Les Nationalistes attaquent la justice
Cela fait longtemps que le système judiciaire israélien irrite les nationalistes, en effet, le droit israélien impose le respect de certaines règles fondamentales, la défense du droit de propriété pour des terres appartenant à des arabes, ou l'égalité des justiciables, sans discrimination. La justice s'est opposé à toutes sortes d'abus visant les biens palestiniens, elle ne considère pas une promesse biblique comme étant un titre de propriété, et a condamné des attitudes racistes parfois criminelles de certains juifs.
Cette attitude a fortement déplu :
On peut lire des forums : «Le droit et la justice n'ont rien à faire en zone de guerre. » ou encore : « Quel "homicide" ? il ne s'agit même pas d'une bête informe, il ne peut y avoir "d'homicide" dans cette affaire, c'est juste un acte de bravoure qui mérite une décoration ! »
Il se trouve que la soeur d'une des trois juges ayant jugé Elor Azria, Tali Fahima s'est convertie à l'islam en épousant un arabe qui par la suite a été condamné pour terrorisme (voir Wikipedia). Elle a eu droit à des gentillesse comme ceci : «- IL FAUT LA VIRER ET L'ABATTRE DE SANG FROID ! CETTE ORDURE PLUS QUE JAMAIS FAUT NOS SIGNATURES POUR RÉCUPÉRER NOTRE SOLDAT QUI A AGI EN LÉGITIME DÉFENSE ! COMMENT NETANYAOU NE RÉAGIT IL PAS ??? ».
Devant une telle violence, on a peur que certains passent aux actes : Fait inédit, des gardes du corps protègent les trois juges contre des actions de Juifs
On trouve aussi des rabbins nationalistes, qui n'hésitent pas à écrire sur Torahbox :
« Personnellement (et cela n'implique que moi), je suis d'avis qu'un acte terroriste en Israël revendique l'idéologie de tout un peuple, et même plus, c'est donc une guerre, et on peut, selon la Halakha, tuer ce terroriste (traité Sofrim susmentionné)... Je ne vous apprends rien si je vous dis que le grand tribunal laïque d'Israël est malheureusement composé d'un grand nombre de gauchistes, qui font tout pour effacer Israël spirituellement et matériellement. Que D.ieu les ramène sur le droit chemin »
Les trois juges à l'unanimité ont reconnu Elor Azria coupable d'homicide volontaire, et le prévenu risque vingt ans de prison. Le verdic est en attente.
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Sur le grand panneau noir et rouge, on peut lire « Chère famille, Beith Shemesh et avec toi, avec amour, accolades et soutien.
»
Des risques de mutinerie :
À en croire un commandant de compagnie affecté dans le même bataillon, l'arrestation d'Elor Azria a suscité un tel mécontentement dans les rangs qu'il a redouté «un risque de mutinerie» dans les semaines qui ont suivi l'incident.
La défiance devant l'état major ethique et les politique devient chaque jour davantage un soucis. Elle est particulièrement importante chez les nationalistes-religieux.
En 2005,
Israël avait pu à grand mal évacuer la bande de Gaza et ses huit mille habitants sans violence excessive, mais aujourd'hui des indices inquiétants montrent que certains soldats refuseraient d'obéir, et pourraient même marquer une opposition violente.
Ce climat est une atteinte à la souveraineté de l'État et de l'armée qui ne sont plus considérés comme des autorités légitime par tout le monde.
Ephraïm Halevy, ancien patron du Mossad, voit dans ce procès rien moins qu'un tournant dans l'histoire d'Israël.«Si Azria est reconnu coupable, dit-il, beaucoup de jeunes Israéliens rejoindront la rébellion qui existe déjà sur les collines de Cisjordanie. Et s'il n'est pas condamné, le chef d'état-major devra démissionner. Or il est le dernier rempart avant que l'armée tout entière ne s'engage dans la direction où Lieberman veut l'emmener.»
Les politiques flattent les nationalistes.
