement croupion de type nord-coréen mais bien en assemblée à l'Égyptienne ou à l'Iranienne consacrée à des matières secondaires (épreuves scolaires, renouvellement des routes) et à l'écoute des moindres exigences du Big Boss.

Ensuite, pour compléter sa mainmise sur les institutions, il utilisera les nombreux leviers en sa possession pour contrôler le pouvoir judiciaire, les médias, les sociétés ainsi que le monde universitaire et artistique. Il fera également taire les voix individuelles discordantes, particulièrement sur les réseaux sociaux, comme le suggèrent les nombreux procès que lui et ses vieux amis ont intentés contre des citoyens ordinaires ayant osé le critiquer.

À ce stade, le Hugo Chávez / Vladimir Poutine de Turquie, qui a comparé la démocratie à un tramway (« vous le prenez jusqu'à votre destination puis vous en descendez »), est en mesure d'arriver à destination et pourrait même, à titre de récompense, se proclamer calife de tous les musulmans.

Revenons au présent : le nombre de sièges détenus par l'AKP au parlement importe peu car Erdoğan fera ce qu'il faut, légalement ou non, pour devenir le nouveau sultan. Il ne devra pas « partager le pouvoir » mais s'en emparera, coûte que coûte (mise du parlement sur la touche ou fraude électorale). Les capitales étrangères doivent se préparer à la perspective peu réjouissante d'une Turquie en marche vers un État voyou dictatorial.

Mise à jour, 26 octobre 2015. Kadri Gürsel explore différentes possibilités dans le cas où l'AKP ne remporterait pas la majorité des suffrages, notamment celle où Erdoğan forcerait la tenue d'un troisième scrutin. Mais Gürsel n'évoque pas la mise à l'écart du parlement parmi les choix possibles du président.

Mise à jour, 28 octobre 2015. Le titre du Guardian a un ton prometteur (« Élections en Turquie : un pays terriblement divisé aux portes d'une dictature ? ») mais le chapeau (« Le crainte est de voir le président Erdoğan remporter la majorité absolue, soit 276 des 550 sièges du parlement, et établir une régime présidentiel autoritaire ») montre que l'auteur de l'article, Patrick Cockburn, a omis d'envisager la mise à l'écart qui se profile.

 

 

Erdogan : le « sultan » savoure sa victoire

À l'image des Sultans de l'empire ottoman qui s'y rendaient pour prier dès leur intronisation, Recep Erdogan s'est rendu à la Mosquée d'Eyüp pour remercier Dieu de sa victoire. Surnommé par ses opposants « sultan Tayyip » depuis les émeutes du Parc Gezi en 2012, vertement critiqué pour ses dérives autoritaristes, l'homme fort de la Turquie savoure sa victoire. Il est vrai que ce succès, qui a fait mentir tous les pronostics des observateurs et des instituts de sondage turcs, a des allures de divine surprise.

Mais à s'y pencher de plus près, quoi de plus normal. Pendant la campagne législative, le président turc et son parti l'AKP ont bénéficié de 60 heures d'antenne contre 18 mn (!) au HDP, parti d'opposition pro-kurde. Quatre jours avant les élections, la police turque, en tenue antiémeute, avait pris de force le contrôle de deux chaînes de télévision, BuGün TV et Kanaltürk, réputées proches de l'imam Fethullal Gülen, ennemi public numéro 1 du chef de l'État, pour avoir accusé son entourage de corruption. En Turquie, en 149eme position sur 180 dans le classement d'Amnesty International sur la liberté de la presse, tout journaliste dont les propos déplaisent au président peut être poursuivi pour « insulte » au chef de l'État.

Bien que ces privations des libertés publiques soient édifiantes, là ne réside pas l'essentiel.
Recep Tayyip Erdogan a joué la carte de la peur et il a magistralement réussi.

Premier acte : recréer les conditions de l'instabilité dans le pays. Le combat que mènent les Kurdes de Turquie en Syrie contre Daesh a rallumé le spectre de l'édification d'un État kurde à la frontière turque, hantise absolue pour le régime d'Ankara qui préfère de loin une Syrie livrée à Daesh. La Turquie a intégré la coalition occidentale pour mieux bombarder les positions kurdes, ce qui a déclenché une nouvelle vague de violences entre forces de police et militants kurdes du PKK dans l'est de la Turquie. Le pays atterré revoit poindre les années de plomb du conflit turco-kurde, alors qu'Erdogan et le PKK avaient pendant des années fait œuvre de rapprochement pour sortir le pays du cercle infernal de la violence qui empêchait toute relance durable de l'économie.

Cette relative période de paix est révolue.

Deuxième acte : une fois le chaos installé, faire campagne en promettant aux citoyens de ramener la stabilité et l'unité du pays contre la menace terroriste des Kurdes, ennemis de la patrie. Erdogan superstar contrôle les médias, sillonne la Turquie et ne lésine pas sur les moyens.

