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Le costard du sergent Azria


Mercredi, 18-Jan-2017
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        En Israël, le sergent Elor Azria a mis en évidence malgré lui un fossé grandissant entre les tenants d'une armée qui voudrait être la plus morale du monde, et ceux qui pensent que les préoccupations morales sont contre productives.

 

 

Hébron est une grande ville historique, c'est là que sont enterrés Abraham, Isaac et Jacob, cela fait des siècles que les musulmans y sont majoritaires, et qu'ils ont construit une mosquée sur les lieu de la caverne de Makhpela. Les juifs, y habitaient depuis toujours. Quelques centaines pour une ville de dix mille habitants en 1929. Ils en ont été chassés par les nationalistes arabes dès 1929.
Hébron a été conquis par Israël en 1967 et un quartier juif ultra-orthodoxe s'y est implanté à la plus grande colère des habitants arabes de la ville qui sont aujourd'hui près de deux cent mille. Depuis la tension y est toujours très vive et les incidents très nombreux. Cette ville vit sous le régime de l'occupation.

Une scène de guerre filmée à Hébron et diffusé mondialement.

Des soldats israéliens étaient en fraction, le 24 mars 2016 à Hébron, dans la ville arabe lors que deux palestiniens les ont attaqué au couteau, le premier agresseur a été abattu rapidement, et le second Abd Fatah el-Sharif, a été grièvement blessé.

L'incident a été entièrement filmé, en effet, B'tselem, organisme israélien de défense des droits de l'homme fournit gracieusement des caméras à des arabes afin qu'ils puissent témoigner au cas où l'armée israélienne ferait un usage illégitime de la force. Une ambulance est venue chercher les israéliens blessés pour les soigner, en laissant sur le sol le nationaliste arabe grièvement blessé. C'est alors, dix minutes après l'incident que le soldat Elor Azria, infirmier de fonction, s'est approché d'Abd Fatah et lui a tiré une balle à bout portant dans la tête.
Le film a été diffusé en France par M6 au cours d'un reportage sulfureux de Bernard de La Villardière. Tous ceux qui le souhaitaient, en France, ont pu être témoin des événements.

Le reportage était très orienté et hostile à la présence juive dans les territoires, il comportait plusieurs inexactitudes, mais personne n'a accusé la séquence concernant cet incident d'être truquée.

La hierarchie a arrêté le soldat israélien et l'a trainé devant la justice militaire.

Devant l'évidence des faits, la hierarchie militaire a pris la décision d'inculper Elor Azria d'homicide.

         Les responsables de l'État major, veulent faire de Tsahal «l'armée la plus morale du monde». Elle fait des efforts pour éviter les victimes civiles colatérales, et cela a déjà coûté la vie de soldats. Pendant la bataille de Jénine par exemple, des soldats sont morts pour avoir hésité à tirer afin de ne pas faire de victimes innocentes. Au cours de la bataille de Gaza, Tsahal avait lancé des tracts pour demander aux civils de fuir et quelques militaires ont été condamnés pour crime, suite à des actes contre des civils et contraires à l'étique de Tsahal.

Ces efforts ne sont pas payants, l'armée de défense d'Israël est régulièrement insultée et traitée d'armée nazie d'occupation. et paradoxalement critiquée pour ses bavures. Si elle était nazie, il n'y aurait pas de bavures, mais des massacres systématiques et assumés.

En vertu du principe qu'il n'y a que les gens sales qui se lavent, ce sont les armées à la morale occidentale qui sont accusées. Pour le haut état major, une armée forte est une armée disciplinée et unie autour de valeurs ethiques claires et respectées.

Une fois le film du drame diffusé mondialement, Tsahal avait le choix, fermer les yeux et abandonner toute prétention éthique, ou poursuivre Elor Azria.

La défense d'Elor Azria.

Sa défense a été extrêmement maladroite, il a changé plusieurs fois de version. Il a prétendu qu'il croyait qu'Abd Fatah avait une ceinture d'explosif, ce qui n'était pas vraissemblable. Le film montre des militaires en place avant l'arivée d'Elor, traîner sans méfiance à côté du blessé agonisant. Il aurait affirmé sur le coup que cela faisait un terroriste de moins, en effet à quoi bon soigner à grands frais un arabe qui va recommencer dès qu'il sera guéri ?   