Sitôt la vidéo d'Hébron rendue public, le porte-parole de Tsahal annonça l'arrestation d'Elor Azria, et dénonça son attitude comme «une grave violation des valeurs, de la conduite et des standards en matière d'opération militaire». Le ministre de la Défense alors en fonction, Moshe Ya'alon, renchérit peu après: «Même dans des moments de grande colère, nous ne devons pas autoriser de tels comportements.»
Face à la violence des nationalistes le ministre de la défense Moshé Yaalone a démisionné. Gadi Azencot le chef d'état major est directement menacé : lors du procés, devant le tribunal ou Elor était jugé, la foule a scandé : «Gadi! Gadi! Fais attention! Rabin est à la recherche d'un ami !» en référence à l'assassinat de Rabin en 1995.
La diffusion massive de la vidéo, et les fortes réactions nationalistes ont poussé les dirigeants politiques à prendre position eux aussi. Le bon sens aurait voulu que les dirigeants du pays laissent cette affaire à sa juste place, un soldat a désobéit et sa faute doit être évaluée et jugée sereinement compte tenu des faits, de sa personnalité et des circonstances.
Il n'en a pas été ainsi, Avigdor Lieberman, chef de file du parti Yisrael Beiteinu, prit publiquement sa défense. Benyamin Nétanyahou, qui avait dans un premier temps semblé soutenir ses généraux, décida de témoigner sa solidarité à la famille Azria. «En tant que parent de militaire, je comprends votre détresse» Il a rejoint Naftali Bennett pour demander la grâce présidentielle avant même que le tribunal ne se soit prononcé sur la peine finale.
Pour la première fois, des hauts responsables politiques tentent de délégitimer la position du chef de l'armée, pour des raisons strictement politiques, afin de donner un gage aux nationalistes du gouvernement.
Risques diplomatiques
L'Affaire pourrait encore monter plus haut, les parent du combattant palestinien victime d'Elor pourraient porter l'Affaire devant la cour pénale internationale, et sur les forums, les ennemis d'Israël s'excitent, on peut lire des messages de ce genre :
"-
Les Palestiniens sont là pour se faire tuer, alors pourquoi cette mascarade de vouloir faire croire qu'il existe une "Justice" et condamner, ou faire semblant, un soldat ?
Or si justice existe c'est toute cette armée la plus morale qui se retrouve devant le banc des accusés d'actes, que les spécialistes de la pleurniche nomme : génocide, extermination et crime contre l'"humanité.
- L'extermination des palestiniens ne rapporte pas autant que le business des sionistes, voilà tout !"
Ces événements se passent dans une ambiance de fin de regne à Jérusalem, Nethanyahu est poursuivi par la justice et accusé de plusieurs formes de corruption. On est dans l'attente de l'arrivée du nouveau président des États Unis, Donald Trump qui a promis de transférer l'ambasse US à Jérusalem. Mais son futur ministre de la défense, James Mattis, vient d'affirmer que la capitale d'Israël était Tel Aviv cela fait désordre.
Parralèlement à cela, des sondages viennent de montrer que 60 % des électeurs démocrates et 30 % des électeurs républicains seraient plus favorables à la cause palestinienne qu'à Israël, beaucoup de démocrates ne seraient plus opposés à des sanctions économiques contre Israël en raison de sa politique de colonisation.
Cette opinion s'explique aussi par les maladresses de Nethanyahu qui a soutenu ouvertement les républicains dans la dernière campagne électorale. Or le président Trump lui même est dans le colimateur de la justice américaine, et au cas où il serait obligé de démissionner, les démocrates gagneraient sûrement les élections. Israël ne pourrait plus alors compter sur son principal allié. Autre risque, Trump est réputé pour être versatile, s'il jugeait bon pour les États Unis, d'orienter autrement sa politique au Proche Orient, les critères ethiques pourraient être utilisés pour justifier ses éventuels revirements.
Il ne fait aucun doute que le comportement des nationalistes, les altermoiements des dirigeants politiques sont du plus mauvais effet sur l'opinion américaine qui est régulièrement travaillée par les lobbies arabophiles. Le danger est grand pour Israël de perdre un jour ou l'autre le soutien du peuple américain.
L'affaire est loin d'être close.
Michel Lévy
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