Troisième acte : se présenter comme le seul recours contre le chaos aprèsl'attentat de l'État islamique contre un cortège de manifestants kurdes à Ankara début octobre. Une véritable aubaine (une curieuse coïncidence ?) pour Erdogan qui, ce jour-là, a vu sa victoire se rapprocher à grands pas…

Cinq millions de voix supplémentaires pour le chef de l'AKP par rapport au résultat du 7 juin dernier qui l'avait mis en danger : la stratégie de la peur a été tristement payante. Ceux qui l'ont élu ne sont d'ailleurs pas seulement les Turcs mais aussi une partie des Kurdes des classes moyennes, qui redoutent l'extrémisme radical du PKK et le retour des affrontements meurtriers.

Les observateurs ont immédiatement souligné que, sur le papier, le président turc n'aura pas la majorité suffisante pour modifier à sa guise la Constitution, et transformer le régime parlementaire actuel en régime présidentiel à son service. Mais il y a fort à parier qu'avec ses 316 députés à l'Assemblée, Erdogan a bien l'intention de faire tout ce qui est en son pouvoir (et il ne cessera de croître) pour parvenir à ses fins. Comme l'explique le politologue Ahmet Insel au Figaro, ce scrutin va légitimer « la poursuite d'un autoritarisme qui n'a jamais ralenti en intensité. Cette large majorité parlementaire confirme et renforce sa légitimité. (…) Il a les mains libres pour imposer son régime présidentiel. »

À la fois adulé par les franges nationalistes conservatrices et détesté par une société civile en demande de réformes et de modernité, Erdogan incarne plus que jamais la fracture turque. Et de nouvelles tensions sont à craindre. « Sultan Tayyip » a promis le retour de la stabilité. Celle de son pouvoir en tout cas est assurée. C'est plus que jamais en position de force qu'il va affronter les dirigeants européens et faire état de ses exigences en contrepartie de l'accueil par son pays des réfugiés syriens. Trouvera-t-il la même détermination en face de lui ?

 

Erdogan, champion de l'Anatolie réelle

 

 

 

L'AKP accomplit l'union des droites

Auteur

Tancrède Josseran
est spécialiste de la Turquie. Son ouvrage, La Nouvelle puissance turque, a reçu le prix Anteios 2011 du Festival de géopolitique de Grenoble. Il est aujourd'hui attaché de recherche à l'Institut de Stratégie Comparée (ISC).
Publié le 09 novembre 2015 à 17:00 / Monde
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On le disait moribond, inaccessible aux réalités, claquemuré dans son palais présidentiel aux allures de forteresse ottomane. Pourtant, Tayyip Erdogan a remporté le 1er novembre 2015 une victoire éclatante.

L'AKP bondit de 9 points par rapport au dernier scrutin (40 à 49%) et retrouve la majorité absolue. Loin derrière, arrivent le Parti Républicain du Peuple (CHP)  à 25%, le Parti d'Action Nationaliste (MHP) à 11% et le Parti du Peuple Démocratique (HDP) à 10%.

Trois raisons expliquent ce triomphe. Tout d'abord, Erdogan a pris un peu de champ par rapport aux dernières élections, ce qui a rassuré momentanément les plus hostiles à l' hypertrophie présidentielle.

Par ailleurs, l'homme de la rue garde un souvenir détestable des années 90 et de son cortège de scandales sur fond d'instabilité chronique (aucun ministère de coalition n'a tenu plus d'un an et demi). Cinq mois après la dernière consultation, l'exacerbation des tensions ethniques et les incertitudes  économiques ont eu raison de la patience des électeurs. Beaucoup de ceux qui avaient au mois de juin déserté l'AKP ont de nouveau plébiscité le parti islamo-conservateur, gage de stabilité.

Surtout, Erdogan a joué à fond la carte des blocs. Geste fondateur du politique, le Président turc désigne l'ennemi. C'est « eux ou nous » :  d'un côté les gauchistes, les laïcards, les kurdistes, de l'autre les adeptes de la tradition, les patriotes, les dévots. Qu'il soit assimilé à l'étranger menaçant l'intégrité territoriale du pays ou à des factions coupables de saper l'Etat de l'intérieur, l'ennemi épouse la figure d'une altérité radicale qu'il est nécessaire d'extirper du corps national.

À rebours d'une humanité hors-sol, Erdogan oppose le respect aux anciens, le sens de l'effort, l'attachement à la terre. Trois dates scandent ses discours: 2023, centenaire de la République et ultime clou au cercueil kémaliste, 2053, six-centième anniversaire de la prise de Constantinople, 2071, millénaire de l'arrivée des Turcs en Anatolie.

Erdogan a parfaitement saisi qu'à travers la démocratie, c'était aussi la pratique religieuse dominante, l'islam qui s'exprimait. Que loin d'être une affaire privée, la religion témoignait d'une vision du monde, d'une morale qui ne demandait qu'à influer sur l'existence du plus grand nombre.

Sous sa bannière, l'AKP rassemble la majorité turco-sunnite tout en jetant des ponts en direction des Kurdes  sensibles à la fraternité islamique.