Elor aurait pu s'excuser, plaider son ignorance et sa bonne foi, lorsque la hiérarchie militaire lui a rappelé que l'honneur militaire interdisait d'achever des ennemis blessés et hors d'état de nuire. Il aurait probablement bénéficié de circonstances aténuantes, mais malheureusement, Elor est devenu un symbole autour duquel les israéliens se sont entre déchirés.

Les nationalistes en ont fait leur héro, il obtenu pour les fêtes une autorisation de sortie, et a été fêté par les siens et par toute une fraction de l'opinion.

 

Les Nationalistes attaquent la justice

Cela fait longtemps que le système judiciaire israélien irrite les nationalistes, en effet, le droit israélien impose le respect de certaines règles fondamentales, la défense du droit de propriété pour des terres appartenant à des arabes, ou l'égalité des justiciables, sans discrimination. La justice s'est opposé à toutes sortes d'abus visant les biens palestiniens, elle ne considère pas une promesse biblique comme étant un titre de propriété, et a condamné des attitudes racistes parfois criminelles de certains juifs.

Cette attitude a fortement déplu :

On peut lire des forums : «Le droit et la justice n'ont rien à faire en zone de guerre. »  ou encore : « Quel "homicide" ? il ne s'agit même pas d'une bête informe, il ne peut y avoir "d'homicide" dans cette affaire, c'est juste un acte de bravoure qui mérite une décoration ! »

Il se trouve que la soeur d'une des trois juges ayant jugé Elor Azria, Tali Fahima s'est convertie à l'islam en épousant un arabe qui par la suite a été condamné pour terrorisme (voir Wikipedia). Elle a eu droit à des gentillesse comme ceci : «- IL FAUT LA VIRER ET L'ABATTRE DE SANG FROID ! CETTE ORDURE PLUS QUE JAMAIS FAUT NOS SIGNATURES POUR RÉCUPÉRER NOTRE SOLDAT QUI A AGI EN LÉGITIME DÉFENSE ! COMMENT NETANYAOU NE RÉAGIT IL PAS ??? ».

Devant une telle violence, on a peur que certains passent aux actes : Fait inédit, des gardes du corps protègent les trois juges contre des actions de Juifs

On trouve aussi des rabbins nationalistes, qui n'hésitent pas à écrire sur Torahbox :

« Personnellement (et cela n'implique que moi), je suis d'avis qu'un acte terroriste en Israël revendique l'idéologie de tout un peuple, et même plus, c'est donc une guerre, et on peut, selon la Halakha, tuer ce terroriste (traité Sofrim susmentionné)...   Je ne vous apprends rien si je vous dis que le grand tribunal laïque d'Israël est malheureusement composé d'un grand nombre de gauchistes, qui font tout pour effacer Israël spirituellement et matériellement.    Que D.ieu les ramène sur le droit chemin »    

Les trois juges à l'unanimité ont reconnu Elor Azria coupable d'homicide volontaire,  et le prévenu risque vingt ans de prison. Le verdic est en attente.
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Sur le grand panneau noir et rouge, on peut lire « Chère famille, Beith Shemesh et avec toi, avec amour, accolades et soutien. »

Des risques de mutinerie :

À en croire un commandant de compagnie affecté dans le même bataillon, l'arrestation d'Elor Azria a suscité un tel mécontentement dans les rangs qu'il a redouté «un risque de mutinerie» dans les semaines qui ont suivi l'incident. 
La défiance devant l'état major ethique et les politique devient chaque jour davantage un soucis. Elle est particulièrement importante chez les nationalistes-religieux.
En 2005, Israël avait pu à grand mal évacuer la bande de Gaza et ses huit mille habitants sans violence excessive, mais aujourd'hui des indices inquiétants montrent que certains soldats refuseraient d'obéir, et pourraient même marquer une opposition violente.
Ce climat est une atteinte à la souveraineté de l'État et de l'armée qui ne sont plus considérés comme des autorités légitime par tout le monde.

Ephraïm Halevy, ancien patron du Mossad, voit dans ce procès rien moins qu'un tournant dans l'histoire d'Israël.«Si Azria est reconnu coupable, dit-il, beaucoup de jeunes Israéliens rejoindront la rébellion qui existe déjà sur les collines de Cisjordanie. Et s'il n'est pas condamné, le chef d'état-major devra démissionner. Or il est le dernier rempart avant que l'armée tout entière ne s'engage dans la direction où Lieberman veut l'emmener.»

