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Le gouvernement polonais fait voter une loi qui impose une lecture officielle de son histoire, et punit les voix discordantes, il a mis au pas la justice, et s'est mis au ban de la communauté européenne. Il va décider de rendre quasiment impossible l'abatage rituel ce qui gênera la vie religieuse musulmane ou juive. Ses lois contre l'avortement, son refus d'accepter des réfugiés complètent un tableau qui semble nous dire que gouvernement nationaliste polonais actuel rêve des années 30.
Une loi qui fait des vagues
La Pologne vient de voter une loi qui punit de prison celui qui accuserait le gouvernement polonais, ou le peuple polonais d'être responsable des crimes commis en Pologne par les allemands ou les ukrainiens pendant la seconde guerre mondiale. Il sera donc dangereux de diffuser des études montrant une éventuelle complicité polonaise à ces crimes.
« Quiconque prétend, publiquement et contrairement aux faits, que la nation polonaise ou la République de Pologne est responsable ou coresponsable des crimes nazis commis par le Troisième Reich, ... ou pour d'autres crimes qui constituent des crimes contre la paix, des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre, ou toute autre personne qui diminue de manière flagrante la responsabilité des véritables auteurs desdits crimes – est passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu' à trois ans.
La sentence est rendue publique.
2. Si l'acte visé à la clause 1 est commis involontairement, l'auteur est passible d'une amende ou d'une restriction de liberté.
3. Aucune infraction n'est commise si l'acte criminel visé aux articles 1 et 2 est commis dans le cadre de l'activité artistique ou académique.
Article 55b. Indépendamment de la réglementation en vigueur sur le lieu d'exécution de l'infraction pénale, la présente loi s'applique aux citoyens polonais et étrangers en cas de commission des infractions visées aux articles 55 et 55a ».
Qui est justifiée pour le gouvernement polonais
Pour le gouvernement polonais, ce texte rétablit des vérités historiques incontestables, et interdit des calomnies.
- Il est interdit d'accuser la Pologne des crimes commis par les allemands ou les ukrainiens. Il n'a jamais existé de camp d'extermination polonais, mais il a existé des camps allemands bâtis en Pologne. Celui qui parlerait du camps polonais d'Auschwitz par exemple mentirait et insulterait la Pologne, pour cela, il serait puni par la loi.
- L'ambassade de Pologne à Paris (voir annexe) explicite le texte : on ne peut accuser le gouvernement polonais de l'époque de quoi que ce soit, vu qu'il était dissout, et que les autorités clandestines et sans pouvoir ont tenté en vain d'alerter le monde sur les horreurs commises par les allemands.
Le peuple polonais n'a pas eu son mot à dire dans ces atrocités, et ne peut pas être considéré comme coupable.
Accuser un gouvernement qui n'existait pas, ou un peuple lui même victime n'est pas admissible. Il faut rappeler que la Pologne a perdue 6,2 milions d'habitants pendant la guerre, dont 3,2 millions de juif.
- Le gouvernement allemand reconnait la pleine et exclusive responsabilité de l'Allemagne nazie dans la décision d'exterminer tous les juifs de Pologne.
- La Pologne souligne qu'aucun autre pays n'a eu autant de justes reconnus par Yad Vashem en Israël, plus de 8000 héros, qui ont bravé la loi allemande qui punissait de mort quiconque aidait les juifs.
Et rejetée dans les milieux juifs
Les milieux juifs rappellent des événements où la population polonaise a été coupable.
- Si personne ne conteste la responsabilité nazie, ni le fait que les camps étaient effectivement des camps allemands, tout le monde pointe du doigt l'antisémitisme ultra violent qui régnait à l'époque en Pologne, et on rappelle deux événements tragiques :
- Jedwabne, où en 1941 la populace a maltraité toute la population juive :
« Le 10 juillet 1941, 1 500 Juifs - quasiment toute la communauté de la petite ville (à majorité juive) - ont été traînés sur la place du marché, battus et certains tués, obligés d'arracher les herbes entre les pavés en chantant «la guerre est à cause de nous» et de porter la statue de Lénine déboulonnée, symbole honni laissé par l'armée Rouge. Puis, poussés par des Polonais équipés de pieux, de bâtons et de couteaux, le rabbin, et une quarantaine de personnes ont été conduits dans une grange à laquelle on a mis le feu et ont péri brûlés vifs. » .
Toutefois, Jedwabne était avant 1941 occupée par les soviétiques, et les juifs avaient collaboré avec eux pour combattre les nazis, la victoire allemande les a fragilisé dans l'opinion, les allemands étaient présents et ont filmé le pogrom, et on peut penser qu'ils en étaient les vrais instigateurs, ils auraient pu diffuser l'idée que les juifs étaient des traitres, afin de justifier leurs futures exactions.
- Kielce où en 1946, 200 survivants juifs originaires de Kielce ou réfugiés d'URSS et hébergés dans quelques bâtiments ont été attaqués par la foule, et quarante deux d'entre eux assassinés, dont des femmes et des enfants.
Ici aussi les circonstances sont troubles, et certains accusent les soviétiques d'avoir manipulé la foule pour discréditer les nationalistes polonais. Tous les documents écrits qui auraient pu servir de preuve ont été brûlés suite à des incendies mystérieux.