Les trois nuances de droite (nationaliste, conservatrice, islamiste) convergent. Transfigurées dans les urnes, majorité silencieuse,  majorité morale et  majorité sunnite ont ciselé la nouvelle majorité électorale. Sonnée, l'opposition est victime d'une double impasse: soit elle n'a jamais exercé le pouvoir, soit son exercice l'a démonétisé.

Tout l'inverse de l'AKP qui en une décennie a triplé la richesse nationale et a hissé la Turquie au 17ème rang des puissances émergentes.

Le recul de l'opposition est général. Le vote utile a siphonné l' assise électorale du MHP voisine de celle l'AKP.  Dans une situation impossible, le HDP s'est trouvé coincé entre le pilon de l'Etat répressif et l'enclume du PKK avec lequel il avait pris quelques distances.  De confus, le discours est devenu schizophrénique. D'une part, le parti kurde reconnaît à l'Etat le droit de se défendre, de l'autre il refuse de condamner les violences terroristes. La création de zones autonomes kurdes a ajouté au chaos.

Habilement, Erdogan a repoussé le HDP dans les cordes du PKK qui l'a englouti. Effrayés, les Kurdes dévots ont regagné le giron islamiste. Quant à la gauche kémaliste, éternelle opposante, elle peine une fois de plus à sortir des maximes éculées, datées de l'Entre-deux-guerre.

Désormais se pose la question de la Constitution. Pierre angulaire de la nouvelle Turquie, sa révision est en suspens. Persuadé d'assumer au nom de la volonté nationale, Milli Irade, la volonté générale, le Président turc constate qu'il lui manque les attributs de sa fonction. De son point de vue, le parlementarisme dépouille de son destin la nation sunnite qui est le peuple souverain. Surtout, il est convaincu que dans des circonstances d'exception, la démocratie et la majorité morale doiventêtre défendues par tous les moyens.

*Photo: Sipa. Numéro de reportage: AP21815755_000061.

 

 

Erdogan contraint l'Europe au grand écart

Source : Le figaro  

 

Par Jean-Jacques Mevel  Mis à jour le 10/11/2015 à 17:50

A quelques jours du sommet du G20, qui se tiendra dimanche à Antalya (Turquie), l'UE vient de rendre officiel un rapport resté longtemps confidentiel sur les dérives du régime de Recep Tayyip Erdogan.

Correspondant à Bruxelles,

L'accueil réservé aux dirigeants européens au sommet du G20, dimanche prochain à Antalya (Turquie), risque d'être plutôt tiède: l'UE vient de rendre officiel un rapport resté longtemps confidentiel sur les attaques répétées contre la justice, la presse et la minorité kurde de la part du régime de Recep Tayyip Erdogan, l'homme fort d'Ankara.L'engagement démocratique de la Turquie est désormais «contrebalancé par l'adoption de lois contraires aux normes européennes regardant l'état de droit, la liberté d'expression et la liberté de réunion», conclut la commission Juncker dans cette évaluation, faite chaque année depuis qu'Ankara est candidate à une adhésion à l'UE. Bruxelles avait délibérément suspendu la publication du document avant les élections qui viennent de renforcer le président Erdogan. Avec le secret espoir qu'il se montrerait mieux disposé à aider l'Europe à contrôler le flot des réfugiés en mer Egée.

Le rapport vient au contraire illustrer le grand écart auquel doivent se livrer l'Europe - et surtout la chancelière Angela Merkel - s'ils veulent enrôler la Turquie dans cette mission urgente de garde-frontière. Le pays, plaque-tournante entre la Syrie et l'Europe, héberge 2,2 millions de réfugiés que l'UE cherche désespérément à fixer sur place. L'ONU vient de réviser ses hypothèses en hausse et prévoit 600.000 nouveaux arrivants depuis la Turquie dans les quatre mois à venir, après les 750.000 dénombrés en Europe depuis le début de l'année.

«Une pression politique accrue»

À l'inverse, les dirigeants européens ne peuvent plus fermer les yeux sur les dérives du système islamo-conservateur d'Erdogan. L'UE «espère la fin de l'escalade de la violence en Turquie et le retour à une solution négociée et durable de la question kurde», assurait Johannes Hahn, commissaire à l'Elargissement, en présentant le rapport mardi matin au Parlement européen. La même ambivalence pèsera le week-end prochain, quand Angela Merkel et François Hollande se retrouveront à Antalya, à l'invitation du président turc.

Parmi les «graves reculs» identifiés cette année, Bruxelles dénonce en particulier «le rétrécissement de l'indépendance de la justice et du principe de séparation des pouirs (…), les juges et les magistrats se retrouvant sous une pression politique accrue». La commission manifeste aussi une «inquiétude considérable» devant les procédures pénales engagées contre les journalistes et les auteurs, notamment sur internet. Elle dénonce enfin «le pouvoir discrétionnaire accru» et incontrôlé des services de sécurité.