Les politiques flattent les nationalistes.

Sitôt la vidéo d'Hébron rendue public, le porte-parole de Tsahal annonça l'arrestation d'Elor Azria, et dénonça son attitude comme «une grave violation des valeurs, de la conduite et des standards en matière d'opération militaire». Le ministre de la Défense alors en fonction, Moshe Ya'alon, renchérit peu après: «Même dans des moments de grande colère, nous ne devons pas autoriser de tels comportements

Face à la violence des nationalistes le ministre de la défense Moshé Yaalone a démisionné. Gadi Azencot le chef d'état major est directement menacé : lors du procés, devant le tribunal ou Elor était jugé, la foule a scandé : «Gadi! Gadi! Fais attention! Rabin est à la recherche d'un ami !» en référence à l'assassinat de Rabin en 1995.

La diffusion massive de la vidéo, et les fortes réactions nationalistes ont poussé les dirigeants politiques à prendre position eux aussi. Le bon sens aurait voulu que les dirigeants du pays laissent cette affaire à sa juste place, un soldat a désobéit et sa faute doit être évaluée et jugée sereinement compte tenu des faits, de sa personnalité et des circonstances.

Il n'en a pas été ainsi, Avigdor Lieberman, chef de file du parti Yisrael Beiteinu, prit publiquement sa défense. Benyamin Nétanyahou, qui avait dans un premier temps semblé soutenir ses généraux, décida de témoigner sa solidarité à la famille Azria. «En tant que parent de militaire, je comprends votre détresse» Il a rejoint  Naftali Bennett pour  demander la grâce présidentielle avant même que le tribunal ne se soit prononcé sur la peine finale.

Pour la première fois, des hauts responsables politiques tentent de délégitimer la position du chef de l'armée, pour des raisons strictement politiques, afin de donner un gage aux nationalistes du gouvernement. 

Risques diplomatiques

 

L'Affaire pourrait encore monter plus haut, les parent du combattant palestinien victime d'Elor pourraient porter l'Affaire devant la cour pénale internationale, et sur les forums, les ennemis d'Israël s'excitent, on peut lire des messages de ce genre :

"- Les Palestiniens sont là pour se faire tuer, alors pourquoi cette mascarade de vouloir faire croire qu'il existe une "Justice" et condamner, ou faire semblant, un soldat ? 
Or si justice existe c'est toute cette armée la plus morale qui se retrouve devant le banc des accusés d'actes, que les spécialistes de la pleurniche nomme : génocide, extermination et crime contre l'"humanité.
- L'extermination des palestiniens ne rapporte pas autant que le business des sionistes, voilà tout !"

Ces événements se passent dans une ambiance de fin de regne à Jérusalem, Nethanyahu est poursuivi par la justice et accusé de plusieurs formes de corruption. On est dans l'attente de l'arrivée du nouveau président des États Unis, Donald Trump qui a promis de transférer l'ambasse US à Jérusalem. Mais son futur ministre de la défense, James Mattis, vient d'affirmer que la capitale d'Israël était Tel Aviv cela fait désordre.

Parralèlement à cela, des sondages viennent de montrer que 60 % des électeurs démocrates et 30 % des électeurs républicains seraient plus favorables à la cause palestinienne qu'à Israël, beaucoup de démocrates ne seraient plus opposés à des sanctions économiques contre Israël en raison de sa politique de colonisation.
Cette opinion s'explique aussi par les maladresses de Nethanyahu qui a soutenu ouvertement les républicains dans la dernière campagne électorale. Or le président Trump lui même est dans le colimateur de la justice américaine, et au cas où il serait obligé de démissionner, les démocrates gagneraient sûrement les élections. Israël ne pourrait plus alors compter sur son principal allié. Autre risque, Trump est réputé pour être versatile, s'il jugeait bon pour les États Unis, d'orienter autrement sa politique au Proche Orient, les critères ethiques pourraient être utilisés pour justifier ses éventuels revirements.

Il ne fait aucun doute que le comportement des nationalistes, les altermoiements des dirigeants politiques sont du plus mauvais effet sur l'opinion américaine qui est régulièrement travaillée par les lobbies arabophiles. Le danger est grand pour Israël de perdre un jour ou l'autre le soutien du peuple américain.

L'affaire est loin d'être close.

Michel Lévy

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