- Israël reconnait quand même qu'il y a eu en Pologne plus de 8000 justes qui ont cachés des juifs, ils ne les ont pas cachés des allemands qui n'étaient pas partout, mais des polonais qui risquaient de les dénoncer.
- En Israël il y a eu sur enchère politicienne pour condamner la Pologne, par exemple, Yaïr Lapid qui rêve d'être premier ministre à la place du premier ministre, a provoqué une petite "guerre des twitts" avec l'ambassade de Pologne en Israël. Sur son compte Twitter, le président de Yesh Atid a écrit: "Je dénonce avec la plus grande vigueur cette proposition de loi qui minimise la responsabilité de la Pologne dans les crimes de la Shoah. La Shoah a été organisée depuis l'Allemagne mais des centaines de milliers de Juifs ont été assassinés sans avoir rencontré un seul soldat allemand. Il y avait des camps de concentration polonais et personne ne pourra le nier"
Pour les historiens, elle menace la liberté de penser
Cette loi apparaît dangereuse pour les historiens, elle prévoit que n'importe quelle association patriotique pourrait se sentir humiliée, et porter plainte si un article de presse montrait par exemple, que pendant la guerre, les polonais auraient systématiquement livré les fuyards juifs aux autorités allemandes. Pourtant, en principe, les travaux universitaire resteraient en dehors de la loi, mais à quoi serviraient ces travaux s'il était interdit de les diffuser ?
Elle apparaît en 2018, alors que des mesures comparables sont promues dans d'autres pays où la liberté de penser est sérieusement compromise. Dans tous ces pays la poussée nationaliste fait que les historiens sont priés de se plier à l'histoire officielle, sous peine de prison, que ce soit en Turquie, en Russie, en Ukraine ou en Hongrie.
La Pologne semble retrouver ses vieux démons totalitaires
Cette loi survient dans une période où l'antisémitisme se porte bien, où beaucoup de Polonais se donnent bonne conscience en s'auto-convainquant que les juifs avaient bien mérité leur destin tragique.
On sait que ce gouvernement s'est aussi prononcé contre l'avortement, ce qui a donné lieu à d'immenses manifestations de femmes à Varsovie. Le texte envoyé en commission, déposé fin novembre 2017 par le comité Stop Avortement, doit interdire «l'avortement eugénique», décidé en raison d'une malformation du fœtus constatée grâce à un examen prénatal. Si cet amendement à la loi actuelle - fruit d'un compromis laborieusement atteint en 1993 - est voté, l'IVG ne sera plus autorisée que dans deux cas : risque pour la vie ou la santé de la mère et grossesse résultant d'un viol ou d'un inceste.
On sait Qu'il est euro sceptique, et qu'il refuse de faire preuve de charité envers les victimes des guerres en orient, il n'accepte pas de recevoir même en quantité très limité le quota de réfugiés fuyant la guerre en Syrie que la communauté européenne lui demande d'accepter.
Le 20 décembre 2017 la commission européenne, après des mois de mises en garde, a déclenché, une procédure sans précédent contre le gouvernement polonais, resté sourd aux demandes d'infléchir ses réformes judiciaires controversées.
«Les réformes judiciaires en Pologne signifient que la justice du pays est désormais sous le contrôle politique de la majorité au pouvoir. En absence d'indépendance judiciaire, de graves questions sont soulevées quant à l'application effective du droit européen. »
Pour couronner le tout, le parlement polonais, vient de prendre des mesures pour la protection animale, qui exige que l'animal soit sur ses pattes lorsqu'il est abattu. Cette position rend impossible l'abattage rituel juif, car pour d'éviter toute souffrance à l'animal, le sacrificateur doit donner la mort instantanément, ce qui ne serait pas possible avec les règles que la Pologne souhaite imposer.
L
es défenseurs des animaux en Pologne n'ont jamais fait d'études sérieuses sur ce sujet, la souffrance animale ne se résume pas à leur mort, et il n'existe aucune preuve que l'abatage rituel juif, qui est artisanal, soit plus douloureux pour la bête que l'abatage industriel et inhumain préconisé.
Ce type de règlement a surtout pour but d'empêcher toute vie cultuelle juive et musulmane en Pologne.
C'est une mesure visant à empêcher la vie religieuse musulmane et juive, c'est dans ce sens que la communauté juive va porter plainte auprès de la communauté européenne.
Il faut rester patient, la Pologne s'ouvrira.
La loi sur l'interdiction de diffuser des messages non conforme à l'histoire officielle du pays est un mauvais signe dans un pays gouverné par des gens qui en émettent beaucoup de signes dont certains sont beaucoup plus inquiétants.
Cette loi n'est donc qu'une partie du problème.
L'antisémitisme reste très vivace en Pologne, et l'hostilité aux musulmans n'y est pas un mythe, avoir peur des autres est banal dans les pays fermés et repliés sur eux même. Le repli polonais s'explique par l' histoire tragique du pays, ses deux grands voisins ont tenté de l'annihilé. Si elle est très catholique, c'est pour se protéger de la Prusse protestante, et de la Russie orthodoxe.
Il faut lui laisser le temps de s'ouvrir aux autres pour que ses mauvais génies soient chassés. Malheureusement, l'équipe dirigeante actuelle freine l'évolution de la Pologne, et l'enferme dans un vieux carcan.
C'est un retour aux années 30, et on sait que ce n'était pas les trente glorieuses.
Michel Lévy
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